Différences entre les versions de « Interview de Jérémie Zimmermann ThinkerView juin 2013 »

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==00' transcrit Marie-Odile ==
 
 
 
ThinkerView présente
 
 
 
Jérémie Zimmermann
 
 
 
Porte-parole et co-fondateur de la quadrature du net, une organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. Administrateur de l'April, une association de promotion et de défense du logiciel libre depuis 2004. Il a reçu le EFF Pioner Award 2012, en même temps que d'autres personnalités ou groupes. Il siège au comité de déontologie de l'association "Nos oignons" dont l'objet est de participer au développement du réseau de communications électroniques Tor, cela afin de garantir les libertés d'information, d'expression et de communication.
 
Cette interview a eu lieu pendant le "Hack in Paris" 2013.
 
 
 
'''Ouvrages :''' Julien Assange - Menaces sur nos libertés.
 
 
 
'''Journaliste :''' Monsieur Jérémie Zimmermann, bonjour.
 
 
 
'''Jérémie Zimmermann :''' Bonjour
 
 
'''Journaliste :''' Je t'interroge aujourd'hui pour un site internet qui s'appelle ThinkerView. J'aurais aimé avoir ton point de vue sur Prism, les répercussions de Prism sur la démocratie, c'est-à-dire nous.
 
 
 
'''J. Z. :''' Les révélations sur l'affaire Prism sont intéressantes à plus d'un titre ; déjà parce qu'on a maintenant la preuve irréfutable de cette surveillance et de son caractère massif et généralisé. Pendant dix ans on a collecté des preuves, des témoignages, on a eu des informations plus ou moins probantes. Aujourd’hui c'est un document marqué topsecret/noinform, qui est la preuve irréfutable, ce chiffre de 97 milliards d'éléments d'informations juste pour le mois de mars 2013. Pendant 10 ans on s'est fait traiter de conspirationnistes. Aujourd'hui on sait que c'est la réalité et ça c'est l'élément essentiel pour pouvoir commencer un débat public sur le sujet de la surveillance de masse et espérer éventuellement revenir en arrière sur cette spirale ultra sécuritaire et paranoïaque impulsée par les États-Unis et les marchands de canons à la suite du 11 septembre 2001. Donc ça c'est le premier élément.
 
 
 
Le deuxième élément c'est qu'on a maintenant la preuve irréfutable de la participation des géants du web, Google, Facebook, Apple, Skype, etc, dans cette surveillance de masse et donc la preuve une fois encore par A + B que l'on ne peut pas faire confiance à ces entreprises pour protéger sa vie privée, pour protéger ses données personnelles et ses communications personnelles, pour protéger ses libertés fondamentales au sens large. Quand bien même on comprendrait l'intégralité des conditions générales d'utilisation de ces services, au milieu il y a un gros trou noir qui est le droit américain, le FISA, le Foreign Intelligence Surveillance Act, la loi émondant en 2008, qui dit explicitement que lorsqu'il s'agit de données de citoyens non US, stockées sur des serveurs US, les services de renseignement peuvent y accéder quel que soit le motif sans rien demander à personne.
 
 
 
'''Journaliste :''' Je te coupe. Est-ce que tu penses que le législateur français, nos hommes politiques sont suffisamment équipés intellectuellement parlant ou suffisamment formés pour comprendre ce qui est en train de se jouer ?
 
 
 
'''J. Z. :''' Attend ! Un point avant ça parce qu'on oublie de le rappeler quand on parle entre nous. Pourquoi il est essentiel de protéger notre vie privée. Ça sonne comme une tautologie pour ceux qui sont habitués à ce concept-là. Il faut voir que la protection de la vie privée est une liberté fondamentale ici en Europe. Pourquoi c'est important parce que la protection de la vie privée implique la mise en œuvre d'autres libertés. Sans protection de la vie privée on ne peut pas efficacement user des autres libertés qui sont par exemple la liberté de rassemblement, la liberté de mouvement, ou tout simplement la liberté d'expression. Si vous savez qu'il y a toujours quelqu'un par-dessus votre épaule quand vous tapez, vous n'allez pas dire "Tiens le gouvernement fait de la merde ou j'ai vu telle information qui me semble suspecte ou si on allait creuser dans les finances de tel ou tel organisme". De la même façon vous n'irez peut-être pas à une réunion d'un parti politique ou de quelque groupe que ce soit si vous savez que le public ou qui que ce soit d'autre puisse être au courant.
 
 
 
Donc la protection de la vie privée je dirais que c'est une liberté fondamentale, peut-être encore plus fondamentale que les autres, à côté de la liberté d’expression, car toutes les deux elles sont une composante essentielle non seulement de la démocratie mais aussi de l’exercice de toutes les autres libertés. Et donc là on a un véritable enjeu de société.
 
 
 
Pour répondre à ta question est-ce que les gouvernements, est-ce que les politiques sont équipés pour comprendre cela ? Je répondrais non, parce que nous-mêmes on n'y arrive pas. Personne n'est capable de comprendre le fonctionnement d'un ordinateur aujourd'hui. Déjà parce que les ordinateurs qu'on a dans les poches avec leurs puces baseband sont complètement fermés, on n'a pas accès aux spécifications on ne peut donc pas les contrôler. Il s’agit des puces essentielles qui émettent et reçoivent des flux que ce soit de la voix ou des données. Donc personne aujourd'hui n'est en mesure de dire comment fonctionne un ordinateur. Et quand bien même on mettrait les millions d'euros nécessaires à comprendre le fonctionnement de ces puces, d'une seconde sur l'autre le fonctionnement est susceptible de changer. Donc on n'est pas capable de comprendre le fonctionnement des ordinateurs de la même façon on n'est pas capable de comprendre comment fonctionne Internet. On peut en connaître des bribes, des éléments, chercher à en comprendre le plus possible est évidemment un objectif, comprendre comment marche TCP-IP,  comment marche le routage BGP, comment se font les deals de bande passante etc. Mais comprendre l'ensemble des interactions technologiques et humaines que l'on appelle internet est quelque chose qui par définition dépasse notre entendement.
 
 
Alors quand on voit des conflits entre les intérêts divers, que ce soit des intérêts industriels, des intérêts politiques ou l’intérêt général, on a d'un côté les marchands de canons qui vont dire "Oh là là terroristes, etc, il faut mettre ceci, cela, cela" éventuellement emboîtés avec le pas, emboîtés par des associations, des organisations pardon, des institutions comme la NSA ou l'armée ou des choses comme ça. Comment peut-on imaginer qu'un politicien va être en mesure de se dire " Non, non, attendez : l’intérêt général c'est la défense des libertés fondamentales, liberté fondamentale c'est la défense de la vie privée et là il y a un conflit". C'est impossible. Donc là on est dans un rapport de force qui est par nature politique et quand on dit politique hélas on est souvent un petit peu en dehors de la rationalité. Il ne s'agit pas simplement de comprendre les enjeux et d’appliquer les solutions qui sont optimales, mais il s'agit d’un rapport de force. Et ce rapport de force ce sont les citoyens du monde entier face aux marchands de canons et à certains membres de l'administration US, certains membres de l'administration dans les gouvernements européens. Donc c'est vraiment un rapport de force politique qui est assez mal engagé.
 
 
 
'''Journaliste :''' Pourquoi ?
 
 
 
'''J. Z. :''' Parce que tout a été parfaitement pensé et mis en œuvre. Il y a ce bouquin de Naomi Klein qui s'appelle "The Shock Doctrine", "La stratégie du choc" où on explique très bien comment utiliser des chocs émotionnels dans l'opinion publique pour imposer des mesures qui seraient sinon injustifiables, inacceptables ; que cette stratégie est parfaitement maîtrisée par les communicants qui conseillent les politiques et a été mise en œuvre régulièrement par paliers depuis le 11 septembre 2001 pour solidifier un acquis de dispositions sécuritaires. Revenir en arrière va être  extrêmement difficile.
 
 
 
==8' 01 ==
 
 
 
Journaliste : La situation économique se tend à l'échelle mondiale. Les peuples se révoltent.
 

Dernière version du 9 août 2013 à 23:05