GNU, pour « faire société » - Lecture philosophique - Véronique Bonnet - RMLL2015

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Titre : GNU, pour « faire société » - Une lecture philosophique

Intervenant : Véronique Bonnet

Lieu : RMLL2015 - Beauvais

Date : Juillet 2015

Durée : 54 min

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Présentation

La philosophie GNU qui concerne non seulement l’informatique mais qui "touche à la vie même", pour reprendre l’expression de Richard Stallman, actualise des propositions de la philosophie des Lumières porteuses de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, et aussi des chemins ouverts plus récemment par Michel Foucault et Hannah Arendt. Cette communication a pour but, autour de l’idée de société, d’établir une articulation entre philosophie GNU et philosophie classique.


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Rencontres mondiales du logiciel libre – Beauvais 2015

GNU ne parait pas nécessiter, dans l'immédiat, un commentaire serré. Acronyme récursif, aventure, projet GNU, aventure lancée fin 1983 par Richard Stallman qui va commencer, ayant fédéré des programmeurs à écrire du code, en janvier 1984. Choix de cet acronyme récursif pour sa simplicité, pour son caractère très prononçable dans les différentes langues, et aussi, pour cette spécificité qui fait que le projet GNU s’adresse à quiconque veut sortir d'une manière de faire société qui est aberrante, qui est étrange, puisque cette manière est dissymétrique, cette manière est abusive et privatrice. Je ne sais pas exactement quel est l'état d'une chorale possible en début d'après-midi. Je propose d'ouvrir cette conférence par un des couplets de la Free Software Song, couplet assez sombre puisqu'il est question de personnes, hoarders, il est question de personnes qui spéculent, il est question d'affairistes. Affairistes qui, alors que faire du code patrimoine culturel, patrimoine technologique qui s'adresse à toute l'humanité, devraient amener à partager, à apprendre au voisin à faire du code, voisin qui est aussi bien celui qui, par hasard est là, par hasard est le plus proche, mais qui peut être quiconque, qui pourrait aussi bien être le plus lointain. Moi, ce que je lis dans ce couplet, dans la spatialité de ce couplet, c'est que quelque chose qui est vertical, quelque chose qui est dissymétrique, des piles d'argent, donc rejoins-nous pour partager le logiciel et tu seras libre, hacker, tu seras libre. Hoarders can get piles of money, That is true hackers, that is true, les affairistes peuvent élever leurs piles, leurs tours d'argent sonnant et trébuchant, hackers, c'est vrai, But they cannot help their neighbors, mais ils ne peuvent pas aider le voisin. Ce voisin qui ouvre, comme un horizon de partage possible et d'humanité possible, celui-là il peut être tout à fait illégal, il peut être illicite de l'aider si les licences, si les copyrights qui rendent urgent le projet GNU, installent entre les humains des barrières, installent dans la société des rapports dominants, des dissymétries, qui excluent qu'on puisse faire bénéficier l'autre de ce de quoi on bénéficie nous-mêmes. Très souvent, dans les différents textes qui tournent autour du projet GNU, Richard Stallman explique qu'il est immoral, qu'il est impossible pour lui qui apprécie tel programme, de renoncer à envisager à le partager.

Ce voisin est-ce que c'est celui de la communauté ? Est-ce que GNU permet de faire communauté ? Est-ce que GNU est un projet de société ? Est-ce que faire société avec GNU c'est exclure certaines caractéristiques, certaines structures, pour en privilégier d'autres ? Mais la société peut avoir la tentation d'entériner et même de prolonger des rapports de domination. Est-ce que le projet GNU n'est pas une tentative pour avancer en humanité ? Ces trois hypothèses, je vais donc les examiner successivement.

Comme mes outils sont des outils philosophiques, comme je pratique ces outils depuis un certain nombre d'années, peut-être que la notion de faire société est moins limpide que ce gnou, que cet animal qui réunit les partenaires du Free Software, et donc peut-être est-il nécessaire, et je vais faire très vite, et j'espère, très simplement, d'expliquer pourquoi la question de la société se pose lorsque des humains sont réunis. Pour cela, on va faire une expérience très simple, on va la faire avec un philosophe qui s'appelle Sartre. C'est la thèse principale de sa critique de la raison dialectique, raison dialectique et pas raison analytique. Expérience très simple. J'ai une bouteille d'eau, j'ai un brumisateur. Je pose sur la table une bouteille d'eau, je pose sur la table un brumisateur. Que se passe -il ? Rien. Pourquoi est-ce qu'il ne passe rien ? Parce que dans le monde des choses, dans ce que Sartre appelle le monde de l'en-soi, un brumisateur est un brumisateur, point final. Une bouteille d'eau est une bouteille d'eau. Par contre, nous sommes dans l'amphi Bunuel, et là sont posés des êtres parlants, des êtres humains, qui ont choisi tel type de place, qui, en fonction de tel rapport d'amitié, ont choisi de s'avancer, de se reculer, etc. Que se passe-t-il lorsque des êtres humains sont posés les uns à côté des autres ? Pas du tout la même chose que ce qui se passe lorsqu'on pose sur une table une bouteille d'eau et un brumisateur, parce que chacun étant entièrement lui-même, chacun reste lui-même, chacun des objets reste lui-même, il n'y a pas d'interaction, il n'y a pas de manière pour la bouteille d'eau d’être affectée par le brumisateur. Par contre, vous savez très bien qu'en hiver, quand vous êtes dans une salle de concert et que quelqu'un se met à tousser, ou qu'il fait vraiment très chaud et quelqu'un se met à s'éventer, chacun de nos gestes, puisque nous, nous relevons du pour-soi. Le pour-soi, l’être humain n'est pas un être humain comme une bouteille d'eau est une bouteille d'eau, c'est-à-dire que l’être humain n'est pas directement lui-même. Ce qui veut dire que si vous posez dans une société, dans une communauté, dans une humanité, des êtres parlants ensemble, chacun va être affecté par tous les autres et va affecter tous les autres. Autrement dit, ça ne sera pas une somme, je pose une chose, je pose une chose, je pose une chose, ça sera ce qu'on appelle une totalité, une totalisation. C'est -à-dire que chacun des êtres, dans une société, va, par ce qu'il dit, par ce qu'il fait, à la fois affecter tous les autres et être affecté par tous les autres.

Cette précision est assez importante. Du coup lorsqu'on parle des humains, les sociologues, les historiens vont parler de raison dialectique : il y a une dialectique qui se met en place puisque, chacun essayant de construire lui-même, va être, chaque fois qu'il est dans un groupe, être détotalisé, être retotalisé par tous les autres. Et il ne sera pas innocent, dans ce groupe de pouvoir partager ou pas, d'avoir pour respecter la loi à oublier que l'autre pourrait avoir envie du même code, ou que le voisin souhaiterait qu'on lui donne tel coup de main en lui permettant d'implémenter tel logiciel qu'on a. Par exemple, la notion de data love, dans un contexte du pour-soi va être très pertinente, va être très importante, puisque les groupes humains ne cessent de s'affecter, chacun étant affecté par chacun et affectant tous les autres.

Vous allez voir qu'on va se servir, assez rapidement, de ce rappel de la différence entre des sommes d'objets et des totalités d'humains, puisqu'il se trouve que le projet GNU, au tout début, répond, bien sûr, à un dysfonctionnement : tel driver ne peut pas être mis en marche par tel programme qu'étrangement l'utilisateur ne peut pas modifier, c'est-à-dire ne peut pas utiliser, sans même parler d'améliorer, sans même parler de modifier, pour l'instant. Mais surtout, le projet GNU se heurte, du même coup, et là c'est bien un dysfonctionnement qui est social, ça n'est pas simplement un dysfonctionnement technique, il se heurte à une atomisation, puisque, du coup, si chaque utilisateur est contraint non seulement de ne surtout jamais prêter son programme, donner son programme, si chaque utilisateur lui-même, dans l'usage qu'il en fait, est arrêté constamment parce qu'il est comme rançonné par la nécessité de mises à jour de plus en plus chères, vous voyez bien en quoi le projet GNU, très vite, fédère, en tout cas, une communauté.

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J'ai fait exprès, voilà, vérifiez que vous avez bien compris l'histoire de la bouteille d'eau et de l'atomiseur, et des humains qui sont posés les uns avec les autres. Évidemment, si on prend GNU et Linux au sens propre, c'est-à-dire comme des lignes de code, on va parler simplement d'interactions technologiques, mais c'est vrai que ce projet, que cette aventure, c'est aussi une histoire d’êtres parlants. Et c'est vrai que dans la communauté libriste, il va y avoir des histoires de détotalisation, de retotalisation. Est-ce qu'il est bien légitime, pour moi, de faire partie de cette association ? Est-ce que je peux, en même temps, sans virer tout à fait de bord, faire partie d'une autre ? En quoi telle fermeture de la communauté sur elle-même va-t-elle être porteuse d'un progrès pour l'humanité tout entière ? Etc. Voilà, je me suis amusée, là, à vous proposer le dynamique du ???. Donc le manchot qui est utilisé parce qu'il se trouve que Linus Torvalds libère ce noyau, alors que Hurd n'est pas disponible. Il va de soi qu'il y a deux lectures possibles. Il faut faire ici une lecture au sens de la somme, si on parle simplement de technologie, une lecture au sens de la totalité parce que cet emprunt n'est pas anodin. Il n'est pas anodin de dire Linux tout court, certains disent encore Linux tout court, il n'est pas anodin de dire, de lire, GNU/Linux. GNU qui fonctionne, donc, avec Linux.

Mon plan va être évidemment très simple, parce qu'il n'y a aucune raison de chercher midi à quatorze heures. Donc dans un premier temps je vais me pencher sur cette force de GNU, de GNU/Linux si on veut, qui fait communauté, je vais parler de la communauté libriste. Deuxième moment, parce que c'est vrai que dès qu'on dit communauté il peut y avoir un soupçon de communautarisme, de transcendance, de dogmatisme, je vais parler du projet de société, faire société avec GNU. Et là, c'est vrai que ça engage beaucoup de références historiques et sociologiques. Et enfin, puisqu'il arrive que des sociétés fonctionnent à l'envers, ou soient dissymétriques, je parlerai de marcher vers sa propre humanité et vers l'humanité de l'autre, avec l'usage de l'informatique libre.

Je commence donc. Avant d’envisager ce qui, dans la notion de communauté, peut être réducteur. Et là je pense, en effet, au communautarisme et je vais me référer à des travaux de sociologues et d'historiens de l'informatique. Je voudrais dire à quel point, ça fait deux ans maintenant que je fréquente les communautés libristes, la communauté libriste, donc dans la tentative de compréhension de ce qui est absurde et de ce qui fait sens dans le logiciel libre, on pourrait parler de la chaleur, on pourrait parler de l'énergie, du sens de l'autre, de la communauté libriste. Pour ma part je préfère le singulier. Je suis donc membre de l'April, je suis membre du CA de l'April. April, association francophone, dans l'espace francophone, qui promeut et défend le logiciel libre, il serait évidemment absurde que, en dehors de ses dossiers institutionnels, qui sont gérés de main de maître, qui concernent directement les débats, les pactes, les traités, les décisions ministérielles concernant l’interopérabilité, ce qu'on appelle le RGI, ce qu'on appelle les discussions très serrées autour de TTIP, il serait absurde que l'April soit, par exemple, absente ou se désintéresse des autres dimensions. Encore une fois, on est dans une tentative de constituer une totalité, une cohérence du vivre ensemble, il serait évidemment absurde que l'April soit absente. Et au contraire elle relaie extrêmement fortement les préoccupations actuelles sur les suites du vote solennel de la loi renseignement, je donne un exemple. C'est pourquoi je préfère parler de la communauté libriste, à la fois dans son primat de l'utilisateur qui ne doit pas être un outil, dans son respect de la manière de faire son informatique comme on veut, et en faisant son informatique comme on veut se construire soi-même, être en marche vers une identité, être en marche vers une manière d’être. Simplement, c'est vrai que, assez vite, quand on a vu que cet horizon de préoccupations était large, et était cohérent, on peut se demander si dans cette communauté libriste, comme il y a des associations, comme il y a des groupes particuliers, on pourrait se demander s'il n'y a pas dans cette tribu des tribus. C'est le terme, par exemple, qu'utilise l'un des grands historiens de l'informatique qui s'appelle Philippe Breton, il est l'auteur d'un livre qui s'appelle « La Ttribu informatique » et, dans cet ouvrage, il va, par exemple, se demander, à la manière un petit peu de Bachelard qui se demande ce qui fait courir les physiciens, ce qui fait courir les chimistes, Philippe Breton se demande ce qui, dans le logiciel libre, nourrit les rêves extrêmement divers de tel programmeur. Est-ce qu'il court derrière le grand rêve alchimiste de rendre animé ce qui était inanimé, en se passant, par exemple du féminin ? Qu'est-ce qui fait courir, dans la tribu libriste, les êtres qui sont davantage, et là je pense à Geekopolis, investis dans des représentations soit de science-fiction, soit, éventuellement, de technologie à la manière de Jules Verne. Dans « La tribu informatique », ce qui est assez intéressant, c'est que Philippe Breton fait ressortir ce de quoi je parlais initialement avec ma bouteille d'eau, lorsqu'on a à faire à de l'humain, on est constamment dans l'instabilité, on est constamment dans une reconfiguration, dans un travail, étant donné que les rêves de tel, alors ça peut être le chamanisme, il y a un séminaire très intéressant rue d'Ulm les vendredis, est-ce que c'est le chamanisme, est-ce que c'est la science-fiction qui nourrit aussi, indépendamment de l'exigence éthique du respect de l’utilisateur, parce que les verrous numériques sont aussi des verrous existentiels, je reprends une expression de ce matin. Qu'est-ce qui, dans cette tribu, est commun, qu'est-ce qui est distinct, qu'est-ce qui est stable et qu'est-ce qui est instable ?

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Je vais, pour essayer de répondre à cette question me référer aux travaux d'une sociologue des religions, religions au sens large, des appartenances, des références fortes, des adhésions qui engagent totalement une personne. Elle s’appelle Danièle Hervieu-Léger, c'est un texte qui s’appelle « Le pèlerin et le converti », et dans ce texte, elle montre, par exemple, que ce qui fait qu'une communauté tient, ce qui permet de faire communauté, ce sont quatre dimensions qui, en réalité, sont antagonistes deux à deux. Alors j'ai un tableau, je vais essayer de représenter la problématique de Danièle Hervieu-Léger. Elle va montrer, par exemple, premier antagonisme, première tension, et c'est vrai que la dialectique de progrès se nourrit aussi de ces tensions dans la communauté libriste, elle va montrer que pour qu'une communauté ait une unité, il faut, évidemment, qu'elle soit, d’une certaine façon, fermée, il faut qu'elle se réfère à un certain nombre de postulats, à un certain nombre de présupposés. Par exemple, pour le logiciel libre, présupposer que si on verrouille l'informatique, alors c’est tout le devenir humain, c'est tout le devenir historique de chacun, que l'on verrouille d'une certaine façon, par une dimension privatrice. Sauf que, pour qu'une tribu, pour qu’une communauté, puisse avoir un enjeu, il faut, évidemment, qu'elle soit ouverte, il faut qu'il y ait une ouverture. Il faut, par exemple, que l'April communique, il faut, par exemple, que régulièrement soient proposés des apéros de travail, il faut que régulièrement soient proposées des rencontres sur des salons où ne viennent pas que des geeks. Première opposition qui travaille la tribu, qui travaille la communauté.

Seconde, alors elle est également très intéressante, elle est vraiment très passionnante celle-là, c'est la mise en tension entre ce que Mme Hervieu-Léger appelle l'intellectuel, il faut qu'il y ait des textes, il faut qu'il y ait des redéfinitions, il faut qu'il y ait un travail conceptuel fort si on veut qu'une communauté tienne. Mais, en même temps, peut-être qu'elle tient aussi par une dimension affective, par une dimension sensible, celle-là même que Mme Hervieu-Léger repère chez Durkheim qui est l'un des grands sociologues. C'est-à-dire, il faut en même temps qu'il y ait une dimension sensible, sans parle, bien sûr, de dimension fusionnelle, mais une proximité, quelque chose comme travailler en bonne amitié, en tout cas l'expression existe, pour que cette tribu n'implose pas. C'est aussi une affaire de personnes, pas seulement de personnes intellectuelles, mais de personnes sensibles. D'où la question : est-ce que le terme de communauté est suffisant si, dans cette communauté, on veut faire émerger une éthique, une ouverture qui va être nécessairement universelle, qui entre en tension avec ce qu'on pourrait appeler le noyau qui, lui, est plus individué, qui est plus fermé, qui est plus représentatif d'une posture particulière. Tension entre le particulier et l'universel.

Ceci me permet de passer à une perspective qui est peut-être plus large. S'il y avait communautarisme, c'est-à-dire si on privilégiait cette dimension-là, peut-être que GNU, peut-être que toutes ces collaborations, tous ces pads, tous ces canaux, qui essaient de donner des outils pour faire connaître le logiciel libre, peut-être qu'il n'y aurait pas cet impact, si la communauté se referme sur elle-même.

D'où peut-être la notion de société, qui est plus large, « socius » veut dire l'allié. Faire société, c'est essayer, avec ses valeurs, avec ses propositions, d'entrer en interaction avec ceux dont spontanément on n'est pas nécessairement proche, mais dont on voit qu'ils sont eux-mêmes prisonniers de démarches privatrices, de situations dissymétriques. Par exemple ces paysans à qui on vend une semence qui ne peut pas servir d'une année sur l'autre. Par exemple ceux qui, dans telle institution dont ils sont responsables, ont du mal parce qu'il n'y a pas d'interopérabilité, à préserver l'égalité de tous, de tous les usagers devant le service public. Bon, c'est sûr qu'à un certain moment le faire communauté pour être cohérent devient un faire société. GNU est aussi un projet de société.

Comme, et vous avez raison d’être suspicieux, vous vous doutez bien qu'entre la société idéale, la société qu'on vise et la société factuelle, il peut y avoir tout à fait une grande différence, c'est vrai qu'en guise d'aide-mémoire et par précaution, je vais commencer par me référer à quelques grands théoriciens de la notion de société, dont Victor Hugo. Victor Hugo qui dit, par exemple, c'est dans « Choses vues ». Victor Hugo, La Commune a eu lieu, Commune dont il dit que c'est une idée juste qui a abouti à une proposition fausse, dont il dit qu'à un moment elle a bifurqué. Vous voyez que là, par exemple, il représente, et là on revient à notre bouteille d'eau et à notre atomiseur, une égalité, il décrit comme ça La Troisième République : « Une égalité d'aigles et de moineaux, de colibris et de chauves-souris, qui consisterait à mettre toutes les envergures dans la même cage et toutes les prunelles dans le même crépuscule ». Il y a des manières de faire société qui considèrent les individus humains comme des objets qu'on va ranger ou qu'on va aligner, sans du tout leur permettre d'interagir, sans du tout leur permettre une dialectique d’expression particulière de leur humanité, et le respect qui va avec.

On pourrait, je ne vais pas multiplier ces références, mais soyons prudents. Vous avez le grand Pierre Bourdieu, le grand sociologue Pierre Bourdieu, et c'est vrai qu'il est important de toujours se rappeler des mises en garde de Pierre Bourdieu lorsqu'on essaie d'entrer dans un rapport collaboratif, dans un rapport de confiance et d’interrelation dans un groupe. C'est vrai que chez Bourdieu, il y a surtout deux textes très importants : « Sens pratique » et « Questions de sociologie ». Là on va regarder un petit peu « Questions de sociologie ». Chez Bourdieu, la société est un ensemble de champs de pouvoir, parce qu'on ne passe pas, comme ça, d'une société très impérative et très privatrice, à une société ouverte. Donc des champs de pouvoir, d'une génération à une autre, selon Bourdieu, on essaye d'inculquer à ses enfants des manières de rester dominants dans des champs de pouvoir, ce qui revient, bien sûr, à des propositions qui consistent à ne même plus s'apercevoir qu'on est dans la reconduction du même. L'hypothèse de Bourdieu c’est qu'il y a constamment de l'impensé, il y a constamment du tabou et du non-dit, lorsque donc des humains essaient de faire totalité, essaient de faire société, parce que les habitus, les manières d'exercer un pouvoir, alors ça peut être la manière de parler, ça peut être l'ego, ça peut être, pourquoi pas, du capital culturel incorporé, parce que l’œil se forme, parce que si on est allé très jeune dans un musée, peut-être qu'on aura plus de chances de voir l'étendue, la complexité d'un tableau, par exemple, constamment, ne jamais oublier que la notion de société factuelle ne doit pas être confondue avec le faire société que l'on peut viser à un moment ou un autre.

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Comme la mise en garde de ce sociologue est relayée,

11' 17

J'ai fait exprès, voilà,