Différences entre les versions de « Intervention d'Henri Verdier, ambassadeur pour les affaires numériques à Numérique en Communs 2022 »

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'''Titre :''' Intervention d'Henri Verdier, l'ambassadeur pour les affaires numériques, lors de la plénière de lancement de Numérique en Commun[s]
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Publié [https://www.librealire.org/intervention-d-henri-verdier-ambassadeur-pour-les-affaires-numeriques-a-numerique-en-communs-2022 ici] - Octobre 2022
 
 
'''Intervenant :''' Henri Verdier
 
 
 
'''Lieu :''' Le lancement de NEC, Numérique en commun[s], 2022
 
 
 
'''Date :''' 28 septembre 2022
 
 
 
'''Durée :''' 14 mn
 
 
 
''' [https://www.youtube.com/watch?v=9uqGN-d-csM&t=4021s Vidéo]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :''' À prévoir
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em> Transcrit par Eve
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Présentatrice : </b>Pour conclure cette pleinière de lancement, nous avons la présence d'Henri Verdier, ambassadeur aux affaires numériques, pour revenir sur l'enjeu partagé des communs.
 
 
 
<b>Henri Verdier : </b>Je croyais qu'il y avait Françoise Mercadal-Delasalles, avant moi : sinon je ne serais pas venu. Parce que moi, je ne suis jamais sans elle. Je ne fais aucune tribune s'il n'y a pas de femme sur l'estrade. Et toi tu ne comptes pas, l'animation ça ne compte pas.
 
 
 
<b>Présentatrice : </b>Je viens d'apprendre que je ne comptais pas. Je pense que tu vas pouvoir le faire quand même tout seul, mais tu as raison, nous serons plus vigilant sur la question du genre. Merci d'eêtre venu jusqu'à nous de Bucarest, c'est ça ? Tu es arrivé tout à l'heure. Peut-être que pour commencer, je propose, si tu le veux bien, de revenir sur ton attachement personnel, voir intime, à la question des communs numériques. On peut dire ça ? Intime ?
 
 
 
<b>Henri Verdier : </b>On peut dire ça.
 
 
 
<b>Présentatrice : </b>Allons-y, alors.
 
 
 
<b>Henri Verdier : </b>Et vous m'avez demandé de venir parler un peu du travail que l'on fait en ce moment avec les  Affaires étrangères de 18 pays d'Europe sur le fait que tout ce dont on parle aujourd'hui, ces communs, ça a aussi à voir avec la souveraineté numérique européenne et avec la construction de l'identité même de notre Europe.
 
 
 
Je vois dans la salle quelques cheveux blancs, quelques amis : il y en a ici qui se souviennent qu'il y a 30 ans, quand on a embrassé cette révolution numérique, on pensait que ça allait être une révolution d'émancipation, qu'on aurait accès à plus de libertés, plus de capacités, plus de solidarité, plus de savoirs, plus d'intelligence collective. Et on avait raison : en partie ça a eu lieu, et en partie aussi on voit bien que  quelque chose a mal tourné. Parce que disons-le vite, les méchants aussi s'en sont pris à ces réseaux numériques, les acteurs malveillants, ça existe. Parce que certains Etats, et globalement pratiquement tous les Etats qui ne sont pas Europe Etats-Unis, sont peu confortables avec cette gouvernance partagée, multi-acteurs, de l'aventure internet. Et puis parce que de très grandes entreprises, à qui on ne va pas reprocher d'avoir eu du succès, mais sont en train de recapturer et de refermer un peu le numérique. Et face à ça, l'inquiétude sur notre souveraineté numérique se fait croissante, et je voulais partager avec vous qu'on a raison. On a raison pour des raisons strictement géo-politiques : aujourd’hui, la Chine peut nous arrêter l'accès à toutes les puces dont on a besoin, et péter notre économie en 3 semaines. Elle a le monopole des terres rares pour faire les ordinateurs. En Europe, on est quand même très très dépendant des Etats-Unis pour le cloud, pour l'intelligence artificielle, on ne pourrait pas faire sans eux. Et ça crée des situations où des gens peuvent nous imposer des points de vue ou des décisions.
 
 
 
Mais c'est plus quotidien, plus à la taille de l'individu. Globalement, par exemple, nous citoyens européens sommes attachés à la vie privée. On se rappelle les tragédies qu'a connu notre continent quand on faisait des listes de citoyens en fonction de leur religion pour les envoyer vous savez où. On a dû se battre 30 ans pour se mettre en capacité politique d'imposer des formes de protection des données personnelles, avec le RGPD. Il ne suffit pas d'adopter le RGPD, il faut le faire appliquer. Et là, je trouve une première connexion, entre le fait que la souveraineté c'est aussi...
 
 
 
Dans notre démocratie, c'est le peuple qui est souverain, c'est vous, c'est moi. Mais si nos désirs profonds, pour lesquels on a mandaté le politique, on ne peut pas l'imposer dans le monde numérique parce qu'il y a des acteurs qui n'en ont cure, on n'est plus souverain en tant qu'Etat, mais plus non plus en tant que citoyen en démocratie.
 
 
 
<b>Présentatrice : </b>Concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire ? Dans quelle mesure la présidence française de l'Union européenne va peut-être jouer un rôle ?
 
 
 
<b>Henri Verdier : </b>Ce rappel était peut-être le plus important, parce que du coup vous l'entendez tous les jours et vous voyez des décisions quotidiennes, l'envie d'être de nouveau souverain se fait jour. Et c'est là que je voudrais vraiment lancer un appel aux communautés des "commoners", si je puis dire, de se mobiliser et de s'engager dans cette affaire. Mais face au besoin d'être un peu souverain, un peu autonome, on voit bien qu'il y a des définitions, des erreurs, des choix d'analyse qui sont...
 
 
 
En fait pardon : je bafouille un peu parce qu'hier, à Bucarest, j'ai perdu mes lunettes à verres progressifs. Et ça c'est des loupes à 60 lei. Et donc je ne peux pas lire mon papier et vous voir, ça me perturbe beaucoup.
 
 
 
Tu voudrais un peu de concret. Mais concrètement, vous voyez que quand on parle de souveraineté numérique, et bien Vladimir Poutine, il a une vision de la souveraineté, qui s'appelle "je fais ce que je veux chez moi, personne n'a rien à en dire". Certains grands pays, alliés des Européens, one une vision : "tant que je suis hégémonique, que je domine la situation, je suis souverain". Et nous, en Europe, on est peut-être le continent qui a le plus théorisé, pensé que ce dont on a besoin, c'est l'autonomie stratégique. C'est la liberté de choix. C'est qu'on ne me force pas à aller là où je ne veux pas. Si vous regardez toute la construction européenne, c'est comme ça, et si vous regardez toute la construction d'Internet, de la révolution numérique, c'est aussi cette histoire-là. La révolution numérique, c'est la révolution des standards ouverts : si vous enlevez Linux, HTML, MySQL, TCPIP, vous n'avez plus d'Internet. Et ces trucs-là, BlueTooth, l'ADSL, c'est européen. En fait nous sommes vraiment, et la France a joué un rôle majeur dans tout ça, mais toute l'Europe, pas que la France, nous sommes le berceau du rêve de construire de la capacité pour le plus grand nombre, grâce à des standards ouverts, grâce à des possibilités de coopération. Donc, ce que nous sommes en train de travailler là, et ça va se faire concrètement - enfin concrètement ça va aboutir par une fondation européenne au bénéfice des communs numériques, puisque tu veux des mots concrets. Ce que nous sommes en train de faire c'est de dire : la seule réponse à la domination des grands monopoles, la seule réponse à la recapture d'Internet par des Etats, ça n'est pas forcément de fabriquer des monopoles européens : il ne faut pas forcément imposer un Google européen à Google, un Facebook européen à Facebook, parce qu'on peut aussi rêver d'un monde où il n'y aura pas de monopole, où il n'y aura pas de capture, où il n'y aura pas d'emprisonnement des gens. Et pour ça, il faut juste une politique, des politiques publiques, à tout les niveaux, plus engagées avec les communs, et je dis bien avec les communs. C'est à dire qu'il faut à la fois apprendre à contribuer nous-mêmes, à s'en servir réellement. J'ai entendu le ministre dire : "il faut une action publique ouverte", il a raison. Mais ouverte dans les deux sens : qu'elle soit contributive, qu'elle ouvre ses codes, mais qu'elle soit accueillante aussi, qu'elle reçoive des gens différents, bizarres, des idées de rechange.
 
 
 
Voilà : je voulais partager ça parce que pour nous, et j'espère que le public ici le sent, il y a cette possibilité que l'Europe soit le berceau, à la fois d'une sorte de reprise au sérieux de la promesse initiale de l'Internet, avec ses valeurs initiales d'ouverture, de coopération, de décentralisation et surtout de standards ouverts. Que ce soit la ligne d'une diplomatie européenne, au fond, qui dit "mais moi je vais essayer d'être vraiment autonome, vraiment libre, vraiment puissant, vraiment souverain", mais pas au détriment des autres. J'aime bien citer mon père, qui disait toujours : "la liberté des uns s'arrête là où s'arrête celle des autres". En fait, on peut aussi rêver d'un monde où grandit notre liberté tout en grandissant celle des voisins.
 
 
 
Très concrètement, puisque tu veux du concret, quand j'étais le DSI de l'Etat, c'était la DINUM, qui s'appelait à l'époque la DINSIC, je disais à l'administration : "mais pourquoi vous bâtissez vos services sur Google Maps, alors que vous avez Open Street Maps ?" Et puis en juillet 2018, Google a changé ses tarifs, et en une nuit, les sites des sous-préfectures ont coûté 100 fois plus cher. C'est passé de 50 euros par an à 5.000 euros par an, et on a dû fermer des sites un peu partout en France. Alors quand vous êtes avec Open Street Maps, et dans Open Street Maps, on ne vous change pas les tarifs, parce qu'il n'y a pas de tarif, et si on vous les change, vous faites votre fork et vous continuez tout seul.
 
 
 
Voilà, tu me fais des grands gestes pour me dire que c'est fini ?
 
 
 
<b>Présentatrice : </b>Non, non, c'est passionnant. Je voudrais qu'on se redise, du coup, parce que tu as commencé à l'évoquer, pourquoi est-ce que la question, finalement, du développement des compétences numériques, ou même du rôle des acteurs de la médiation numérique, pour ce faire, est essentiel. Parce que ce que tu viens de dire est extrêmement important : il ne s'agit pas de faire la même chose, il s'agit d'élaborer un nouveau projet, qui soit finalement plus intelligent, peut-être plus résilient et certainement plus collectif. Mais en gros, qu'est-ce qu'on doit changer aussi, et quel rôle les acteurs présents ici peuvent jouer.
 
 
 
<b>Henri Verdier : </b>Je crois que la réponse est dans ta question. 
 
 
 
<b>Présentatrice : </b>Oui, évidemment, tu vois bien que je triche.
 
 
 
<b>Henri Verdier : </b>Oui, tu triches un peu. Il fallait le dire aussi. C'est à dire que la seule différence entre un monde de consommation pure et un monde d'ouverture, d'engagement, de coopération réelle, c'est que pour de l'ouverture, de l'engagement, de la coopération réelle, il faut des gens qui sachent de quoi ils parlent. Il faut des gens qui soient à la fois concernés et compétents. Alors les compétences, vous le savez mieux que moi, ici, dans cette enceinte, il y en a plus qu'on le pense. Mais si on ne veut pas faire... Bon, je sors de mes notes, là. Le premier grand mouvement d'open data, d'open gouvernement, d'action publique ouverte, c'est globalement l'administration Obama, quand même, à peu près, le marqueur. Elle se termine par l'administration Trump. Ici on est à Lens, mais moi je viens de Metz. Je connais aussi les bassins miniers. Il ne faut pas faire une action publique ouverte pour cols blancs, pour bobos, pour gens super à l'aise devant leur cinq écrans. Et si on veut que ce soit vraiment une contribution collective, inclusive, il faut aussi distribuer de la capacité à s'en mêler, et peut-être, mais je crois qu'on en parlera peut-être dans d'autres ateliers, le sentiment qu'on a le droit de s'en mêler, qu'on est pertinent, légitime.
 
 
 
Voilà, je crois que c'est... Il y a un continuum, c'est nous, les démocraties matures, et donc fondamentalement les démocraties européennes, qui savons aligner ce concept de souveraineté comme une puissance collective avec les libertés individuelles, et se rappeler que c'est LA promesse de la démocratie où le peuple est souverain. Et puisque tu fais allusion au fait que je suis désormais diplomate, puisqu'on vit quand même des temps très graves
 

Dernière version du 10 octobre 2022 à 14:52


Publié ici - Octobre 2022