Différences entre les versions de « La « souveraineté numérique », pour quoi faire - Le téléphone sonne »

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'''Titre :'''  La « souveraineté numérique », pour quoi faire ?
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Publié [https://www.april.org/la-souverainete-numerique-pour-quoi-faire ici] - Août 2020
 
 
'''Intervenant·e·s :''' Laure de la Raudière - Tarik Krim - Bernard Benhamou - Divers auditeurs - Éric Delvaux
 
 
 
'''Lieu :''' <em>Le téléphone sonne</em> - France Inter
 
 
 
'''Date :'''  13 août 2020
 
 
 
'''Durée :''' 39 min
 
 
 
'''[https://rf.proxycast.org/66b0797c-20ba-45cd-9a7c-1d4f8178060f/11176-13.08.2020-ITEMA_22401358-2020F4170S0226-1779455909.mp3 Écouter ou enregistrer le podcast]'''
 
 
 
'''[https://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-13-aout-2020 Site de présentation de l'émission]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :'''
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
Transcrit : MO
 
 
 
==Description==
 
 
 
Comme une nouvelle guerre froide, la souveraineté numérique déchire la Chine et les USA. La France et l’Europe ont-elles une ambition dans ce domaine ?
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Émission ce soir sur notre souveraineté numérique. Les enjeux sont si importants qu’ils génèrent une nouvelle forme de guerre entre la Chine et les États-Unis, guerre économique mais pas seulement, car la souveraineté numérique c’est aussi une question de sécurité de nos propres données, celles que nous confions allégrement aujourd’hui aux GAFAM américains.<br/>
 
La France et l’Europe sont-elles condamnées à rester numériquement dépendantes des puissances étrangères ? Et dans la perspective de la 5G et dans la perspective de la transition écologique quelles sont les autres voies numériques possibles et à quelles conditions ? C’est donc le thème du <em>téléphone sonne</em> de ce soir
 
 
 
<b>Voix off : </b><em>Le téléphone sonne</em>, 014524 7000
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Avec trois invités ce soir pour nous éclairer.<br/>
 
Laure de la Raudière, vous êtes députée Agir d’Eure-et Loir, vous êtes aussi coprésidente du groupe d’étude de cybersécurité et souveraineté numérique à l’Assemblée nationale.<br/>
 
En studio Tariq Krim, entrepreneur et ancien vice-président du Conseil national du Numérique.<br/>
 
Également en studio Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique.<br/>
 
Merci d’être venus ce soit à France Inter pour répondre aux auditeurs.
 
 
 
<b>Bernard Benhamou : </b>
 
 
 
<b>Tariq Krim : </b>Merci à vous.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>La première question est pour vous Laure de la Raudière : de qui la France est-elle numériquement dépendante ?
 
 
 
<b>Laure de la Raudière : </b>On est principalement dépendants aujourd’hui des États-Unis. Ça peut changer, on pourra être aussi dépendants des Chinois pourquoi pas pour certains services, mais aujourd’hui nous dépendons massivement de ce qui s’appelle les GAFAM, Google, Amazon, Apple, Facebook, Microsoft qui sont des géants du numérique et on utilise leurs services quotidiennement.<br/>
 
La crise du covid nous a montré à quel point on était proondément dépendants du numérique. Je dirais mème heureusement même que le numérique était là. Le télétravail a été multiplié par 10, les téléconsultations en matière de santé par 100, le e-commerce par 2 et parallèlement aussi les cyberattaques ont été multipliées par 4.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Tariq Krim ce qui est en jeu c’est donc l’économie, on va le voir un peu plus tout à l’heure, ce sont aussi nos données personnelles avec quels risques, précisément, qu’elles soient confiées aux GAFAM ?
 
 
 
<b>Tariq Krim : </b>Ce qui est intéressant c’est qu’à chaque fois qu’on utilise son téléphone ou son ordinateur, ces plateformes collectent des données pour mieux nous connaître, pour ensuite nous servir de nouveaux produits, influencer nos comportements, nos achats. En fait, ces plateformes sont devenues de gigantesques réservoirs de données qui sont hébergés, hélas, aux États-Unis.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Quand le gouvernement a choisi par exemple en France de confier l’hébergement de nos données de santé, donc nos secrets médicaux, à l’Américain Microsoft, ce qu’on appelle le Health Data Hub, Bernard Benhamou on vous a entendu crier au loup en vous inquiétant de certaines dérives possibles. Quels types de dérives ?
 
 
 
<b>Bernard Benhamou : </b>De nombreuses dérives sont possibles à partir d’un projet de ce genre qui au départ est animé de bonnes intentions puisqu’il s’agit d’améliorer la santé au travers de nouvelles technologies, en particulier d’intelligence artificielle. L’idée est louable. La réalisation par un acteur américain de cette taille, avec ses ambitions sur ce secteur-là, permet effectivement d’avoir toutes les inquiétudes sur le fait que cela puisse déboucher effectivement sur une appropriation de ces données, à la fois par des acteurs industriels – ce qui est déjà le cas manifestement –, mais aussi par des services de renseignement puisque les États-Unis ont des lois qui s’appliquent à toutes les sociétés où que soient localisées leurs données, y compris en Europe, si elles sont américaines. Donc par définition il y avait là un risque et on y est allé beaucoup trop vite. Je dirais que la crise covid a peut-être accéléré la chose. Effectivement je crois qu’il est temps, il est important de réfléchir parce que ce qui se joue là ce n’est pas une application de traçage comme StopCovid, c’est le futur de notre système de santé sur les 10, 20 ou 30 ans qui viennent.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Sur les abus aux États-Unis l’administration américaine avait envisagé d’imposer des tests de santé en entreprise en fonction des informations de santé de son personnel recueillies sur le Net, même avec des pénalités pour les employés ?
 
 
 
<b>Bernard Benhamou : </b>Oui, c’était même pire que ça puisqu’ils voulaient imposer, c’était une loi dite HR1313 que l’administration Trump a voulu passer, ils voulaient imposer des tests génétiques en entreprise et ceux qui ne les auraient pas passés, ceux qui auraient refusé de se faire tester génétiquement, auraient dû payer entre 4000 et 5000 dollars par an. Heureusement la chose n’a pas pu se faire parce qu’il y a eu un changement de majorité à la Chambre qui a empêché que la loi progresse, mais il faut bien avoir en tête que ce genre de scénario qui ressemble un peu à ce que font les Chinois avec le contrôle générique de leur population et le contrôle des comportements de leur population avec ce qu’ils appellent le crédit social, c’est une chose qui n’est pas totalement impossible dans des pays occidentaux et dans des démocraties libérales comme on se plaît à s’appeler par rapport à ça. Donc cette évolution vers un système de contrôle et de surveillance, que certains appellent le capitalisme de surveillance, n’est pas je dirais un scénario de science-fiction, c’est une possibilité concrète de nos régimes, à l’heure actuelle.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Laure de la Raudière, d’ailleurs quelle a été votre position quand le gouvernement que vous soutenez au sein du groupe Agir, a confié nos données médicales à Microsoft ? Qu’avez-vous dit ? Comment avez-vous réagi ?
 
 
 
<b>Laure de la Raudière : </b>J’ai d’abord posé la question de savoir pourquoi on avait choisi Microsoft et pas un acteur français ou un acteur européen et quelles avaient été les garanties qui avaient été prises vis-à-vis de nos données de santé. Déjà des données personnelles, je préférerais qu’elles soient hébergées en France auprès d’un acteur français pour être assurée que ma vie privée soit bien gérée avec les lois auxquelles j’ai souscrit en fait. Je réponds à votre question, mais vous savez qu’il y a une loi américaine qui s’appelle le CLOUD Act qui permet aux juridictions américaines de saisir toutes les données, où qu’elles soient hébergées dans le monde, à partir du moment où ce sont des données hébergées chez un acteur américain.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>C’est un problème d’extraterritorialité.
 
 
 
<b>Laure de la Raudière : </b>Je vous remercie de le dire, extra-territorialité, si les données sont hébergées chez un acteur américain, ce qui est le cas de la quasi-totalité de nos données aujourd’hui. Donc c’est un enjeu majeur de savoir comment l’État français va protéger nos données de santé s’il y a une réquisition d’un juge américain qui voudrait avoir accès à nos données de santé.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Est-ce que vous vous êtes fait entendre par le gouvernement ? Est-ce que vous avez fait un petit forcing auprès du gouvernement ?
 
 
 
<b>Laure de la Raudière : </b>Oui, bien sûr, bien évidemment qu’on a fait un forcing. Ils nous ont dit qu’aujourd’hui, par rapport aux exigences de fonctionnement informatique, en fait des exigences qu’il y avait dans le cahier des charges informatique, il n’y avait pas d’offre européenne qui permettait de satisfaire l’ensemble des exigences. Ce qui est le cas aussi de toutes les grandes entreprises françaises ou européennes, c’est-à-dire que ce n’est pas une spécificité de l’État français. Aujourd’hui ce que nous disent en fait les DSI, que ça soit les DSI de l’État ou les directeurs des services d’information des grands groupes, c’est que le niveau de prestation de Google, d’Amazon ou Microsoft est très en avance par rapport à ce qu’on est capable de faire. Donc il y a un gros enjeu aujourd’hui développer cette offre, c’est un enjeu majeur de souveraineté.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>On va en parler après. On va aborder après les solutions et les perspectives.<br/>
 
Tariq Krim, Laure de la Raudière, la députée dit qu’il n’y avait pas d’offre en Europe pour héberger nos données de santé.
 
 
 
<b>Tariq Krim : </b>Je ne suis pas vraiment d’accord avec cette position. Je crois que ce que l’on voit déjà, comme le rappelait Bernard avec la question de la souveraineté, c’est qu’il y a deux choses en fait. La première, c’est une forme de démission, on a considéré qu’on ne pouvait plus rien faire en France. Il faut savoir que certaines technologies qui vont être utilisées par le Health Data Hub ont été développées par des Français, notamment sur les logiciels libres en intelligence artificielle on est très bons. Le vrai sujet c’est la question de l’hébergement, c’est la question de définir des politiques ambitieuses dans ce domaine. Et ce que l’on voit aujourd’hui, on voit ça depuis une vingtaine, une trentaine d’années, c’est que le pouvoir politique qui n’est plus technologique, qui n’a plus de compétences technologiques, va plus au plus rapide et le plus rapide c’est de se dire finalement, si on doit faire Health Data Hub aujourd’hui, on va utiliser Microsoft parce que c’est plus rapide.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Je vous coupe, pardon, ça veut dire qu’il y aurait eu des solutions françaises de cloud ?
 
 
 
<b>Tariq Krim : </b>Bien sûr. Il y a des dizaines de solutions. La vraie question c’est la question de l’hébergement : est-ce que le logiciel qui fait tourner la France est hébergé en France, ce qui est possible ? On a des acteurs très connus, Outscale, OVH, Scaleway, etc., et bien d’autres ; il y en a une quinzaine ou une vingtaine. Les hôpitaux, les cliniques hébergent des données de santé numériques depuis une vingtaine, une trentaine d’années, donc ce n’est pas quelque chose de nouveau. Par contre, ce qui est important c’est de se dire est-ce qu’on met tous les moyens sur la table pour développer des industries numériques en France ? Ou est-ce que, comme malheureusement on l’a vu maintenant avec Renault, avec Airbus, avec Orange, on décide de délocaliser la recherche et développement ? Il faut le savoir, et je pense que les auditeurs doivent le savoir, à chaque fois que l’on dit on va travailler avec Facebook, avec Google, avec tous ces grands acteurs, ça veut dire que les centres de recherche et développement d’Orange, de Nokia, de Renault, de tous les grands acteurs, vont être supprimés.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique, vous souhaitiez réagir.
 
 
 
<b>Bernard Benhamou : </b>Oui. C’est-à-dire qu’à l’heure actuelle on sait très bien que l’argument qui a été mis en avant par le gouvernement c’est un argument de rapidité en disant effectivement nous avons privilégié les fonctionnalités sanitaires au détriment d’une politique industrielle. Cet argument qui était pratiquement audible dans les années précédentes parce que ça n’attirait pas autant l’attention, surtout dans une période de crise comme la pandémie, aujourd’hui on se rend compte que c’est extrêmement dangereux parce que ces outils numériques sont essentiels pour le fonctionnement de nos sociétés. Ils définissent notre société sur le long terme et si nous ne faisons pas en sorte de dresser à un moment donné des barrières – même si le terme n’est pas sympathique – par rapport à des technologies qui peuvent constituer un risque, surtout effectivement de surveillance, en particulier avec les Chinois mais aussi avec les Américains, nous ne développerons jamais notre propre écosystème, nous ne deviendrons jamais indépendants, souverains pour rependre le terme, et nous ne serons pas capables de définir notre futur numérique. Et ça c’est une chose qui va être déterminante politiquement pour les 10, 20, 30 ans qui viennent.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>On va aller au standard de France Inter 01 45 24 70 00, avec une première question de Jean-Claude. Bonsoir Jean-Claude.
 
 
 
<b>Jean-Claude : </b>Bonsoir et merci de prendre ma question. J’étais un petit peu sur cette ligne, ce que défendait votre précédent intervenant sur la question de la santé en disant dans différents domaines il y aurait des possibilités. Il y a un exemple qui n’est peut-être pas assez connu, mais il y avait quelque chose qui s’appelait eBay, la vente entre particuliers en France et partout en Europe. Est arrivé Le Bon Coin et en un an on ne parlait plus d’eBay, tout le monde était sur Le Bon Coin. C’est un exemple.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Et Le Bon Coin est en train de racheter eBay me semble-t-il.
 
 
 
<b>Jean-Claude : </b>C’est possible en plus, je ne savais pas, merci.<br/>
 
Il y a d’autres domaines, évidemment Amazon. En fait en France on avait une vielle tradition : le catalogue Manufrance a existé, après il a eu La Redoute, il y a eu la Camif, etc. Il y a un problème de cahier des charges. C’est vrai qu’il y a les prix, mais si on fait mieux au point de vue avis des consommateurs, etc. ; il y a une petite entreprise, relativement, comme LDLC dans le domaine informatique qui marche très bien. Donc ça peut très bien se généraliser, surtout avec La Poste en arrière ligne, il n’y a pas de problème.<br/>
 
Il y a un autre domaine. On parle de Microsoft mais, en fait, dans les collèges français les élèves travaillent très souvent sur du logiciel libre pour ne pas acheter les licences Microsoft, dans tous les domaines traitement de texte, etc., et même la Gendarmerie pour la confidentialité parce qu’il y a des <em>back doors</em>, des portes d’espionnage dans tous les logiciels Microsoft, c’est ce que demande la CIA.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Voilà pour votre constat. Et la question ?
 
 
 
<b>Jean-Claude : </b>Le dernier exemple c’est Google. En France on a des mathématiciens, les algorithmes c’est avant tout des mathématiques et on devrait pouvoir y arriver. Donc où est la volonté ? Les moyens existent, ils sont là et en plus il y aura une demande parce qu’il y a des tas de pays dans le monde qui sont très intéressés par le logiciel libre, par l’indépendance, par la sécurité des données, donc il y a réellement un marché.
 
 
 
<b>Éric Delvaux : </b>Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique, qui manque de volonté dans cette affaire ?
 
 
 
==12’ 35==
 
 
 
<b>Bernard Benhamou  : </b>Je disais
 

Dernière version du 18 août 2020 à 12:57


Publié ici - Août 2020