Différences entre les versions de « Google s'insère de manière violente et douce à la fois - Xavier Coadic »

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'''Titre :''' Google s'insère de manière violente et douce à la fois
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Publié [https://www.april.org/google-s-insere-de-maniere-violente-et-douce-a-la-fois-xavier-coadic ici] - Mars 2019
 
 
'''Intervenants :''' Xavier Coadic - Antoine Gouritin
 
 
 
'''Lieu :''' Rencontres Désinspirantes de Disruption Protestante
 
 
 
'''Date :''' février 2019
 
 
 
'''Durée :''' 43 min
 
 
 
'''[https://shows.pippa.io/disruptionpr/episodes/xavier-coadic Écouter le podcast ]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :'''
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br />
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
'''Statut :''' Transcrit MO
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Antoine Gouritin : </b>Bienvenue dans ce nouvel épisode des Rencontres Désinspirantes de Disruption Protestante. Chaque semaine une position lucide à rebours du mythe de la start-up nation avec un acteur de l’innovation française. Je suis Antoine Gouritin.<br/>
 
La semaine dernière Florence Durand Tornare, déléguée générale de l’association Villes Internet, nous racontait les relations complexes entre les collectivités et les start-ups et appelait à une décélération et au retour du bon sens. Vous pouvez écouter cette discussion dans votre application de podcast favorite, sur Spotify et sur disruption-protestante.fr. À la fin de notre conversation, Florence évoquait sa visite de l’atelier Google de Rennes : « J’ai réfléchi depuis que j’y suis allée parce que ça m’a traumatisée ! »<br/>
 
Aujourd’hui retour à Rennes où j’ai rencontré Xavier Coadic. Xavier est tour à tour entrepreneur, chercheur, il travaille maintenant sur le biomimétisme. Je vous mets les liens vers ses projets dans la description de l’épisode. Xavier est aussi impliqué dans le monde associatif rennais et connaît bien les structures qui travaillent sur le sujet de la fameuse inclusion numérique, terme à la mode. J’ai commencé par lui demander comment l’arrivée des ateliers Google s’insérait dans l’existant.<br/>
 
Bonne désinspiration !
 
 
 
<b>Xavier Coadic : </b>Tu as commencé par parler d’inclusion, je n’ai pas utilisé ce terme-là et j’y fais attention parce que depuis deux-trois ans c’est devenu un terme packagé partout en France, déjà parce qu’on parle de fracture numérique, d’exclusion. Il y une fracture sociale, je crois, réelle, la fracture numérique si elle existe, peut-être qu’elle existe, elle est plus liée à la fracture sociale, elle est une conséquence de ces choses-là.<br/>
 
Parler d’inclusion je pense que c’est un peu <em>too much</em> pour utiliser les anglicismes que les gens du numérique digitalisé aiment beaucoup. Et comment Google s’insère dans cela de manière à la fois violente, massive et à la fois douce et pernicieuse ? Ça fait un bon teaser pour continuer les anglicismes. Google ne s’insère pas, Google est là depuis longtemps. Le moteur de recherche, enfin l’entreprise Google et tous les services, le courriel, le moteur de recherche, plein d’autres choses, le DNS public pour entrer dans la technique. Google était et est toujours sur les ordinateurs des écoles, des particuliers, des collectivités publiques, des entreprises privées. La grande différence, c’est que Google ouvre une boutique et je ne dirais pas atelier, je dirais bien boutique. Ils ont ouvert un <em>store</em>, comme aurait dit Apple il y quelques années, en plein centre-ville, rue de la monnaie pour l’anecdote, on pourra y revenir après parce que c’est complètement incroyable. C’est pour ça que je dis que c’est intelligent, pernicieux et des fois c’est vraiment vicieux.
 
 
 
Google était là massivement, d’ailleurs surtout ces dernières années, de nombreuses fois a été condamné pour position de monopole qui viole les lois antitrust à l’échelle nord-américaine, à l’échelle européenne ou à l’échelle mondiale. Donc ça veut dire quand même qu’il y a un problème avec cette entreprise, ne serait-ce que sur les règles économiques, financières et position de marché.<br/>
 
Donc Google était là de manière massive et intrusive dans nos quotidiens parce que, s’il fallait détailler, Google, son métier, c’est de nous pomper plein de choses et pas que de la donnée, c’est de nous pomper plein de choses.<br/>
 
Ensuite Google fait un truc nouveau, c’est-à-dire qu’en France il s’installe gentiment, de manière cosy, en ouvrant une boutique tout à fait charmante dans le centre historique et bourgeois de Rennes. Même l’annonce de ce truc-là a été faite de manière pleine de velours et de dorures de l’Élysée, puisque c’est le président Emmanuel Macron qui recevait, en janvier 2018, des grandes stars apparemment du business et du numérique de l’Europe et de la planète. À la sortie de ces rencontres, le président de Google France, si je ne dis pas de bêtises, annonce que Google va ouvrir des ateliers numériques, il appelle ça comme ça, partout en France, très rapidement, et notamment la première ville serait Rennes.<br/>
 
C’est comme ça ; c’est arrivé plein de velours et plein de velours de communicants politiques et de dorures de la République, avec des grands chiffres parce que derrière il faut marketer une annonce comme ça. C’est pour ça que je dis que Google est intelligent et les personnes qui travaillent avec Google. 100 000 personnes par an ! C’est énorme ! Si Rennes intra-muros atteint les 200 000 habitants ce ne serait déjà pas mal, peut-être qu’avec la métropole on les dépasse, la réalité c’est complètement aberrant.
 
 
 
<b>Antoine Gouritin : </b>J’ai entendu 8000 finalement entre juillet et décembre.
 
 
 
<b>Xavier Coadic : </b>Déjà il faudrait s’entendre, enfin pas s’entendre, rien que ça, ça demanderait au moins un mémoire de licence, a minima, pour bien montrer qu’il y a une différence entre formation et l’espèce de <em>speed dating</em>, pour revenir dans les anglicismes qu’ils aiment tellement, je ne vois comment en 40 minutes avec trois post-it et du langage complètement dévoyé on peut appeler ça de la formation. Donc 8000 personnes en <em>speed dating</em> sur une année c’est que dalle. Et pour revenir à ce que tu demandais sur Rennes, malheureusement je n’ai pas de chiffres sourcés, détaillés, que ce soit journalistiques ou universitaires, mais la réalité est bien plus grande ; il suffit juste de cumuler les écoles, les ateliers, un groupe de travail, je ne sais pas, du GIS Marsouin [groupement d’intérêt scientifique Marsouin] pourrait le faire assez facilement ou de la FIG [Fondation Internet Nouvelle Génération], de montrer qu’à Rennes ça doit être à peu près ce qui se fait par trimestre quand on cumule toutes les organisations actrices historiques du numérique rennais. Donc Google et ses chiffres !
 
 
 
<b>Antoine Gouritin : </b>Quelle a été la réaction ? À l’inauguration on a vu tous les élus locaux qui y étaient. Moi j’ai rencontré Florian Bachelier, le député de la circonscription. C’est à ce sujet-là qu’il m’avait paru, en tout cas dans l’entretien qu’on a eu, peut-être un peu plus critique de ce qui se passait, en tout cas en en parlant avec lui. Comment est-ce que ça a été accueilli et comment tu as trouvé les discours des élus locaux de côté-là ?
 
 
 
<b>Xavier Coadic : </b>Avant l’inauguration quand même, comme je disais tout à l’heure, la négociation, l’annonce de ces choses-là se font fin janvier, début février 2018, à échelle locale, rassurons-nous, ce n’est pas comme gagner la coupe du monde foot, mais il y a un emballement politico-médiatique. Il y a eu je ne sais pas combien de papiers, en général ce sont des reprises de l’AFP, ce sont les mêmes papiers avec le même titre, aspirateurs à clics, pour rester poli : Google, les ateliers numériques, Rennes première ville en Europe ; pas d’analyse, pas de recherche, de ??? de critique. Et puis il y a le personnel politique, qui reste quand même des élus, mais qui s’emballe là-dessus. « Chouette ! Google, on va faire de l’inclusion numérique – comme tu disais – 100 000 personnes par an ! » Des chiffres délirants.<br/>
 
L’inauguration officielle se fait en juin et de février à juin il y a toute une préparation, je ne dirais pas que c’est de la guerre psychologique, mais en tout cas il y a une préparation bien marketée, bien travaillée, avec un service comm’. Et ce service comm’ – tu as raison de parler de monsieur Bachelier, mais ce n’est pas le seul – a été beaucoup alimenté par des élus, de tous bords politiques, du parti socialiste, de La République en marche, des Républicains et puis d’autres qu’on n’a pas beaucoup entendus – qui ne dit rein consent – je ne sais pas quel était leur deal politique pour ne pas s’en prendre à leurs copains d’alliance. Mais ça a été beaucoup, beaucoup soutenu et relayé. Je ne parle même pas des associations French Tech, des acteurs historiques – enfin historiques, ils ne sont pas si vieux que ça –, mais dont on a l’habitude qu’ils aiment ce genre d’opportunité comme ils disent. Donc il y a eu une vraie préparation.
 
 
 
En réaction aussi on a été quelques-uns et quelques-unes, pas très nombreux, mais on l’a fait quand même, à se dire on n’est pas d’accord. On n’est pas d’accord pour plein de raisons et à l’intérieur de ce désaccord général, on a même des désaccords entre nous. Il y a des personnes qui sont totalement contre Google, il y a des personnes qui sont, on va dire, plus modérées ; elles n’ont pas tout à fait tort, on ne peut pas interdire à une entreprise de s’installer, sauf si on prouve que cette entreprise fait vraiment des trucs qui dépassent les droits de l’homme. Mais on vit en démocratie, si une entreprise veut ouvrir une boutique elle a le droit, que ce soit le boulanger du coin ou Google boutique. On a travaillé sur nos désaccords sans forcément les ???, mais on a trouvé des points communs et l’éducation au numérique par une entreprise dont le métier est de voler tout, l’argent, les données, l’intimité ; que les élus se mettent dedans et, finalement, il n’y a pas que le langage qui a joué parce que le langage prépare des choses. Je suis en train de relire Hannah Arendt, on le sait depuis les années 50-60, toute cette préparation pour dénier l’action politique. Je crois que le politique, je ne peux pas dire qu’ils sont idiots, je pense qu’ils en ont conscience, je ne suis pas sûr qu’ils mesurent bien les conséquences.
 
 
 
<b>Antoine Gouritin : </b>C’est ça. Moi quand j’en ai discuté avec Florian Bachelier, c’est ce que je lui ai expliqué ; je lui ai dit : « Est-ce que vous vous rendez compte aussi qu’il va y avoir des partenariats ? » On parle avec les élus, mais il y a la CCI [Chambre de commerce et d’industrie], il y a Pôle emploi et là lui n’avait pas saisi. Je lui ai dit : « Est-ce que vous vous rendez compte que certaines personnes vont pouvoir se dire on accueille à bras ouverts Google en disant Google va aider les demandeurs d’emploi sur Internet, Google va aider les étudiants, Google va aider les entreprises à être plus visibles, à faire plus de plus de chiffre à vendre, etc. Est-ce que ce n’est pas, justement, le rôle des partenaires qui soutiennent, de Pôle emploi d’un côté, la CCI pour les entreprises ? » Et là il s′est arrêté, il m’a regardé, il a fait : « Ah oui, on n’y avait pas pense comme ça ! »
 
 
 
<b>Xavier Coadic : </b>C’est tellement, comme je disais tout à l’heure, à la fois violent et massif cette configuration de Google sur la planète et aussi fin et insidieux du côté local que c’est super complexe de tout aborder. Tu as raison de relever que la CCI c’est loin d’être neutre, notamment la CCI Ille-et-Vilaine  et Bretagne. On essaye de travailler sur les statistiques, justement, dans le wiki de Google, c’est hallucinant. Par jour d’ouverture, en tout cas pour la CCI Ille-et-Vilaine, enfin Rennes, Saint-Malo, c’est quasiment sur deux ans ou deux ans et demi, quasiment un atelier Google ??? ou ???. En gros c’est une chambre consulaire, qui normalement est là pour aider les entrepreneurs locaux, qui fait VRP et qui vend du produit Google à des entrepreneurs locaux qui, eux, peuvent être éloignés du numérique.<br/>
 
Quand tu ouvres un service de taxi, quand tu deviens cordonnier, quand tu montes ton AMAP ou ta Scop en légumes, tu n’as pas fait des études d’ingé en info. Bon ! Le problème n’est pas là. Mais ils font quand même le travail de VRP gratuitement, enfin gratuitement ! Mieux que ça, avec de l’argent public, de l’argent privé aussi, parce que c’est une CCI, mais de l’argent public, pour vendre des produits Google. Et ça ils le font depuis longtemps pour la CCI. C’est quand même incroyable ! Depuis quelque temps effectivement, on s’est aperçus qu’en France, mais ça, la responsabilité de Pôle emploi qui est un service public – le statut de Pôle emploi aussi est assez étrange –, donc Pôle emploi suit surtout des directives qui viennent du ministère, donc de l’État. Oui, Google a bien compris ça et avait déjà dealé avec nos ministères et notre État français de pouvoir être à l’intérieur de Pôle emploi. Est-ce que c’est de la délégation de service ? Non, je crois que c’est tout bêtement basique. Google a besoin de s’accaparer et de capter les choses. Google n’aide personne. C’est normal, c’est une entreprise, son métier c’est de faire de l’argent. Google n’est pas l’assistance publique des hôpitaux du numérique. Non ! Google c’est une entreprise qui doit faire de l’argent pour vivre, comme toute entreprise. Elle en fait beaucoup plus que la plupart des entreprises, elle le fait avec un système qui est plus que dégueulasse, puisque, par moment, on sait qu’il est illicite et éthiquement, je n’en parle même pas, on pourrait peut-être en parler après, mais c’est incroyable, et oui il s’insère dans les couches du service public, Pôle emploi.<br/>
 
Mais le droit, c’est écrit noir sur blanc partout, les droits de l’homme et du citoyen, on va dire les droits de l’homme avec un grand « h » ou de l’humain pour inclure les femmes, dans notre droit français, notre droit des travailleurs, l’accès à l’emploi, à l’offre d’emploi, à la mobilité. Non, non ! On a inséré Google là-dedans dont le métier ce n’est pas de nous faciliter la vie ; le métier c’est de capter des choses. Et oui les politiques, pour beaucoup, n’ont pas pigé ça.
 
 
 
==12’ 50==
 
 
 
<b>Antoine Gouritin : </b>C’est un peu une démission
 

Dernière version du 11 mars 2019 à 16:29


Publié ici - Mars 2019