Intervention d'Henri Verdier, ambassadeur pour les affaires numériques à Numérique en Communs 2022

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Titre : Intervention d'Henri Verdier, l'ambassadeur pour les affaires numériques, lors de la plénière de lancement de Numérique en Commun[s]

Intervenant : Henri Verdier

Lieu : Le lancement de NEC, Numérique en commun[s], 2022

Date : 28 septembre 2022

Durée : 14 mn

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcrit par Eve

Transcription

Présentatrice : Pour conclure cette pleinière de lancement, nous avons la présence d'Henri Verdier, ambassadeur aux affaires numériques, pour revenir sur l'enjeu partagé des communs.

Henri Verdier : Je croyais qu'il y avait Françoise Mercadal-Delasalles, avant moi : sinon je ne serais pas venu. Parce que moi, je ne suis jamais sans elle. Je ne fais aucune tribune s'il n'y a pas de femme sur l'estrade. Et toi tu ne comptes pas, l'animation ça ne compte pas.

Présentatrice : Je viens d'apprendre que je ne comptais pas. Je pense que tu vas pouvoir le faire quand même tout seul, mais tu as raison, nous serons plus vigilant sur la question du genre. Merci d'eêtre venu jusqu'à nous de Bucarest, c'est ça ? Tu es arrivé tout à l'heure. Peut-être que pour commencer, je propose, si tu le veux bien, de revenir sur ton attachement personnel, voir intime, à la question des communs numériques. On peut dire ça ? Intime ?

Henri Verdier : On peut dire ça.

Présentatrice : Allons-y, alors.

Henri Verdier : Et vous m'avez demandé de venir parler un peu du travail que l'on fait en ce moment avec les Affaires étrangères de 18 pays d'Europe sur le fait que tout ce dont on parle aujourd'hui, ces communs, ça a aussi à voir avec la souveraineté numérique européenne et avec la construction de l'identité même de notre Europe.

Je vois dans la salle quelques cheveux blancs, quelques amis : il y en a ici qui se souviennent qu'il y a 30 ans, quand on a embrassé cette révolution numérique, on pensait que ça allait être une révolution d'émancipation, qu'on aurait accès à plus de libertés, plus de capacités, plus de solidarité, plus de savoirs, plus d'intelligence collective. Et on avait raison : en partie ça a eu lieu, et en partie aussi on voit bien que quelque chose a mal tourné. Parce que disons-le vite, les méchants aussi s'en sont pris à ces réseaux numériques, les acteurs malveillants, ça existe. Parce que certains Etats, et globalement pratiquement tous les Etats qui ne sont pas Europe Etats-Unis, sont peu confortables avec cette gouvernance partagée, multi-acteurs, de l'aventure internet. Et puis parce que de très grandes entreprises, à qui on ne va pas reprocher d'avoir eu du succès, mais sont en train de recapturer et de refermer un peu le numérique. Et face à ça, l'inquiétude sur notre souveraineté numérique se fait croissante, et je voulais partager avec vous qu'on a raison. On a raison pour des raisons strictement géo-politiques : aujourd’hui, la Chine peut nous arrêter l'accès à toutes les puces dont on a besoin, et péter notre économie en 3 semaines. Elle a le monopole des terres rares pour faire les ordinateurs. En Europe, on est quand même très très dépendant des Etats-Unis pour le cloud, pour l'intelligence artificielle, on ne pourrait pas faire sans eux. Et ça crée des situations où des gens peuvent nous imposer des points de vue ou des décisions.

Mais c'est plus quotidien, plus à la taille de l'individu. Globalement, par exemple, nous citoyens européens sommes attachés à la vie privée. On se rappelle les tragédies qu'a connu notre continent quand on faisait des listes de citoyens en fonction de leur religion pour les envoyer vous savez où. On a dû se battre 30 ans pour se mettre en capacité politique d'imposer des formes de protection des données personnelles, avec le RGPD. Il ne suffit pas d'adopter le RGPD, il faut le faire appliquer. Et là, je trouve une première connexion, entre le fait que la souveraineté c'est aussi...

Dans notre démocratie, c'est le peuple qui est souverain, c'est vous, c'est moi. Mais si nos désirs profonds, pour lesquels on a mandaté le politique, on ne peut pas l'imposer dans le monde numérique parce qu'il y a des acteurs qui n'en ont cure, on n'est plus souverain en tant qu'Etat, mais plus non plus en tant que citoyen en démocratie.

Présentatrice : Concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire ? Dans quelle mesure la présidence française de l'Union européenne va peut-être jouer un rôle ?

Henri Verdier : Ce rappel était peut-être le plus important, parce que du coup vous l'entendez tous les jours et vous voyez des décisions quotidiennes, l'envie d'être de nouveau souverain se fait jour. Et c'est là que je voudrais vraiment lancer un appel aux communautés des "commoners", si je puis dire, de se mobiliser et de s'engager dans cette affaire. Mais face au besoin d'être un peu souverain, un peu autonome, on voit bien qu'il y a des définitions, des erreurs, des choix d'analyse qui sont...

En fait pardon : je bafouille un peu parce qu'hier, à Bucarest, j'ai perdu mes lunettes à verres progressifs. Et ça c'est des loupes à 60 lei. Et donc je ne peux pas lire mon papier et vous voir, ça me perturbe beaucoup.

Tu voudrais un peu de concret. Mais concrètement, vous voyez que quand on parle de souveraineté numérique, et bien Vladimir Poutine, il a une vision de la souveraineté, qui s'appelle "je fais ce que je veux chez moi, personne n'a rien à en dire". Certains grands pays, alliés des Européens, one une vision : "tant que je suis hégémonique, que je domine la situation, je suis souverain". Et nous, en Europe, on est peut-être le continent qui a le plus théorisé, pensé que ce dont on a besoin, c'est l'autonomie stratégique. C'est la liberté de choix. C'est qu'on ne me force pas à aller là où je ne veux pas. Si vous regardez toute la construction européenne, c'est comme ça, et si vous regardez toute la construction d'Internet, de la révolution numérique, c'est aussi cette histoire-là. La révolution numérique, c'est la révolution des standards ouverts : si vous enlevez Linux, HTML, MySQL, TCPIP, vous n'avez plus d'Internet. Et ces trucs-là, BlueTooth, l'ADSL, c'est européen. En fait