Isabelle Attard au 1er festival du domaine public

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Titre : Politique au niveau national, retour sur la proposition de loi et perspectives des lois création et numérique

Intervenant : Isabelle Attard, députée - Frédric Toutain, son attaché parlementaire

Lieu : 1er festival du domaine public - ENS

Date : Janvier 2015

Durée : 19 min 07

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00' transcrit MO

Lionel Maurel : Je vais passer maintenant la parole à Isabelle Attard. Je voudrais juste faire une précision c'est que Isabelle Attard nous a fait le plaisir de venir alors qu'elle souffre d'une extinction de voix. Et donc, son attaché parlementaire, Frédéric Toutain va l'aider à apporter le message qu'elle voulait nous apporter ce soir.

Frédéric Toutain : Sur quelle est la situation actuelle du droit d'auteur et à quel point c'est aberrant vis-à-vis du domaine public, là oui, des provocations de guerre ont été évoquées. On a un système qui est impossible à calculer et qui n'est surtout pas sécurisant du tout. Il y a, effectivement, quelques mentions dans le droit, c'est mentionné mais dans l'exposé des motifs. On s'en est d'ailleurs servi pour essayer de déposer des amendements, en disant « puisque c'est dans l'exposé des motifs, il faudrait que ce soit aussi dans la loi ». Ce n'est pas passé.

Intervention inaudible

Rires

Frédéric Toutain : Puisque l'exposé des motifs le présentait, ça paraissait logique qu'il faille que ce soit dans la loi, sinon il ne fallait pas en parler. Mais, on nous a répondu que c’était, la ministre t'a dit que c’était philosophiquement intéressant comme débat, ce qui est déjà un premier point, mais qu'on y reviendrait plus tard, à savoir dans la loi création qui est prévue en quoi ? Printemps 2013, c’était ça ? Non de 2015, pardon. On nous la promet depuis deux ans. On a changé de ministre entre temps.

Concrètement il y a d'autres exemples très pratiques. La loi actuelle, qui définit en creux, fait que le grand public n'a absolument aucune idée de comment ça marche, ni des conséquences qui vont avec. Les conséquences qui vont avec c'est tout un tas d'abus de la part d'institutions ou d'ayants droit, par exemple les musées. Si vous allez sur le Facebook du musée Toulouse Lautrec à Albi, ils ont publié un certain nombre de reproductions d’œuvres avec une grosse mention « Tous droits réservés » en filigrane dessus. Bon, les œuvres de Toulouse Lautrec sont, là-dessus il n'y a aucun doute, quand on applique le calcul, sont dans le domaine public depuis un certain temps, il n'y a pas de problème ; il n'y a plus de droits réservés, parce que c'est le droit d'auteur, le droit patrimonial, la partie patrimoniale du droit d'auteur, qui permet d'interdire des reproductions. Donc il n'y a plus de possibilité d'interdire les reproductions, puisqu'on est toujours dans la définition en creux. Mais vous voyez qu'il y a un certain nombre d’institutions qui réinstaurent, qui tentent de réinstaurer ces limites-là. Là ils prétendaient bénéficier du droit moral que leur aurait concédé la famille de Toulouse Lautrec. Dans les faits, il faudrait que ça passe devant un tribunal pour vérifier la validité des choses, mais, sur la partie reproduction, ça n'a pas lieu.

Vous avez aussi Gallica, la bibliothèque en ligne de la BnF. dans les conditions générales d'utilisation, jusqu'à l'année dernière, ils prétendaient avoir un droit de propriété sur les images reproduites. Il s’agit d’œuvres déposées à la Bibliothèque Nationale de France, qui appartiennent à notre patrimoine commun, je parle aux Français qui sont dans la salle, qui appartiennent au patrimoine commun, et auxquelles on devrait pouvoir avoir accès. Isabelle Attard a donc transmis un certain nombre de questions écrites au ministère de la Culture pour demander quel était le fondement légal de cette prétention de propriété. La réponse a été « vous avez raison, nous ne sommes pas propriétaires des œuvres, nous n'en sommes que conservateurs, nous n'avons donc pas de droit de propriété. Mais la loi de 1974 sur les données publiques fait que nous sommes propriétaires de la reproduction du fichier numérique de la reproduction, en tant que donnée créée par le service public. Et donc, de ce fait-là, la loi de 74 nous permet de réclamer de l'argent à ceux qui veulent accéder à cette reproduction ». Vous vous doutez bien que dans la loi de 74, ils n'avaient pas du tout anticipé la possibilité d'accéder à une œuvre numérisée via Internet. Et donc pour un coût, pour celui qui reçoit, nul, du moins celui de l'accès à Internet, et un coût de mise en ligne et de maintien en ligne, un coût marginal, qui est nul aussi, pour chaque œuvre. Il y a un coût pour créer le site web, mais une fois qu'on a le site le web, rajouter une œuvre dessus et rendre une œuvre accessible, ça ne coûte maintenant plus rien.

Mais toute cette toute logique de protection qui est réintégrée au domaine public est totalement, déjà, validée par les acteurs et acceptée par le grand public. C'est protégé, eh bien oui, quand même, le musée a bien le droit, on ne peut pas laisser faire n'importe quoi. Mais quand on pose la question de « est-ce qu'on peut faire n'importe quoi avec la Joconde ? » ça paraît évident à tout le monde quand même. La Joconde on l'a vue tous détournée des centaines de fois différentes, dans des dessins animés, dans tout ce qu'on veut, ça ne pose de problème à personne. Alors c'est Léonard de Vinci, c'est il y a longtemps, on n'a pas les petits-enfants, arrière-petits-enfants qui feront des procès, mais c'est la même logique qui devrait s'appliquer. Isabelle tu voulais dire un petit mot, si tu peux.

Isabelle Attard : Oui.

Frédéric Toutain : Sur tes interactions avec ces acteurs.

Isabelle Attard : Merci. Donc, évidemment, pour ceux qui connaissent ma voix vous reconnaîtrez que ce n'est pas terrible mais on va faire avec. Si je suis venue dans le domaine public, c'est parce que j’étais directrice de musée dans une vie antérieure, et que je le redeviendrai lorsque j’arrêterai d’être députée. Et je me suis confrontée, et ça je l'ai déjà dit à beaucoup d'entre vous ici, c'est-à-dire que mes employeurs, c'est-à-dire ma collectivité d'origine, m'obligeaient à pratiquer le copyfraud, avec l’œuvre qui appartient au domaine public depuis plusieurs siècles qui est la Tapisserie de Bayeux. Comme œuvre du domaine public, vous avouerez que c'est un bon exemple, sauf que, je faisais payer à des éditeurs, je faisais payer à des utilisateurs, la location de fichiers ektachromes. Je sais, ça fait très vieux, pourtant je ne suis pas si vieille que ça, mais c’était comme ça.

Ensuite on est passé au numérique, là on a commencé à louer aussi des fichiers numériques, sans aucun complexe, avec l'excuse que nous avions payé, au musée, une équipe de photographes. Il y a très longtemps, on était dans les années 80, 83/84, donc des éditeurs sont venus avec leurs appareils photo et ont photographié la Tapisserie de Bayeux. Et là on en vient à un problème récurrent. Quand je dis récurrent, c'est qu'il y a moins de dix jours, j'ai été interviewée par un journaliste du Journal des Arts, qui posait la question, suite au rapport qu'on vient de déposer avec mes collègues sur les réserves des musées, rapport dans lequel j'ai réussi à glisser « De l’utilisation du domaine public ». Ce journaliste me disait « mais c'est normal de faire payer, il y a quand même un photographe qui est venu photographier l’œuvre ». Ça signifie que dans un domaine extrêmement pointu, le domaine des musées, les journalistes qui ont ont affaire à ces problématiques tout le temps, ça leur semble tout à fait normal que, puisque qu'un photographe est venu faire une photo, ça rallonge un droit. Le droit des photographes ! Sans faire la distinction avec des photographies artistiques, avec un vrai travail sur ces œuvres qui appartiennent au domaine public, ou pas. Mais, en tout cas, il y a une confusion totale qui est faite à partir de l'action, simplement, de photographier.

Et ça c'est extrêmement grave parce que les musées s’octroient des droits qu'ils n'ont pas, refusent de mettre en libre accès de nombreuses œuvres, la plupart de leurs œuvres. Mais en tout cas, ce qui est important, c'est qu'on devrait pouvoir en faire n'importe quoi. C’est-à-dire que les œuvres qui sont domaine public, on devrait pouvoir s'en servir, aussi, à but commercial. En tout cas c'est mon point de vue. Je donne juste un exemple. Dans une autre vie antérieure, encore avant, j'étais conseillère touristique en Laponie, mais je faisais aussi la cuisine. Bon, bref, pour ceux qui ont vu « Le Festin de Babette » ça ressemble un peu, et j'avais fait une soirée spéciale française dans un restaurant. Donc en Laponie, il n'y a pas plus au nord, c’était à Kiruna. Pour ce faire, pour propager cette belle culture française que j'apprécie particulièrement, j’avais utilisé au dos des menus, ces fameux tableaux de Toulouse Lautrec, c'est pour ça que c'est assez drôle d’y revenir. C'est-à-dire que j'avais acheté des reproductions, je les avais plastifiées, imprimé mes menus derrière, donc on peut considérer que c'est un but commercial puisque j'avais fait payer la place. Le restaurant faisait bien payer l'accès au restaurant, faisait payer le menu, faisait payer cette prestation. On aurait pu m’accuser, à ce moment-là, d'avoir utilisé des œuvres du domaine public à but commercial. Je ne vois pas où est le mal, personnellement, de faire circuler la culture française, la culture tout court, parce que je ne vois pas pourquoi je mettrais de limites à un pays, en fait. Voilà, à quatre mille kilomètres de Paris, j'avais envie qu'on ait un petit air parisien. Et je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, cette utilisation devrait être limitée à des opérations non commerciales. Je repasse le micro. À après.

09' 03

Frédéric Toutain : Tu vas essayer de sauver un peu de voix