Différences entre les versions de « Le libre dans la science, une nécessité - Décryptualité du 2 novembre 2020 »

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Version du 5 novembre 2020 à 18:23


Titre : Décryptualité du 2 novembre 2020 - Le libre dans la science, une nécessité

Intervenants : Manu - Luc

Lieu : April - Studio d'enregistrement

Date : 2 novembre 2020

Durée : 13 min

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Revue de presse pour la semaine 44 de l'année 2020

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Un des logos du libre accès, d'origine de la Public Library of Science, Libre accès (édition scientifique) - Licence Creative Commons [https://creativecommons.org/publicdomain/zero/1.0/deed.en CC0 1.0 Universal, Public Domain Dedication.

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Description

La presse nous offre plusieurs articles sur la question du libre dans la science. L'occasion de revenir sur le lien entre les deux mouvements et l'importance de renouer avec une science ouverte.

Transcription

Luc : Semaine 44. Salut Manu.

Manu : Salut Luc.

Luc : Sommaire de la semaine.

Manu : Pas mal d’articles. Je pense que les journalistes sont très actifs en ce moment derrière leur petit clavier, chez eux sûrement.

Luc : lesoir.be, « L’enseignement supérieur pas assez « open source » ? », un article de Thomas Casavecchia.

Manu : C’est un sujet qu’on aime beaucoup aborder, l’Éducation et les logiciels, parce que, malheureusement, dans l’Éducation il y a beaucoup de logiciels privateurs notamment de Microsoft mais pas que, ce n’est pas limité, et là il parle de toutes les problématiques de vidéoconférence, plein d’étudiants qui doivent suivre les cours depuis leur lit, ah, ah, c’est original, mais ils le font avec du logiciel privateur, notamment Zoom.

Luc : On sait que l’Éducation en général c’est un champ de bataille pour les éditeurs qui essayent de placer leurs solutions parce qu’ils savent qu’ils font former dès le départ et faire prendre des habitudes aux utilisateurs, donc à leurs futurs clients. Il y a également dans la partie réseau social. Par exemple Nicolas expliquait que dans son école d’ingénieur tu devais créer un compte Linkedin qui est un réseau social pro mais qui fait des profils fantômes, espionne tout autant que les autres. Par contre, pour avoir son diplôme il faut les logiciels privateurs et éventuellement, dans de nombreux cas, également mettre ses données personnelles dans des réseaux.
Le Monde.fr, « Concurrence : « Ni Apple ni Google n'avaient besoin de ces comportements prédateurs » », une tribune de Charles Cuvelliez et Jean-Jacques Quisquater qui sont deux universitaires, si j’ai bien compris.

Manu : Ça parle de la procédure antitrust en cours aux États-Unis. On est enchantés de voir que les monopoles sont attaqués par les puissances publiques, ça c’est normal de notre point de vue.

Luc : Oui, en tout cas ça fait longtemps que ça aurait dû arriver.

Manu : Effectivement. Probablement que pour se constituer, pour qu’ils deviennent des géants, des mastodontes d’Internet, les comportements prédateurs, c’est ce que disent les deux auteurs, n’étaient pas nécessaires. Ils le seraient devenus par plein d’autres moyens. Ça n’empêche !

Luc : LeMagIT, « Licences open source : les ambiguïtés subsistent », un article de Gaétan Raoul.

Manu : Oui, c’est compliqué quand on fait du logiciel libre et qu’on développe ou qu’on utilise de savoir exactement ce qu’il retourne en termes de droit d’auteur : est-ce qu’on a le droit d’utiliser une brique, une library, un autre logiciel qu’on va intégrer dans le nôtre ? Ce n’est pas simple, donc…

Luc : Surtout quand les licences sont différentes.

Manu : C’est ça. Et parfois il y a des petites clauses, plus ou moins cachées ou pas faciles d’accès. Quand il y a beaucoup de logiciels qui sont en jeu, sur une distribution par exemple, eh bien c’est difficile de savoir exactement quels sont les régimes de chaque logiciel, les régimes de propriété intellectuelle, on n’aime pas ce mot-là, mais c’est souvent là qu’on aboutit derrière tout ça. Il y a des entreprises qui proposent des services pour essayer de tracer un petit peu ces problématiques, ce n’est pas simple, mêmes elles ont du mal, beaucoup de mal.

Luc : The Conversation, « Débat : Peut-on faire de la science ouverte sur Zoom ? », un article de Alexandre Hocquet.

Manu : Oui, peut-on ? Je te le demande, peut-on faire de la science ouverte quand on est renfermé ? Hein ?

Luc : Manifestement oui puisque plein de gens en font, donc sauf à dire que ce ne sont pas des scientifiques, de fait c’est comme ça que ça marche. Zoom, on le rappelle, c’est un outil de visioconférence, un système qui marche bien, mais qui est sévèrement propriétaire, qui s’est fait épingler il y a quelques mois pour faire un peu n’importe quoi avec les données des gens et les espionner.

Manu : Soi-disant, est-ce que tu as des preuves ? Ça va être compliqué.

Luc : Non, je ne sais pas. Du coup ça pose la question : si on veut effectivement faire de la science, être autonome, ne faut-il pas que nos outils soient également autonomes ?

Manu : Malheureusement la réponse a déjà été proposée par plein de gens, ils utilisent Zoom et puis tant pis ! C’est un outil.

Luc : On va parler de science ouverte comme sujet de la semaine, donc on reviendra là-dessus.
Le Journal de Montréal, « L'accès universel à la science, plus que jamais nécessaire face à la Covid-19 », un article de la rédaction.

Manu : Parler au féminin de Covid-19, ça me fait toujours bizarre.

Luc : Moi pareil.

Manu : C’est intéressant parce qu’il y a un appel qui vient d’être fait notamment par l’UNESCO, institution internationale, qui demande à ce que la science soit ouverte. On est touchés, ça nous fait plaisir de voir cela, on va répondre.

Luc : C’est pour ça qu’on en reparlera tout à l’heure.

Manu : Voilà !

Luc : Le Droit, « L'homme qui redonne des ordis », un article de Mylène Moisan.

Manu : Ça parle de Miguel Ross, quelqu’un qui a des soucis de vue, mais qui arrive malgré tout à réparer des ordinateurs et les redonner aux gens, notamment avec du logiciel libre. On l’encourage.

Luc : Il y a plein d’associations, à droite, à gauche, un peu partout, souvent des associations locales, qui font ça, qui font du reconditionnement et évidemment qui se tournent vers du logiciel libre qui est moins gourmand et qui permet de faire tourner des vieilles machines sans payer de licence.
ZDNet France, « La Commission européenne et les logiciels libres : "ambition molle" pour l'April », un article de Thierry Noisette

Manu : Ils sont durs sur l’ambition molle, je trouve. Mais oui, effectivement, on en a parlé, l’Europe s’intéresse aux logiciels libres et met en avant des ambitions de faire de l’open source en interne et dans toutes les administrations, c’est quelque chose de conséquent, mais du point de vue de l’April ça ne va pas assez loin…

Luc : Peut mieux faire comme on dit. C’est ça ?

Manu : C’est ça. Bien vu.

Luc : ZDNet France, « Les emplois Linux et open source plus tendance que jamais », un article de Steven J. Vaughan-Nichols.

Manu : Ça parle d’entreprise, du fait qu’en entreprise c’est plus facile de trouver du boulot quand on fait du logiciel libre, donc c’est super, c’est génial, on est vraiment dans une période intéressante.

Luc : Très bien. Donc science ouverte. On ne va pas parler directement de logiciel même si je pense qu’on va y revenir au grand galop puisqu’un des articles, finalement, évoquait cette question des logiciels. Déjà il y a une proximité très forte entre le logiciel libre et la science.

Manu : Oui. On pourrait même considérer que le logiciel libre est une forme de fonctionnement scientifique parce qu’on échange, on améliore et on critique. Les quatre libertés. Tu te rappelles ? Les quatre libertés du logiciel libre ?

Luc : La liberté d’exécuter le code pour ce qu’on veut, la liberté de l’étudier pour voir comment c’est fait dedans, la liberté de le modifier, la liberté de le redistribuer.

Manu : En fait c’est ce que font les scientifiques. Les scientifiques, largement, quand ils vont utiliser des connaissances, ils vont les utiliser, ils vont les étudier, ils vont les modifier et ils vont les repartager. C’est un mécanisme qu’on connaît depuis des siècles.

Luc : Il faut bien se souvenir que le logiciel libre a été formalisé par Stallman qui était un universitaire, à une époque, début des années 80, avec son expérience d’informatique qui était une expérience d’universitaire. Donc les principes même du logiciel libre sont clairement recopiés des principes de partage de la science puisque ça été mis en place par des gens qui étaient des scientifiques, qui étaient des universitaires. Ils ont remis dans l’informatique ce qu’ils pratiquaient déjà en termes de recherche.

Manu : Malheureusement, en tout cas c’est comme ça que ça se passe, la science n’a pas eu besoin d’être concrétisée de la même manière que l’a fait Richard Stallman[1] avec le logiciel parce qu’on considère depuis déjà des siècles qu’il faut partager ses connaissances et qu’elles appartiennent à l’humanité, elles n’appartiennent pas à une personne en particulier : e=mc2, on ne peut pas mettre un droit d’auteur dessus, on ne peut pas mettre un brevet dessus, il n’y a pas de marque qui s’applique !

Luc : Tu es contre l’argent ! Tu es contre la réussite !

Manu : Ben !

Luc : De fait, que ce soit dans la science ou dans l’informatique, on a vu, depuis quelques décennies, des mouvements d’appropriation, le fait de mettre de la propriété. Dans le domaine scientifique, puisque c’est celui qui nous intéresse, il y a tout le jeu de la publication où les gros journaux scientifiques qui font référence, dans lesquels il faut publier si on veut avoir l’air sérieux, sont des entreprises privées qui font payer à peu près tout le monde, c’est-à-dire les personnes qui veulent publier, les personnes qui achètent ; les personnes qui relisent ne payent pas mais travaillent gratos. Elles sont là pour faire vraiment du profit.

Manu : Et c’est le cas parce que tout ça coûte très cher.

Luc : Du coup il y a des mouvements de scientifiques qui ont dit on veut sortir de ce truc-là. Il y a clairement eu depuis des décennies des mouvements de dévoiement de ce principe scientifique de publier et de faire valider son travail par ses pairs qui doivent être capables de comprendre, de reproduire les résultats, et tout ça a pris du plomb dans l’aile. Même chose dans l’informatique avec le logiciel propriétaire.

Manu : Tout ça ce sont des formes de mécanismes tordus. C’est-à-dire qu’effectivement on s’approprie d’une certaine manière l’accès à la science, ce n’est pas la science qui était appropriée elle-même, c’était l’accès mais, au final, on peut considérer que c’est largement la même chose.

Luc : Il y a également la question des outils qui renvoie à l’article de tout à l’heure. Si on fait de la science avec des outils propriétaires. fermés, avec notamment potentiellement des algorithmes qu’on ne maîtrise pas, on ne sait pas ce que fait le logiciel, et pour récupérer les résultats il faut avoir le produit lui-même. Par exemple si on veut retravailler les données, si c’est dans un format propriétaire, le laboratoire qui veut répéter les résultats, refaire l’expérience, sera obligé d’avoir le même logiciel ou le même système.

Manu : Et ça s’applique aussi aux données. Les données qui sont utilisées par les scientifiques ont besoin, on s’en rend compte de plus en plus quand on veut reproduire les résultats, d’être publiées, ont besoin d’être rendues publiques très tôt dans le processus. Il y a eu pas mal de cas de dévoiement, encore une fois, où ne peut pas reproduire quelque chose et finalement, en grattant un peu, on se rend compte que c’était basé sur du vent.

Luc : Oui, tout à fait. Et même si derrière il n’y a pas d’erreur ou d’escroquerie, un format propriétaire n’est pas nécessairement pérenne dans le temps puisqu’il n’est pas ouvert et si l’éditeur n’a pas intérêt à le garder, peut-être dans 30 ans, 40 ans, le temps de la science est parfois très long, on n’arrivera pas à récupérer ces données-là parce que, justement, le format sera obsolète.
Dans un format libre et ouvert, on a toutes ses spécifications, on pourra toujours trouver un moyen de relire ces données.

Manu : Là je trouve qu’il y a un pivot qui est intéressant avec le logiciel libre, c’est que Richard Stallman a utilisé le droit d’auteur, quelque chose qui nous embête fondamentalement, on voudrait que les logiciels libres appartiennent à l’humanité, en tout cas moi je voudrais qu’ils appartiennent à l’humanité et pas à des auteurs, mais Richard Stallman a utilisé le droit d’auteur tel qu’il existait pour dire « voilà, les logiciels libres qui seront distribués sous la clause du copyleft[2], par opposition au copyright, vous ne pourrez plus les renfermer, on va dire les enclore, comme on peut le faire avec du logiciel privateur ».

Luc : Mais dans la science comme dans l’informatique, l’auteur est important non pas par rapport au fait qu’il contrôle l’information et qu’il en fasse du profit en possédant l’information mais pour sa notoriété. Et dans l’économie du savoir, pas l’économie avec des sous mais comment les échanges se font, que ce soit dans le logiciel libre ou dans la science, le principe essentiel c’est cette question de la notoriété.

Manu : Notoriété, je ne sais pas, il y avait d’autres termes, je crois que c’est paternité, maternité ?

Luc : Oui, on peut parler de paternité, de maternité, mais il y a quand même cette idée de dire que ce super boulot a été fait par untel. Même s’il ne conserve pas de droits exclusifs dessus en disant « c’est à moi, personne n’y touche ou alors il faut cracher le pognon », au moins on sait que c’est Manu qui a fait ce superbe boulot ; c’est lui. Donc ta réputation – le mot notoriété devient un peu péjoratif avec les réseaux sociaux et tout ça, mais je ne le prends pas du tout comme ça – c’est ce qui est important. Quand on a quelqu’un de brillant, qui est reconnu pour avoir fait le boulot et avoir contribué, eh bien quand il dit quelque chose on l’écoute.

Manu : Sur le contrôle de l’exploitation, le droit d’auteur, le brevet, le droit des marques, ce sont des verrous qui sont posés et là, en mettant le copyleft, ce verrou a été utilisé pour garantir que les logiciels libres continueront à être libres. Malheureusement, dans la science, ce n’est pas toujours le cas, il y a des gens qui enferment la science par l’accès aux publications, mais il y a d’autres mécanismes. Les droits sur les médicaments peuvent être contrôlés parce que, par exemple, on n’a pas le droit d’accéder au marché.

Luc : Ça correspond ce qui est apparu fin des années 70, années 80, tout ce mouvement néolibéral d’appropriation, de mettre des titres de propriété sur tout, qui fait la situation qu’on connaît aujourd’hui avec de la propriété intellectuelle appliquée à de plus en plus de choses, des inégalités, des boites qui sont extrêmement rentables, des gens qui s’enrichissent beaucoup et d’autres qui, par contre, sont dans la misère.
Il y avait un autre article là-dessus qui montre en quoi aujourd’hui c’est absolument vital qu’on change de paradigme et qu’on revienne au paradigme d’avant en mieux parce qu’il faut être ambitieux. On a toute une série de défis qui nous attendent, on a une crise économique assez sévère qui va arriver, on a des problèmes environnementaux très sérieux qui vont arriver dans très peu de temps.

Manu : On a une pandémie et probablement d’autres qui vont arriver parce qu’on peut s’attendre à ce qu’il y ait d’autres choses qui déboulent à la suite de ce qu’on connaît en ce moment.

Luc : Donc on a besoin de souplesse, on a besoin d’être rapides, on a besoin d’être intelligents et pour ça on a besoin de partager nos savoirs, nos connaissances et ça va bien au-delà du domaine scientifique. Si on veut réussir à s’organiser les uns avec les autres, ce que fait le logiciel libre.

Manu : Là je vais te traiter de grand naïf parce qu’il y a des sociétés qui n’attendent qu’une chose c’est de trouver le médicament pour la Covid-19 et s’il y a un médicament qui sort, qui est efficace, même pas d’ailleurs, ce ne sera peut-être même pas nécessaire qu’il le soit, il y a de l’argent énorme à se faire. Si quelqu’un ou même un pays contrôle ce médicament, eh bien c’est une garantie d’obtenir plein de choses.

Luc : Comme j’ai la réputation d’être pessimiste, je te rassure, l’épidémie actuelle est un souci, mais c’est un souci extrêmement mineur par rapport à ce qui nous attend à l’horizon de 30 ans en termes environnementaux. Les actionnaires de cette boîte qui va faire des super bénéfices seront très contents parce qu’ils vont gagner beaucoup d’argent, mais, à un horizon assez rapide, ce modèle-là est insuffisant pour faire face à la montagne qui nous attend.

Manu : Ce que j’en retiens c’est qu’il faut qu’on travaille tous ensemble, qu’on améliore l’état des connaissances humaines, nos techniques, nos technologies et qu’on les partage à égalité.

Luc : D’accord ! Du coup tu m’aides à faire le montage de l’émission ?

Manu : Oui, tout à fait ! Non, chérie…

Luc : Très bien. On se retrouve la semaine prochaine. Manu ! Manu…