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'''Titre :''' Interview de Chloé Lailic, bibliothécaire et DPO
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Publié [https://www.librealire.org/interview-de-chloe-lailic-bibliothecaire-et-dpo-resnumerica ici] - Septembre 2022
 
 
'''Intervenantes :''' Chloé Lailic - Julie Brillet
 
 
 
'''Lieu :''' En ligne
 
 
 
'''Date :''' 6 septembre 2022
 
 
 
'''Durée :''' 34 min
 
 
 
'''[https://podcast.resnumerica.org/@resnumerica/episodes/interview-chloe-lailic-bibliothecaire-et-dpo Podcast]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :''' À prévoir
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
==Description==
 
 
 
Nous vous proposons un échange avec Chloé Lailic, responsable de la bibliothèque de l'INSA de Rennes et déléguée à la protection des données.<br/>
 
Au cours de cet épisode, Chloé va raconter ses engagements en faveur des libertés numériques, l'organisation de cryptoparties en bibliothèque et nous partager ses analyses et conseils.
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Bienvenue. Vous êtes en train d’écouter le podcast Resnumerica. Il est créé par une communauté d’actrices et d’acteurs de la médiation ou de l’éducation au numérique et c’est un commun. C’est donc une ressource d’analyse et de réflexion autour de la chose numérique, que vous pouvez retrouver sur resnumerica.org, et c’est, bien sûr, publié sous licence libre.
 
 
 
Je m’appelle Julie Brillet, je fais partie de la communauté Resnumerica et j’ai le plaisir, pour cet épisode, de tendre le micro à Chloé Lailic. Salut Chloé. Ça va ?
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>Salut Julie. Oui et toi ?
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Ça va bien. Je suis ravie de faire cet entretien.<br/>
 
Chloé, tu es responsable de la bibliothèque de l’INSA {Institut national des sciences appliquées] de Rennes, une école d’ingénieur, et tu es engagée en faveur des libertés numériques, tu es également ce qu’on appelle DPO, déléguée à la protection des données. On avait très envie de te laisser la parole pour que tu nous racontes ton parcours, ton analyse et ta vision, on va dire, de la chose numérique. Je commence forcément par une première question un peu classique : est-ce que tu peux nous raconter ton parcours et comment est venue cette sensibilité aux questions politiques, de façon générale, liées au numérique.
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>Je suis bibliothécaire. Je suis arrivée dans le milieu numérique par le biais de mon métier. J’ai une formation en Info Com, j’ai une formation en métiers du livre et j’ai principalement travaillé en bibliothèque. C’est vrai qu’en bibliothèque la question numérique est un enjeu à plein d’endroits, le fait qu’au fur et à mesure des années les collections se sont numérisées, qu’il y a eu des contenus disponibles en ligne. Une bibliothèque ce n’est pas juste des livres et du papier.
 
 
 
La question numérique était quand même très présente dans ma formation. On parlait beaucoup du livre numérique au moment où j’ai fait ma licence pro et c’était une de mes réflexions, comment lit-on sur d’autres supports ? Finalement ça m’a un peu désintéressée, pour moi ce n’était plus le sujet, ce n’était pas politisé ; je pense que derrière je n’avais pas réfléchi à ce que voulait dire aussi le numérique.
 
 
 
Je suis arrivée la bibliothèque de l’INSA à Rennes et on réfléchissait à comment on allait faire des actions culturelles dans cette bibliothèque. Il se trouve qu’à l’INSA de Rennes il y a une formation d’ingénieur en cybersécurité. Un jour mon chef, à l’époque, est venu et m’a montré un article de <em>Libération</em> qui parlait de cryptoparties, d’évènements qui permettent de se former aux notions de protection de ses données personnelles, on va dire ça comme ça. Ce sont des évènements qui ont lieu plutôt dans les milieux militants et lui m’a dit : « Si on faisait ça à la bibliothèque, en plus on peut faire le lien avec les formations et tout ça ». À ce moment-là ce n’était pas encore très politique pour moi, en tout cas la question numérique avait pris une place un peu plus importante, au-delà des collections ça venait aussi sur le champ de l’action culturelle et de la formation qu’on fait beaucoup en bibliothèque universitaire. Je ne sais pas si ceux qui nous écoutent connaissent bien ce qu’est le métier de bibliothécaire, il y a les collections et il y a aussi l’aspect formation et l’aspect animation culturelle.
 
 
 
Au fur et à mesure on a commencé à organiser ces cryptoparties – je pourrai expliquer un petit peu après ce que c’était et comment ça s’est passé. Du coup, au fur et à mesure de travailler ces questions-là, on a rencontré des gens qui sont du milieu militant, des associations et on s’est rendu compte, on le savait déjà, que c’était politique et qu’il y avait des enjeux autour de la surveillance de masse et, plus largement, du capitalisme de surveillance. C’était même une porte d’entrée à ma politisation plus large ; c’est après que j’ai développé d’autres sensibilités comme la question féministe, etc. C’était un peu à un moment de ma vie où tout ça commençait à se construire.
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Merci pour cette réponse. Est-ce que tu peux raconter ta première cryptopartie ?
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>Oui, je peux ! C’était il y a longtemps, je n’ai pas noté la date, je n’ai pas préparé ça. Je crois que c’était en 2014/2015, quelque chose comme ça, c’était quelques années après que je sois arrivée à l’INSA de Rennes.<br/>
 
On s’est dit qu’on allait faire venir un conférencier. On avait aussi animé des ateliers, c’est le côté plus intéressant. J’avais animé un atelier autour des cookies, comment on fait pour repérer les mouchards sur son ordinateur et comment on les neutralise. Ça fait presque dix ans, mais on est encore là-dessus, je pense qu’à plein d’endroits on forme encore sur ces choses, on avertit sur ces questions-là. J’avais fait un atelier sur ça. On avait aussi fait venir des gens de l’association Nos Oignons qui, en gros, travaillent pour soutenir le réseau Tor, The Tor Project, qui est un projet pour pouvoir surfer sur le Web de façon plus anonyme. Si vous ne connaissez allez voir. Nos Oignons est une association française qui vient aider le réseau Tor à fonctionner en ayant des serveurs et tout ça. Des membres étaient dans le coin, on les a fait venir, du coup ils ont animé plusieurs cessions justement autour de la découverte d’un navigateur qui s’appelle le Tor Browser. On avait aussi des enseignants-chercheurs, et c’était top, de l’INSA Rennes, sur les questions par exemple de ce qui est récupéré comme données quand on bipe avec sa carte KorriGo ou sa carte sans contact, toutes ces choses sans contact.
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Précise peut-être ce qu’est la carte KorriGo.
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>La carte KorriGo c’est la carte de transport à rennes et aussi en Bretagne.<br/>
 
C’était un évènement où il y avait à la fois des gens militants, d’associations, d’autres personnes étaient des enseignants-chercheurs, il y avait même un doctorant qui travaillait sur Fingerprinting de navigateurs. C’est un peu technique comme ça, mais, en gros, c’était la volonté de vulgariser des concepts qui étaient travaillés dans des laboratoires de recherche et, de l’autre côté, vulgariser aussi, d’une certaine manière, des projets de logiciel libre, je n’ai pas précisé que Tor est un logiciel libre. Il y avait un peu tout ça qui se mélangeait. Et puis il y avait les bibliothécaires qui faisaient aussi des choses, donc j’ai animé un atelier.<br/>
 
C’était cette cryptopartie, un moment assez chouette parce qu’il y avait des gens plutôt militants, des gens plutôt du milieu académique et ça se passait à la bibliothèque.
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Du coup, j’imagine, avec cette dynamique intéressante où il y a la fois des étudiantes et des étudiants, à la fois, comme tu le dis, des personnes qui viennent du secteur associatif donc qui sont plutôt militantes, il y a des bibliothécaires qui en profitent aussi, j’imagine, pour se former.
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>Oui, parce que ça ne fait pas partie de notre formation initiale, en tant que bibliothécaire, que de s’occuper de la protection des données et des libertés numériques, mais, dans les valeurs de ce qu’est être un ou une bibliothécaire, c’est complètement présent. La question de ne pas surveiller ce que fait l’usager, de ne pas juger ce que fait l’usager dans une bibliothèque, on peut la transposer à ne pas surveiller et ne pas juger ce qu’une personne fait sur son ordinateur. Du coup, lutter contre la surveillance en bibliothèque c’est tout ça en fait. Il y a une sorte de continuité et derrière c’est la lutte contre l’autocensure, c’est-à-dire que quand on se sait surveillé, on va s’autocensurer, on va s’empêcher de faire des recherches importantes pour soi. Du coup, quand plein de personnes s’empêchent de faire des recherches, de s’informer sur des sujets, on perd quelque chose collectivement, on peut aussi perdre l’esprit critique et dans une démocratie, dans ce qu’on essaye de maintenir comme étant une démocratie, c’est grave.<br/>
 
Du coup une bibliothèque qui vient un peu dire « vous vous informez comme vous voulez on ne vous juge pas », ça vient offrir la possibilité de faire en sorte qu’on s’informe mieux et maintenir cette société démocratique.
 
 
 
J’en reviens vraiment aux outils numériques, si on transpose ça au numérique, effectivement les bibliothèques et les bibliothécaires ont leur mot à dire là-dedans, on est un lieu super pour se former. Nous, les professionnels, effectivement, c’est bien qu’on se forme. Après on a plein de sujets, en bibliothèque on est technique sur plein de sujets, ce n’est pas une obligation en tout cas c’est une sensibilité importante à développer.
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Tu as parlé d’un évènement qui était votre première cryptopartie avec des ateliers, etc. Je me posais la question : est-ce que ça a eu aussi d’autres répercussions concrètes, par exemple sur votre façon de fonctionner, justement sur la question de la surveillance éventuelle de vos usagers ? Est-ce que ça a changé des pratiques entre vous, en tout cas dans le service que vous offriez aux étudiantes et aux étudiants ?
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>En gros on a organisé plusieurs cryptoparties d’année en année et après c’est devenu un festival, on en parlera peut-être après. Au début on ne réfléchissait pas vraiment à ce que voulait dire pour nous, bibliothécaires dans notre bibliothèque. Je pense que c’est venu parce qu’on en discutait, au fil de l’eau, et aussi parce qu’on a commencé à travailler avec d’autres bibliothèques, etc. Ça changé des choses. Je parlais du Tor Browser, on l’a notamment fait installer sur les ordinateurs de la bibliothèque en se disant qu’il est hors de questions qu’on offre aux GAFAM l’historique de recherche de nos étudiants qui sont sur les postes de la bibliothèque. Typiquement Google Chrome et le moteur de recherche Google étant un peu l’alpha et l’oméga de toute recherche sur les ordinateurs à l’époque, on s’est dit qu’on allait proposer autre chose, du coup on a installé le Tor Browser. C’était important que ce soit là, que les étudiants puissent l’utiliser, expliquer pourquoi c’est important de l’utiliser, donc on a fait ça. C’est vrai qu’on était vigilants à ça, mais on a assez peu remis en question la façon dont était aménagée la bibliothèque, parce que les questions de surveillance ce n’est pas que numérique, c’est aussi physiquement. Je n’arrête pas de le dire à plein d’endroits : en bibliothèque on a souvent ces espaces où on a ces ordinateurs en mode panoptique et on peut regarder tout ce que font les usagers en un coup d’œil. On n’a pas vraiment ça. C’est vrai qu’à des endroits on peut voir ce que les gens font sur leurs écrans et on n’a pas travaillé pour ça, c’est-à-dire pour mettre plus d’intimité dans la bibliothèque, même, au contraire, on est allé vers des espaces plus ouverts. La question de l’aménagement est importante, en tout cas m’a amené à réfléchir à ces questions-là.
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Tout à l’heure tu mentionnais les cryptoparties que vous avez organisées de façon régulière. Elles sont devenues un festival, le Festival des Libertés Numériques, le FDLN. Est-ce que tu peux nous raconter un petit peu ce que c’était, comment ça s’est passé, etc. ?
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>Il y a eu trois éditions, la dernière c’était en 2020 juste avant le premier confinement. II n’y en pas eu d’autres et il n’y en aura pas d’autres, je dirai pourquoi après. Jusqu’en 2020 il y a eu trois éditions. On avait commencé à travailler avec d’autres bibliothèques et des associations. En gros on avait quand même déjà, avec les cryptoparties, un petit réseau autour de l’INSA qui s’animait sur ces questions-là, à Rennes principalement. De fil en aiguille, on s’est rendu compte que d’autres personnes avaient envie d’organiser des évènements. On a lancé une première édition, je n’ai pas les chiffres, mais il y avait pas mal d’évènements sur Rennes, dans plein de lieux, dans les bibliothèques universitaires, dans les bibliothèques plutôt municipales de la périphérie de Rennes et dans des endroits où il y a des collectifs, des <em>hackerspaces</em>, ce genre de lieu. Ça a grossi pendant trois ans jusqu’à devenir, allez, je vais dire national, même si le côté national ! Il y a eu un ou deux évènements à Lyon et, je crois, un évènement en région parisienne et surtout dans le grand Ouest, en tout il y a quand même eu une centaine d’évènements. C’était coordonné par l’INSA, là où je travaille, à la bibliothèque. En gros chacun faisait ses évènements et l’idée c’était qu’on ait une sorte de label commun avec des valeurs communes. Nous avons diffusé un appel à proposition avec des orientations pour des thématiques, typiquement la dernière c’était autour du partage, on passait du partage du monde au monde du partage, c’était la dernière thématique. L’année d’avant c’était plutôt sur les questions d’utopie numérique et tout ça. La première année on n’avait pas de thématique puisque c’était la première année. On a essayé de thématiser.
 
 
 
On a aussi grossi dans l’organisation parce qu’au début ce n’était que des gens de la bibliothèque qui organisaient et nous ne sommes que quatre, à l’époque on était six, maintenant nous ne sommes plus que quatre. Du coup on a eu besoin de s’entourer d‘autres personnes. On a eu une sorte de comité d’organisation qui a coordonné tout ça, donc c’était aussi un travail du comité. C’est devenu très gros et ça a été un succès. Je pense vraiment que ça a contribué à ce que plein de bibliothécaires s’intéressent à la question. Ça m’a fait rencontrer plein de gens partout, je suis intervenue dans des journées d’étude pour parler de ça. À l’époque, un petit avant tout ça, j’étais dans la commission numérique de l’association des bibliothécaires de France, la commission stratégie numérique, qui n’existe plus aujourd’hui. Ça a été aussi un moment où j’ai rencontré des personnes qui s’intéressaient aux questions des communs, aux questions de communs numériques, aux questions de libertés numériques. Là on a pu se rencontrer, il y avait du réseau. <br/>
 
Aujourd’hui j’ai perdu un peu ce réseau-là parce que je fais plus d’évènements autour des libertés numériques à l’INSA, on a arrêté le FDLN, en tout cas je pense qu’il y a eu un moment où c’était très présent.
 
 
 
Ce que je n’ai pas raconté, un point de départ c’était les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse pratiquée par les États-Unis sur le monde entier en utilisant notamment les GAFAM. J’ai oublié de le dire tout à l’heure mais c’était un point de départ des premières parties cryptoparties qu’on a organisées, ça a été point de départ pour plein de gens, pas que pour nous à l’INSA, il y a eu une sorte d’ébullition.
 
 
 
<b>Julie Brillet : </b>Oui. C’est quelque chose que je peux percevoir aussi comme j’anime quand même régulièrement des ateliers autour des questions de vie privée. J’ai en effet l’impression que les révélations de Snowden c’est un point de bascule. Les personnes qui parlaient de ces sujets-là auparavant étaient vite rangées dans le rayon parano-complotiste et là ça a permis une prise de conscience en tout cas, on va dire, dans un public pas forcément technique. J’ai aussi cette impression que ça a été un point de départ à certaines prises de conscience et à certaines actions de façon importante.
 
 
 
==16’ 23==
 
 
 
<b>Chloé Lailic : </b>Ça s’est vu
 

Dernière version du 23 septembre 2022 à 12:07


Publié ici - Septembre 2022