Différences entre les versions de « GNU, pour « faire société » - Lecture philosophique - Véronique Bonnet - RMLL2015 »

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Cette précision est assez importante. Du coup lorsqu'on parle des humains, les sociologues, les historiens vont parler de raison dialectique : il y a une dialectique qui se met en place puisque, chacun essayant de construire lui-même, va être, chaque fois qu'il est dans un groupe, être détotalisé, être retotalisé par tous les autres. Et il ne sera pas innocent, dans ce groupe de pouvoir partager ou pas, d'avoir pour respecter la loi à oublier que l'autre pourrait avoir envie du même code, ou que le voisin souhaiterait qu'on lui donne tel coup de main en lui permettant d'implémenter tel logiciel qu'on a. Par exemple, la notion de ''data love'', dans un contexte du pour-soi va être très pertinente, va être très importante, puisque les groupes humains ne cessent de s'affecter, chacun étant affecté par chacun et affectant tous les autres.
 
Cette précision est assez importante. Du coup lorsqu'on parle des humains, les sociologues, les historiens vont parler de raison dialectique : il y a une dialectique qui se met en place puisque, chacun essayant de construire lui-même, va être, chaque fois qu'il est dans un groupe, être détotalisé, être retotalisé par tous les autres. Et il ne sera pas innocent, dans ce groupe de pouvoir partager ou pas, d'avoir pour respecter la loi à oublier que l'autre pourrait avoir envie du même code, ou que le voisin souhaiterait qu'on lui donne tel coup de main en lui permettant d'implémenter tel logiciel qu'on a. Par exemple, la notion de ''data love'', dans un contexte du pour-soi va être très pertinente, va être très importante, puisque les groupes humains ne cessent de s'affecter, chacun étant affecté par chacun et affectant tous les autres.
  
Vous allez voir qu'on va se servir, assez rapidement, de ce rappel de la différence entre des sommes d'objets et des totalités d'humains, puisqu'il se trouve que le projet GNU, au tout début, répond, bien sûr, à un dysfonctionnement : tel driver ne peut pas être mis en marche par tel programme qu'étrangement l'utilisateur ne peut pas modifier, c'est-à-dire ne peut pas utiliser, sans même parler d'améliorer, sans même parler de modifier, pour l'instant. Mais surtout, le projet GNU se heurte, du même coup, et là c'est bien un dysfonctionnement qui est social, ça n'est pas simplement un dysfonctionnement technique, il se heurte à une atomisation, puisque, du coup, si chaque utilisateur est contraint non seulement de ne surtout jamais prêter son programme, donner son programme, si chaque utilisateur lui-même, dans l'usage qu'il en fait, est arrêté constamment parce qu'il est comme rançonné par la nécessité de mises à jour de plus en plus chères, vous voyez bien en quoi le projet GNU, très vite, fédère, en tout cas, une communauté.
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Vous allez voir qu'on va se servir, assez rapidement, de ce rappel de la différence entre des sommes d'objets et des totalités d'humains, puisqu'il se trouve que le projet GNU, au tout début, répond, bien sûr, à un dysfonctionnement : tel driver ne peut pas être mis en marche par tel programme qu'étrangement l'utilisateur ne peut pas modifier, c'est-à-dire ne peut pas utiliser, sans même parler d'améliorer, sans même parler de modifier, pour l'instant. Mais surtout, le projet GNU se heurte, du même coup, et là c'est bien un dysfonctionnement qui est social, ça n'est pas simplement un dysfonctionnement technique, il se heurte à une atomisation, puisque, du coup, si chaque utilisateur est contraint non seulement de ne surtout jamais prêter son programme, donner son programme, si chaque utilisateur lui-même, dans l'usage qu'il en fait, est arrêté constamment parce qu'il est comme rançonné par la nécessité de mises à jour de plus en plus chères, vous voyez bien en quoi le projet GNU, très vite, fédère, en tout cas, une communauté.
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J'ai fait exprès, voilà, vérifiez que vous avez bien compris l'histoire de la bouteille d'eau et de l'atomiseur, et des humains qui sont posés les uns avec les autres. Évidemment, si on prend GNU et Linux au sens propre, c'est-à-dire comme des lignes de code, on va parler simplement d'interactions technologiques, mais c'est vrai que ce projet, que cette aventure, c'est aussi une histoire d’êtres parlants. Et c'est vrai que dans la communauté libriste, il va y avoir des histoires de détotalisation, de retotalisation. Est-ce qu'il est bien légitime, pour moi, de faire partie de cette association ? Est-ce que je peux, en même temps, sans virer tout à fait de bord, faire partie d'une autre ? En quoi telle fermeture de la communauté sur elle-même va-t-elle être porteuse d'un progrès pour l'humanité tout entière ? Etc. Voilà, je me suis amusée, là, à vous proposer le dynamique du ???. Donc le manchot qui est utilisé parce qu'il se trouve que Linus Torvalds libère ce noyau, alors que Hurd n'est pas disponible. Il va de soi qu'il y a deux lectures possibles. Il faut faire ici une lecture au sens de la somme, si on parle simplement de technologie, une lecture au sens de la totalité parce que cet emprunt n'est pas anodin. Il n'est pas anodin de dire Linux tout court, certains disent encore Linux tout court, il n'est pas anodin de dire, de lire, GNU/Linux. GNU qui fonctionne, donc, avec Linux.
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Mon plan va être évidemment très simple, parce qu'il n'y a aucune raison de chercher midi à quatorze heures. Donc dans un premier temps je vais me pencher sur cette force de GNU, de GNU/Linux si on veut, qui fait communauté, je vais parler de la communauté libriste. Deuxième moment, parce que c'est vrai que dès qu'on dit communauté il peut y avoir un soupçon de communautarisme, de transcendance, de dogmatisme, je vais parler du projet de société, faire société avec GNU. Et là, c'est vrai que ça engage beaucoup de références historiques et sociologiques. Et enfin, puisqu'il arrive que des sociétés fonctionnent à l'envers, ou soient dissymétriques, je parlerai de marcher vers sa propre humanité et vers l'humanité de l'autre, avec l'usage de l'informatique libre.
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Je commence donc. Avant d’envisager ce qui, dans la notion de communauté, peut être réducteur. Et là je pense, en effet, au communautarisme et je vais me référer à des travaux de sociologues et d'historiens de l'informatique. Je voudrais dire à quel point, ça fait deux ans maintenant que je fréquente les communautés libristes, la communauté libriste, donc dans la tentative de compréhension de ce qui est absurde et de ce qui fait sens dans le logiciel libre, on pourrait parler de la chaleur, on pourrait parler de l'énergie, du sens de l'autre, de la communauté libriste. Pour ma part je préfère le singulier. Je suis donc membre de l'April, je suis membre du CA de l'April. April, association francophone, dans l'espace francophone, qui promeut et défend le logiciel libre, il serait évidemment absurde que, en dehors de ses dossiers institutionnels, qui sont gérés de main de maître, qui concernent directement les débats, les pactes, les traités, les décisions ministérielles concernant l’interopérabilité, ce qu'on appelle le RGI, ce qu'on appelle les discussions très serrées autour de TTIP, il serait absurde que l'April soit, par exemple, absente ou se désintéresse des autres dimensions. Encore une fois, on est dans une tentative de constituer une totalité, une cohérence du vivre ensemble, il serait évidemment absurde que l'April soit absente. Et au contraire elle relaie extrêmement fortement les préoccupations actuelles sur les suites du vote solennel de la loi renseignement, je donne un exemple. C'est pourquoi je préfère parler de la communauté libriste, à la fois dans son primat de l'utilisateur qui ne doit pas être un outil, dans son respect de la manière de faire son informatique comme on veut, et en faisant son informatique comme on veut se construire soi-même, être en marche vers une identité, être en marche vers une manière d’être. Simplement, c'est vrai que, assez vite, quand on a vu que cet horizon de préoccupations était large, et était cohérent, on peut se demander si dans cette communauté libriste, comme il y a des associations, comme il y a des groupes particuliers, on pourrait se demander s'il n'y a pas dans cette tribu des tribus. C'est le terme, par exemple, qu'utilise l'un des grands historiens de l'informatique qui s'appelle Philippe Breton, il est l'auteur d'un livre qui s'appelle « La Ttribu informatique » et, dans cet ouvrage, il va, par exemple, se demander, à la manière un petit peu de Bachelard qui se demande ce qui fait courir les physiciens, ce qui fait courir les chimistes, Philippe Breton se demande ce qui, dans le logiciel libre, nourrit les rêves extrêmement divers de tel programmeur. Est-ce qu'il court derrière le grand rêve alchimiste de rendre animé ce qui était inanimé, en se passant, par exemple du féminin ? Qu'est-ce qui fait courir, dans la tribu libriste, les êtres qui sont davantage, et là je pense à Geekopolis, investis dans des représentations soit de science-fiction, soit, éventuellement, de technologie à la manière de Jules Verne. Dans « La tribu informatique », ce qui est assez intéressant, c'est que Philippe Breton fait ressortir ce de quoi je parlais initialement avec ma bouteille d'eau, lorsqu'on a à faire à de l'humain, on est constamment dans l'instabilité, on est constamment dans une reconfiguration, dans un travail, étant donné que les rêves de tel, alors ça peut être le chamanisme, il y a un séminaire très intéressant rue d'Ulm les vendredis, est-ce que c'est le chamanisme, est-ce que c'est la science-fiction qui nourrit aussi, indépendamment de l'exigence éthique du respect de l’utilisateur, parce que les verrous numériques sont aussi des verrous existentiels, je reprends une expression de ce matin. Qu'est-ce qui, dans cette tribu, est commun, qu'est-ce qui est distinct, qu'est-ce qui est stable et qu'est-ce qui est instable ?
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Je vais, pour essayer de répondre à cette question
  
 
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J'ai fait exprès, voilà,
 
J'ai fait exprès, voilà,

Version du 10 septembre 2015 à 14:42


Titre : GNU, pour « faire société » - Une lecture philosophique

Intervenant : Véronique Bonnet

Lieu : RMLL2015 - Beauvais

Date : Juillet 2015

Durée : 54 min

Lien vers le la vidéo

Présentation

La philosophie GNU qui concerne non seulement l’informatique mais qui "touche à la vie même", pour reprendre l’expression de Richard Stallman, actualise des propositions de la philosophie des Lumières porteuses de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, et aussi des chemins ouverts plus récemment par Michel Foucault et Hannah Arendt. Cette communication a pour but, autour de l’idée de société, d’établir une articulation entre philosophie GNU et philosophie classique.


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Rencontres mondiales du logiciel libre – Beauvais 2015

GNU ne parait pas nécessiter, dans l'immédiat, un commentaire serré. Acronyme récursif, aventure, projet GNU, aventure lancée fin 1983 par Richard Stallman qui va commencer, ayant fédéré des programmeurs à écrire du code, en janvier 1984. Choix de cet acronyme récursif pour sa simplicité, pour son caractère très prononçable dans les différentes langues, et aussi, pour cette spécificité qui fait que le projet GNU s’adresse à quiconque veut sortir d'une manière de faire société qui est aberrante, qui est étrange, puisque cette manière est dissymétrique, cette manière est abusive et privatrice. Je ne sais pas exactement quel est l'état d'une chorale possible en début d'après-midi. Je propose d'ouvrir cette conférence par un des couplets de la Free Software Song, couplet assez sombre puisqu'il est question de personnes, hoarders, il est question de personnes qui spéculent, il est question d'affairistes. Affairistes qui, alors que faire du code patrimoine culturel, patrimoine technologique qui s'adresse à toute l'humanité, devraient amener à partager, à apprendre au voisin à faire du code, voisin qui est aussi bien celui qui, par hasard est là, par hasard est le plus proche, mais qui peut être quiconque, qui pourrait aussi bien être le plus lointain. Moi, ce que je lis dans ce couplet, dans la spatialité de ce couplet, c'est que quelque chose qui est vertical, quelque chose qui est dissymétrique, des piles d'argent, donc rejoins-nous pour partager le logiciel et tu seras libre, hacker, tu seras libre. Hoarders can get piles of money, That is true hackers, that is true, les affairistes peuvent élever leurs piles, leurs tours d'argent sonnant et trébuchant, hackers, c'est vrai, But they cannot help their neighbors, mais ils ne peuvent pas aider le voisin. Ce voisin qui ouvre, comme un horizon de partage possible et d'humanité possible, celui-là il peut être tout à fait illégal, il peut être illicite de l'aider si les licences, si les copyrights qui rendent urgent le projet GNU, installent entre les humains des barrières, installent dans la société des rapports dominants, des dissymétries, qui excluent qu'on puisse faire bénéficier l'autre de ce de quoi on bénéficie nous-mêmes. Très souvent, dans les différents textes qui tournent autour du projet GNU, Richard Stallman explique qu'il est immoral, qu'il est impossible pour lui qui apprécie tel programme, de renoncer à envisager à le partager.

Ce voisin est-ce que c'est celui de la communauté ? Est-ce que GNU permet de faire communauté ? Est-ce que GNU est un projet de société ? Est-ce que faire société avec GNU c'est exclure certaines caractéristiques, certaines structures, pour en privilégier d'autres ? Mais la société peut avoir la tentation d'entériner et même de prolonger des rapports de domination. Est-ce que le projet GNU n'est pas une tentative pour avancer en humanité ? Ces trois hypothèses, je vais donc les examiner successivement.

Comme mes outils sont des outils philosophiques, comme je pratique ces outils depuis un certain nombre d'années, peut-être que la notion de faire société est moins limpide que ce gnou, que cet animal qui réunit les partenaires du Free Software, et donc peut-être est-il nécessaire, et je vais faire très vite, et j'espère, très simplement, d'expliquer pourquoi la question de la société se pose lorsque des humains sont réunis. Pour cela, on va faire une expérience très simple, on va la faire avec un philosophe qui s'appelle Sartre. C'est la thèse principale de sa critique de la raison dialectique, raison dialectique et pas raison analytique. Expérience très simple. J'ai une bouteille d'eau, j'ai un brumisateur. Je pose sur la table une bouteille d'eau, je pose sur la table un brumisateur. Que se passe -il ? Rien. Pourquoi est-ce qu'il ne passe rien ? Parce que dans le monde des choses, dans ce que Sartre appelle le monde de l'en-soi, un brumisateur est un brumisateur, point final. Une bouteille d'eau est une bouteille d'eau. Par contre, nous sommes dans l'amphi Bunuel, et là sont posés des êtres parlants, des êtres humains, qui ont choisi tel type de place, qui, en fonction de tel rapport d'amitié, ont choisi de s'avancer, de se reculer, etc. Que se passe-t-il lorsque des êtres humains sont posés les uns à côté des autres ? Pas du tout la même chose que ce qui se passe lorsqu'on pose sur une table une bouteille d'eau et un brumisateur, parce que chacun étant entièrement lui-même, chacun reste lui-même, chacun des objets reste lui-même, il n'y a pas d'interaction, il n'y a pas de manière pour la bouteille d'eau d’être affectée par le brumisateur. Par contre, vous savez très bien qu'en hiver, quand vous êtes dans une salle de concert et que quelqu'un se met à tousser, ou qu'il fait vraiment très chaud et quelqu'un se met à s'éventer, chacun de nos gestes, puisque nous, nous relevons du pour-soi. Le pour-soi, l’être humain n'est pas un être humain comme une bouteille d'eau est une bouteille d'eau, c'est-à-dire que l’être humain n'est pas directement lui-même. Ce qui veut dire que si vous posez dans une société, dans une communauté, dans une humanité, des êtres parlants ensemble, chacun va être affecté par tous les autres et va affecter tous les autres. Autrement dit, ça ne sera pas une somme, je pose une chose, je pose une chose, je pose une chose, ça sera ce qu'on appelle une totalité, une totalisation. C'est -à-dire que chacun des êtres, dans une société, va, par ce qu'il dit, par ce qu'il fait, à la fois affecter tous les autres et être affecté par tous les autres.

Cette précision est assez importante. Du coup lorsqu'on parle des humains, les sociologues, les historiens vont parler de raison dialectique : il y a une dialectique qui se met en place puisque, chacun essayant de construire lui-même, va être, chaque fois qu'il est dans un groupe, être détotalisé, être retotalisé par tous les autres. Et il ne sera pas innocent, dans ce groupe de pouvoir partager ou pas, d'avoir pour respecter la loi à oublier que l'autre pourrait avoir envie du même code, ou que le voisin souhaiterait qu'on lui donne tel coup de main en lui permettant d'implémenter tel logiciel qu'on a. Par exemple, la notion de data love, dans un contexte du pour-soi va être très pertinente, va être très importante, puisque les groupes humains ne cessent de s'affecter, chacun étant affecté par chacun et affectant tous les autres.

Vous allez voir qu'on va se servir, assez rapidement, de ce rappel de la différence entre des sommes d'objets et des totalités d'humains, puisqu'il se trouve que le projet GNU, au tout début, répond, bien sûr, à un dysfonctionnement : tel driver ne peut pas être mis en marche par tel programme qu'étrangement l'utilisateur ne peut pas modifier, c'est-à-dire ne peut pas utiliser, sans même parler d'améliorer, sans même parler de modifier, pour l'instant. Mais surtout, le projet GNU se heurte, du même coup, et là c'est bien un dysfonctionnement qui est social, ça n'est pas simplement un dysfonctionnement technique, il se heurte à une atomisation, puisque, du coup, si chaque utilisateur est contraint non seulement de ne surtout jamais prêter son programme, donner son programme, si chaque utilisateur lui-même, dans l'usage qu'il en fait, est arrêté constamment parce qu'il est comme rançonné par la nécessité de mises à jour de plus en plus chères, vous voyez bien en quoi le projet GNU, très vite, fédère, en tout cas, une communauté.

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J'ai fait exprès, voilà, vérifiez que vous avez bien compris l'histoire de la bouteille d'eau et de l'atomiseur, et des humains qui sont posés les uns avec les autres. Évidemment, si on prend GNU et Linux au sens propre, c'est-à-dire comme des lignes de code, on va parler simplement d'interactions technologiques, mais c'est vrai que ce projet, que cette aventure, c'est aussi une histoire d’êtres parlants. Et c'est vrai que dans la communauté libriste, il va y avoir des histoires de détotalisation, de retotalisation. Est-ce qu'il est bien légitime, pour moi, de faire partie de cette association ? Est-ce que je peux, en même temps, sans virer tout à fait de bord, faire partie d'une autre ? En quoi telle fermeture de la communauté sur elle-même va-t-elle être porteuse d'un progrès pour l'humanité tout entière ? Etc. Voilà, je me suis amusée, là, à vous proposer le dynamique du ???. Donc le manchot qui est utilisé parce qu'il se trouve que Linus Torvalds libère ce noyau, alors que Hurd n'est pas disponible. Il va de soi qu'il y a deux lectures possibles. Il faut faire ici une lecture au sens de la somme, si on parle simplement de technologie, une lecture au sens de la totalité parce que cet emprunt n'est pas anodin. Il n'est pas anodin de dire Linux tout court, certains disent encore Linux tout court, il n'est pas anodin de dire, de lire, GNU/Linux. GNU qui fonctionne, donc, avec Linux.

Mon plan va être évidemment très simple, parce qu'il n'y a aucune raison de chercher midi à quatorze heures. Donc dans un premier temps je vais me pencher sur cette force de GNU, de GNU/Linux si on veut, qui fait communauté, je vais parler de la communauté libriste. Deuxième moment, parce que c'est vrai que dès qu'on dit communauté il peut y avoir un soupçon de communautarisme, de transcendance, de dogmatisme, je vais parler du projet de société, faire société avec GNU. Et là, c'est vrai que ça engage beaucoup de références historiques et sociologiques. Et enfin, puisqu'il arrive que des sociétés fonctionnent à l'envers, ou soient dissymétriques, je parlerai de marcher vers sa propre humanité et vers l'humanité de l'autre, avec l'usage de l'informatique libre.

Je commence donc. Avant d’envisager ce qui, dans la notion de communauté, peut être réducteur. Et là je pense, en effet, au communautarisme et je vais me référer à des travaux de sociologues et d'historiens de l'informatique. Je voudrais dire à quel point, ça fait deux ans maintenant que je fréquente les communautés libristes, la communauté libriste, donc dans la tentative de compréhension de ce qui est absurde et de ce qui fait sens dans le logiciel libre, on pourrait parler de la chaleur, on pourrait parler de l'énergie, du sens de l'autre, de la communauté libriste. Pour ma part je préfère le singulier. Je suis donc membre de l'April, je suis membre du CA de l'April. April, association francophone, dans l'espace francophone, qui promeut et défend le logiciel libre, il serait évidemment absurde que, en dehors de ses dossiers institutionnels, qui sont gérés de main de maître, qui concernent directement les débats, les pactes, les traités, les décisions ministérielles concernant l’interopérabilité, ce qu'on appelle le RGI, ce qu'on appelle les discussions très serrées autour de TTIP, il serait absurde que l'April soit, par exemple, absente ou se désintéresse des autres dimensions. Encore une fois, on est dans une tentative de constituer une totalité, une cohérence du vivre ensemble, il serait évidemment absurde que l'April soit absente. Et au contraire elle relaie extrêmement fortement les préoccupations actuelles sur les suites du vote solennel de la loi renseignement, je donne un exemple. C'est pourquoi je préfère parler de la communauté libriste, à la fois dans son primat de l'utilisateur qui ne doit pas être un outil, dans son respect de la manière de faire son informatique comme on veut, et en faisant son informatique comme on veut se construire soi-même, être en marche vers une identité, être en marche vers une manière d’être. Simplement, c'est vrai que, assez vite, quand on a vu que cet horizon de préoccupations était large, et était cohérent, on peut se demander si dans cette communauté libriste, comme il y a des associations, comme il y a des groupes particuliers, on pourrait se demander s'il n'y a pas dans cette tribu des tribus. C'est le terme, par exemple, qu'utilise l'un des grands historiens de l'informatique qui s'appelle Philippe Breton, il est l'auteur d'un livre qui s'appelle « La Ttribu informatique » et, dans cet ouvrage, il va, par exemple, se demander, à la manière un petit peu de Bachelard qui se demande ce qui fait courir les physiciens, ce qui fait courir les chimistes, Philippe Breton se demande ce qui, dans le logiciel libre, nourrit les rêves extrêmement divers de tel programmeur. Est-ce qu'il court derrière le grand rêve alchimiste de rendre animé ce qui était inanimé, en se passant, par exemple du féminin ? Qu'est-ce qui fait courir, dans la tribu libriste, les êtres qui sont davantage, et là je pense à Geekopolis, investis dans des représentations soit de science-fiction, soit, éventuellement, de technologie à la manière de Jules Verne. Dans « La tribu informatique », ce qui est assez intéressant, c'est que Philippe Breton fait ressortir ce de quoi je parlais initialement avec ma bouteille d'eau, lorsqu'on a à faire à de l'humain, on est constamment dans l'instabilité, on est constamment dans une reconfiguration, dans un travail, étant donné que les rêves de tel, alors ça peut être le chamanisme, il y a un séminaire très intéressant rue d'Ulm les vendredis, est-ce que c'est le chamanisme, est-ce que c'est la science-fiction qui nourrit aussi, indépendamment de l'exigence éthique du respect de l’utilisateur, parce que les verrous numériques sont aussi des verrous existentiels, je reprends une expression de ce matin. Qu'est-ce qui, dans cette tribu, est commun, qu'est-ce qui est distinct, qu'est-ce qui est stable et qu'est-ce qui est instable ?

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Je vais, pour essayer de répondre à cette question

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J'ai fait exprès, voilà,