L'April et ses combats - Conférence de Véronique Bonnet

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Titre : L'April et ses combats - Informatique libre, société libre

Intervenants : Véronique Bonnet

Lieu : ENS Cachan

Date : Mars 2015

Durée : 59 min 13

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J'ai deux ??? on va dire préventives, parce que je serais vraiment très heureuse qu'il y ait des questions nombreuses. Il se trouve que je suis entrée en février au conseil d'administration de l'April. Je ne suis pas du tout informaticienne. Je suis venue au Libre par la philosophie. J'ai été normalienne, donc j'ai fait, boulevard Jourdan, des études de philosophie et, il y a un an et demi, il se trouve que j'ai visionné, ce n'est même pas in vivo, j'ai visionné une conférence de Richard Stallman et mon intérêt et mon attention pour l'humanisme, pour les valeurs des Lumières, se sont sentis tout à fait concernés par ce discours qui est très particulier qui est celui du Free Software.

J'ai appelé mon intervention « L'April et ses combats - Informatique libre, société libre », parce qu'il me semble, qu'en effet, ce qui fait la force du Free Software, ce en quoi il est peut-être plus directement joyeux, plus directement en phase avec l’existence que l'open source, c'est que, comme le dit Richard Stallman, l'informatique touche à la vie même. Et comme l'informatique touche à la vie même, c'est vrai qu'on peut aussi bien se contenter, c'est déjà très fort de combat pour qu'il y ait un accès au code source, de combat pour essayer d'éviter que les lobbies des DRM et autres défenseurs de la propriété intellectuelle essaient d'intervenir dans les législations, essaient de prévaloir en législation. Mais il me semble aussi très important, et c'est le cas de l'April, c'est pour ça que je suis entrée à l'April, il me semble très important de ne pas oublier que le Free Software libère, bien sûr, des logiciels, mais libère aussi des manières de se comporter, de demander un droit à la parole, de défendre des valeurs d'intimité, d'extimité, ça me paraît aussi important que les valeurs d'intimité, c’est-à-dire la possibilité de sortir d'une certaine fascination, peut-être, pour la technologie, d’être capable de faire un pas de côté, pas seulement d'exercer ses prérogatives d'utilisateur.

Je vais commencer par rappeler, d'une façon peut-être étrange, mais mes outils sont les outils de la philosophie, que l'April a un nom de printemps, l'April a un nom de printemps. Nous sommes à la Fête du Libre, nous sommes à « Libre en fête », nous sommes dans le printemps du Libre et, peut-être pour vous donner envie de m'écouter, si j'avais à comparer l'April à une démarche culturelle préalable, il me semble que l 'April évoque aussi bien ce qui s'est passé de fondamental, de décisif, au moment de la Renaissance, dans une forme de réappropriation par l’être humain de l'espace, l'humanisme, qui met l’être humain au centre, qui n'en fait plus, éventuellement, un rouage ou un réceptacle. Et donc, je vais commencer mon exposé en évoquant trois tableaux qui sont de la Renaissance, et qui me semblent dire quelque chose des missions de l'April et des objectifs du Free Sofware.

Avant de vous montrer ces tableaux, je me ferai l'écho d'une inquiétude qui était celle de Victor Hugo. Victor Hugo, après les espoirs suscités par certains mouvements du peuple, dans « Choses vues », pose des questions en ce qui concerne la Troisième République, et se demande si la Troisième République respecte vraiment la souveraineté du peuple. Et c'est vrai que la Troisième République ressemble à un printemps, mais ça n'est peut-être pas tout à fait un printemps. Je vous lis ce qu'il écrit en 1874, donc après la Commune, et là il a l'impression que la Troisième République va être essentiellement une démarche d'optimisation, une démarche technique, pratique, qui va oublier certains idéaux, donc voilà ce qu'il écrit : « Supposez qu’avril soit une république et qu'avril soit sans oiseaux, sans nids, sans rayons de soleil, sans fleurs, sans abeilles, ce sera la république sans républicains. C'est à peu près cela que nous avons un printemps avec les institutions de l'hiver ». Un printemps avec les institutions de l'hiver. Il me semble que le mouvement du Free Software s'arme pour que cette éclosion du libre, alors qui, c'est vrai, permet à l'humanité de publier comme jamais, de transmettre, échanger, comme jamais, c'est vrai qu'il serait dommage que ce mouvement du Free Software soit confisqué simplement par des optimisateurs, par ceux qui gardent du libre simplement que ça marche, ou que c'est efficace, ou qui confondent libre avec gratuit, ou qui confondent libre avec ouvert, liberté avec libéralisme.

J'en viens à ces tableaux qui, me semble t-il, disent, assez bien, ce qu'il en est des missions que s'est donnée l'April. C'est une association qui vient de fêter ses dix-huit ans, qui est devenue majeure, en novembre dernier, et qui s'appelle Association Francophone pour la Promotion et la Défense des Logiciels libres. Le premier tableau, « Le Printemps » de Botticelli. Le printemps, alors une forêt habitée, une forêt avec des symboles, avec au centre Vénus, avec cette vigueur du printemps, avec Flore. Vous avez Zéphyr qui a changé Cloris pour en faire la déesse des fleurs. Cette femme qui parle, et des fleurs s'échappent de sa bouche, devient la déesse des fleurs. Vous avez les Grâces. Vous avez Mercure donc la divinité de la communication, des voyageurs, qui, de son caducée, éloigne l'hiver. C'est un peu amusant pour nous, qui éloigne le cloud, qui éloigne, de son caducée, certains nuages menaçants. Ce qui me semble être manifesté, dans cette énergie de Botticelli, que, je pense, l'April incarne, l'April manifeste, c'est que le printemps c'est l'éveil des vivants et des êtres parlants, et que, ce qu'on appelle la révolution numérique, c'est un éveil possible, c'est une éclosion possible. Je pense que ça serait dommage qu'il soit confisqué au profit de substantifs un peu vagues, un peu fourre-tout, comme le libre, le numérique, le tout numérique et il me semble qu'il y a une rigueur dans cet exercice qu'on peut faire, de la vigueur, dans cet exercice qu'on peut faire de l'énergie.

Le deuxième tableau c'est aussi un tableau de Botticelli. Ça s’appelle Pallas, donc Pallas Athéna, la déesse de la sagesse. Vous la reconnaissez, elle a une couronne d'olivier, elle a la hallebarde, elle a aussi, parce que c'est une œuvre de commande, la livrée des Médicis, c'est un tableau de composition,, donc de commande et de sa main, et ça ça me paraît très fondamental dans la vigilance qui est celle de l'April, dans son pari que le Free Software va plus loin que l'open source, je vais m'en expliquer, elle pose la main sur la tête d'un centaure, d'un personnage qui est hybride, le centaure, donc mi-cheval, mi-humain, réputé dans la mythologie pour être un être violent, pour être un être cupide. Je pense à cette extrême attention qu'a aussi bien la FSF que l'April pour essayer de calmer que, un certain sommeil, une certaine fascination pour la technologie et pour l'informatique fasse s'éveiller les monstres. Le sommeil de la raison engendre des monstres. Peut-être est-il important que, de temps en temps, des perspectives un peu globales et un peu critiques, je parlais tout à l'heure d'extimité, savoir faire un pas de côté, essayent d'affronter des monstres technologiques. Richard Stallman, par exemple, parle des iThings comme de monstres technologiques, de certaines montres connectées, des objets connectés, des montres connectées, et autres joyeusetés, qui relèvent, peut-être, du mélange des genres, comme ici le centaure.

Et enfin, pour ne pas abuser de votre patience, dernier très beau tableau. C'est du Paolo Uccello, donc le peintre des batailles, le peintre de la bataille de San Romano, et là vous avez représentée la contre-offensive décisive qui permet, à la bataille de San Romano, d’être la victoire qu'on sait. Contre-offensive, il me semble que c'est une notion qui définit assez bien la vigilance, aussi bien de la FSF que de l'April pour l'espace francophone, parce que, souvent, dans l'urgence, il arrive qu'il faille collaborer à des brouillons, à des pads, à des communiqués de presse, à des contre-offensives, qu'il faille faire extrêmement vite, parce que le lobby de ce que j'appelle l'informatique fermée, ou l'informatique qui est simplement intéressée par des effets commerciaux, il se trouve qu'assez rapidement ces lobbies sont aux aguets lorsque telle législation se discute, lorsque telle demande de tel citoyen reçoit une réponse et je n'exclus pas, d'où ce terme de combat, je n'exclus pas, dans cette responsabilité qui est faire fructifier, fleurir d'abord, le Free Software qu'il y ait un caractère décisif de la contre-attaque. À certains moments, il est important de prendre la parole, de dire son sentiment, lorsque telle institution est rétive, par exemple, à l’interopérabilité, lorsque l'égalité des citoyens, dans l'accès aux documents, n'est pas nécessairement garantie, et donc, il me semble que le printemps, et c'est vrai que c'était la tradition aussi à la Renaissance et aussi dans l'Antiquité, est parfois le réveil de certaines polémiques, qui exigent qu'on aille assez vite pour élaborer certaines réponses.

13' 11

J'ai cherché une photographie de Richard Stallman, printanière.