Différences entre les versions de « L'April et ses combats - Conférence de Véronique Bonnet »

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Et enfin, pour ne pas abuser de votre patience, dernier très beau tableau. C'est du Paolo Uccello, donc le peintre des batailles, le peintre de la bataille de San Romano, et là vous avez représentée la contre-offensive décisive qui permet, à la bataille de San Romano, d’être la victoire qu'on sait. Contre-offensive, il me semble que c'est une notion qui définit assez bien la vigilance, aussi bien de la FSF que de l'April pour l'espace francophone, parce que, souvent, dans l'urgence, il arrive qu'il faille collaborer à des brouillons, à des pads, à des communiqués de presse, à des contre-offensives, qu'il faille faire extrêmement vite, parce que le lobby de ce que j'appelle l'informatique fermée, ou l'informatique qui est simplement intéressée par des effets commerciaux, il se trouve qu'assez rapidement ces lobbies sont aux aguets lorsque telle législation se discute, lorsque telle demande de tel citoyen reçoit une réponse et je n'exclus pas, d'où ce terme de combat, je n'exclus pas, dans cette responsabilité qui est faire fructifier, fleurir d'abord, le Free Software qu'il y ait un caractère décisif de la contre-attaque. À certains moments, il est important de prendre la parole, de dire son sentiment, lorsque telle institution est rétive, par exemple, à l’interopérabilité, lorsque l'égalité des citoyens, dans l'accès aux documents, n'est pas nécessairement garantie, et donc, il me semble que le printemps, et c'est vrai que c'était la tradition aussi à la Renaissance et aussi dans l'Antiquité, est parfois le réveil de certaines polémiques, qui exigent qu'on aille assez vite pour élaborer certaines réponses.  
 
Et enfin, pour ne pas abuser de votre patience, dernier très beau tableau. C'est du Paolo Uccello, donc le peintre des batailles, le peintre de la bataille de San Romano, et là vous avez représentée la contre-offensive décisive qui permet, à la bataille de San Romano, d’être la victoire qu'on sait. Contre-offensive, il me semble que c'est une notion qui définit assez bien la vigilance, aussi bien de la FSF que de l'April pour l'espace francophone, parce que, souvent, dans l'urgence, il arrive qu'il faille collaborer à des brouillons, à des pads, à des communiqués de presse, à des contre-offensives, qu'il faille faire extrêmement vite, parce que le lobby de ce que j'appelle l'informatique fermée, ou l'informatique qui est simplement intéressée par des effets commerciaux, il se trouve qu'assez rapidement ces lobbies sont aux aguets lorsque telle législation se discute, lorsque telle demande de tel citoyen reçoit une réponse et je n'exclus pas, d'où ce terme de combat, je n'exclus pas, dans cette responsabilité qui est faire fructifier, fleurir d'abord, le Free Software qu'il y ait un caractère décisif de la contre-attaque. À certains moments, il est important de prendre la parole, de dire son sentiment, lorsque telle institution est rétive, par exemple, à l’interopérabilité, lorsque l'égalité des citoyens, dans l'accès aux documents, n'est pas nécessairement garantie, et donc, il me semble que le printemps, et c'est vrai que c'était la tradition aussi à la Renaissance et aussi dans l'Antiquité, est parfois le réveil de certaines polémiques, qui exigent qu'on aille assez vite pour élaborer certaines réponses.  
  
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J'ai cherché une photographie de Richard Stallman, printanière.
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J'ai cherché une photographie de Richard Stallman, printanière. Ça tombe assez mal puisque je vais vous dire que l'April, qui donc a dix-huit, alors que le projet GNU a eu trente-et-un ans, a très vite pris contact avec Richard Stallman qui, aux États-Unis, s'est heurté à un dysfonctionnement qui lui a fait concevoir un projet, dont, dans l'espace francophone, l'April, l'association April, est porteuse. J'ai trouvé cette photographie réjouissante. Je vais procéder par deux axes. Je vais déjà faire le lien entre la FSF, que très certainement vous connaissez très bien, l'April qui s'écrivait d’abord en majuscules, qui n'est pas l'April actuelle, dont, alors je vous ai montré tout à l'heure le logo, dont seule, la première lettre est en majuscule puisque, entre temps, les enjeux et les contextes ont changé. C'est-à-dire de l'association qui était née avec des étudiants en informatique qui avaient peur de la montée en puissance de la brevetabilité qui empêchait même les intellectuels et les universitaires d’échanger entre eux, ce qui, pourtant, était la tradition. C'est vrai que avant de vous parler de l'April même, et c'est vrai que lorsque l'April a eu deux ans, Richard Stallman est venu à Saint-Denis pour faire une première conférence, il me semble qu'il est important de parler, bon, à ceux de vous qui n'en auraient qu'une idée vague, de en quoi le projet GNU est un projet dont je disais, tout à l'heure, qu'il était un projet d'éveil, un projet de printemps, essayant de donner la meilleure part aux êtres parlants parmi les vivants.
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Que vais-je vous dire de la FSF, la ''Free Software Foundation'' ? Vous savez, très certainement, que Richard Stallman, au début, se heurte, et ça c'est important de le rappeler, à un problème de dysfonctionnement. Donc il est au MIT, c'est un mathématicien émérite, c'est un programmeur émérite. Un jour, une machine, une imprimante Xérox, lui résiste. C'est très désagréable parce que, non seulement un utilisateur devrait s'attendre à pouvoir en faire pleinement usage, mais il pourrait même, étant donné qu'il est programmeur, pouvoir disposer d'un code source permettant d’implémenter des améliorations, permettant d’optimiser un fonctionnement. Pourquoi rappeler cela ? Parce que si le projet GNU part d'un incident qui concerne le fonctionnel, le nom fonctionnel, il me semble qu'il y a actuellement une vigilance, aussi bien de la part de Richard Stallman que de la part de l’April, pour ne pas réduire les questions informatiques et les questions de l'informatique libre à des considérations sur ce qui est opératoire. Ça part bien d'un dysfonctionnement, ça vise bien un fonctionnement, mais entre temps, c'est l’éthique qui s'installe, et l’éthique qui va dire que ça n'est pas rien, que celui qui a un usage informatique puisse l'exercer jusqu'au bout, parce que c'est vrai que cet usage il sous-tend, il traverse sa vie même. Et c'est vrai que ceci concerne la construction de l'autonomie et l'usage plénier de l'autonomie.
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Comme vous en savez vraiment beaucoup, me semble t-il, sauf questions, et dans ce cas-là vous n'hésitez pas à interrompre, il est vrai qu'au début le projet GNU se dote d'absolument toutes les précautions. Donc c'est un appel, qui est lancé par Richard Stallman, à des informaticiens pour écrire du code de façon à ce que, échappe, au moins, à des verrouillages successifs, à des brevets successifs, ce qui est le vecteur d'une certaine humanité, qui veut rester l'humanité qui veut échanger, qui veut collaborer.
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Je vais, parce que c'est vrai que mon territoire initial est le territoire philosophique, il me semble qu'il convient de bien faire la différence entre liberté informatique, informatique libre, et informatique qui serait simplement libérale, c’est-à-dire qui serait de l'ordre du laisser-faire, laisser-passer, absence de barrage. Le projet GNU ne vise pas du tout une absence de barrage. Le projet GNU vise une autonomie, c'est complètement différent, c'est-à-dire vise une certaine posture de l'usager qui va, non seulement s’autoriser à écrire du code, à, si du code est ouvert, accéder à lui, l’améliorer, redistribuer. Il me semble que dans informatique libre, et en tout cas c'est le credo de l’April, il y a une certaine contrainte imposée à soi par soi. Et donc il me parait ??? entre ce qui serait simplement une absence d'entrave, comme on le voit aussi bien dans le libéralisme que dans le libertinage, que dans des considérations qui seraient seulement économiques.
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Vous savez que ''free'' en anglais est ambiguë. ''Free'' veut dire libre et veut dire gratuit. D'une façon assez récurrente Richard Stallman fait la différence entre ''free beer'', une bière gratuite et ''free speech'', un discours qui est libre, qui est autonome, qui décide lui-même où il va. Concernant maintenant le risque d'une confusion entre liberté, libéralisme, libertinage, là, je me réfère à un texte, qui est très connu, ça s'appelle la « Fable des abeilles » de Mandeville. « Fable des abeilles » qui est à la base de ce qu'on appelle après, le libéralisme d'Adam Smith, de la main invisible, comment, en étant cupide, l’économie libérale finit par être bénéfique, parce que celui qui veut vendre cher son pain a intérêt qu'il soit bon. Ça va encore plus loin dans la « Fable des abeilles » de Mandeville ; il compare deux ruches possibles. Que se passerait-il si une ruche était habitée par des abeilles vertueuses ? Eh bien, les abeilles vertueuses, elles ne butineraient pas, alors qu'au moins une ruche peuplée d'abeilles cupides, cette ruche-là va prospérer. Ça c'est tout à fait le lien, vous savez ce qu'en fait Sade après, les infortunes de la vertu, les prospérités du vice, c'est le lien entre libéralisme et libertinage. Il faut faire, je crois, la différence entre une libération qui serait simplement une absence d'entrave commerciale, d'entrave logicielle, sonnante et trébuchante, et une informatique libre, qui dépasse le modèle de la ruche, le modèle de l'avidité. Le Free Software n’est pas une ruche avide, il n'est pas une ruche cupide ; la différence qui s'est manifestée entre le Free Software et Open Source. C'est vrai que Richard Stallman parle souvent de 1998. On estime que c'est le texte d’Éric Raymond, qui oppose la cathédrale et le bazar, qui ouvre la voie de l'Open Source, ou au moins, comme c'est le bazar, il y a beaucoup beaucoup d'utilisateurs, tous veulent que leurs lignes de code fonctionnent, tous échangent. Je pense qu'il serait dommage de réduire le bazar à une ruche. Je pense que les différentes ''install party'', les différents événements, les différentes propositions collaboratives qui sont celles du Free Software, ne sont pas réductibles seulement à un modèle de faire son miel, faire son beurre, parce que c'est fiable, parce qu'il y a beaucoup de rapports de bugs, parce que les utilisateurs sont nombreux et, du coup, ça fonctionne.
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Conséquence de cela, c'est vrai que, alors on est toujours dans des images de printemps, toujours dans des ruches, des arbres, des petits animaux, c'est vrai que le GNU, la ''Gnu Public License'', va davantage faire appel à un modèle qui est celui du marcottage, qui est celui du fraisier ; là vous avez une page de botanique. Vous avez, dans l'usage des licences GPL, bon, de manière générale, dans les licences qui évitent que le code produit par la communauté soit confisqué, c'est vrai que vous avez des démarches très bien pensées par Eben Moglen, qui permettent à quelqu’un qui utilise le copyleft d'imposer à ceux qui l’utiliseront, l'amélioreront, le redistribueront, de le faire également sous copyleft. Donc c'est vrai que le modèle de la fraise, le modèle du fraisier, du marcottage, du stolon, là, vous avez un fraisier qui va produire, par une longue tige, un autre, puis un autre, par une longue tige, il me semble que ce modèle-là est un modèle beaucoup plus intéressant et beaucoup plus fort que celui, simplement, de la ruche de Mandeville où la volonté de réussir donne lieu, en effet, à des optimisations, mais optimisations qui sont simplement fonctionnelles, qui peut-être ne sont pas simplement éthiques.
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Quel rapport maintenant entre la FSF et la première version,

Version du 4 avril 2015 à 16:42


Titre : L'April et ses combats - Informatique libre, société libre

Intervenants : Véronique Bonnet

Lieu : ENS Cachan

Date : Mars 2015

Durée : 59 min 13

Lienvers la vidéo

00' transcrit MO

J'ai deux ??? on va dire préventives, parce que je serais vraiment très heureuse qu'il y ait des questions nombreuses. Il se trouve que je suis entrée en février au conseil d'administration de l'April. Je ne suis pas du tout informaticienne. Je suis venue au Libre par la philosophie. J'ai été normalienne, donc j'ai fait, boulevard Jourdan, des études de philosophie et, il y a un an et demi, il se trouve que j'ai visionné, ce n'est même pas in vivo, j'ai visionné une conférence de Richard Stallman et mon intérêt et mon attention pour l'humanisme, pour les valeurs des Lumières, se sont sentis tout à fait concernés par ce discours qui est très particulier qui est celui du Free Software.

J'ai appelé mon intervention « L'April et ses combats - Informatique libre, société libre », parce qu'il me semble, qu'en effet, ce qui fait la force du Free Software, ce en quoi il est peut-être plus directement joyeux, plus directement en phase avec l’existence que l'open source, c'est que, comme le dit Richard Stallman, l'informatique touche à la vie même. Et comme l'informatique touche à la vie même, c'est vrai qu'on peut aussi bien se contenter, c'est déjà très fort de combat pour qu'il y ait un accès au code source, de combat pour essayer d'éviter que les lobbies des DRM et autres défenseurs de la propriété intellectuelle essaient d'intervenir dans les législations, essaient de prévaloir en législation. Mais il me semble aussi très important, et c'est le cas de l'April, c'est pour ça que je suis entrée à l'April, il me semble très important de ne pas oublier que le Free Software libère, bien sûr, des logiciels, mais libère aussi des manières de se comporter, de demander un droit à la parole, de défendre des valeurs d'intimité, d'extimité, ça me paraît aussi important que les valeurs d'intimité, c’est-à-dire la possibilité de sortir d'une certaine fascination, peut-être, pour la technologie, d’être capable de faire un pas de côté, pas seulement d'exercer ses prérogatives d'utilisateur.

Je vais commencer par rappeler, d'une façon peut-être étrange, mais mes outils sont les outils de la philosophie, que l'April a un nom de printemps, l'April a un nom de printemps. Nous sommes à la Fête du Libre, nous sommes à « Libre en fête », nous sommes dans le printemps du Libre et, peut-être pour vous donner envie de m'écouter, si j'avais à comparer l'April à une démarche culturelle préalable, il me semble que l 'April évoque aussi bien ce qui s'est passé de fondamental, de décisif, au moment de la Renaissance, dans une forme de réappropriation par l’être humain de l'espace, l'humanisme, qui met l’être humain au centre, qui n'en fait plus, éventuellement, un rouage ou un réceptacle. Et donc, je vais commencer mon exposé en évoquant trois tableaux qui sont de la Renaissance, et qui me semblent dire quelque chose des missions de l'April et des objectifs du Free Sofware.

Avant de vous montrer ces tableaux, je me ferai l'écho d'une inquiétude qui était celle de Victor Hugo. Victor Hugo, après les espoirs suscités par certains mouvements du peuple, dans « Choses vues », pose des questions en ce qui concerne la Troisième République, et se demande si la Troisième République respecte vraiment la souveraineté du peuple. Et c'est vrai que la Troisième République ressemble à un printemps, mais ça n'est peut-être pas tout à fait un printemps. Je vous lis ce qu'il écrit en 1874, donc après la Commune, et là il a l'impression que la Troisième République va être essentiellement une démarche d'optimisation, une démarche technique, pratique, qui va oublier certains idéaux, donc voilà ce qu'il écrit : « Supposez qu’avril soit une république et qu'avril soit sans oiseaux, sans nids, sans rayons de soleil, sans fleurs, sans abeilles, ce sera la république sans républicains. C'est à peu près cela que nous avons un printemps avec les institutions de l'hiver ». Un printemps avec les institutions de l'hiver. Il me semble que le mouvement du Free Software s'arme pour que cette éclosion du libre, alors qui, c'est vrai, permet à l'humanité de publier comme jamais, de transmettre, échanger, comme jamais, c'est vrai qu'il serait dommage que ce mouvement du Free Software soit confisqué simplement par des optimisateurs, par ceux qui gardent du libre simplement que ça marche, ou que c'est efficace, ou qui confondent libre avec gratuit, ou qui confondent libre avec ouvert, liberté avec libéralisme.

J'en viens à ces tableaux qui, me semble t-il, disent, assez bien, ce qu'il en est des missions que s'est donnée l'April. C'est une association qui vient de fêter ses dix-huit ans, qui est devenue majeure, en novembre dernier, et qui s'appelle Association Francophone pour la Promotion et la Défense des Logiciels libres. Le premier tableau, « Le Printemps » de Botticelli. Le printemps, alors une forêt habitée, une forêt avec des symboles, avec au centre Vénus, avec cette vigueur du printemps, avec Flore. Vous avez Zéphyr qui a changé Cloris pour en faire la déesse des fleurs. Cette femme qui parle, et des fleurs s'échappent de sa bouche, devient la déesse des fleurs. Vous avez les Grâces. Vous avez Mercure donc la divinité de la communication, des voyageurs, qui, de son caducée, éloigne l'hiver. C'est un peu amusant pour nous, qui éloigne le cloud, qui éloigne, de son caducée, certains nuages menaçants. Ce qui me semble être manifesté, dans cette énergie de Botticelli, que, je pense, l'April incarne, l'April manifeste, c'est que le printemps c'est l'éveil des vivants et des êtres parlants, et que, ce qu'on appelle la révolution numérique, c'est un éveil possible, c'est une éclosion possible. Je pense que ça serait dommage qu'il soit confisqué au profit de substantifs un peu vagues, un peu fourre-tout, comme le libre, le numérique, le tout numérique et il me semble qu'il y a une rigueur dans cet exercice qu'on peut faire, de la vigueur, dans cet exercice qu'on peut faire de l'énergie.

Le deuxième tableau c'est aussi un tableau de Botticelli. Ça s’appelle Pallas, donc Pallas Athéna, la déesse de la sagesse. Vous la reconnaissez, elle a une couronne d'olivier, elle a la hallebarde, elle a aussi, parce que c'est une œuvre de commande, la livrée des Médicis, c'est un tableau de composition,, donc de commande et de sa main, et ça ça me paraît très fondamental dans la vigilance qui est celle de l'April, dans son pari que le Free Software va plus loin que l'open source, je vais m'en expliquer, elle pose la main sur la tête d'un centaure, d'un personnage qui est hybride, le centaure, donc mi-cheval, mi-humain, réputé dans la mythologie pour être un être violent, pour être un être cupide. Je pense à cette extrême attention qu'a aussi bien la FSF que l'April pour essayer de calmer que, un certain sommeil, une certaine fascination pour la technologie et pour l'informatique fasse s'éveiller les monstres. Le sommeil de la raison engendre des monstres. Peut-être est-il important que, de temps en temps, des perspectives un peu globales et un peu critiques, je parlais tout à l'heure d'extimité, savoir faire un pas de côté, essayent d'affronter des monstres technologiques. Richard Stallman, par exemple, parle des iThings comme de monstres technologiques, de certaines montres connectées, des objets connectés, des montres connectées, et autres joyeusetés, qui relèvent, peut-être, du mélange des genres, comme ici le centaure.

Et enfin, pour ne pas abuser de votre patience, dernier très beau tableau. C'est du Paolo Uccello, donc le peintre des batailles, le peintre de la bataille de San Romano, et là vous avez représentée la contre-offensive décisive qui permet, à la bataille de San Romano, d’être la victoire qu'on sait. Contre-offensive, il me semble que c'est une notion qui définit assez bien la vigilance, aussi bien de la FSF que de l'April pour l'espace francophone, parce que, souvent, dans l'urgence, il arrive qu'il faille collaborer à des brouillons, à des pads, à des communiqués de presse, à des contre-offensives, qu'il faille faire extrêmement vite, parce que le lobby de ce que j'appelle l'informatique fermée, ou l'informatique qui est simplement intéressée par des effets commerciaux, il se trouve qu'assez rapidement ces lobbies sont aux aguets lorsque telle législation se discute, lorsque telle demande de tel citoyen reçoit une réponse et je n'exclus pas, d'où ce terme de combat, je n'exclus pas, dans cette responsabilité qui est faire fructifier, fleurir d'abord, le Free Software qu'il y ait un caractère décisif de la contre-attaque. À certains moments, il est important de prendre la parole, de dire son sentiment, lorsque telle institution est rétive, par exemple, à l’interopérabilité, lorsque l'égalité des citoyens, dans l'accès aux documents, n'est pas nécessairement garantie, et donc, il me semble que le printemps, et c'est vrai que c'était la tradition aussi à la Renaissance et aussi dans l'Antiquité, est parfois le réveil de certaines polémiques, qui exigent qu'on aille assez vite pour élaborer certaines réponses.

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J'ai cherché une photographie de Richard Stallman, printanière. Ça tombe assez mal puisque je vais vous dire que l'April, qui donc a dix-huit, alors que le projet GNU a eu trente-et-un ans, a très vite pris contact avec Richard Stallman qui, aux États-Unis, s'est heurté à un dysfonctionnement qui lui a fait concevoir un projet, dont, dans l'espace francophone, l'April, l'association April, est porteuse. J'ai trouvé cette photographie réjouissante. Je vais procéder par deux axes. Je vais déjà faire le lien entre la FSF, que très certainement vous connaissez très bien, l'April qui s'écrivait d’abord en majuscules, qui n'est pas l'April actuelle, dont, alors je vous ai montré tout à l'heure le logo, dont seule, la première lettre est en majuscule puisque, entre temps, les enjeux et les contextes ont changé. C'est-à-dire de l'association qui était née avec des étudiants en informatique qui avaient peur de la montée en puissance de la brevetabilité qui empêchait même les intellectuels et les universitaires d’échanger entre eux, ce qui, pourtant, était la tradition. C'est vrai que avant de vous parler de l'April même, et c'est vrai que lorsque l'April a eu deux ans, Richard Stallman est venu à Saint-Denis pour faire une première conférence, il me semble qu'il est important de parler, bon, à ceux de vous qui n'en auraient qu'une idée vague, de en quoi le projet GNU est un projet dont je disais, tout à l'heure, qu'il était un projet d'éveil, un projet de printemps, essayant de donner la meilleure part aux êtres parlants parmi les vivants.

Que vais-je vous dire de la FSF, la Free Software Foundation ? Vous savez, très certainement, que Richard Stallman, au début, se heurte, et ça c'est important de le rappeler, à un problème de dysfonctionnement. Donc il est au MIT, c'est un mathématicien émérite, c'est un programmeur émérite. Un jour, une machine, une imprimante Xérox, lui résiste. C'est très désagréable parce que, non seulement un utilisateur devrait s'attendre à pouvoir en faire pleinement usage, mais il pourrait même, étant donné qu'il est programmeur, pouvoir disposer d'un code source permettant d’implémenter des améliorations, permettant d’optimiser un fonctionnement. Pourquoi rappeler cela ? Parce que si le projet GNU part d'un incident qui concerne le fonctionnel, le nom fonctionnel, il me semble qu'il y a actuellement une vigilance, aussi bien de la part de Richard Stallman que de la part de l’April, pour ne pas réduire les questions informatiques et les questions de l'informatique libre à des considérations sur ce qui est opératoire. Ça part bien d'un dysfonctionnement, ça vise bien un fonctionnement, mais entre temps, c'est l’éthique qui s'installe, et l’éthique qui va dire que ça n'est pas rien, que celui qui a un usage informatique puisse l'exercer jusqu'au bout, parce que c'est vrai que cet usage il sous-tend, il traverse sa vie même. Et c'est vrai que ceci concerne la construction de l'autonomie et l'usage plénier de l'autonomie.

Comme vous en savez vraiment beaucoup, me semble t-il, sauf questions, et dans ce cas-là vous n'hésitez pas à interrompre, il est vrai qu'au début le projet GNU se dote d'absolument toutes les précautions. Donc c'est un appel, qui est lancé par Richard Stallman, à des informaticiens pour écrire du code de façon à ce que, échappe, au moins, à des verrouillages successifs, à des brevets successifs, ce qui est le vecteur d'une certaine humanité, qui veut rester l'humanité qui veut échanger, qui veut collaborer.

Je vais, parce que c'est vrai que mon territoire initial est le territoire philosophique, il me semble qu'il convient de bien faire la différence entre liberté informatique, informatique libre, et informatique qui serait simplement libérale, c’est-à-dire qui serait de l'ordre du laisser-faire, laisser-passer, absence de barrage. Le projet GNU ne vise pas du tout une absence de barrage. Le projet GNU vise une autonomie, c'est complètement différent, c'est-à-dire vise une certaine posture de l'usager qui va, non seulement s’autoriser à écrire du code, à, si du code est ouvert, accéder à lui, l’améliorer, redistribuer. Il me semble que dans informatique libre, et en tout cas c'est le credo de l’April, il y a une certaine contrainte imposée à soi par soi. Et donc il me parait ??? entre ce qui serait simplement une absence d'entrave, comme on le voit aussi bien dans le libéralisme que dans le libertinage, que dans des considérations qui seraient seulement économiques.

Vous savez que free en anglais est ambiguë. Free veut dire libre et veut dire gratuit. D'une façon assez récurrente Richard Stallman fait la différence entre free beer, une bière gratuite et free speech, un discours qui est libre, qui est autonome, qui décide lui-même où il va. Concernant maintenant le risque d'une confusion entre liberté, libéralisme, libertinage, là, je me réfère à un texte, qui est très connu, ça s'appelle la « Fable des abeilles » de Mandeville. « Fable des abeilles » qui est à la base de ce qu'on appelle après, le libéralisme d'Adam Smith, de la main invisible, comment, en étant cupide, l’économie libérale finit par être bénéfique, parce que celui qui veut vendre cher son pain a intérêt qu'il soit bon. Ça va encore plus loin dans la « Fable des abeilles » de Mandeville ; il compare deux ruches possibles. Que se passerait-il si une ruche était habitée par des abeilles vertueuses ? Eh bien, les abeilles vertueuses, elles ne butineraient pas, alors qu'au moins une ruche peuplée d'abeilles cupides, cette ruche-là va prospérer. Ça c'est tout à fait le lien, vous savez ce qu'en fait Sade après, les infortunes de la vertu, les prospérités du vice, c'est le lien entre libéralisme et libertinage. Il faut faire, je crois, la différence entre une libération qui serait simplement une absence d'entrave commerciale, d'entrave logicielle, sonnante et trébuchante, et une informatique libre, qui dépasse le modèle de la ruche, le modèle de l'avidité. Le Free Software n’est pas une ruche avide, il n'est pas une ruche cupide ; la différence qui s'est manifestée entre le Free Software et Open Source. C'est vrai que Richard Stallman parle souvent de 1998. On estime que c'est le texte d’Éric Raymond, qui oppose la cathédrale et le bazar, qui ouvre la voie de l'Open Source, ou au moins, comme c'est le bazar, il y a beaucoup beaucoup d'utilisateurs, tous veulent que leurs lignes de code fonctionnent, tous échangent. Je pense qu'il serait dommage de réduire le bazar à une ruche. Je pense que les différentes install party, les différents événements, les différentes propositions collaboratives qui sont celles du Free Software, ne sont pas réductibles seulement à un modèle de faire son miel, faire son beurre, parce que c'est fiable, parce qu'il y a beaucoup de rapports de bugs, parce que les utilisateurs sont nombreux et, du coup, ça fonctionne.

Conséquence de cela, c'est vrai que, alors on est toujours dans des images de printemps, toujours dans des ruches, des arbres, des petits animaux, c'est vrai que le GNU, la Gnu Public License, va davantage faire appel à un modèle qui est celui du marcottage, qui est celui du fraisier ; là vous avez une page de botanique. Vous avez, dans l'usage des licences GPL, bon, de manière générale, dans les licences qui évitent que le code produit par la communauté soit confisqué, c'est vrai que vous avez des démarches très bien pensées par Eben Moglen, qui permettent à quelqu’un qui utilise le copyleft d'imposer à ceux qui l’utiliseront, l'amélioreront, le redistribueront, de le faire également sous copyleft. Donc c'est vrai que le modèle de la fraise, le modèle du fraisier, du marcottage, du stolon, là, vous avez un fraisier qui va produire, par une longue tige, un autre, puis un autre, par une longue tige, il me semble que ce modèle-là est un modèle beaucoup plus intéressant et beaucoup plus fort que celui, simplement, de la ruche de Mandeville où la volonté de réussir donne lieu, en effet, à des optimisations, mais optimisations qui sont simplement fonctionnelles, qui peut-être ne sont pas simplement éthiques.

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Quel rapport maintenant entre la FSF et la première version,