Différences entre les versions de « Le logiciel libre a-t-il de beaux jours devant lui - Denis Germain »

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
Ligne 86 : Ligne 86 :
  
 
==11’ 54==
 
==11’ 54==
 +
Je vais vous raconter un petit incident qui s’est passé fin 2018, une fois de plus, et qui est représentatif de ce qu’attend la communauté, en tout cas les utilisateurs, des mainteneurs de logiciels <em>open source</em>. Pour ça, je suis obligé de revenir un tout petit peu en arrière et vous expliquer, si jamais vous n’êtes pas développeur, que dans les langages de programmation populaires aujourd’hui on a la possibilité d’avoir des modules, c’est-à-dire qu’on ajoute des briques à un logiciel et on ne sélectionne que les briques qu’on veut, comme ça on a un logiciel qui est plus souple, plus simple à utiliser que si on avait été obligé de tout charger, etc.<br/>
 +
Le deuxième point, c’est que ces logiciels-là mettent aussi en avant la possibilité aux utilisateurs de créer leurs propres modules ; ça permet d’étendre les fonctionnalités natives du logiciel et d’avoir ainsi un langage de plus en plus riche et éviter de recoder 15 fois les mêmes choses. <br/>
 +
Du coup, pour permettre aux utilisateurs de trouver facilement les modules, on a ce qu’on appelle des gestionnaires de modules. Arrive alors Node.js qui est un logiciel qui a remis un gros coup de <em>boost</em> au langage de programmation JavaScript, qui a son propre gestionnaire de paquets qui s’appelle npm [Node Package Manager]. Le problème c’est que Node.js a tellement pris d’ampleur tellement vite que la croissance des modules créés par les utilisateurs s’est faite un peu de manière anarchique et, par des jeux de dépendance, des modules utilisant des modules qui utilisent eux-mêmes des modules, quand on installe un module npm, souvent ce qui se passe quand on fait la commande « npm install », voilà une métaphore de ce qui se passe sur votre environnement. Vous vous retrouvez, en fait, à télécharger des centaines de modules 
  
Je vous vous raconter un petit incident qui s’est passé fin 2018
+
[Plus de son]
 +
 
 +
comme ça et arrive alors le protagoniste principal de notre histoire, Dominic Tarr,
 +
 
 +
[Plus de son]
 +
 
 +
moindre incident, prend des proportions astronomiques et en fait on s’est retrouvés avec des milliers de projets informatiques infectés et la réaction des développeurs, la première réaction des développeurs, ce n’est pas de se poser des questions sur
 +
 
 +
[Plus de son]
 +
 
 +
dans le monde. Bien sûr ça dépend de la métrique qu’on va choisir, mais si on part du principe que ceux qui contribuent le plus à l’<em>open source</em> ce sont ceux qui ont le plus d’employés qui contribuent à des projets <em>open source</em>, eh bien les champions de l’<em>open source</em> ce n’est pas Red Hat ; je ne sais plus, ils sont troisième ou quatrième si on prend le rapport de GitHub October’s, ce n’est pas mal non plus mais ce ne sont pas du tout les premiers.<br/>
 +
On pourrait se dire « OK ! Les géants du cloud utilisent massivement les technologies <em>open source</em> pour faire tourner leurs services, pour faire de l’argent, pour faire du <em>software as a service</em> ou du PaaS [<em>platform as a service </em>], du coup peut-être que ce sont les géants de l’<em>open source</em>. En géants de l’<em>open source</em> on pourrait penser à Amazon, mais ce n’est pas eux du tout non plus. En fait ils sont même plutôt très décriés pour ça. Amazon, ils ne sont même pas dans le top 10 des entreprises contributrices aux logiciels <em>open source</em>, eux la philosophie de la maison c’est plutôt : on récupère l’<em>open source</em>, on fait de l’argent avec mais surtout on ne reverse rien. Ce ne sont pas eux non plus.<br/>
 +
Du coup on pense à un autre <em>cloud provider</em>, on se dit que c’est peut-être, pour ceux qui ne l’ont pas, Google. Ce ne sont pas eux non plus, je crois qu’ils sont bons deuxième, mais ce n’est pas eux.<br/>
 +
En fait, les contributeurs numéro un de l’em>open source</em> en termes de nombre d’employés, aujourd’hui et depuis quelques années, c’est ?
 +
 
 +
<b>Public : </b>Microsoft ?
 +
 
 +
<b>Denis Germain : </b>Microsoft ! Eh Oui ! Donc on est passé de Microsoft qui disait que Linux était cancer à une société qui dit <em>we are all in on open source</em>, qui contribue avec quand même 7700 employés en 2018, ce qui est relativement colossal, aussi bien sur des projets maison qu’ils ont open sourcé que des projets tiers pour, entre guillemets « soutenir leur cloud » qui est loin des deux premiers, AWS et GCP. Donc là, on voit clairement un virage à 180 degrés de Microsoft qui se met à soutenir l’<em>open source</em> et qui a complètement arrêté de faire de l’<em>open source bashing</em>, quitte à se faire même traiter un petit peu d’<em>open washing</em>. Au même titre que certaine entreprises qui, comme Total, font du <em>green washing</em>, Microsoft, des fois, fait un peu de l’<em>open washing</em>.<br/>
 +
En 2018 ils ont été jusqu’à racheter GitHub qui, sans pour autant être une plateforme libre, hébergeait de très nombreux projets <em>open source</em>. Ça n’a pas trop marché, ils ont pris plus un <em>bad buz</em> qu’autre chose.<br/>
 +
Du coup on est en même arrivé à mai 2019, donc le mois dernier, où ils ont indiqué qu’en fait ils allaient carrément intégrer un kernel Linux à l’intérieur de Windows. Donc le cancer est dans Windows !
 +
 
 +
Je suis allé un petit peu vite. En fait, à la base, j’avais prévu de parler au-delà du logiciel libre, de culture libre, notamment les initiatives Creative Commons dans la BD, dans la musique, etc. Finalement j’ai préféré me concentrer sur la partie logiciel libre, mais comme j’ai parlé très vite j’aurais eu un petit peu le temps, c’est dommage !
 +
 
 +
Pour conclure ce <em>talk</em>, en fait j’aimerais que vous reteniez trois choses de ce que je viens de vous dire :<br/>
 +
la première chose c’est que le logiciel libre ce n’est pas la même chose que le logiciel <em>open source</em> mais que, de toute façon tout le monde, s’en fout !<br/>
 +
que l’<em>open source</em> c’est le cancer sauf si on peut faire de l’argent avec ; <br/>
 +
que faire de l’open source fera de vous un zadiste néocommuniste, mais que si vous arrêtez de soutenir vos projets <em>open source</em> vous mettrez probablement la vie de millions d’innocents en danger.
 +
 
 +
Pour rester sur une note un poil plus sérieuse, j’aimerais résumer cette situation en deux tweets de Nick Craver et Ben Lesh : « <em>Open source isn’t free ; it’s paid for by the mainteners</em> » « <em>...And teir families</em> », donc l’<em>open source</em> n’est pas gratuit, ça marche aussi pour le logiciel libre, il est payé par les mainteneurs donc par leur travail et par leurs familles. C’est pour ça qu’aujourd’hui, en fait, on se retrouve avec, d’un côté, des gens qui maintiennent tout seuls du logiciel <em>open source</em> et qui ne récoltent rien d’autre que des critiques de la part de communautés d’utilisateurs quand ils ne font pas exactement ce qu’on attend d’eux et, de l’autre, des sociétés qui ont dénigré pendant des années de l’<em>open source</em> et qui maintenant pour se racheter une image ou faire de l’argent soutiennent massivement les projets <em>open source</em> qui peur rapportent de l’argent.
 +
 
 +
C’est tout pour moi.
 +
 
 +
[Applaudissements]
 +
 
 +
==23’15==
 +
 
 +
<b>Denis Germain : </b>Si vous avez des questions, je pense qu’on a le temps.

Version du 21 octobre 2019 à 20:15


Titre : Le logiciel libre a-t-il de beaux jours devant lui

Intervenant : Denis Germain alias zwindler

Lieu : Pas Sage en Seine - Choisy-le-Roi

Date : juin 2019

Durée : 30 min

Visualiser ou télécharger la vidéo

Diaporama support de la conférence

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription : MO

Description

De barbus dans un garage jusqu’à l’ère du « tout sur Github », comment sommes-nous passés de « Linux est un cancer » à « Microsoft <3 Linux » ?
Aujourd’hui, peut-on encore maintenir du code individuellement sans « Mettre en danger des millions d’innocents » ?
Faire de l’open source fait-il de vous un ZADiste ?
Tant de sujets d’actualité (et d’autres) qui seront traités avec un regard, bien entendu, totalement objectif et impartial (ou pas !).

Transcription

Bonjour à tous. Je suis hyper-content d’être ici ; ça fait plusieurs années que je voulais venir, mais je n’avais jamais eu l’occasion. PSES je pense que c’est un super festival qui ramène pas mal de gens que j’avais envie de rencontrer en vrai. Ce sera l’occasion de leur faire un petit coucou.

Aujourd’hui on va parler logiciels libres. Le ton est pet être un petit acide. Ça représente un petit peu mon caractère, pour autant je ne suis pas aussi pessimiste que la présentation le laisse croire.

La moindre des choses c’est d’abord que je me présente. Je m’appelle Denis Germain. Peut-être que certains d’entre vous me connaissent plus sous le pseudo zwindler que j’utilise pas mal sur Internet, sur Twitter et j’ai un blog éponyme que je tiens depuis une dizaine d’années à peu près où je traite de pas de sujets techniques, sys-admin, geeks, un petit peu de droit aussi ça m’arrive, ça m’intéresse.
Je suis aussi ingénieur cloud chez LECTRA. LECTRA, je vais en parler un tout petit, c’est mon employeur qui permet aujourd’hui d’être ici, qui m’encourage à venir à ces festivals. LECTRA c’est le leader mondial des solutions technologiques intégrées pour les entreprises utilisatrices de cuir ou textile. Hou ! En gros qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’on fabrique ces gros bidules-là qui découpent du cuir ou du textile et on est les meilleurs dans le monde pour le faire.
Vous vous en doutez, moi, en tant qu’ingénieur cloud, je ne fais pas des machines de découpe, je crée des services informatiques et, comme je suis ingénieur cloud, je travaille sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre, en l’occurrence Azur. Je vous ai mis quelques petits logos des technos que j’utilise, ??? on peut en parler toute la journée, mais on n’est pas obligé.

Le sujet du jour : Le logiciel libre a-t-il de beaux jours devant lui ? Déjà est-ce que dans la salle on pourrait avoir des mains levées pour savoir ceux qui savent ce que c’est qu’un logiciel libre ? Quel public génial ! Je m’attendais un petit peu à ça vu la conférence.
En fait, je vais présenter un petit peu des petites situations de l’actualité de l’open source et du logiciel libre qui sont, je pense, symptomatiques d’une partie des problèmes que rencontrent ces deux communautés.

Le terme logiciel libre a été inventé, en tout cas grandement popularisé, par Richard Stallman dans les années 80, et la définition d’un logiciel libre c’est un logiciel qui respecte la liberté de ses utilisateurs. En anglais le terme pour logiciel libre c’est free software et le problème c’est que c’est un terme ambigu puisque free software en anglais ça pourrait à la fois vouloir dire que c’est un logiciel qui est gratuit ou un logiciel qui respecte la liberté, notamment la liberté d’expression de ses utilisateurs. C’est pour ça que vous rencontrerez souvent, associé au logiciel libre, la phrase fres as in free speech, not free bear, qui veut dire c’est qu’un logiciel libre n’est pas forcément gratuit, mais qu’en revanche il respecte toujours la liberté de ses utilisateurs de l’exécuter, de le lire, de l’améliorer et de faire profiter la communauté des améliorations qui ont été faites. Ce qu’il est important de comprendre c’est que c’est bien une approche idéologique du développement logiciel.

Parallèlement à ça, fin des années 90, il y a un groupe d’utilisateurs du logiciel libre qui était un petit peu embêté par cette notion idéologique, qui embêtait le logiciel libre à avoir une plus forte pénétration notamment dans les entreprises, du coup une partie de cette communauté s’est un petit peu scindée, a retiré toute la partie idéologique du mouvement du logiciel libre et s’est concentrée sur le développement de logiciels avec des sources librement accessibles. Du coup, une des critiques que font les partisans du logiciel libre aux partisans de l’open source, c’est que justement toute cette partie idéologique a été retirée et, finalement, ils développent des logiciels uniquement pour faire du profit, ce qui est parfois vrai, parfois pas vrai.

Dans la pratique, en fait, même parfois dans la communauté IT il y a des gens qui ne savent pas du tout la distinction entre les deux et qui ne comprennent absolument pas ces querelles internes. En plus de ça, il y a même des entreprises ou des personnes qui développent des logiciels qu’ils disent open source et qui, en termes de philosophie, finalement sont aussi des logiciels libres. Donc les gens ne comprennent pas trop la différence.
Du coup, pendant que les partisans du logiciel libre cassent du sucre sur le dos des partisans de l’open source et inversement, il y a tout le reste de la société qui nous regarde et qui ne comprend pas trop ce qui nous arrive. Et, au même titre que j’entends des gens s’insurger du plastique bashing, du Mélanchon bashing ou même du Benzema bashing, je pense qu’il y a des gens qui font de l’open source bashing.

On arrive, en fait, à des situations où sur une radio généraliste qui est France Inter, on se retrouve avec l’humoriste Guillaume Meurisse qui n’aime pas trop la start-up nation, je crois qu’on peut le dire sans trop de difficultés, qui va donc au Paris Open Source Summit qui est un festival open source et logiciels libre à Paris et qui pense trouver la start-up nation et pouvoir rigoler. Là c’est e moment où on va voir si l’extrait vidéo fonctionne.

[Extrait de la vidéo]

Guillaume Meurisse au Paris Open Source Summit : Il y avait de la trottinette électrique partout. Ça puait le quinoa, ça transpirait de la conf call au asap. Il y avait donc ce monsieur qui milite pour un logiciel libre, il me l’a bien dit également, donc il résout les problèmes d’égalité : « On apporte des solutions gratuites, qui permettent d’utiliser le logiciel sans dépenser un seul euro. Ça déjà, je pense que c’est un premier pas.
— Quelque part ouais ! Quelque part vous êtes un gilet jaune.
— Merci pour cette comparaison.
— Voire un zadiste.
— Je pense que vous allez trop loin là.
— Voire un punk à chien. »
Attendez, il faut faire étape par étape on ne peut passer de startupeur à punk à chien du jour au lendemain.

[Fin de l’extrait de la vidéo]

Denis Germain : Cette dernière phrase, je pense, résume pas mal la façon dont les gens pensent quand ils pensent au logiciel libre ou à l’open source : « On ne peut pas passer de startupeur à punk à chien. » Soit on est un punk à chien, un barbu dans un garage, un hippy qui développe du logiciel libre et qui se fait plumer par le reste du monde, soit on fait partie de la startup nation et on aide le grand capital. Forcément Guillaume Meurisse est un caricaturiste, vous allez me dire que c’est son métier. C’est vrai que, finalement, vu de l’extérieur des gens qui font pas de l’IT, c’est assez drôle notre métier. Ça peut être un peu absurde des fois.

Du coup je me pose la question : que pense le reste de la communauté IT de l’open source. Si je vous dis ennemi de Linux, à qui pensez-vous ?

Public : Microsoft.

Denis Germain : Merci. Microsoft. Les gens qui se dandinaient sur scène, que j’ai passés brièvement, dedans il y avait Steve Ballmer et Bill Gates qui sont deux anciens PDG de Microsoft et voila ce que ces gens-là pensent de Linux, de l’open source et du logiciel libre.
D’un côté on a Steve Ballmer qui pense que Linux est un cancer et que du coup toutes les licences open source ou libres sont contaminantes, c’est-à-dire que le moindre développeur qui utilise la moindre ligne de code source libre va être obligé de libérer tout son code.
De l’autre côté on a Bill Gates qui pense que les gens qui font de l’open source en fait ce sont des communistes d’un genre nouveau qui souhaitent abolir les droits d’auteur et le salaire pour les développeurs de logiciels.
Dans la salle, peut-être que le terme « communiste » ne vous choque pas, mais il faut se remettre un petit peu dans le contexte des États-Unis où, quand on dit que quelqu’un est communiste, même quand on dit que quelqu’un est socialiste, c’est quasiment un gros mot, ils n’aiment pas ça du tout, ça donne une belle idée de ce que pensent ces gens-là de l’open source.

Si on revient à l’open source bashing dont je vous parle depuis tout à l’heure dans le top dix des éditeurs de logiciels du monde, si on retire les SSII on se retrouve avec quatre sociétés, Microsoft, IBM, Oracle et SAP qui sont, en fait, archiconnues pour leurs logiciels propriétaires, leurs catalogues de logiciels propriétaires et sont aussi archiconnues pour de l’open source bashing pour dire à quel point les solutions alternatives à leurs logiciels sont pourries.

Peut-être que dans la salle il y en a qui se disent « mais ça c’était il y a longtemps ». Les exemples que j’ai cités, effectivement, c’était début des années 2000, mais en fait pas du tout, ça continue encore massivement aujourd’hui. Je vous ai pris quelques exemples : la petite BD que vous ne pouvez certainement pas lire depuis ici mais que vous pourrez relire sur mon blog parce que j’avais fait un article là-dessus. [Plus de son] entre logiciel propriétaire et open source revient probablement à Oracle. Pour ceux qui ne connaissaient pas, Oracle est une entreprise qui a créé un logiciel de base de données qui est très répandu et, par le jeu des rachats, ils ont racheté une autre boîte qui s’appelle Sun qui avait aussi une base de données mais open source qui s’appelle MySQL. Don on se retrouve dans une situation où sur le site web de Oracle on a MySQL qui est mis en avant comme étant la base de données open source la plus populaire au monde parce qu’elle est fiable, parce qu’elle est facile d’utilisation et parce qu’elle a des performances avérées et en même temps, je parle encore de 2018, on a le PDG d’Oracle qui explique que si jamais vous utilisez MySQL plutôt que Oracle, eh bien vous allez perdre énormément en stabilité, en sécurité et en performance parce que c’est un très vieux système, sachant qu’Oracle est plus vieux que MySQL. J’aime beaucoup l’ironie de la situation !

Je pourrais continuer pendant un moment sur les exemples d’open source bashing que ces quatre-là ou d’autres font régulièrement, mais il va falloir qu’on passe à autre chose. Parfois les critiques viennent de la communauté elle-même, le cœur de la communauté c’est-à-dire les utilisateurs.

11’ 54

Je vais vous raconter un petit incident qui s’est passé fin 2018, une fois de plus, et qui est représentatif de ce qu’attend la communauté, en tout cas les utilisateurs, des mainteneurs de logiciels open source. Pour ça, je suis obligé de revenir un tout petit peu en arrière et vous expliquer, si jamais vous n’êtes pas développeur, que dans les langages de programmation populaires aujourd’hui on a la possibilité d’avoir des modules, c’est-à-dire qu’on ajoute des briques à un logiciel et on ne sélectionne que les briques qu’on veut, comme ça on a un logiciel qui est plus souple, plus simple à utiliser que si on avait été obligé de tout charger, etc.
Le deuxième point, c’est que ces logiciels-là mettent aussi en avant la possibilité aux utilisateurs de créer leurs propres modules ; ça permet d’étendre les fonctionnalités natives du logiciel et d’avoir ainsi un langage de plus en plus riche et éviter de recoder 15 fois les mêmes choses.
Du coup, pour permettre aux utilisateurs de trouver facilement les modules, on a ce qu’on appelle des gestionnaires de modules. Arrive alors Node.js qui est un logiciel qui a remis un gros coup de boost au langage de programmation JavaScript, qui a son propre gestionnaire de paquets qui s’appelle npm [Node Package Manager]. Le problème c’est que Node.js a tellement pris d’ampleur tellement vite que la croissance des modules créés par les utilisateurs s’est faite un peu de manière anarchique et, par des jeux de dépendance, des modules utilisant des modules qui utilisent eux-mêmes des modules, quand on installe un module npm, souvent ce qui se passe quand on fait la commande « npm install », voilà une métaphore de ce qui se passe sur votre environnement. Vous vous retrouvez, en fait, à télécharger des centaines de modules 

[Plus de son]

comme ça et arrive alors le protagoniste principal de notre histoire, Dominic Tarr,

[Plus de son]

moindre incident, prend des proportions astronomiques et en fait on s’est retrouvés avec des milliers de projets informatiques infectés et la réaction des développeurs, la première réaction des développeurs, ce n’est pas de se poser des questions sur

[Plus de son]

dans le monde. Bien sûr ça dépend de la métrique qu’on va choisir, mais si on part du principe que ceux qui contribuent le plus à l’open source ce sont ceux qui ont le plus d’employés qui contribuent à des projets open source, eh bien les champions de l’open source ce n’est pas Red Hat ; je ne sais plus, ils sont troisième ou quatrième si on prend le rapport de GitHub October’s, ce n’est pas mal non plus mais ce ne sont pas du tout les premiers.
On pourrait se dire « OK ! Les géants du cloud utilisent massivement les technologies open source pour faire tourner leurs services, pour faire de l’argent, pour faire du software as a service ou du PaaS [platform as a service ], du coup peut-être que ce sont les géants de l’open source. En géants de l’open source on pourrait penser à Amazon, mais ce n’est pas eux du tout non plus. En fait ils sont même plutôt très décriés pour ça. Amazon, ils ne sont même pas dans le top 10 des entreprises contributrices aux logiciels open source, eux la philosophie de la maison c’est plutôt : on récupère l’open source, on fait de l’argent avec mais surtout on ne reverse rien. Ce ne sont pas eux non plus.
Du coup on pense à un autre cloud provider, on se dit que c’est peut-être, pour ceux qui ne l’ont pas, Google. Ce ne sont pas eux non plus, je crois qu’ils sont bons deuxième, mais ce n’est pas eux.
En fait, les contributeurs numéro un de l’em>open source en termes de nombre d’employés, aujourd’hui et depuis quelques années, c’est ?

Public : Microsoft ?

Denis Germain : Microsoft ! Eh Oui ! Donc on est passé de Microsoft qui disait que Linux était cancer à une société qui dit we are all in on open source, qui contribue avec quand même 7700 employés en 2018, ce qui est relativement colossal, aussi bien sur des projets maison qu’ils ont open sourcé que des projets tiers pour, entre guillemets « soutenir leur cloud » qui est loin des deux premiers, AWS et GCP. Donc là, on voit clairement un virage à 180 degrés de Microsoft qui se met à soutenir l’open source et qui a complètement arrêté de faire de l’open source bashing, quitte à se faire même traiter un petit peu d’open washing. Au même titre que certaine entreprises qui, comme Total, font du green washing, Microsoft, des fois, fait un peu de l’open washing.
En 2018 ils ont été jusqu’à racheter GitHub qui, sans pour autant être une plateforme libre, hébergeait de très nombreux projets open source. Ça n’a pas trop marché, ils ont pris plus un bad buz qu’autre chose.
Du coup on est en même arrivé à mai 2019, donc le mois dernier, où ils ont indiqué qu’en fait ils allaient carrément intégrer un kernel Linux à l’intérieur de Windows. Donc le cancer est dans Windows !

Je suis allé un petit peu vite. En fait, à la base, j’avais prévu de parler au-delà du logiciel libre, de culture libre, notamment les initiatives Creative Commons dans la BD, dans la musique, etc. Finalement j’ai préféré me concentrer sur la partie logiciel libre, mais comme j’ai parlé très vite j’aurais eu un petit peu le temps, c’est dommage !

Pour conclure ce talk, en fait j’aimerais que vous reteniez trois choses de ce que je viens de vous dire :
la première chose c’est que le logiciel libre ce n’est pas la même chose que le logiciel open source mais que, de toute façon tout le monde, s’en fout !
que l’open source c’est le cancer sauf si on peut faire de l’argent avec ;
que faire de l’open source fera de vous un zadiste néocommuniste, mais que si vous arrêtez de soutenir vos projets open source vous mettrez probablement la vie de millions d’innocents en danger.

Pour rester sur une note un poil plus sérieuse, j’aimerais résumer cette situation en deux tweets de Nick Craver et Ben Lesh : « Open source isn’t free ; it’s paid for by the mainteners » « ...And teir families », donc l’open source n’est pas gratuit, ça marche aussi pour le logiciel libre, il est payé par les mainteneurs donc par leur travail et par leurs familles. C’est pour ça qu’aujourd’hui, en fait, on se retrouve avec, d’un côté, des gens qui maintiennent tout seuls du logiciel open source et qui ne récoltent rien d’autre que des critiques de la part de communautés d’utilisateurs quand ils ne font pas exactement ce qu’on attend d’eux et, de l’autre, des sociétés qui ont dénigré pendant des années de l’open source et qui maintenant pour se racheter une image ou faire de l’argent soutiennent massivement les projets open source qui peur rapportent de l’argent.

C’est tout pour moi.

[Applaudissements]

23’15

Denis Germain : Si vous avez des questions, je pense qu’on a le temps.