Différences entre les versions de « Internet va t-il couter plus cher »

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'''Ngiraan Fall :''' Chloé ! Chloé ! Viens voir, il faut absolument que tu regardes ça. Mais regarde ! Regarde ça !
 
'''Ngiraan Fall :''' Chloé ! Chloé ! Viens voir, il faut absolument que tu regardes ça. Mais regarde ! Regarde ça !

Version du 30 novembre 2014 à 17:27


Titre : Internet va t-il coûter plus cher ?

Intervenants : Ngiraan Fall - Chloé Safra - Tristan Nitot - Miriam Artino - Adrienne Charmet-Alix

Lieu : Émission France 4 - On n'est plus des pigeons.

Date : Octobre 2014

Durée : 10 min 58

Lien vers la vidéo : [1] Aussi dispo ici : [2]


00' transcrit MO relu avec le son par Ju

Ngiraan Fall : Chloé ! Chloé ! Viens voir, il faut absolument que tu regardes ça. Mais regarde ! Regarde ça !

Voix off : Bienvenue dans l'internet de demain, plus rapide, plus personnalisé, plus proche de vous, et surtout, deux fois plus cher.

Chloé Safra : C'est quoi ce truc ?

Ngiraan : Ils sont en train de remettre en cause le principe fondamental d'Internet : la neutralité du Net. On va peut-être revenir à un Internet à deux vitesses.

Chloé : C'est quoi la neutralité du Net ? C'est quoi ton truc ?

Ngiraan : Mais il faut absolument que tu ailles enquêter. C'est hyper grave. C'est hyper grave.

Chloé : Mais je ne comprends rien à ton truc là !

Ngiraan : Eh bien tu demandes à la limite. Tu y vas, tu demandes. Tu dis oui bonjour c'est les Pigeons. Tout ça. Le temps est compté. Le temps est compté.

Ngiraan : La France a peur.

Chloé : OK, j’y vais. Il faut se calmer Ngiraan.

Voix off : La France a peur ; pour le moment c’est surtout Ngiraan qui flippe. Mais peut-être il a raison. Chloé n'a pas tout compris. On ne va pas lui faire un dessin, quoique. Internet c'est un peu comme une grande autoroute qui relie un point A à un point B et que tout le monde peut prendre sans condition. Les opérateurs garantissent à tous les acteurs du Net une connexion égale, la fameuse bande passante, et ce, quelle que soit la puissance dont ils ont besoin. Les données circulent sans discrimination et à la même vitesse sur le réseau. Si l'on vend des pigeons en plastique sur un petit blog, on bénéficie de la même puissance que Google, Facebook ou Amazon. Et nous, les consommateurs, on a tous accès aux mêmes types d'informations et services, et ce, à la même vitesse. Sauf que depuis quelques mois les États-Unis s'enflamment car la neutralité du Net y est remise en cause. La FCC, le régulateur américain des Télécoms, a proposé au mois de mai un projet prévoyant la fin de cette règle aux États-Unis. En instaurant un traitement préférentiel, ce texte autoriserait les fournisseurs d'accès américains à fournir, contre rémunération bien sûr, un débit plus rapide à certains acteurs du Net.

Remettre en cause la neutralité du Net c'est comme ajouter des péages sur notre jolie route. Les gros acteurs du Net, qui auront les moyens de payer les fournisseurs d'accès, iront toujours aussi vite, alors que les autres devront prendre des chemins parallèles, beaucoup plus lents et sinueux. Résultat : un Internet à deux vitesses. On comprend pourquoi les Américains sont en colère, et quand la FCC leur a fait un appel à commentaires sur la question, 3,7 millions de consommateurs se sont connectés pour crier au scandale. Mozilla, association à but non lucratif, est à l'origine des mouvements de protestation aux États-Unis. Alors Chloé s'est dit que ce ne serait pas mal d'aller rencontrer Tristan, le patron de Mozilla Europe, pour comprendre à qui profiterait le crime.

Tristan Nitot : Les fournisseurs d'accès se disent : « Ah mais c'est très bien de remettre en cause la neutralité du Net parce que je vais pouvoir gagner plus d'argent. Moi j'en ai marre d’être juste un tuyau qui transmet de l’information, alors que je vois des grands groupes tels que Facebook, Google, Amazon et compagnie, qui gagnent énormément d'argent, et moi, regardez, je suis un pauvre fournisseur d'accès à Internet, et en facturant trente euros par mois, j'arrive à peine à m’en sortir ; écoutez il faut que je gagne plus ». Et ils voient donc dans la fin de la neutralité d'Internet une formidable opportunité de business.

Voix off : Les fournisseurs d'accès américains veulent donc leur part du gâteau. Le débat sur la neutralité aurait d'ailleurs été lancé en partie à cause du succès de Netflix, cette plate-forme vidéo qui utilise beaucoup de bande passante.

Tristan Nitot : Visiblement, Netflix insiste pour être sûr que ses vidéos soient bien diffusées et oh, si on fait un accroc à la neutralité du Net, du moment que les utilisateurs sont contents !

Chloé : C'est ça, ils ont déjà donné un peu de sous, eux.

Tristan Nitot : Voilà, mais c'est compliqué, ils disent qu'en fait, non, ce n'est pas vraiment un accroc à la neutralité du Net. Le diable est dans les détails quoi et ça commence à devenir très technique. Non, non, le Net est toujours neutre sauf pour nos paquets qui vont plus vite !

Voix off : Oui mais si c'est vrai, quid des sites qui n'ont pas d'argent ?

Tristan Nitot : L'Internet va devenir un genre de galerie marchande où les grandes marques vont payer pour être présentes et puis tous les sites non commerciaux, sympas, authentiques, qui ne sont pas bardés de publicités, l'Internet citoyen, participatif, va disparaître de facto, parce qu'il va être tellement long que les gens ne vont pas s'en servir.

Voix off : La fin de la neutralité du Net sonnerait donc la fin de l'innovation sur Internet. Mais bon, Chloé elle vit en France, alors en quoi ça la concerne ? Ça nous concerne tous en fait !

Tristan Nitot : À partir du moment où ça commence à se faire aux États-Unis il y de fortes chances que ça déteigne en Europe et en France. Et puis, même en France, on sent bien le lobbying parce qu'il faut voir que les géants français de l'Internet, ce sont les fournisseurs d'accès.

Voix off : Alors Chloé, elle les a contactés, les géants français de l'Internet, histoire d'avoir leur position sur la remise en cause de la Neutralité du Net. Alors ils répondent quoi les géants ?

Chloé : Bonjour. Excusez-moi de vous déranger ; j'ai appelé tout à l'heure à propos d'un reportage pour France 4 sur la neutralité du Net. Je m’appelle Chloé Safra.

Interlocuteur : Oui, alors *** me dit qu'il vous a répondu.

Chloé : Ah ! Il m'a répondu !

Interlocuteur : C'était, je pense la semaine dernière, et que la réponse était négative.

Chloé : Je ne comprends pourquoi SFR ne veut pas communiquer là-dessus, en fait.

Interlocuteur : Il n'y a rien à ajouter à date, tant sur Netflix que sur la Net neutralité là.

Voix off : Par mail, Free a refusé d’accorder une interview à Chloé et quand elle leur a demandé pourquoi, eh bien là, il n'y avait plus personne.

Interlocuteur : Moi j'ai posé la question en interne, on m'a répondu qu'on ne voulait répondre face caméra au reportage. En revanche on peut vous donner des éléments d'information si ça vous intéresse.

Chloé : J'ai plutôt cru comprendre qu’Orange serait plutôt pour une contribution des acteurs en fonction de leur utilisation de la bande passante, si je ne me trompe pas.

Interlocuteur : Oui, tout à fait.

Voix off : Pour avoir de vraies réponses ce n'est pas gagné, même si Orange avoue souhaiter faire payer leur bande passante aux acteurs du Net. Le sujet est donc, lui aussi, lancé en France en attendant un texte de loi et pas seulement pour les fournisseurs d'accès. C'est qu'en matière de neutralité du Net il y a des pour et il y a des contre. Le Parlement européen est pour. Le CSA lui est contre. Fleur Pellerin, notre ministre de la Culture, avant elle était contre, mais maintenant elle est pour. Le Conseil d'État, c’est compliqué, ils sont plutôt pour, mais pas vraiment en fait. Mais alors la fin de la neutralité du Net ça voudrait quoi, concrètement pour nous, devant nos écrans ? Est-ce que monsieur Toulemonde pourrait se retrouver dans une situation comme celle-ci ?

Ngiraan : Oui monsieur Geon Pi à l'appareil. Je vous envoie le mail à l'instant, normalement vous le recevrez dans trois mois. Bonne journée !

Voix off : C'est possible ça ? Apparemment oui, selon l’association de défense de nos droits et libertés sur Internet.

Chloé : Ngiraan, mon ami, m'a donné quelques exemples.

Ngiraan : Tous les matins, en buvant mon café, je lis la presse sur Internet pour me tenir informé de tout ce qui se passe dans le monde. Alors, Rue89 ! C'est long, c'est hyper long... Ah voilà, Le Monde ça marche parce que visiblement, eux, ils ont pu payer.

Miriam Artino : Vous voyez très bien quel est le danger potentiel d'un système de ce type. Parce que si effectivement Le Monde peut payer un opérateur pour avoir un accès priorisé ça veut dire que même l'opinion publique sera formée par les opérateurs Internet et par les acteurs dominants. C'est un problème pour ce qui est de la liberté d’expression et c'est un problème au niveau du consommateur en matière de droit d’accès à l'information.

Voix off : Remettre en cause le principe d'un Internet neutre c'est remettre en cause le principe d'un Internet libre et ça ne concerne pas que le droit à l’information.

Chloé : Autre exemple, de Ngiraan toujours, bien sûr.

Ngiraan : Moi, tous les matins, avec les collègues, je leur montre une petite vidéo pour commencer la journée par un bon rire.

Les collègues : Ah Ah Ah !

Voix off : Et sans la neutralité alors ?

Ngiraan : Alors là.

Les collègues : Il ne passe rien là. Elle est sur pause ta vidéo là.

Ngiraan : Mais non, c'est parce que ça met du temps. C'est marrant parce que normalement il mange une... ça va bouger... Un moment.

Les collègues : On a du travail nous ! Tu sais quoi, salut !

Ngiraan : Non mais !

Adrienne Charmet-Alix : Vous voyez on est typiquement dans un cas de non-neutralité qui existe déjà avec certains opérateurs où ils vont passer un accord avec une plate-forme de vidéo et ça va permettre d'aller plus vite sur cette plate-forme-là et les autres vont ramer.

Ngiraan : C'est parce que normalement c'est rigolo parce que le panda mange une banane.

Adrienne Charmet-Alix : Assez curieusement les abonnés de Free ont toujours énormément de mal à voir les vidéos sur Youtube et l'explication potentielle derrière, même si chaque fois Free le conteste, c'est que Youtube refuse de payer sa bande passante et donc Free ralentirait de manière assumée le trafic sur Youtube.

Voix off : On a posé la question à Free, mais on n'a pas eu de réponse. Le mail ne doit pas être encore arrivé. Alors la neutralité du Net est-elle déjà remise en cause ? Si ça se généralise, ça ne sera pas une bonne nouvelle pour nous, consommateurs.

Adrienne Charmet-Alix : Au final c'est nous qui allons payer d'une manière ou d'une autre, soit parce qu'on aura des services payants à la Netflix et autre qui ont besoin d'intégrer les coûts dans leurs offres commerciales, soit parce que ce sont les fournisseurs d'accès à Internet qui vont nous demander, d'une manière ou d'une autre, de payer pour avoir accès à tel ou tel type de contenus.

Tristan Nitot : On pourrait dire : « Ah oui, mais alors vous faites du mail, eh bien vous avez du mail rapide pour un euro de plus par mois, mais vous n'avez pas d’appels téléphoniques ou alors vous avez des appels téléphoniques mais lents, c’est-à-dire que c'est haché ». Enfin, vous voyez ce genre de plans, où finalement ah oui, il faut plus un euro par ici, plus deux euros par là, plus trois euros par ici, vous vous retrouvez un forfait Internet correct à quarante cinq euros au lieu de trente.

Voix off : Les consommateurs qui auront donc les moyens de payer auront un accès à Internet beaucoup moins limité que ceux qui n'ont pas le sous en poche. C'est clair, sans la neutralité du Net, le Web serait loin d’être un bon plan, en fait.

Chloé : Qu'est-ce qu'on peut faire nous consommateurs, pour ne pas se retrouver dans ce type de situation ?

Adrienne Charmet-Alix : Si les gens écrivaient pour dire qu'ils tiendraient leur opérateur à l’œil sur la neutralité du Net, ça peut être intéressant, ça peut être un type d'action intéressante de se déclarer défenseur de la neutralité du Net, en disant si je me rends compte que vous ne le respectez pas, j'irai voir ailleurs.

Tristan Nitot : Nous, en tant qu’internautes, de citoyens de l'Internet, il faut protéger nos libertés, sinon on va se faire tondre.

Voix off : Alors comme Chloé et Ngiraan n'ont aucun envie de se faire tondre, ils ont décidé d’envoyer un courrier à leurs opérateurs, comme l'a conseillé la Quadrature du Net, par la poste oui, oui, pour que ça aille plus vite que par mail !

Chloé : Pour une fois que ça ira plus vite avec la poste !

Voix off : Oui ils se mettent déjà en condition. Et affaire à suivre pour les Pigeons.