Différences entre les versions de « Les ambitions numérique et cyber de la présidence française de l’UE 2022 »

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'''Titre :''' Table Ronde : Les ambitions numérique et cyber de la Présidence Française de l’UE 2022
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Publié [https://www.librealire.org/les-ambitions-numerique-et-cyber-de-la-presidence-francaise-de-l-ue-2022 ici] - Janvier 2022
 
 
'''Intervenant·e·s''' Philippe Latombe - Tariq Krim - Mélanie Benard-Crozat
 
 
 
'''Lieu :'''  Assises de la cyber 2021 - Principauté de Monaco
 
 
 
'''Date :'''  15 octobre 2021
 
 
 
'''Durée :''' 53 min 20
 
 
'''[https://www.youtube.com/watch?v=AD03P28yqc4&list=PLwH6mHupdudXYSZ0L6e5MWTP1YELnqoMj&index=20&ab_channel=LesAssisesdelacyber Vidéo de la table ronde]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :''' À prévoir
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
Transcrit MO
 
 
 
==Description==
 
 
 
Alors que la France prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne, quelle place pour la régulation du numérique, l’émergence d’une souveraineté technologique et industrielle, la création d’un marché européen, la lutte contre le cyberharcèlement et les <em>fake news</em> ?
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Mélanie Benard-Crozat : </b>Mesdames et Messieurs merci beaucoup à chacun de vous de nous avoir rejoints pour cette session dédiée aux ambitions numériques et cyber de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui débutera donc en janvier pour six mois, plutôt trois mois dans les faits avec les élections présidentielles et législatives qui vont tronquer un petit peu cette présidence. Néanmoins beaucoup de sujets, évidemment, à aborder. La question de la régulation du numérique évidemment, l’émergence d’une souveraineté qu’elle soit numérique, évidemment, mais surtout nationale, européenne, souveraineté technologique industrielle. La condition de l‘accès au marché européen est un vrai débat, on y reviendra, en particulier pour nos PME et nos startups en matière de cyber et elles sont toutes réunies ici, donc c'est évidemment un sujet important. Également des enjeux en matière de lutte contre la manipulation de l’information, la désinformation, la mésinformation avec évidemment des élections présidentielles et législatives horizon 2022. On se doute que l’actualité sera chargée. Elle l’est déjà, on va y revenir avec nos deux invités. Philippe Latombe député, merci cher Philippe d’être avec nous sur cette session. Donc député de la Vendée, membre de la commission des lois et rapporteur du dernier rapport parlementaire « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne ». On va notamment revenir sur les propositions de ce rapport et échanger avec la salle sur ce que vous proposez et quelle est votre vision, les grands enjeux, horizon 2022, de cette présidence française de l’Union européenne.<br/>
 
Tariq Krim. Merci Tariq d’être également à nos côtés. Entrepreneur du Web, créateur de plusieurs startups, Netvibes, Jolicloud, aujourd’hui Polite.one qui est une plateforme souveraine d’un numérique personnel et initiateur du mouvement Slow Web. On va revenir sur cette approche. Finalement, un nouvel Internet est-il possible dans ce monde numérique dépendant qui nous bouleverse un petit peu ?<br/>
 
Je vous propose peut-être qu’on revienne sur un des sujets, Philippe, sur la souveraineté technologique et industrielle. C'est un sujet qui occupe depuis quelques années. Je dois dire que ces derniers mois l’actualité est riche, l’affaire Palantir, le Health Data Hub, les données des BPI France sur les prêts garantis par l’État. Nous avons Orange et Microsoft, dernièrement Thales et Google et évidemment les levers de bouclier de l’industrie française réunie ici, cela ne nous a pas échappé.<br/>
 
Quel est le regard que vous portez sur ce qui se passe alors même que l’on parle de souveraineté quasiment quotidiennement ? Est-ce qu’on n’est pas en train de devenir un peu schizophrènes ?
 
 
 
<b>Philippe Latombe : </b>Je ne suis pas sûr que le mot schizophrène soit le bon mot, il est peut-être un peu trop violent. En tout cas il y a certainement, et je le déplore, une sorte de décalage entre la parole et les actes et c’est plutôt plus comme ça qu’il faut le voir. Est-ce que c’est de la schizophrénie, je ne suis pas sûr, mais c’est au moins ce décalage-là. Vous avez abordé plusieurs sujets, mais décalage qu’on peut mesurer sur plusieurs champs qui touchent au numérique. On pourra en parler, par exemple, avec les données de santé. On est effectivement dans quelque chose qui pose des questions aujourd’hui, notamment sur la partie du <em>cloud</em> où on est passé d’une volonté affichée d’avoir des <em>clouds</em> souverains, ensuite on a dégradé un peu le modèle en disant on aura des <em>clouds</em> de confiance, ce n’est quand même pas tout à fait le même concept, ce ne sont pas les mêmes garanties juridiques, ce n’est quand même pas le même produit à l’arrivée et ce ne sont pas les mêmes enjeux. Et puis on arrive à quelque chose que je regrette, je le dis publiquement il n’y a pas de souci, j’appartiens à la majorité et je soutiens le président de la République sur beaucoup de sujets, mais j’ai trouvé mardi qu’il y avait une sorte de défaitisme dans son discours sur la partie du <em>cloud</em> qui me gêne un peu. On était dans un discours sur des ambitions à horizon 2030, donc on est en train de donner un élan et quand on donne un élan on ne dit pas forcément qu’on a perdu la bataille et que ça ne sert à rien d’y aller. En plus, on ne l’a pas forcément perdue. On a du retard, c’est clair, on a des zones où est plus faible que nos charmants GAFAM et BATIX, mais on a des zones d’excellence ; on a des ingénieurs, on a des cerveaux qui sont en capacité de produire des solutions. On voit bien aujourd’hui qu’il y a, et c’est tout l’avantage des Assises, des entreprises qui sont en capacité de produire, d’avoir de très beaux produits et d’avoir de vrais succès.<br/>
 
Donc c’est ce décalage entre la parole et les actes, puisque, en parallèle de ces ambitions affichées à un moment on a effectivement des réalisations, des annonces comme Bleu où on nous dit que Bleu c’est un <em>cloud</em> souverain, on a pris uniquement la couche logicielle de chez Microsoft mais toutes les données vont être hébergées par Orange. Et puis on apprend, par un entrefilet dans la presse, que finalement ce seront des serveurs loués chez Microsoft, au moins dans un premier temps. Ça veut dire qu’on n’est plus sur un <em>cloud</em> souverain, on n’est même plus sur un <em>cloud</em> de confiance.<br/>
 
Se pose la question de Thales/Google, on ne va pas forcément revenir dessus et, très clairement, il y a d’autres domaines qui interrogent, qui interrogent le monde de la tech et de la cybersécurité, ce sont les JO, on va héberger les données, c’est Atos qui est le maître d’œuvre et qui vont-ils utiliser comme <em>cloud</em> ? Ils vont utiliser Alibaba. Il y a quand même des questions sur la volonté politique et comment est-ce que la volonté politique n’est pas simplement que de l’affichage mais se décline dans l’efficacité et dans le quotidien.
 
 
 
<b>Mélanie Benard-Crozat : </b>Effectivement. Les JO ce n’est pas le débat d’aujourd’hui mais ça a été affiché, tout le moins c’est le CIO qui porte ces partenariats. Alibaba est partenaire premium des JO et le CIO est américain. Il y a quelques sujets mais, potentiellement, la géopolitique, dont on parlait notamment d’ailleurs avec Tariq hier, pourrait être amenée à bouleverser certaines choses quand on voit ce qui se passe actuellement sur les différentes plaques internationales. Il y a peut-être des actualités qui pourraient survenir dans les prochains mois, on ne va pas spoiler aujourd’hui, en tous les cas c’est une actu à suivre.<br/>
 
Sur ce sujet de l’extraterritorialité, puisque c’est évidemment le sujet dont vous parlez beaucoup, Philippe Latombe, dans votre rapport, c’est un sujet très important, sur lequel, Tariq, vous intervenez aussi aujourd’hui. Quand vous évoquez les trois piliers dont on parlait d’ailleurs hier, parmi eux figure, évidemment, contrebalancer cette extraterritorialité. Concrètement comment peut-on faire aujourd’hui et demain ?
 
 
 
<b>Tariq Krim : </b>Je pense qu’avant d’aller dans cette idée de l’extraterritorialité, c’est-à-dire, d’une certaine manière, permettre à des États que leurs lois s’appliquent en dehors de leurs États tout simplement parce qu’ils ont des plateformes numériques et que, désormais, lorsque l’on vit dans ces plateformes numériques on vit sous le régime d’une loi qui n’est pas la nôtre, en tout cas on vit dans un régime presque schizophrène, encore une fois si on peut utiliser ce terme. On a deux lois qui s’appliquent, lesquelles, c’est difficile.<br/>
 
Tout d’abord je voulais féliciter Philippe, puisque je n‘ai pas eu l’occasion de le faire de vive voix, sur son rapport qui est vraiment d’une très grande qualité et qui, à la différence des rapports précédents qu’on a connus, touche et aborde les grandes questions. En fait, parmi ces grandes questions, la question qu’on doit se poser, au-delà de la question de la loi et de la technologie, c’est : dans quel monde veut-on vivre en Europe ?<br/>
 
Je rappelle, j’essaie toujours de rappeler qu’en 1993, au tout début de l’Internet, quand l’Internet n‘est encore qu’un réseau, on va dire un petit réseau universitaire et militaire, les États-Unis se lancent dans ce qu’on a appelé les autoroutes de l’information, on va mettre le paquet, c’était Al Gore, Clinton. Et nous, en Europe, notre priorité c’était le diesel propre. Aujourd’hui les États-Unis sont les maîtres du monde numérique et les patrons de certaines entreprises qui faisaient du diesel propre, ou soi-disant propre, sont en prison. Donc la question c’est : quelle est la priorité ? Derrière ça il y a une autre question : qui veut-on défendre ?<br/>
 
J’ai toujours eu cette posture, un peu comme dans le film <em<Tron</em>, je veux défendre les utilisateurs. Quand on regarde les demandes des utilisateurs, elles ont évolué avec le temps.<br/>
 
Au départ, la première demande a été la question de l’accès : comment fait-on pour que nous ayons tous accès à Internet ? Aujourd’hui cette question, et vous le rappeliez hier, va se poser avec l’arrivée des satellites basse orbite : qui sera le détenteur de l’accès ? Est-ce que c’est encore France Télécom ou Orange – pardon, je dis France Télécom, je devrais dire Orange – Free, SFR ou est-ce qu’on va avoir des Elon musk, des Amazon qui vont détenir cet accès ?<br/>
 
La deuxième qui est arrivée après c’est la vie privée. C’est super Internet, mais j’ai quand même envie d’avoir une vie privée et, d’un certain côté, le RGPD est un très bon début puisque l’Europe a identifié qu’il fallait sanctuariser la vie privée, personnellement je pense que la vie privée est un droit de l’homme et qu’il faut totalement interdire le big data et l’analyse des données privées. Mais, d’une certaine manière, il faut aller encore plus loin et se poser la question c’est dans quel Internet veut-on vivre et est-ce que la vie privée n’est pas aussi le droit à ne pas se faire manipuler, à être dans une logique que l’on voit aujourd’hui sur les réseaux sociaux, assez délétère, et de remettre l’éthique au centre du jeu ?<br/>
 
Et enfin, il va y avoir une troisième demande qui est en émergence à l’heure actuelle, c’est la question de ce qu’on appelle, aux États-Unis, l’<em>ownnership</em>, la possession numérique, ce que j‘appelle, en fait, la souveraineté numérique personnelle. Il y a un mot qui n’existe pas ailleurs ou assez peu en Europe, c’est le mot patrimoine. Comment traduit-on cela dans le monde numérique ?<br/>
 
Dans un texte que j’avais écrit après la tragédie que j’ai eu aussi, à titre personnel, des attentats de 2015, je rappelais que quelqu’un qui ne possède rien est quelqu’un qui n’a rien perdre. Or, on vit désormais dans un monde où on ne possède plus rien ; on a des abonnements à Netflix, à Spotify, mais fondamentalement pour ceux, et la plupart des gens qui sont ici, qui ont connu le monde d’avant, chacun d’entre nous a sa culture propre, sa culture personnelle composée de choses, de ce qu’on a fait, d’expériences mais aussi d’objets, de culture, de connaissance.<br/>
 
Un des enjeux essentiels dans ce monde un peu fast-food, et c’est pour ça que je parle de Slow Wed, en opposition au fast-Web, au fast-food web, c’est-à-dire des plateformes génériques qui proposent le même produit à un milliard de personnes, voire parfois 2,7 milliards de personnes, si vous voyez de qui je parle, est qu’l faut construire des choses différentes. On a une culture différente, le logiciel c’est de la culture. Quand on développe un produit on ne le développe de ma même manière. En Europe on a inventé le Web, on l’a offert à tous ; on a inventé Linux, on l’a offert à tous. Donc on a construit, en fait, la structuration de l’Internet et aujourd’hui, d’ailleurs, ce sont ces mêmes outils qui sont utilisés pour nous dominer. C’est un curieux hasard de l’histoire.<br/>
 
Je pense que le prochain enjeu, c’est d’ailleurs ce que j’essaye de faire avec ma plateforme Polite et avec un projet de <em>cloud</em> souverain citoyen sur lequel je travaille, c’est de voir comment on va permettre aux gens d’avoir ces trois choses : l’accès aux choses importantes, deuxièmement la vie privée, le respect de sa vie privée et enfin la possibilité de posséder, d’avoir le contrôle de sa vie numérique.
 
 
 
<b>Mélanie Benard-Crozat : </b>Philippe Latombe, vous parliez tout à l’heure de cet écosystème qui est d’ailleurs ici aux Assises et vous le disiez, on a des startups, des PME brillantes, on a énormément de talents aujourd’hui en France. Dans le rapport il y a beaucoup de recommandations, on va peut-être parler d’une ou deux. Il y en a notamment une dont on parle depuis longtemps, que vous soutenez fortement, c’est le <em>Small Business Act</em> qui doit être portée au niveau européen pour encourager, soutenir, faire grandir nos PME.
 
 
 
==13’ 33==
 

Dernière version du 5 janvier 2022 à 08:45


Publié ici - Janvier 2022