Différences entre les versions de « Les entreprises du Logiciel Libre en AURA et en France - Ploss-RA »

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==Je paie quoi ?==
 
==Je paie quoi ?==
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Finalement, quand je prends un logiciel libre, qu’est-ce que je paye ?<br/>
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Comme je disais, on va payer des prestations d’installation, de formation, d’adaptation, ça peut être du développement.<br/>
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Très souvent, et c’est vraiment le métier de base, c’est du support. C’est effectivement bien beau d’avoir un logiciel libre, maintenant si j’ai un bug, que ce logiciel est au cœur de mon activité, que je suis planté, si je ne suis pas développeur, si je ne sais pas comment marche le logiciel, je vais être bien embêté. Donc effectivement, beaucoup de prestataires autour du logiciel libre proposent des contrats de support, c’est de l’assurance software, de l’assurance anti-bug, on peut lui donner plein de noms, qui va consister à dire « Monsieur le client, ne vous inquiétez pas. Si vous avez un problème, vous m’appelez ou vous ouvrez une demande de support, etc., et je m’engage à corriger le problème, à le résoudre, trouver un contournement, etc. C’est vraiment l’activité historique autour des logiciels libres.<br/>
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De l’hébergement parce que, effectivement, de plus en plus de logiciels, aujourd’hui, sont des logiciels qu’on va utiliser avec un navigateur, des logiciels qu’on va avoir en ligne, donc, bien entendu, la mise à disposition d’infrastructures résilientes, sauvegardées, sécurisées, etc., c’est un métier, donc beaucoup d’entreprises, aujourd’hui, font appel à des prestataires pour héberger leurs logiciels libres sur des plateformes.
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Qu’est-ce qu’on va me demander de payer ? On va parfois me demander de payer des contributions : j’ai un logiciel libre, il me va bien, sauf qu’il y a là une petite fonctionnalité, j’aimerais qu’on la fasse un petit peu évoluer pour qu’elle cale mieux à mes besoins. Là, effectivement, mon prestataire va me dire « il faut tant de jours pour faire cette évolution ». Un point important, quand vous utilisez des logiciels libres, si c’est une modification du logiciel libre en tant que tel, pensez à exiger du prestataire le reversement, bien entendu, de ce code au projet. C’est dans votre intérêt, parce que, sinon, vous allez vous retrouver avec une version spécifique du logiciel libre et vous perdrez la fonctionnalité ou il faudra la refaire à la prochaine montée de version. C’est donc un point important pour vous, utilisateur : demandez toujours, quand il y a des modifications de logiciels libres que vous financez, que ça soit, bien entendu, reversé et intégré dans le projet.<br/>
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D’une certaine façon, vous allez payer une contribution, vous allez financer l’évolution d’un logiciel. Ce n’est pas toujours simple à faire comprendre aux entreprises : « Vous allez payer pour tous les autres. La fonction que vous allez développer là sera dans le logiciel et tous les autres vont en bénéficier. – Ah bon ! – Eh bien oui, c’est le jeu, mais pensez à toutes les autres fonctionnalités dont vous bénéficiez aujourd’hui et que, quelque part, vous n’avez pas payées. » Ça s’explique bien, en général on y arrive !<br/>
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En fait, ce qu’on va payer dans tout cela, c’est effectivement du service. Encore une fois, c’est le modèle de base du logiciel libre et des acteurs de service autour du logiciel libre.
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==Communautaire/Entreprise==
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Il y a quand même parfois des droits d’usage. J’aime bien faire ce petit zoom pour que les utilisateurs soient bien informés de ce qu’on trouve, parce que quand vous avez affaire à des prestataires informatiques, il y a du commercial, il y a du marketing. Vous allez parfois entendre parler de versions : « il y a un logiciel disponible en version communautaire et en version entreprise. Ne vous inquiétez pas, vous prenez la version entreprise, c’est du logiciel <em>open source</em> ». Il y a là, je dirais, une vigilance à avoir, il va falloir creuser un petit peu pour savoir ce que vous achetez réellement. Quand on parle de « logiciel communautaire », un logiciel communautaire est quelque part en ligne, vous pouvez le télécharger l’installer, l’utiliser, on ne va rien vous demander. Par contre vous le faites, comme on dit, à vos risques et périls. S’il y a un bug, si ça ne marche pas comme vous voulez, soit vous avez les compétences, vous êtes en capacité de faire l’évolution qui va bien sur le logiciel, soit vous allez devoir faire appel à un prestataire, et, en général, ça va être payant. Dans un logiciel communautaire, en général l’intégralité du code source est placée sous une licence libre.<br/>
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Quand on parle de « version entreprise, premium », ça a plein de noms quand on regarde un peu les offres diverses et variées, cette définition-là va être variable un petit peu en fonction des gens qu’on a en face. Pour certains, la version entreprise, c’est juste la version communautaire avec du support. En fait, c’est une façon de donner un nom à une offre commerciale qui inclut le logiciel et du support. En fait, ce que vous payez, ce n’est pas le logiciel, c’est le support, ça revient à prendre un contrat de maintenance. Certains appellent ça une version entreprise, mais on reste sur un code, un socle qui reste 100 % libre.<br/>
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Dans d’autres cas, on va avoir un socle qui reste en partie – donc j’ai mis xx %, la proportion peut varier –, sous licence libre et, autour de ce socle-là, on a des extensions qui elles, potentiellement, ne le sont pas. Ce que vous allez payer dans cette version entreprise, c’est, en fait, l’accès à ces extensions qui ne sont pas <em>open source</em>, qui apportent des fonctionnalités qui peuvent vous être potentiellement utiles et puis, effectivement, toujours la dimension support. À support je pourrais rajouter aussi hébergement ; aujourd’hui ça va souvent dans le package. Donc, là, on est sur un logiciel tout d’un coup un petit peu moins libre. Ça veut dire qu’en gros, si vous arrêtez de payer l’abonnement ou le contrat de maintenance, vous perdez, potentiellement, l’accès aux extensions non <em>open source</em>. Ça veut dire, en termes de réversibilité – réversibilité, c’est un gros mot mais qui est important, c’est : que se passe-t-il si je veux quitter mon prestataire ? Qu’est-ce que je récupère ? Si vous avez des logiciels type Salesforce ou autres, on sait que la réversibilité est proche de zéro. C’est-à-dire que si j’arrête de payer de service, je perds les fonctionnalités, mais quasiment aussi, à quelques exports près non structurés et peu exploitables, toutes mes données.<br/>
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Avec le logiciel libre, cette notion de réversibilité existe, puisque normalement, si je suis sur un logiciel 100 % libre, je peux, en quittant mon prestataire, lui demander de me restituer – il faut que cela soit prévu dès le début, dans le contrat que vous passez avec le prestataire – l’intégralité du code source et des données du logiciel, de façon à ce que je puisse prendre ce logiciel et le réinstaller ailleurs et je ne perds ni mes données ni mes fonctionnalités. Cela est possible pour autant que je sois sur une solution 100 % <em>open source</em>. Quand on commence à aller vers des modèles où, effectivement, on a des extensions qui ne le sont pas, ça veut dire que la réversibilité s’affaiblit, c’est-à-dire que, potentiellement, on va perdre des fonctionnalités et peut-être quelques données, si jamais on veut récupérer le logiciel chez soi.<br/>
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Et puis on a aussi, et là c’est le danger, des logiciels, quand on passe sur la version entreprise, où c’est la bulle : on passe sur une version propriétaire, je ne citerai pas de noms. Là, effectivement, réversibilité zéro des données, des fonctionnalités.<br/>
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Donc soyez très méfiant. C’est quand même souvent l’apanage d’éditeurs de logiciels libres qui proposent une version communautaire et une version entreprise. Il faut tout de suite regarder ce qui se cache derrière ça, quelle est la proportion de libre, pas libre, et ce qui se passe si on veut récupérer le logiciel et ne plus dépendre de ce prestataire.<br/>
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C’est un petit focus que j’aime bien faire parce que, comme on dit, <em>un utilisateur averti en vaut deux</em>. C’est éventuellement un point d’attention, si vous ne voulez pas vous faire piéger par certains éditeurs qui, aujourd’hui, font clairement de l’<em><em>open source washing</em> comme ça : « Oui, j’ai une version communautaire, c’est de l'<em>open source</em>, il manque tellement de choses dedans que vous ne pourrez pas l’utiliser. Il faut ma version entreprise, prenez ma version entreprise », sauf que vous basculez tout d’un coup sur un logiciel propriétaire et c’est dommage !<br/>
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Voilà un peu les modèles économiques qui zooment sur les pièges.
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==Conseil National du Logiciel libre==

Version du 5 avril 2024 à 06:54


Titre : Les entreprises du Logiciel Libre en AURA et en France - Ploss-RA

Intervenant·e·s : Philippe Scoffon

Lieu : Lyon - Journées du Logiciel libre 2023

Date : 2 avril 2023

Durée : 49 min 07

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Les entreprises du Logiciel Libre en AURA représentées par le Ploss-RA et leurs modèles économiques. Présentation des résultate de l'étude 2022 du CNLL sur la filière du logiciel libre et de l'open source.

Transcription

Bonjour. On va attaquer. Merci d’être venus à cette présentation.
Je vais vous parler un peu de l’écosystème des professionnels du logiciel libre et de l'open source dans notre région.
Je suis Philippe Scoffoni, je suis le président d’une association qui s’appelle le PlOSS Rhône-Alpes, une association qui regroupe les professionnels du logiciel libre et de l'open source en Auvergne-Rhône-Alpes, tout simplement, c’est l’acronyme. Elle représente un ensemble d’entreprises, on va avoir un petit peu, on va parler de ça. Je vais vous présenter rapidement l’association, ses actions, un petit focus sur les modèles économiques qui sont ceux qui sont les nôtres, entreprises du logiciel libre, et puis une revue d’une étude qui est faite, tous les ans, par le Conseil national du logiciel libre, qui permet d’avoir une idée de ce que représente aujourd’hui le numérique libre dans le monde économique, en France et en Europe. Trois grosses parties.

Ploss-RA

Le PLOSS Rhône-Alpes, une association qui existe, maintenant, depuis un peu plus d’une dizaine d’années, qui a pour objectif de réunir des entreprises qui sont en général plutôt ce qu’on appelle des plus des pure players, c’est-à-dire des entreprises qui ont à peu près, je dirais, 100 % de leur activité qui est organisée, centrée, autour du logiciel libre. Ces entreprises ont donc fait le choix de se regrouper au travers d’une association pour essayer de porter un peu la filière dans notre région. C’est le pourquoi de l’existence de cette association.
Aujourd’hui, ce sont à peu près 35 entreprises, de tailles diverses et variées, ça va de la micro-entreprise à des structures bien plus grosses comme Smile ou Alterway, où, là, on compte plusieurs centaines de salariés. Là, c’est uniquement leur représentation locale, on va dire, qui adhère au PLOSS Rhône-Alpes. On va porter un certain nombre d’actions locales, toujours pareil, sur trois axes principaux : un premier axe qui va être tout ce qui touche à l’éducation, la formation, puisque pour nous, entreprises, Scops et autres, un des freins, souvent, c’est de trouver les ressources et les compétences dont on a besoin pour développer notre activité. Donc, un de nos axes d’action c’est effectivement d’essayer d’aller voir les formations, les universités notamment, pour les inciter à effectivement intégrer le plus possible le logiciel libre dans les cursus de formation des étudiants. Je prends mon cas, puisque je fais du logiciel de gestion d’entreprise, il y a une licence pro ERP [Enterprise Ressource Planning, ils sont formés à Cegid, à des logiciels propriétaires, à BusinessObjects, etc. Je suis très content, cette année, puisqu’on va former les étudiants à un outil de reporting open source qui s’appelle Metabase. On essaye donc de pousser, de porter la bonne parole, j’interviens pour leur expliquer qu’il y a des ERP open source. J’ai une demi-journée d’intervention, je leur explique les modèles et pourquoi, etc., ils n’entendront plus jamais parler d’ERP open source après, dans leur formation, bon, c’est comme ça, mais ça permet de mettre un pied.
On essaye d’avoir des actions comme cela dans les licences de communication au niveau de l’université de Lyon 2. Sur la partie communication, il y a une filiale, la licence CoLibre notamment, formation de chef de projet en communication avec des logiciels libres, une toute petite section qu’on défend ardemment. Nous sommes au CA de l’université Lyon 2, sur la partie communication, pour essayer qu’ils n’achètent pas que des Mac, mais c’est compliqué.
Donc un volet éducation.
On participe au Campus du Libre, ils sont par là, qui aura lieu en fin d’année.
On a des actions auprès des acteurs du secteur public. À l’origine, c’était déjà pour faire respecter le code des marchés publics, pour que, effectivement, on soit en mesure de répondre à des appels d’offres qui ne soient pas fermés. Pendant plusieurs années, on a eu une grosse action sur ce volet-là pour leur dire « votre appel d’offres est fermé, vous voulez du Microsoft, mais il faut ouvrir un peu, donc, vous devez être vous devez rajouter, dans votre appel d’offres « ou équivalent », sinon vous nous empêchez de répondre à votre appel d’offres, ce qui était illégal. » Aujourd’hui, c’est moins problématique. Le secteur public, maintenant, a quand même commencé un peu à sa transition vers le logiciel libre, même si ce n’est pas gagné, ça reste quand même plus simple de répondre à des appels d’offres dans ce domaine-là.
Donc un travail auprès des acteurs du secteur public, institutionnel, pour défendre notre filière, encore une fois, du logiciel libre. Et puis dans le business, puisque nous restons des entreprises, il faut donc qu’on vende des prestations, qu’on trouve des clients, etc. On va donc essayer de travailler effectivement de façon collective, de monter des actions – je parlerai notamment d’une à la fin, vous serez tous bien évidemment conviés – pour, quelque part, chasser en meute, si je peux utiliser ce terme-là. On utilise aussi un autre terme qui est « coopétition », coopération-compétition, et nous avons été amenés, notamment sur des gros projets dans le secteur public, à répondre de manière collective, c’est-à-dire à cinq/six prestataires avec chacun nos compétences, dans un domaine, pour répondre et adresser des gros projets : un projet qui s’appelle Territoire Numériques Ouvert, qui était porté par un syndicat qui s’appelle le SITIV, qui regroupe plusieurs communes et qui, aujourd’hui, essaye de fédérer la métropole et la ville de Lyon autour d’une plateforme collaborative basée sur des logiciels libres, Nextcloud, Jitsi, LemonLDAP, etc. Donc, en s’y mettant à plusieurs, on est plus fort, forcément.
Ce sont les trois principaux axes d’action de notre association aujourd’hui avec ses membres.

Ploss Auvergne-Rhône-Alpes, pour qui ?

Pourquoi qui ? Comme je disais, tous les secteurs d’activité. On va s’adresser aux entreprises, bien sûr, aux associations, aux coopératives, le secteur public – villes, communautés.
Nos membres travaillent avec tout ce panel d’acteurs de la vie économique, aujourd’hui en France, il n’y a pas de « limites », entre guillemets, des gens avec qui on est capable de travailler.

Naissance de l’économie du Libre

Un petit focus sur la façon dont, aujourd’hui, nous gagnons notre vie en tant que prestataires dans le monde du service informatique.
On travaille avec des logiciels libres. N’importe qui peut prendre un logiciel libre, le télécharger, l’utiliser. Soit ! Du coup, on ne va jamais vendre de licences, on ne peut pas vendre des licences ni des droits d’utilisation, en général.
Quand on parle d’économie, ce qui rend, ce qui donne de la valeur à quelque chose, c’est souvent sa rareté. L’air que je respire, à priori, n’est pas rare, donc on ne me le fait pas payer, pour l’instant, ça viendra peut-être, mais bon ! Voilà un exemple de chose non rare donc, entre guillemets, on a l’impression qu’elle n'a pas de coût.
En fait, le logiciel libre casse cette rareté artificielle qui est créée sur les logiciels, avec le droit de copie. Pour avoir le droit d’utiliser Word, il faut que je l’achète parce que je n’ai pas le droit de le copier, je dois payer un droit d’utilisation. Le logiciel libre casse cette logique-là et va permettre, du coup, de forcer, quelque part, la mise en valeur d’autres raretés. Cette rareté serait notamment, souvent, la compétence que vont avoir des individus à installer, configurer, paramétrer, étendre les fonctionnalités d’un logiciel libre.
Donc, quelque part, le modèle du logiciel libre est un modèle dit de services, c’est-à-dire que ce que je vais vendre, la plupart du temps, c’est du service, je vais vendre mes compétences. Quelque part, c’est un modèle qui a un peu la vertu de remettre un peu l’individu au centre de l’échiquier économique.

Les acteurs économiques

Tous ceux qui veulent faire une activité économique autour du logiciel libre vont s’organiser avec des modalités de fonctionnement qui, finalement, sont assez peu différentes de ce qui existe, je dirais de façon traditionnelle, dans le logiciel propriétaire. Parmi ces acteurs-là, on va retrouver des sociétés de services, c’est le gros des troupes, ce sont des sociétés qui proposent des prestations pour la mise en place de logiciels libres, pour le développement autour de logiciels libres, pour le support, pour l’hébergement, etc. Là, on est vraiment dans l’activité de services traditionnelle, somme toute, il n’y a pas une grosse une innovation là-dessus, proposer du support aussi.
On va avoir aussi dans le logiciel libre, même si ça pourrait paraître contre-intuitif, des éditeurs, c’est-à-dire des sociétés qui vont dire « je vais faire un logiciel que je vais le mettre sous licence libre ». On pourrait dire « tu es fou, tu ne vas jamais en vendre un ! – Oui, mais je vais vendre d’autres choses autour. » Je vais vendre quoi ? Je vais vendre ma compétence technique, ma maîtrise de l’outil, ma capacité à le maintenir, à le faire évoluer, à définir une roadmap parce que je connais très bien le domaine fonctionnel de cet outil, je suis une pointure sur ces aspects-là. Et puis, autour de ça, développer un modèle économique où je vais vendre effectivement du support, peut-être mettre en place un réseau d’intégrateurs et ces intégrateurs quand ils vont, pareil, installer le logiciel chez leurs clients, vont me reverser une quote-part de ce support, ce qui va me permettre de financer ma R&D, etc.
Donc le modèle d’éditeur, dans les sociétés qui font du logiciel libre, existe, il y en a beaucoup, avec une petite subtilité sur laquelle il faut être un peu vigilant en tant qu’utilisateur. Je ferai un petit zoom dessus.
Et puis, bien sûr, tous les utilisateurs, d’une manière générale, et les communautés d’utilisateurs, au sens large, sont des acteurs importants. Dans le domaine du secteur public, on a notamment des associations comme l’ADULLACT [Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales] qui regroupe les utilisateurs, les collectivités du secteur public, qui se regroupent pour mutualiser leurs demandes, faire développer des logiciels qui correspondent à des besoins qu’elles ont toutes : toutes les villes ont besoin de gérer un cimetière, besoin de gérer de l’eau, besoin de gérer des places de parking, des crèches, des écoles, des bibliothèques, etc. On a donc aussi, comme ça, des communautés d’utilisateurs qui peuvent avoir un poids très significatif pour faire évoluer, développer du logiciel libre, pour que, quelque part, si on parle du secteur public, on ne dépense l’argent public qu’une fois pour une chose. D’accord !
Voilà un peu tous les acteurs qu’on va retrouver.

Je paie quoi ?

Finalement, quand je prends un logiciel libre, qu’est-ce que je paye ?
Comme je disais, on va payer des prestations d’installation, de formation, d’adaptation, ça peut être du développement.
Très souvent, et c’est vraiment le métier de base, c’est du support. C’est effectivement bien beau d’avoir un logiciel libre, maintenant si j’ai un bug, que ce logiciel est au cœur de mon activité, que je suis planté, si je ne suis pas développeur, si je ne sais pas comment marche le logiciel, je vais être bien embêté. Donc effectivement, beaucoup de prestataires autour du logiciel libre proposent des contrats de support, c’est de l’assurance software, de l’assurance anti-bug, on peut lui donner plein de noms, qui va consister à dire « Monsieur le client, ne vous inquiétez pas. Si vous avez un problème, vous m’appelez ou vous ouvrez une demande de support, etc., et je m’engage à corriger le problème, à le résoudre, trouver un contournement, etc. C’est vraiment l’activité historique autour des logiciels libres.
De l’hébergement parce que, effectivement, de plus en plus de logiciels, aujourd’hui, sont des logiciels qu’on va utiliser avec un navigateur, des logiciels qu’on va avoir en ligne, donc, bien entendu, la mise à disposition d’infrastructures résilientes, sauvegardées, sécurisées, etc., c’est un métier, donc beaucoup d’entreprises, aujourd’hui, font appel à des prestataires pour héberger leurs logiciels libres sur des plateformes.

Qu’est-ce qu’on va me demander de payer ? On va parfois me demander de payer des contributions : j’ai un logiciel libre, il me va bien, sauf qu’il y a là une petite fonctionnalité, j’aimerais qu’on la fasse un petit peu évoluer pour qu’elle cale mieux à mes besoins. Là, effectivement, mon prestataire va me dire « il faut tant de jours pour faire cette évolution ». Un point important, quand vous utilisez des logiciels libres, si c’est une modification du logiciel libre en tant que tel, pensez à exiger du prestataire le reversement, bien entendu, de ce code au projet. C’est dans votre intérêt, parce que, sinon, vous allez vous retrouver avec une version spécifique du logiciel libre et vous perdrez la fonctionnalité ou il faudra la refaire à la prochaine montée de version. C’est donc un point important pour vous, utilisateur : demandez toujours, quand il y a des modifications de logiciels libres que vous financez, que ça soit, bien entendu, reversé et intégré dans le projet.
D’une certaine façon, vous allez payer une contribution, vous allez financer l’évolution d’un logiciel. Ce n’est pas toujours simple à faire comprendre aux entreprises : « Vous allez payer pour tous les autres. La fonction que vous allez développer là sera dans le logiciel et tous les autres vont en bénéficier. – Ah bon ! – Eh bien oui, c’est le jeu, mais pensez à toutes les autres fonctionnalités dont vous bénéficiez aujourd’hui et que, quelque part, vous n’avez pas payées. » Ça s’explique bien, en général on y arrive !
En fait, ce qu’on va payer dans tout cela, c’est effectivement du service. Encore une fois, c’est le modèle de base du logiciel libre et des acteurs de service autour du logiciel libre.

Communautaire/Entreprise

Il y a quand même parfois des droits d’usage. J’aime bien faire ce petit zoom pour que les utilisateurs soient bien informés de ce qu’on trouve, parce que quand vous avez affaire à des prestataires informatiques, il y a du commercial, il y a du marketing. Vous allez parfois entendre parler de versions : « il y a un logiciel disponible en version communautaire et en version entreprise. Ne vous inquiétez pas, vous prenez la version entreprise, c’est du logiciel open source ». Il y a là, je dirais, une vigilance à avoir, il va falloir creuser un petit peu pour savoir ce que vous achetez réellement. Quand on parle de « logiciel communautaire », un logiciel communautaire est quelque part en ligne, vous pouvez le télécharger l’installer, l’utiliser, on ne va rien vous demander. Par contre vous le faites, comme on dit, à vos risques et périls. S’il y a un bug, si ça ne marche pas comme vous voulez, soit vous avez les compétences, vous êtes en capacité de faire l’évolution qui va bien sur le logiciel, soit vous allez devoir faire appel à un prestataire, et, en général, ça va être payant. Dans un logiciel communautaire, en général l’intégralité du code source est placée sous une licence libre.
Quand on parle de « version entreprise, premium », ça a plein de noms quand on regarde un peu les offres diverses et variées, cette définition-là va être variable un petit peu en fonction des gens qu’on a en face. Pour certains, la version entreprise, c’est juste la version communautaire avec du support. En fait, c’est une façon de donner un nom à une offre commerciale qui inclut le logiciel et du support. En fait, ce que vous payez, ce n’est pas le logiciel, c’est le support, ça revient à prendre un contrat de maintenance. Certains appellent ça une version entreprise, mais on reste sur un code, un socle qui reste 100 % libre.
Dans d’autres cas, on va avoir un socle qui reste en partie – donc j’ai mis xx %, la proportion peut varier –, sous licence libre et, autour de ce socle-là, on a des extensions qui elles, potentiellement, ne le sont pas. Ce que vous allez payer dans cette version entreprise, c’est, en fait, l’accès à ces extensions qui ne sont pas open source, qui apportent des fonctionnalités qui peuvent vous être potentiellement utiles et puis, effectivement, toujours la dimension support. À support je pourrais rajouter aussi hébergement ; aujourd’hui ça va souvent dans le package. Donc, là, on est sur un logiciel tout d’un coup un petit peu moins libre. Ça veut dire qu’en gros, si vous arrêtez de payer l’abonnement ou le contrat de maintenance, vous perdez, potentiellement, l’accès aux extensions non open source. Ça veut dire, en termes de réversibilité – réversibilité, c’est un gros mot mais qui est important, c’est : que se passe-t-il si je veux quitter mon prestataire ? Qu’est-ce que je récupère ? Si vous avez des logiciels type Salesforce ou autres, on sait que la réversibilité est proche de zéro. C’est-à-dire que si j’arrête de payer de service, je perds les fonctionnalités, mais quasiment aussi, à quelques exports près non structurés et peu exploitables, toutes mes données.
Avec le logiciel libre, cette notion de réversibilité existe, puisque normalement, si je suis sur un logiciel 100 % libre, je peux, en quittant mon prestataire, lui demander de me restituer – il faut que cela soit prévu dès le début, dans le contrat que vous passez avec le prestataire – l’intégralité du code source et des données du logiciel, de façon à ce que je puisse prendre ce logiciel et le réinstaller ailleurs et je ne perds ni mes données ni mes fonctionnalités. Cela est possible pour autant que je sois sur une solution 100 % open source. Quand on commence à aller vers des modèles où, effectivement, on a des extensions qui ne le sont pas, ça veut dire que la réversibilité s’affaiblit, c’est-à-dire que, potentiellement, on va perdre des fonctionnalités et peut-être quelques données, si jamais on veut récupérer le logiciel chez soi.
Et puis on a aussi, et là c’est le danger, des logiciels, quand on passe sur la version entreprise, où c’est la bulle : on passe sur une version propriétaire, je ne citerai pas de noms. Là, effectivement, réversibilité zéro des données, des fonctionnalités.
Donc soyez très méfiant. C’est quand même souvent l’apanage d’éditeurs de logiciels libres qui proposent une version communautaire et une version entreprise. Il faut tout de suite regarder ce qui se cache derrière ça, quelle est la proportion de libre, pas libre, et ce qui se passe si on veut récupérer le logiciel et ne plus dépendre de ce prestataire.
C’est un petit focus que j’aime bien faire parce que, comme on dit, un utilisateur averti en vaut deux. C’est éventuellement un point d’attention, si vous ne voulez pas vous faire piéger par certains éditeurs qui, aujourd’hui, font clairement de l’open source washing comme ça : « Oui, j’ai une version communautaire, c’est de l'open source, il manque tellement de choses dedans que vous ne pourrez pas l’utiliser. Il faut ma version entreprise, prenez ma version entreprise », sauf que vous basculez tout d’un coup sur un logiciel propriétaire et c’est dommage !
Voilà un peu les modèles économiques qui zooment sur les pièges.

Conseil National du Logiciel libre