Interview Isabelle Attard 1er octobre

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Titre : Interview d'Isabelle Attard par Alexis Kauffmann le 1er octobre 2014

Intervenants : Isabelle Attard, Alexis Kauffmann

Réalisation : Lionel Allorge

Licences : Gnu FDL 1.3 ou ultérieure, CC-by-SA 2.0 ou ultérieure, Art Libre 1.3 ou ultérieure

Durée : 30 mn 3 s

Média : Interview_Isabelle_Attard_1er_octobre_2014.webm (243,8 Mo)

Logiciels utilisés : Kdenlive pour le montage vidéo et Inkscape pour le générique

Lien vers la vidéo : [1]


14' 44 transcrit MO

Alexis Kauffmann : La question du Logiciel Libre. Comment est-elle perçue par les députés ? En ont-ils entendu parler ? Voient-ils cela comme un enjeu ?

Isabelle Attard : Alors non, non et non. Les députés ne savent absolument pas, dans l'ensemble, je généralise énormément, certes il y a beaucoup de députés, quand même, qui savent ce que c'est que le Logiciel Libre, qui en ont entendu parler, ce n'est pas forcément ceux qui vont s'investir sur les textes où c'est décisif. C'est un petit peu ça le problème, c'est que, on avait des députés qui auparavant, dans la précédente législature, s'occupaient de ces questions-là, qui aujourd'hui ne sont plus dans la Commission culture éducation, donc c'est un peu plus délicat. Déjà il y a peu de monde vraiment au courant des enjeux liés au Logiciel Libre et ensuite qui sont prêts à se battre et à faire passer des amendements pour valoriser le Logiciel Libre, il y en a encore moins. Ce n'est pas évident de leur expliquer parce qu'ils sont habitués, eux, sur leur lieu de travail, en l’occurrence l'Assemblée, avec des logiciels Microsoft. Il y a eu une tentative de « former », entre de gros guillemets, de former les députés à utilisation de logiciels libres à l'Assemblée, mais comme il n'y a pas eu d'accompagnement, il n'y a pas eu vraiment de formation pour les faire changer d'habitudes, ils ont tous dit, ce qui était logique, non nous on ne comprend pas comment ça marche, c'est trop compliqué, on revient à Microsoft. Voilà ! C'est tout simple. Et puis peut-être que chez eux ils ont aussi l’utilisation des logiciels propriétaires et que personne ne leur a expliqué l’intérêt des logiciels libres. Donc c'est très, très, très dur, extrêmement difficile de faire passer le message que c'est un combat, que c'est une idée importante pour nous tous.

Alors, je croyais, je croyais qu'avec l'affaire Snowden, qu'avec les écoutes de la NSA, on allait quand même arriver à un niveau d'écoute, et que cette question du Logiciel Libre allait être entendable ; que les menaces d'écoutes, que les menaces de voir toute leur boîte mail hackée par quelqu’un à 5 ou 10 000 kilomètres allait quand même les faire se sentir concernés, et en fait non.

Alexis Kauffmann : Pourquoi ? Par le manque de culture sur ces sujets-là ? Vous évoquiez la question des usages et de la pratique. On a tenté d'introduire les logiciels libres à l'Assemblée mais ça n'a pas forcément fonctionné. On voit bien justement avec l'affaire Snowden que ça va bien au-delà et nous dans le Logiciel Libre on a l'habitude de dire que le Logiciel Libre est un mouvement politique, éthique et social, en fait.

Isabelle Attard : Il y a plusieurs choses. Enfin je crois, je pense qu'il faudrait aller poser la question, au lieu de me la poser à moi, il faudrait la poser à des députés qui n'utilisent jamais le Logiciel Libre, qui ne savent pas ce que c'est. Ça serait très intéressant. Ma petite idée est qu'il y a une question de génération, aussi, qu'il ne faut pas négliger. Si on a des députés qui ont soixante-dix ans, ou soixante-cinq, soixante-dix, soixante-quinze, déjà le logiciel tout court ce n'est quand même pas évident ; je me souviens avoir entendu quand même des phrases dans les couloirs de l'Assemblée où c'était clair et net que le député en question n'avait jamais utilisé Internet. Donc à partir de là on peut supposer que le Logiciel Libre ça va être encore plus complexe. Donc il y a un problème de génération, c'est sûr. Ensuite il y a un problème de lobby, extrêmement fort, des logiciels propriétaires, très fort dans le sens où on va vous inviter, comme tous les lobbies, on va vous faire comprendre que Microsoft c'est très bien, que c'est très bien pour les écoles, que c'est très bien pour les classes, qu'il y a des classes « patrimoine », des classes « informatique » aidées par Microsoft et que tout va bien, que Microsoft est l'ami de enfants et des internautes. Bref.

Il y a cette pression-là aussi et puis il y a un désintérêt complet pour tout ce qui est technique. Quand on touche au Logiciel Libre on rentre quand même dans une certaine technique ; ce n'est pas juste l'écran et je tapote sur mon clavier. On essaie de comprendre ce qui se passe avec les données, une fois qu'elles sont archivées quelque part. On se pose la question. Ça va où ? Qui peut lire ? Qu’est-ce que c'est que des métadonnées ? Qui peut avoir accès à mes informations ? Où elles sont réellement stockées ? Etc. Donc ça demande à aller un petit peu plus loin techniquement parlant. Et là ça bute. Là on se heurte, quand même, à un petit mur d'incompréhension lié à la technologie.

Alexis Kauffmann : Et ça a buté dernièrement avec la loi antiterroriste, par exemple.

Isabelle Attard : C'est exactement ça qui s’est passé. Quand vous avez un rapporteur qui dit qu'il faudra prendre l'avion pour contourner et aller consulter des sites bloqués, c'est qu'il n'a pas du tout compris que c’était possible de chez lui. Les internautes, les citoyens français qui ont l'habitude d'utiliser leur ordinateur, et ils sont de plus en plus jeunes, savent quand même comment l’utiliser et manipuler et ce qu'on peut en faire et ce qu'on ne peut pas en faire. Et ce qu'il est possible de faire en 2014 qu'on ne pouvait pas faire en 2012. Quand vous avez un raisonnement politique qui ne tient même pas compte des avancées technologiques et de ce qu'on peut faire aujourd'hui, alors la représentation nationale, comme je l'ai dit à Bernard Cazeneuve, oui se ridiculise.

Alexis Kauffmann : Quels sont les prochains grands sujets et grandes batailles à l’Assemblée autour du Logiciel Libre, d'après vous, si vous en voyez ?

Isabelle Attard : Déjà, nous avons relancé toute la série de questions budgétaires à tous les ministères pour savoir s'ils avaient évolué dans leur gestion de leurs logiciels, la part du Libre par rapport au logiciel propriétaire. Certains ont commencé à nous répondre, pas tous, donc on va voir s'il y a une évolution. Le but est d'avoir un suivi comme ça, chaque année, à la fois pour les obliger à faire cette réflexion eux en interne. On pose la question « Combien vous dépensez pour le Logiciel Libre et pour les logiciels propriétaires ? » Donc ils sont obligés d’aller regarder finalement les comptes. Et peut-être que la pédagogie va arriver comme ça en se disant « ah oui, finalement c'est cher ! » Et si c'est par le prix qu'on arrive à un intérêt pour le Logiciel Libre, même si on sait pertinemment que c'est loin d’être le seul intérêt du Logiciel Libre, je me dis que c'est un moindre mal de rentrer et de s'y intéresser par ce biais-là. Et après on arrivera à faire passer le message que c'est important, parce que vous gérez, vous avez la main sur vos données et que ça ne disparaît pas dans la nature et que vous pouvez les modifier comme vous voulez et que c'est vous qui en êtes maître. Et ça, c'est toujours un petit peu regrettable parce que si on pense au documentaire « Spécial Investigation » de Canal Plus, il n'y avait que la mention du prix, finalement, sur l'aspect Logiciel Libre. Or on sait que c'est argument parmi trois ou quatre qui sont nettement plus importants liés à la thématique des données qui disparaissent et qui sont volées, surveillées, épiées,etc.

22' 32

Alexis Kauffmann : Et dans votre travail d'expertise autour du Logiciel Libre