Différences entre les versions de « Interview de Alexandre Zapolsky de Linagora »

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'''Alexandre Zapolsky :''' Bonjour. Bonjour à tous.
 
'''Alexandre Zapolsky :''' Bonjour. Bonjour à tous.
  
'''Gilles :''' On vous reçoit. On vous avez déjà vu à Montpellier, c’était lors des dix ans de l'ADULLACT, il y a quelques mois déjà. Là on vous a au téléphone pour parler un petit peu de Linagora, mais surtout dans le cadre du Tour de France du Libre, que vous avez organisé et qui amène, ce tour de France, à une étape montpellierenne ce jeudi 14 novembre. Peut-être, pour présenter un petit peu, c’était dans les années 2000 - 2002 que vous créiez Linagora avec Michel-Marie Maudet. Depuis Linagora a grandi, c'est une société de services en logiciels libres, même si on a entendu récemment que maintenant il allait falloir les appeler les entreprises du numérique libre, bref, et puis au fil de premiers marchés d'industrialisation, de premiers grands contrats et puis de la consolidation dont vous avez su faire preuve, on arrive à la fameuse déclaration du Premier ministre en faveur du Logiciel Libre et puis maintenant vous êtes souvent des voyages présidentiels pour aller prêcher la bonne parole du Logiciel Libre, pour Linagora aussi qui a su se développer, compte aujourd’hui à peu près 150 salariés.
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'''Gilles :''' On vous reçoit. On vous avait déjà vu à Montpellier, c’était lors des dix ans de l'ADULLACT, il y a quelques mois déjà. Là on vous a au téléphone pour parler un petit peu de Linagora, mais surtout dans le cadre du Tour de France du Libre, que vous avez organisé et qui amène, ce tour de France, à une étape montpellierenne ce jeudi 14 novembre. Peut-être, pour présenter un petit peu, c’était dans les années 2000 - 2002 que vous créiez Linagora avec Michel-Marie Maudet. Depuis Linagora a grandi, c'est une société de services en logiciels libres, même si on a entendu récemment que maintenant il allait falloir les appeler les entreprises du numérique libre, bref, et puis au fil de premiers marchés d'industrialisation, de premiers grands contrats et puis de la consolidation dont vous avez su faire preuve, on arrive à la fameuse déclaration du Premier ministre en faveur du Logiciel Libre et puis maintenant vous êtes souvent des voyages présidentiels pour aller prêcher la bonne parole du Logiciel Libre, pour Linagora aussi qui a su se développer, compte aujourd’hui à peu près 150 salariés.
  
 
'''Alexandre Zapolsky :''' Collaborateurs.
 
'''Alexandre Zapolsky :''' Collaborateurs.
  
'''Gilles :''' Collaborateurs, voila, et qui se délocalise sur le continent nord-américain donc qui a le vent en poupe, on peut le dire comme ça.
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'''Gilles :''' Collaborateurs, voilà, et qui se délocalise sur le continent nord-américain donc qui a le vent en poupe, on peut le dire comme ça.
  
 
'''Alexandre Zapolsky :''' Alors. On ne délocalise pas. On investit.
 
'''Alexandre Zapolsky :''' Alors. On ne délocalise pas. On investit.
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'''Gilles :''' On s’étend.
 
'''Gilles :''' On s’étend.
  
'''Alexandre Zapolsky :''' Et on exporte. Ce n'est pas tout à fait la même chose et la différence principale c'est que l'ensemble de nos équipes aujourd’hui de recherche et développement par exemple ,sont en France, restent en France et je n'envisage pas un seul instant de substituer un emploi de l'un de nos ingénieurs français par un ingénieur qu'il soit canadien, américain, vietnamien ou tunisien ou je ne sais de quel pays. Ce n'est pas de la délocalisation, c'est vraiment de l'investissement. Je crois que le numérique et en particulier l'open source dans le domaine du numérique, on a vraiment de très bonnes solutions et on a de quoi exporter, et en tout cas le numérique français ne mérite pas la faible part en terme d'export qu'il a aujourd'hui. Il faut qu'on fasse plus que ça d'ailleurs. Dans votre petite présentation ce que vous avez oublié, d'omettre, présentation très complète, c'est que également je suis très investi au niveau globalement du numérique et notamment dans Syntec Numérique, je suis un des administrateurs de Syntec Numérique et j'ai initié la Commission International qui a justement pour vocation d'aider nos entreprises du numérique à se développer plus à l’international et à développer plus l'export. Je copréside en fait cette commission avec Pierre-Yves Commanay qui est un des dirigeants de l’entreprise Sopra. Est-ce que je peux juste revenir sur deux,trois éléments de votre présentation ?
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'''Alexandre Zapolsky :''' Et on exporte. Ce n'est pas tout à fait la même chose et la différence principale c'est que l'ensemble de nos équipes aujourd’hui de recherche et développement par exemple, sont en France, restent en France et je n'envisage pas un seul instant de substituer un emploi de l'un de nos ingénieurs français par un ingénieur qu'il soit canadien, américain, vietnamien ou tunisien ou je ne sais de quel pays. Ce n'est pas de la délocalisation, c'est vraiment de l'investissement. Je crois que le numérique et en particulier l'open source dans le domaine du numérique, on a vraiment de très bonnes solutions et on a de quoi exporter, et en tout cas le numérique français ne mérite pas la faible part en terme d'export qu'il a aujourd'hui. Il faut qu'on fasse plus que ça d'ailleurs. Dans votre petite présentation ce que vous avez oublié, présentation très complète, c'est que également je suis très investi au niveau globalement du numérique et notamment dans Syntec Numérique, je suis un des administrateurs de Syntec Numérique et j'ai initié la Commission International qui a justement pour vocation d'aider nos entreprises du numérique à se développer plus à l’international et à développer plus l'export. Je copréside en fait cette commission avec Pierre-Yves Commanay qui est un des dirigeants de l’entreprise Sopra. Est-ce que je peux juste revenir sur deux,trois éléments de votre présentation ?
  
 
'''Gilles :''' Absolument !
 
'''Gilles :''' Absolument !
  
'''Alexandre Zapolsky :''' Merci Gilles. Vous le disiez, Société de service en Logiciel Libre c'est vrai qu'on est en 2000 à l’origine en fait de cette appellation et de ce terme-là et c'est effectivement le métier principal de Linagora jusqu'en 2006-2007. Depuis on a très largement investi en innovation et en recherche et développement et aujourd'hui Linagora c'est beaucoup plus un éditeur de logiciels qu'uniquement une société de services en logiciels libres. Il y a plus de quarante personnes qui travaillent chez nous en recherche et développement, principalement à Paris, mais pas que, à Lyon, à Marseille. On a aussi un collaborateur à Montpellier, donc c'est une ville qui nous est chère aussi pour ça, parce qu'en fait on y trouve de très bons ingénieurs. Donc voila. On a des activités de recherche un peu partout en France. On a d'ailleurs ouvert très récemment un laboratoire conjoint avec une université qui est l'université Joseph Fournier à Grenoble. Donc c'est un premier laboratoire public-privé, en R & D open source, et j'en suis très fier. On n'a pas encore fait d'annonce sur le sujet parce que pour l'instant on est en train de caler les dispositifs et concrètement les équipes sont en train de s'installer dans l’université, mais prochainement c'est un sujet sur lequel on va communiquer.
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'''Alexandre Zapolsky :''' Merci Gilles. Vous le disiez, Société de service en Logiciel Libre c'est vrai qu'on est en 2000 à l’origine en fait de cette appellation et de ce terme-là et c'est effectivement le métier principal de Linagora jusqu'en 2006-2007. Depuis on a très largement investi en innovation et en recherche et développement et aujourd'hui Linagora c'est beaucoup plus un éditeur de logiciels qu'uniquement une société de services en logiciels libres. Il y a plus de quarante personnes qui travaillent chez nous en recherche et développement, principalement à Paris, mais pas que, à Lyon, à Marseille. On a aussi un collaborateur à Montpellier, donc c'est une ville qui nous est chère aussi pour ça, parce qu'en fait on y trouve de très bons ingénieurs. Donc voilà. On a des activités de recherche un peu partout en France. On a d'ailleurs ouvert très récemment un laboratoire conjoint avec une université qui est l'université Joseph Fournier à Grenoble. Donc c'est un premier laboratoire public-privé, en R & D open source, et j'en suis très fier. On n'a pas encore fait d'annonce sur le sujet parce que pour l'instant on est en train de caler les dispositifs et concrètement les équipes sont en train de s'installer dans l’université, mais prochainement c'est un sujet sur lequel on va communiquer.
  
 
Donc un éditeur de logiciels libres, et puis, si j'accompagne effectivement, alors pas souvent, j'ai eu l’opportunité effectivement d'accompagner une fois le Premier ministre, une fois le Président de la République dans le cadre de leurs  voyages officiels, c'est moins pour parler de Linagora que pour porter effectivement la voix des entreprises du numérique globalement et plus particulièrement celle de l'open source. Ce que je peux vous dire c'est que dans tout ce qui est en train de se passer avec un gouvernement qui a 25 % de bonne opinion favorable, etc, ce que je peux vous dire c'est qu'on a une équipe gouvernementale qui est très attentive au développement de nos PME, au développement de l'innovation et qui est vraiment là pour nous aider, pour nous faire grandir à l'international. Donc effectivement moi je suis plutôt soutien de la politique gouvernementale, en faveur de l'innovation et de l'aide qu'ils octroient aux PME et en particulier aux PME innovantes. Ce sont des gens très accessibles. J'ai été très surpris par Jean-Marc Ayrault, par exemple, qui est effectivement très accessible. Mais on n'est pas là pour faire de la politique, on est là pour parler de Logiciel Libre et notamment effectivement de cet événement qui aura lieu très prochainement à Montpellier.
 
Donc un éditeur de logiciels libres, et puis, si j'accompagne effectivement, alors pas souvent, j'ai eu l’opportunité effectivement d'accompagner une fois le Premier ministre, une fois le Président de la République dans le cadre de leurs  voyages officiels, c'est moins pour parler de Linagora que pour porter effectivement la voix des entreprises du numérique globalement et plus particulièrement celle de l'open source. Ce que je peux vous dire c'est que dans tout ce qui est en train de se passer avec un gouvernement qui a 25 % de bonne opinion favorable, etc, ce que je peux vous dire c'est qu'on a une équipe gouvernementale qui est très attentive au développement de nos PME, au développement de l'innovation et qui est vraiment là pour nous aider, pour nous faire grandir à l'international. Donc effectivement moi je suis plutôt soutien de la politique gouvernementale, en faveur de l'innovation et de l'aide qu'ils octroient aux PME et en particulier aux PME innovantes. Ce sont des gens très accessibles. J'ai été très surpris par Jean-Marc Ayrault, par exemple, qui est effectivement très accessible. Mais on n'est pas là pour faire de la politique, on est là pour parler de Logiciel Libre et notamment effectivement de cet événement qui aura lieu très prochainement à Montpellier.
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'''Gilles :''' On va y venir, mais vous me tendez la perche en évoquant le Syntec Numérique et on va dire l'action du gouvernement. On l'a vu pour l'Enseignement supérieur et la Recherche. On va dire que le message a été compris. Pour l'étape précédente, celle justement de la loi sur la modernisation de l'école, il semblerait que, sans vous en informer, le Syntec Numérique ait pris, on va dire, parti et fait force lobbying pour faire reculer le législateur sur cette loi particulière.
 
'''Gilles :''' On va y venir, mais vous me tendez la perche en évoquant le Syntec Numérique et on va dire l'action du gouvernement. On l'a vu pour l'Enseignement supérieur et la Recherche. On va dire que le message a été compris. Pour l'étape précédente, celle justement de la loi sur la modernisation de l'école, il semblerait que, sans vous en informer, le Syntec Numérique ait pris, on va dire, parti et fait force lobbying pour faire reculer le législateur sur cette loi particulière.
  
'''Alexandre Zapolsky :''' Écoutez, j'ai beaucoup d'estime pour le Syntec Numérique et pour le travail qu'on mène avec l'ensemble du conseil d'administration, pour le travail que mène en fait mon président Guy Mamou-Mani, et j'aimerais effectivement pouvoir imaginer que seul le Syntec Numérique puisse faire prendre ou ne pas prendre des décisions au gouvernement et puis faire en sorte que le Parlement vote en faveur d'un sujet ou d'un autre. On peut participer à la prise de décision publique, effectivement, comme syndicat premier c'est le rôle aussi du Syntec Numérique de s'exprimer de l’intérêt en fait de ses membres, mais naturellement il n'est pas seul à faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre. La preuve le Syntec Numérique ne défendait pas plus la position pro Logiciel libre qui a été adoptée pour l'Enseignement supérieur et la Recherche et vous le rappeliez. Il était sur la même voix que sur le sujet que sur celui de l'éducation, c'est-à-dire effectivement que le Syntec Numérique ce qu'il exige, parce qu'il n'y pas d'autre point de vue, ce n'est pas effectivement le point de vue des acteurs de l’open source , qui n'est pas effectivement le point de vue de Linagora puisque, vous le savez, moi j'ai exprimé la position de Linagora tout à fait officiellement à travers un communiqué de presse. Nous on est tout à fait en faveur que l’État prenne position en faveur du Logiciel Libre comme il l'avait fait dans le cadre de la circulaire Ayrault, quand Jean- Marc Ayrault a dit « il faut favoriser le développement et l'usage de l'open source ». Donc quand ces deux proposions sont arrivées au niveau du ministère de l'Éducation et puis au niveau de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui disait à peu près la même chose, favoriser l'usage du Logiciel Libre pour construire des services numériques, les acteurs de l'open source et en premier lieu Linagora étaient favorables effectivement à de tels dispositifs et pas le Syntec. Et pourquoi ? Parce qu'au Syntec ce qui prévaut encore aujourd'hui c'est un principe dit de neutralité qui veut dire que le Syntec ne souhaite pas que l’État fasse a priori le choix de telle technologie au profit de telle autre, ou de tel modèle économique au profit de tel autre. Ce qui est entendable pour une certaine partie de l'argumentation, c'est-à-dire qu'on imaginerait mal. par exemple. le Syntec Numérique dire maintenant il ne faut pas que des projets en mode Cloud et la seule bonne façon de faire, d'acheter du numérique c'est de le faire à travers du cloud, donc des services SaaS, etc. On ne comprendrait pas une proposition qui serait celle-là de la part du Syntec Numérique.
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'''Alexandre Zapolsky :''' Écoutez, j'ai beaucoup d'estime pour le Syntec Numérique et pour le travail qu'on mène avec l'ensemble du conseil d'administration, pour le travail que mène en fait mon président Guy Mamou-Mani, et j'aimerais effectivement pouvoir imaginer que seul le Syntec Numérique puisse faire prendre ou ne pas prendre des décisions au gouvernement et puis faire en sorte que le Parlement vote en faveur d'un sujet ou d'un autre. On peut participer à la prise de décision publique, effectivement, comme syndicat premier c'est le rôle aussi du Syntec Numérique de s'exprimer de l’intérêt en fait de ses membres, mais naturellement il n'est pas seul à faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre. La preuve, le Syntec Numérique ne défendait pas plus la position pro Logiciel libre qui a été adoptée pour l'Enseignement supérieur et la Recherche et vous le rappeliez. Il était sur la même voie sur le sujet que sur celui de l'éducation, c'est-à-dire effectivement que le Syntec Numérique ce qu'il exige, parce qu'il n'y pas d'autre point de vue, ce n'est pas effectivement le point de vue des acteurs de l’open source , qui n'est pas effectivement le point de vue de Linagora puisque, vous le savez, moi j'ai exprimé la position de Linagora tout à fait officiellement à travers un communiqué de presse. Nous on est tout à fait en faveur que l’État prenne position en faveur du Logiciel Libre comme il l'avait fait dans le cadre de la circulaire Ayrault, quand Jean-Marc Ayrault a dit « il faut favoriser le développement et l'usage de l'open source ». Donc quand ces deux proposions sont arrivées au niveau du ministère de l'Éducation et puis au niveau de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui disait à peu près la même chose, favoriser l'usage du Logiciel Libre pour construire des services numériques, les acteurs de l'open source et en premier lieu Linagora étaient favorables effectivement à de tels dispositifs et pas le Syntec. Et pourquoi ? Parce qu'au Syntec ce qui prévaut encore aujourd'hui c'est un principe dit de neutralité qui veut dire que le Syntec ne souhaite pas que l’État fasse a priori le choix de telle technologie au profit de telle autre, ou de tel modèle économique au profit de tel autre. Ce qui est entendable pour une certaine partie de l'argumentation, c'est-à-dire qu'on imaginerait mal, par exemple, le Syntec Numérique dire maintenant il ne faut pas que des projets en mode Cloud et la seule bonne façon de faire, d'acheter du numérique c'est de le faire à travers du cloud, donc des services SaaS, etc. On ne comprendrait pas une proposition qui serait celle-là de la part du Syntec Numérique.
 
   
 
   
Là où effectivement les gens de l'open source et de l'écosystème open source ont une position qui est différente, c'est que le propos que nous on mène dans l'open source, c'est de dire, oui mais la situation est tellement déséquilibrée en faveur des grands éditeurs de logiciels traditionnels que si on ne rétablit pas des éléments de concurrence un peu plus libres, un peu moins faussés, si on ne rétablit pas un équilibre dans le marché, eh bien ces acteurs-là sont tellement présents, sont tellement puissants, qu'on est dans un déséquilibre structurel qui fait qu'on a besoin que l’État intervienne pour recréer des conditions d'équilibre. Et justement, la neutralité dont se prévaut un certain nombre d’acteurs et  qu'essaye de défendre le Syntec Numérique, si on veut l’atteindre, il faut qu'il y ait un rééquilibrage qui s'opère pour qu'il y ait cette neutralité.  
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Là où effectivement les gens de l'open source et de l'écosystème open source ont une position qui est différente, c'est que le propos que nous on mène dans l'open source, c'est de dire, oui mais la situation est tellement déséquilibrée en faveur des grands éditeurs de logiciels traditionnels que si on ne rétablit pas des éléments de concurrence un peu plus libres, un peu moins faussés, si on ne rétablit pas un équilibre dans le marché, eh bien ces acteurs-là sont tellement présents, sont tellement puissants, qu'on est dans un déséquilibre structurel qui fait qu'on a besoin que l’État intervienne pour recréer des conditions d'équilibre. Et justement, la neutralité dont se prévaut un certain nombre d’acteurs et  qu'essaie de défendre le Syntec Numérique, si on veut l’atteindre, il faut qu'il y ait un rééquilibrage qui s'opère pour qu'il y ait cette neutralité.  
  
 
Donc, si vous voulez, on a bien finalement le même type d'objectif mais on ne partage pas tout à fait les mêmes constats sur la situation présente. Mais, vous savez, je pense vraiment qu'on a la nécessité de converger et de travailler en groupe et moi j'ai choisi de m'investir dans les organisations existantes. Certains font le choix d’être à l'extérieur et de combattre ce qui existe déjà. Mois j'ai toujours fait le choix de m’inscrire dans ce qui existait et d'essayer de faire progresser mes convictions et les points de vue que je défends à l'intérieur de ces organisations-là. Mais à partir du moment où j'accepte de jouer le jeu de ces organisations, il faut que j'en accepte aussi les règles en matière de gouvernance et donc il faut que j'accepte que le point de vue majoritaire ne soit pas forcément, pour l’instant, le point de vue que moi je défends. Et à partir de ce moment-là je l'accepte et je suis capable de l'expliquer comme je viens de le faire auprès de nos auditeurs.
 
Donc, si vous voulez, on a bien finalement le même type d'objectif mais on ne partage pas tout à fait les mêmes constats sur la situation présente. Mais, vous savez, je pense vraiment qu'on a la nécessité de converger et de travailler en groupe et moi j'ai choisi de m'investir dans les organisations existantes. Certains font le choix d’être à l'extérieur et de combattre ce qui existe déjà. Mois j'ai toujours fait le choix de m’inscrire dans ce qui existait et d'essayer de faire progresser mes convictions et les points de vue que je défends à l'intérieur de ces organisations-là. Mais à partir du moment où j'accepte de jouer le jeu de ces organisations, il faut que j'en accepte aussi les règles en matière de gouvernance et donc il faut que j'accepte que le point de vue majoritaire ne soit pas forcément, pour l’instant, le point de vue que moi je défends. Et à partir de ce moment-là je l'accepte et je suis capable de l'expliquer comme je viens de le faire auprès de nos auditeurs.

Version du 8 mai 2014 à 09:10


Titre : Interview de Alexandre Zapolsky de Linagora

Intervenants : Gilles Gouget, animateur de la Radio Libre Divergence et Alexandre Zapolsky

Lieu : Montpellier

Date : Novembre 2013

Durée : 25 min 40

Enregistrement : [1]


00' transcrit MO

Gilles : Alexandre ZAPOLSKY est le fondateur et le PDG de Linagora. Dans le cadre du Tour du Logiciel Libre qui fait étape à Montpellier ce jeudi 14, il répond à nos questions. Une initiative de la société Linagora, une des plus importantes sociétés de service de logiciels libres en France. Un tour de France qui vise à enfoncer le clou de la directive du Premier ministre conseillant l'utilisation des logiciels libres dans les administrations et les collectivités. La mise au catalogue de l'UGAP des solutions Linagora fait aussi l'objet d'une présentation en ce tour de France qui permet aussi et surtout de voir où on en est grâce aux interventions et aux retours d'expérience des DSI locales. Nous sommes au téléphone avec Alexandre Zapolsky. Bonjour.

Alexandre Zapolsky : Bonjour. Bonjour à tous.

Gilles : On vous reçoit. On vous avait déjà vu à Montpellier, c’était lors des dix ans de l'ADULLACT, il y a quelques mois déjà. Là on vous a au téléphone pour parler un petit peu de Linagora, mais surtout dans le cadre du Tour de France du Libre, que vous avez organisé et qui amène, ce tour de France, à une étape montpellierenne ce jeudi 14 novembre. Peut-être, pour présenter un petit peu, c’était dans les années 2000 - 2002 que vous créiez Linagora avec Michel-Marie Maudet. Depuis Linagora a grandi, c'est une société de services en logiciels libres, même si on a entendu récemment que maintenant il allait falloir les appeler les entreprises du numérique libre, bref, et puis au fil de premiers marchés d'industrialisation, de premiers grands contrats et puis de la consolidation dont vous avez su faire preuve, on arrive à la fameuse déclaration du Premier ministre en faveur du Logiciel Libre et puis maintenant vous êtes souvent des voyages présidentiels pour aller prêcher la bonne parole du Logiciel Libre, pour Linagora aussi qui a su se développer, compte aujourd’hui à peu près 150 salariés.

Alexandre Zapolsky : Collaborateurs.

Gilles : Collaborateurs, voilà, et qui se délocalise sur le continent nord-américain donc qui a le vent en poupe, on peut le dire comme ça.

Alexandre Zapolsky : Alors. On ne délocalise pas. On investit.

Gilles : On s’étend.

Alexandre Zapolsky : Et on exporte. Ce n'est pas tout à fait la même chose et la différence principale c'est que l'ensemble de nos équipes aujourd’hui de recherche et développement par exemple, sont en France, restent en France et je n'envisage pas un seul instant de substituer un emploi de l'un de nos ingénieurs français par un ingénieur qu'il soit canadien, américain, vietnamien ou tunisien ou je ne sais de quel pays. Ce n'est pas de la délocalisation, c'est vraiment de l'investissement. Je crois que le numérique et en particulier l'open source dans le domaine du numérique, on a vraiment de très bonnes solutions et on a de quoi exporter, et en tout cas le numérique français ne mérite pas la faible part en terme d'export qu'il a aujourd'hui. Il faut qu'on fasse plus que ça d'ailleurs. Dans votre petite présentation ce que vous avez oublié, présentation très complète, c'est que également je suis très investi au niveau globalement du numérique et notamment dans Syntec Numérique, je suis un des administrateurs de Syntec Numérique et j'ai initié la Commission International qui a justement pour vocation d'aider nos entreprises du numérique à se développer plus à l’international et à développer plus l'export. Je copréside en fait cette commission avec Pierre-Yves Commanay qui est un des dirigeants de l’entreprise Sopra. Est-ce que je peux juste revenir sur deux,trois éléments de votre présentation ?

Gilles : Absolument !

Alexandre Zapolsky : Merci Gilles. Vous le disiez, Société de service en Logiciel Libre c'est vrai qu'on est en 2000 à l’origine en fait de cette appellation et de ce terme-là et c'est effectivement le métier principal de Linagora jusqu'en 2006-2007. Depuis on a très largement investi en innovation et en recherche et développement et aujourd'hui Linagora c'est beaucoup plus un éditeur de logiciels qu'uniquement une société de services en logiciels libres. Il y a plus de quarante personnes qui travaillent chez nous en recherche et développement, principalement à Paris, mais pas que, à Lyon, à Marseille. On a aussi un collaborateur à Montpellier, donc c'est une ville qui nous est chère aussi pour ça, parce qu'en fait on y trouve de très bons ingénieurs. Donc voilà. On a des activités de recherche un peu partout en France. On a d'ailleurs ouvert très récemment un laboratoire conjoint avec une université qui est l'université Joseph Fournier à Grenoble. Donc c'est un premier laboratoire public-privé, en R & D open source, et j'en suis très fier. On n'a pas encore fait d'annonce sur le sujet parce que pour l'instant on est en train de caler les dispositifs et concrètement les équipes sont en train de s'installer dans l’université, mais prochainement c'est un sujet sur lequel on va communiquer.

Donc un éditeur de logiciels libres, et puis, si j'accompagne effectivement, alors pas souvent, j'ai eu l’opportunité effectivement d'accompagner une fois le Premier ministre, une fois le Président de la République dans le cadre de leurs voyages officiels, c'est moins pour parler de Linagora que pour porter effectivement la voix des entreprises du numérique globalement et plus particulièrement celle de l'open source. Ce que je peux vous dire c'est que dans tout ce qui est en train de se passer avec un gouvernement qui a 25 % de bonne opinion favorable, etc, ce que je peux vous dire c'est qu'on a une équipe gouvernementale qui est très attentive au développement de nos PME, au développement de l'innovation et qui est vraiment là pour nous aider, pour nous faire grandir à l'international. Donc effectivement moi je suis plutôt soutien de la politique gouvernementale, en faveur de l'innovation et de l'aide qu'ils octroient aux PME et en particulier aux PME innovantes. Ce sont des gens très accessibles. J'ai été très surpris par Jean-Marc Ayrault, par exemple, qui est effectivement très accessible. Mais on n'est pas là pour faire de la politique, on est là pour parler de Logiciel Libre et notamment effectivement de cet événement qui aura lieu très prochainement à Montpellier.

Gilles : On va y venir, mais vous me tendez la perche en évoquant le Syntec Numérique et on va dire l'action du gouvernement. On l'a vu pour l'Enseignement supérieur et la Recherche. On va dire que le message a été compris. Pour l'étape précédente, celle justement de la loi sur la modernisation de l'école, il semblerait que, sans vous en informer, le Syntec Numérique ait pris, on va dire, parti et fait force lobbying pour faire reculer le législateur sur cette loi particulière.

Alexandre Zapolsky : Écoutez, j'ai beaucoup d'estime pour le Syntec Numérique et pour le travail qu'on mène avec l'ensemble du conseil d'administration, pour le travail que mène en fait mon président Guy Mamou-Mani, et j'aimerais effectivement pouvoir imaginer que seul le Syntec Numérique puisse faire prendre ou ne pas prendre des décisions au gouvernement et puis faire en sorte que le Parlement vote en faveur d'un sujet ou d'un autre. On peut participer à la prise de décision publique, effectivement, comme syndicat premier c'est le rôle aussi du Syntec Numérique de s'exprimer de l’intérêt en fait de ses membres, mais naturellement il n'est pas seul à faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre. La preuve, le Syntec Numérique ne défendait pas plus la position pro Logiciel libre qui a été adoptée pour l'Enseignement supérieur et la Recherche et vous le rappeliez. Il était sur la même voie sur le sujet que sur celui de l'éducation, c'est-à-dire effectivement que le Syntec Numérique ce qu'il exige, parce qu'il n'y pas d'autre point de vue, ce n'est pas effectivement le point de vue des acteurs de l’open source , qui n'est pas effectivement le point de vue de Linagora puisque, vous le savez, moi j'ai exprimé la position de Linagora tout à fait officiellement à travers un communiqué de presse. Nous on est tout à fait en faveur que l’État prenne position en faveur du Logiciel Libre comme il l'avait fait dans le cadre de la circulaire Ayrault, quand Jean-Marc Ayrault a dit « il faut favoriser le développement et l'usage de l'open source ». Donc quand ces deux proposions sont arrivées au niveau du ministère de l'Éducation et puis au niveau de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui disait à peu près la même chose, favoriser l'usage du Logiciel Libre pour construire des services numériques, les acteurs de l'open source et en premier lieu Linagora étaient favorables effectivement à de tels dispositifs et pas le Syntec. Et pourquoi ? Parce qu'au Syntec ce qui prévaut encore aujourd'hui c'est un principe dit de neutralité qui veut dire que le Syntec ne souhaite pas que l’État fasse a priori le choix de telle technologie au profit de telle autre, ou de tel modèle économique au profit de tel autre. Ce qui est entendable pour une certaine partie de l'argumentation, c'est-à-dire qu'on imaginerait mal, par exemple, le Syntec Numérique dire maintenant il ne faut pas que des projets en mode Cloud et la seule bonne façon de faire, d'acheter du numérique c'est de le faire à travers du cloud, donc des services SaaS, etc. On ne comprendrait pas une proposition qui serait celle-là de la part du Syntec Numérique.

Là où effectivement les gens de l'open source et de l'écosystème open source ont une position qui est différente, c'est que le propos que nous on mène dans l'open source, c'est de dire, oui mais la situation est tellement déséquilibrée en faveur des grands éditeurs de logiciels traditionnels que si on ne rétablit pas des éléments de concurrence un peu plus libres, un peu moins faussés, si on ne rétablit pas un équilibre dans le marché, eh bien ces acteurs-là sont tellement présents, sont tellement puissants, qu'on est dans un déséquilibre structurel qui fait qu'on a besoin que l’État intervienne pour recréer des conditions d'équilibre. Et justement, la neutralité dont se prévaut un certain nombre d’acteurs et qu'essaie de défendre le Syntec Numérique, si on veut l’atteindre, il faut qu'il y ait un rééquilibrage qui s'opère pour qu'il y ait cette neutralité.

Donc, si vous voulez, on a bien finalement le même type d'objectif mais on ne partage pas tout à fait les mêmes constats sur la situation présente. Mais, vous savez, je pense vraiment qu'on a la nécessité de converger et de travailler en groupe et moi j'ai choisi de m'investir dans les organisations existantes. Certains font le choix d’être à l'extérieur et de combattre ce qui existe déjà. Mois j'ai toujours fait le choix de m’inscrire dans ce qui existait et d'essayer de faire progresser mes convictions et les points de vue que je défends à l'intérieur de ces organisations-là. Mais à partir du moment où j'accepte de jouer le jeu de ces organisations, il faut que j'en accepte aussi les règles en matière de gouvernance et donc il faut que j'accepte que le point de vue majoritaire ne soit pas forcément, pour l’instant, le point de vue que moi je défends. Et à partir de ce moment-là je l'accepte et je suis capable de l'expliquer comme je viens de le faire auprès de nos auditeurs.

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Gilles : Pour convaincre justement