Différences entre les versions de « GAFAM : le déclin de l’empire américain »

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'''Titre :''' GAFAM : le déclin de l’empire américain ?
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Publié [https://www.april.org/gafam-le-declin-de-l-empire-americain-la-methode-scientifique ici] - Juin 2019
 
 
'''Intervenants :''' Sébastien Sriano - Tristan Nitot - Nicolas Martin
 
 
 
'''Lieu :''' Émission <em>La Méthode scientifique</em> - France Culture
 
 
 
'''Date :''' mai 2019
 
 
 
'''Durée :''' 57 min
 
 
 
'''[http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/14312-05.06.2019-ITEMA_22080444-1.mp3 Écouter ou télécharger le podcast]'''
 
 
 
[https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-mercredi-05-juin-2019 Présentation de l'émission]
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :'''
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br />
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
==Description==
 
 
 
Dans quelle mesure la puissance acquise par les géants du numérique d’aujourd’hui doit-elle nous inquiéter ? Comment l’Europe tente-t-elle de s’emparer du problème de la possibilité de démanteler les GAFA aujourd’hui ?
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Le moteur de recherche de Google, Google Search, possède 94 % des parts de marché en France. Le système d’exploitation de la firme, Android, est installé sur neuf appareils mobiles sur dix. La moitié du commerce électronique aux États-Unis passe par Amazon. Quant à Facebook, sa capitalisation boursière équivaudrait au PIB cumulé de 65 pays de la planète. Ces GAFAM – puisqu’il faut ajouter Apple et Microsoft – sont-ils devenus trop gros ? Si gros qu’ils parlent d’égal à égal avec les États les plus puissants, voire de supérieur à inférieur. Est-il temps d’intervenir, comme le suggère récemment le cofondateur de Facebook, qui appelle, ni plus, ni moins, à démanteler le géant numérique.
 
 
 
« GAFAM : le déclin de l’empire américain ? », c’est le programme monopolistique qui est le nôtre pour l’heure qui vient. Bienvenue dans <em>La Méthode scientifique</em>.
 
 
 
Et pour évoquer cette perspective, de moins en moins utopique, d’un éventuel démantèlement de ces géants américains du numérique, nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui Sébastien Soriano.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Bonjour.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Vous êtes le président de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et Tristan Nitot. Bonjour.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Bonjour
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Vous êtes vice-président de Qwant et ex-président et fondateur de Mozilla Europe.<br/>
 
Vous pouvez suivre comme tous les jours cette émission en parallèle via notre fil Twitter @lamethodefc.<br/>
 
Alors cette idée un peu folle, un peu irréaliste au premier abord, de pousser au démantèlement de ces entreprises devenues cyclopéennes, elle n’est finalement pas nouvelle, elle résonne comme un écho de moins en mois lointain depuis une bonne dizaine d’années, mais elle a pris un nouveau tour tout récemment : le mois dernier exactement, le cofondateur de Facebook a lancé une offensive médiatique pour appeler au démantèlement de sa créature. Écoutez cet extrait du journal de France Inter le 9 mai dernier.
 
 
 
<b>Voix off, journaliste de France Inter : </b>Direction les États-Unis à présent où un fondateur de Facebook appelle à démanteler le réseau social ; Chris Hughes reproche à sa création d’être de venue trop puissante. Les précisions de Grégory Philipps à Washington.
 
 
 
<b>Voix off, Grégory Philipps : </b>Il est de notoriété publique que les deux hommes qui ensemble ont imaginé Facebook en 2004 dans leur chambre d’étudiant à Harward ne s’entendent plus. Chris Hughes, d’ailleurs, a quitté la compagnie trois plus tard et revendu toutes ses actions en 2012. Mais l’attaque vient donc, cette fois, de l’un des créateurs du réseau social, le plan média est parfaitement orchestré : tribune dans le <em>New York Times</em>, interviews radio et télé comme ici sur NBC.<br/>
 
Si parle aujourd’hui c’est parce que Facebook est devenu trop gros, dit Chris Hughes et dans le <em>New York Times</em> il précise : « Zuckerberg a aujourd’hui plus d’influence que n’importe quel dirigeant politique ou chef d’entreprise dans le monde ». Dans cette tribune, Hughes exprime à regrets « qu’à l’époque, en 2004, nous n’ayons pas imaginé que nos fils d’actualité et leurs algorithmes allaient ainsi changer notre culture, influencer des élections ou donner la parole à des dirigeants nationalistes. Sur la radio publique NPR enfin, Chris Hughes explique qu’à ses yeux Zuckerberg est tellement puissant qu’il ne doit de comptes à personne, dit-il, et les autorités devraient démanteler sa compagnie et la réguler. Avec Facebook, Instagram et WhatsApp, l’entreprise connaît une situation de quasi-monopole que Hughes a contribué à créer il y a 15 ans.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>C’était le 9 mai dernier. Une réaction, l’un et l’autre finalement à cette offensive médiatique. C’est quoi ? C’est une fausse ingénuité, en quelque sorte, ou, au contraire, est-ce que c’est un véritable signal d’alerte ? Sébastien Soriano.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Je crois qu’il y a une prise de conscience. C’est-à-dire que pendant assez longtemps on a tous joué avec ces nouveaux outils, profité du confort nouveau qu’ils nous apportaient, notamment sur les smartphones, et puis c’était plutôt sympa dans la queue à la boulangerie de regarder son fil Facebook, son fil Twitter. Et on est en train de se rendre compte que cette immixtion totale de ces outils dans nos vies elle donne finalement un immense pouvoir à ces acteurs d’Internet, donc effectivement ça soulève des questions qui sont légitimes.<br/>
 
On peut regretter que ce soit mis sur la table sous l’angle un peu de la vengeance personnelle, donc il faut faire attention, je trouve dans ce débat, de ne pas rentrer sur une approche qui soit excessivement punitive et de se dire ils sont gros, donc ils sont méchants. C’est un peu plus subtil que ça. Mais sur le fond oui, il y a bien une prise de conscience et heureusement.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Qu’en pensez-vous Tristan Nitot ?
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Ils sont gros, ce n’est pas pour ça qu’ils sont méchants, mais ils ont quand même démontré qu’ils pouvaient être méchants. J’essaye de lister sur mon blog les bévues multiples de Facebook, en fait je n’ai pas le temps ! Je n’ai pas assez de doigts pour taper sur mon clavier les différents scandales qui, semaine après semaine, s’égrainent avec des choses qui, à chaque fois, coupent le souffle.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Par exemple. Donnez-nous des exemples concrets.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Un jour, Zuckerberg, il y a un an et demi dit : « Vous savez, Facebook ça ne va pas, cette année mon engagement c’est de réparer Facebook ». C’était ses vœux d’il y a 18 mois. Et juste après, trois mois plus tard, en fait on découvre qu’ils offrent aux utilisateurs un VPN. Un VPN c’est un système qui permet de chiffrer les communications pour qu’on ne puisse pas être repéré quand on se connecte.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Ce qui est notamment utile dans certains pays qui interdisent Facebook. Pour contourner les interdictions nationales, notamment dans certains pays d’Asie comme la Chine.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>C’est utile dans ces cas-là, mais il y a aussi plein de gens qui veulent faire du téléchargement illégal ou des choses comme ça, qui utilisent un VPN pour brouiller les pistes. Donc Facebook offre un VPN à ses utilisateurs et c’est gratuit. Alors les gens se précipitent dessus et, en fait, on se rend compte que Facebook effectivement protège les utilisateurs, mais analyse tout le trafic réseau qui passe par ce VPN et ça lui permet d’analyser comment les gens qui utilisent Facebook utilisent aussi des concurrents. Donc pour pouvoir mesurer concrètement ce qui est fait avec le trafic sur les concurrents, donc détecter les concurrents les plus dangereux.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Ça c’est dire une fois de plus que Facebook, Google, que ces GAFAM, Apple, Amazon, Microsoft, ont des comportements qui sont des comportements abusifs compte-tenu de leur situation quasi monopolistique. Ce constat-là est, je pense, fait de façon très large aujourd’hui. Quand on parle de démantèlement on a tout de même le sentiment d’avoir recours à des outils qui sont des outils d’un autre temps, alors que l’air est plutôt au sens de l’agrégation, Sébastien Soriano.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Oui. Mais il faut, je crois, reconnaître l’immense échec de l’ensemble des politiques publiques qui sont censées faire en sorte que les marchés soient concurrentiels. C’est un point de départ qui me paraît essentiel. Et c’est ce constat d’échec qui doit nous motiver, qui doit ensuite nous servir à aller chercher des outils qui sont non traditionnels, parce que ce constat d’échec est quand même particulièrement éclatant. On a autorités qui sont en charge de faire en sorte qu’on contrôle les abus de position dominante, qu’on vérifie que les entreprises qui fusionnent n’atteignent pas une situation de marché qui soit trop forte et la situation est absolument dramatique : quand on cherche un réseau social on n’a pas le choix ; quand on cherche un moteur de recherche, on en reparlera, on a le choix, mais il y a quand même avantage compétitif aujourd’hui au moteur de recherche Google pour des raisons qu’on explicitera. Donc le point de départ de tout ça, c’est qu’on n’a pas le choix ! Et le choix c’est une énorme discipline de fonctionnement du marché, parce que quand vous êtes une entreprise et que vous avez de la concurrence, vous avez peur de perdre vos clients. Donc la discipline qui est induite par cette concurrence, elle n’existe pas dans le numérique et c’est ça le problème.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Aujourd’hui, Tristan Nitot, ce chemin de l’idée d’un démantèlement, en tout cas peut-être d’aller dans le sens inverse de ce que l’histoire économique récente nous montre, il est réaliste ?
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Moi je pense que c’est possible et c’est clairement quelque chose qu’il faut envisager. Un Google, de façon un peu imagée, il y a des coutures entre les différentes filiales et on pourrait découper suivant ces coutures. Pourquoi est-ce que Android ce serait la même boîte que le moteur de recherche Google ? Ce n’est pas le même métier, il y en a un ils font du logiciel, il y en a un ils font un service. On peut très bien imaginer de découper, comme ça, par appartement : Android pourrait être une entreprise indépendante qui serait pérenne et bénéficiaire en tant que telle, et puis le moteur de recherche Google aussi. On pourrait en découper sa régie publicitaire, en faire une indépendante qui serait ouverte aux tiers. Vous voyez, ce genre de choses. Pourquoi pas ?
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Vous conviendrez que, <em>a priori</em>, voir le problème sous cet angle ça ne va pas tout à fait ou ça n’a pas l’air de tout à fait correspondre à l’économie néolibérale de concentration qui est celle que l’on constate dans le secteur du numérique depuis les dix-quinze dernières années ?
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Oui, mais en même temps, l’économie libérale comme ça, si elle est libérale, elle n’est plus au service du consommateur, elle est au service des plus riches. Quand vous avez une situation de monopole, eh bien vous êtes comme une citadelle imprenable et la tentation est grande d’utiliser cette situation de monopole sur un secteur pour l’étendre à un autre secteur. Microsoft l’a fait en son temps : ils avaient un monopole Windows, ils l’ont fait sur internet Explorer d’où la création de Mozilla il y a 21 ans maintenant. À l’inverse, on l’a aussi chez Google : ils l’ont fait sur le moteur de recherche, ils ont fait ensuite Android, ensuite ils ont fait Google Play Store, etc., et ils ne cessent de s’agrandir. Idem chez Facebook. Facebook c’est d’abord le réseau social, ensuite c’est Messenger, ensuite c’est WhatsApp, ensuite c’est Instagram, etc.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Sébastien Soriano.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Je crois que votre question sur la course à la taille est finalement absolument centrale.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>C’est ce qu’on constate, plus qu’une question c’est un constat de ce qui s’est passé ces quinze dernières années.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Absolument. Tout à fait. Et moi, personnellement, je n’y suis pas fondamentalement opposé. C’est-à-dire que je pense que le numérique dégage effectivement une capacité de mobilisation qui peut être extrêmement positive. Donc le fait de condamner la taille des acteurs en tant que telle n’est pas quelque chose dans lequel je me retrouve.<br/>
 
Pour moi, le problème réel c’est la diversité. C’est-à-dire qu’il y ait des grands acteurs c’est sans doute très bien parce que cette taille génère ce qu’on appelle des gains d’efficacité qui sont ensuite restitués aux consommateurs par des services qui vont être plus performants grâce à toutes les données dont ils peuvent disposer qui permettent de les optimiser ; ça permet aussi d’amortir des coûts d’innovation sur une base de clientèle qui est plus large, donc ça permet d’apporter des services moins chers, d’ailleurs ils sont souvent gratuits. Donc la taille en tant telle n’est pas forcément ennemie de l’intérêt du consommateur. Le problème c’est l’absence de diversité. Le problème c’est qu’il n’y a, à chaque fois, qu’un, éventuellement deux acteurs, on est content quand on a deux acteurs et c’est vraiment ça le cœur du problème.
 
 
 
[Interlude musical ]
 
 
 
<b>Voix Off : </b><em>La Méthode scientifique</em>, Nicolas Martin.
 
 
 
==11’ 58==
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Nous parlons donc tout au long de cette heure des GAFAM pour poser la question, finalement, de leur taille critique et des réactions à avoir face à cette taille critique. Faut-il aller, faut-il pousser vers un démantèlement, vers une séparation de leurs activités en différentes entreprises ? Nous en parlons avec Sébastien Soriano, président de l’ARCEP, et Tristan Nitot, vice-président de Qwant. On y reviendra d’ailleurs dans un instant. Peut-être un mot rapidement, Sébastien Soriano, j’ai donné quelques chiffres au début de cette émission pour évaluer l’ampleur de cette situation monopolistique qui est celle des GAFAM. Est-ce que vous avez quelques chiffres, quelques données en tête, qui pourraient permettre de mesurer exactement quelle est leur situation sur le marché du numérique ?
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Je crois qu’un chiffre qui est particulièrement parlant c’est celui de la capitalisation boursière de ces acteurs. Si vous regardez quelles étaient les grandes entreprises mondiales, vous aviez essentiellement des entreprises du secteur pétrolier, quelques grands constructeurs automobiles et des banques. Ça c’était le paysage que vous aviez il y a une vingtaine d’années. Maintenant vous avez quelques grands acteurs, effectivement, du numérique qu’ils soient américains ou chinois en général, qui sont les plus grandes capitalisations mondiales. Vous avez des acteurs qui ont des bases de clients de plusieurs milliards, des centaines de millions et parfois au-delà du milliard d’individus. Donc ce sont des effets d’échelle que l’on n’avait jamais atteint jusqu’à présent et je crois que c’est ça qui est particulièrement impressionnant. On dit souvent qu’ils sont plus forts que les États, c’est parce que, effectivement, sur la France, Google est une entreprise qui n’est pas si puissante que ça mais son poids c’est d’être présente à l’échelle mondiale et ça, ça lui donne une puissance de frappe qui est, jusqu’à présent, inédite.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Tristan Nitot.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>C’est sûr que aujourd’hui deux milliards et quelques d’utilisateurs pour Facebook, c’est beaucoup et, en même temps, il ne faudrait quand même pas les prendre pour des clients. Moi je pense que si on les considère comme des clients on réfléchit sur des mauvaises bases. Souvent, quand je parle à des gens, je leur dis : « Est-ce que vous êtes clients de Google ou de Facebook ? — Oui on est des consommateurs. » Ce sont des entreprises, donc ils se mettent naturellement, psychologiquement, dans cette idée qu’ils sont clients puisque ce sont des entreprises. Mais non ! Et je leur demande généralement, « quand vous voyez deux vaches dans un champ est-ce que vous pensez qu’elles sont clientes sont du fermier ? — Eh bien non ! C’est stupide. » Évidemment que la vache n’est pas cliente du fermier. Elle est logée gratuitement, nourrie gratuitement, elle est peut-être contente d’être là. Bon ! Elle va finir à la boucherie et on lui prend son lait entre temps et ses veaux. Le fait est qu’elle n’est pas cliente du fermier. Eh bien c’est pareil chez Google et Facebook, on est le bétail de ces plateformes parce que le vrai client c’est l’annonceur publicitaire. En fait, ils retiennent les utilisateurs avec des services intéressants, ils leur pompent de la donnée personnelle, et ils lesnourrissent avec de la publicité ciblée. Tout ça est finalement extrêmement pervers, parce qu’on a l’impression qu’ils sont généreux, qu’ils nous font des cadeaux avec des services gratuits. La vérité c’est que non ! Ils nous traient comme du bétail.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>C’est le vieil adage « si ça n’est pas payant c’est que le produit c’est vous. » Néanmoins, ce qui est intéressant quand on regarde aujourd’hui cette histoire d’un éventuel démantèlement et de quelques partisans, notamment aux États-Unis, notamment dans le camp démocrate qui invoque l’histoire. Effectivement aux États-Unis il y a une histoire assez forte de destruction de monopoles, on en reparlera, via le Sherman Anti-Trust Act, que ce soit dans le système pétrolier d’abord puis dans le système des télécommunications. Avant de parler de ces exemples historiques, j’aimerais revenir sur ce que vous disiez tout à l’heure Tristan Nitot. Parce que, dans le domaine du numérique finalement, Sébastien Soriano, on a déjà vu ça : Microsoft avec Internet Explorer, avec Windows Media Player, par la voix notamment de la Commission européenne, s’est fait taper sur le les doigts, a été obligé d’introduire, de force, de la concurrence et de renoncer à certaines parts de son monopole. C’est de l’histoire récente ça.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Oui. Effectivement force est de constater qu’on n’a pas appris de l’histoire et qu’on n’a pas su eanticiperr ce qui allait se passer avec ces grands acteurs. Moi je préfère les appeler les Big Tech que les GAFA.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>GAFAM pour mettre Microsoft dans le lot, il apparaît souvent.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Justement, comme tout le monde n’est pas d’accord sur la liste, moi je préfère parler des Big Tech.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Parlons donc des Big Tech.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>C’est un choix personnel.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Je suis d’accord avec vous, parce qu’en fait mettre Apple dans le même sac qu’un Google et qu’un Amazon, pour moi ça n’a pas vraiment de sens. Amazon a vraiment un business très différent, Apple aussi.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Et au fond, je crois que ce qu’on a raté, ce qu’on a vraiment raté dans l‘analyse, dans la compréhension économique de ce qui était en train de se passer c’est la notion d’effet de réseau, ce  qu’on appelle aussi la loi de Metcalfe.<br/>
 
La notion d’effet de réseau c’est quelque chose de très simple : si vous créez un service, par exemple un réseau social comme Facebook, eh bien ce service est d’autant plus attractif qu’il y a déjà vos amis qui sont sur le réseau. Donc au début, évidemment, c’est très dur de créer un réseau social parce qu’il n’y a personne dessus, donc ce n’est pas intéressant de se connecter. Mais une fois que vous passez une certaine taille critique, vous avez ce qu’on appelle un effet boule de neige. C’est-à-dire que les gens viennent s’abonner ou s’inscrire à votre service parce que les autres sont déjà dessus. Et cette loi des effets de réseau est extrêmement puissante chez tous les acteurs du numérique, parfois de manière inattendue. Par exemple Google, pour prendre l’exemple d’un moteur de recherche, on peut se dire que la performance de Google c’est que son algorithme de recherche est très performant. Mais en fait, il y a d’autres facteurs beaucoup plus insidieux : comme tout le monde va sur Google aujourd’hui, Google sait très bien ce que les gens cherchent ; il sait les questions que chacun pose et ensuite Google sait sur quoi vous allez cliquer, au bout de la combientième page. Donc cette information de savoir ce que les gens ont cherché et ce sur quoi ils ont cliqué, eh bien ça va les rendre plus intelligents pour répondre à des requêtes semblables d’autres personnes. Donc on voit là que le fait d’être déjà dans la place, d’être déjà l’acteur de référence, ça vous rend plus efficace.<br/>
 
Donc au bout d’un moment, la sélection, c’est-à-dire la performance entre les acteurs et le choix que peut faire le consommateur d’aller voir tel ou tel acteur, n’est plus liée à la qualité intrinsèque du service, elle est juste liée au fait que vous êtes le meilleur acteur de la place. Et ça c’est un énorme défi par rapport à toute la théorie économique. On a vécu sur ce qu’on appelle le paradigme schumpétérien, c’est-à-dire c’est le meilleur innovateur qui va l’emporter et qui va remplacer les autres, eh bien ce mécanisme ne fonctionne plus parce que ces grands acteurs de la tech sont protégés par ces effets de réseau. Ce qui fait, alors qu’on a pensé que comme Facebook avait remplacé Myspace et Google avait remplacé Altavista, eh bien aujourd’hui personne ne remplace les Big Tech.
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>C’est très important ce que vous venez de dire, à plein d’égards, et on va y revenir tout à l’heure quand on va parler des solutions parce qu’on va se rendre compte qu’effectivement cet effet de réseau c’est une sorte de ticket d’entrée parce qu’il est difficile et de plus en plus difficile d’acquérir au vu de l’ampleur aujourd’hui de ces Big Tech, pour utiliser votre terminologie.<br/>
 
J’aimerais tout de même qu’on revienne sur cette histoire récente, celle notamment de Microsoft et de ce qui s’est passé, que vous évoquiez tout à l’heure Tristan Nitot. C’est-à-dire qu’on a vu dans l’histoire récente, sans avoir besoin de remonter à l’histoire de Rockfeller et de sa compagnie pétrolière démantelée par le Sherman Anti-Trust Act. On a vu un géant du numérique qui s’est fait, pour utiliser une expression familière que vous me pardonnerez, tailler des croupières ; à qui on a dit, à un moment donné, : « Vous ne pouvez pas être en situation monopolistique sur l’ensemble de ces territoires ». Vous pouvez nous rappelez en quelques minutes ce qui s’est passé, s’il vous plaît Tristan Nitot, et voir en quelle mesure cela peut ou pourrait être appliqué à la situation actuelle ?
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>En fait c’est très simple : au début il y avait Microsoft qui avait deux grandes parties de business. La première c’était Windows, vendre une plateforme avec des ordinateurs sous Windows. C’est une plateforme en ce sens qu’en tant que telle ça ne fait rien tant que vous n’avez pas mis des applications dessus. C’est cette relation qui est essentielle, on va le voir par la suite, mais la force de la plateforme c’est que vous en avez besoin pour faire tourner des applications. Les applications c’est ce qui est vraiment utile : ça va être un traitement texte, un tableur, un réseau social, de la messagerie, etc. C’est ça que veut l’utilisateur au final, mas il a besoin d’une plateforme pour les faire tourner. Donc le business de Microsoft c’était vendre la plateforme Windows, mais aussi vendre les applications les plus connues, en l’occurrence ce qu’on appelle, ce qu’on appelait à l’époque le pack Office, Word, Excel, Powerpoint, etc.<br/>
 
Et puis un jour le Web est arrivé avec la société Netscape qui a popularisé le navigateur web auprès du grand public. Et les gens de Netscape ont commencé à dire « vous savez le web c’est formidable, ça tourne sur Windows, ça tourne sur les Mac et ça tourne aussi sur ce qu’on appelait à l’époque les machines Unix. À partir du moment où vous avez un navigateur, d’ailleurs Netscape fournit un navigateur web, regardez il est gratuit ou quasiment gratuit sauf pour les entreprises, mais voilà, vous avez ça vous vous affranchissez du problème de ce qu’est une plate-forme. Que vous ayez Windows ou autre vous aurez accès au Web et sur le Web, qui est lui-même une plate-forme, vous aurez toutes les applications que vous voudrez plus tard. Là on n’y est pas tout à fait, mais on est en train de le construire, ça va venir bientôt. »<br/>
 
Et là crise de panique chez Microsoft – ils avaient le monopole de la plateforme, celle que tout le monde utilisait – en se disant « mais en fait on est devenus complètement banalisés par le Web, ce n’est pas encore fait mais ça va venir, ça se profile, il faut réagir ». Et la méthode qu’ils ont choisie c’était de dire « puisque nous avons encore le monopole sur Windows, nous allons construire notre propre navigateur qui s’appelle Internet Explorer, qui a quasiment disparu aujourd’hui à part sur les vieilles machines, et nous allons le faire gratuit face à Netscape qui va donc être déstabilisé et mieux que ça, nous allons l’intégrer dans Windows. Ce qui fait qu’avec le renouvellement des PC, vous aurez un nouveau PC avec le temps qui passe, vous avez un nouveau PC, vous avez Windows et avec vous avez Internet Explorer donc vous n’avez plus d’intérêt à utiliser Netcape Navigator qui était le navigateur de Netscape. »
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Ce qui a eu la peau de Netscape par ailleurs.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Effectivement, Netscape en est mort. Mais Microsoft a été attaqué par le Department of Justice américain en disant « attendez, là vous faites exactement ce qu’il est interdit de faire, parce que c’est mauvais pour le consommateur. Vous aviez déjà un monopole Windows et en fait, vous faites levier sur ce monopole pour acquérir un nouveau monopole sur le marché des navigateurs, qui est un marché différent de celui des systèmes d’exploitation type Windows ». Donc avec le risque, clairement compris par le législateur, qui est que, eh bien, vous faites la théorie des dominos. Vous avez un monopole et hop ! vous en avez acquis maintenant un deuxième et grâce à ce deuxième vous en avez un troisième et à la fin vous avez le monopole sur tout et les gens sont complètements asservis.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Ce qui s’est passé avec Windows Media Player, c’est la même chose pour un lecteur de contenus multimédia.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Exactement. C’était facile pour eux, avec le monopole sur la plateforme, de commencer à acquérir le monopole sur les applications. Ils l’ont fait avec Word, ils l’ont fait avec Excel, etc.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Ce qu’on entend, Sébastien Soriano, ce que vient de décrire Tristan Nitot c’est exactement ce qui est en train de se passer dans d’autres secteurs, que ce soit sur Google, que ce soit sur Facebook, c’est-à-dire utiliser un monopole et puis, en acquérant des sociétés, non plus en développant forcément du coup des logiciels ou des applications, eh bien petit à petit ! Voilà ! En acquérir de nouveaux dans d’autres secteurs. Pourquoi ce qui s’est passé avec Microsoft ne serait pas applicable aujourd’hui à ce qui est en train de se passer notamment avec Facebook et Google ?
 
 
 
==23’ 45==
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>D’abord il y a eu une réaction de la Commission européenne qui a sanctionné Google à deux reprises, récemment, donc la Commissaire à la concurrence Margrethe Vestager qui, comme vous le savez, est maintenant potentielle candidate pour être Présidente de la Commission européenne a prononcé des sanctions très importantes de plusieurs milliards d’euros à l’encontre de Google, justement pour avoir fait ce genre d’effet de levier en utilisant son monopole sur un marché pour l’étendre vers un autre.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Quatre milliards en 2018 pour Android.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Google Shopping aussi.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Google Shopping aussi. Un milliard et demi pour la régie publicitaire AdSense au mois de mars dernier, etc.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Donc il y a eu une réaction. Il y a eu une réaction. Pour autant, ça ne veut pas dire que tout a été bien anticipé. Notamment il y a un point que vous avez souligné qui est celui des acquisitions. C’est-à-dire qu’il y a une chose qui est de faire ce qu’on appelle de la croissance interne, c’est-à-dire de développer des nouveaux services qu’on a inventés en interne et ça le droit de la concurrence ne peut pas l’empêcher. On ne peut pas empêcher les gens d’avoir des bonnes idées. Mais une autre chose c’est effectivement d’aller chercher des bonnes idées à l’extérieur. Et ça, je pense qu’il y a eu une claire naïveté de la part des autorités de la concurrence qui ont laissé faire, qui ont laissé les Big Tech faire leurs courses, racheter des pépites et ainsi créer des conglomérats absolument extraordinaires. C’est quand même fou de se dire qu’on a laissé Google racheter YouTube, on a laissé Google racheter Android ; on a laissé Facebook racheter Whatsapp.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Et Instagram.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Avec le recul c’est absolument sidérant.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Comment on explique que les autorités de régulation de la concurrence, qui sont très attentives, pourtant, à ne pas créer justement d’oligopoles à ce point-là puissants, et les autorités de la concurrence américaines le sont normalement particulièrement. Comment se fait-il qu’elles n’ont pas réagi à ces rachats ? Est-ce qu’on a une explication à ça ? Sébastien Soriano.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Oui. D’abord je ne voudrais pas leur taper dessus à ces autorités et je m’associe complètement à leur échec ayant moi-même travaillé à l’autorité de la concurrence française, donc je ne suis pas en train de donner des leçons après coup, c’est un échec auquel je m’associe.<br/>
 
Je pense que nous avons sous-estimé ces effets de réseau dont je parlais tout à l’heure et que nous avons cru au paradigme schumpétérien. C’est-à-dire que nous avons pensé que finalement que tout ça c’était très innovant, ça bougeait très vite et que ce n’était pas très grave, que si Facebook achetait ce service avec quelques millions d’utilisateurs, finalement ce n’était pas si énorme et que, eh bien oui il y aurait quelqu’un dans un garage qui, dans quelques semaines, inventerait quelque chose de très disruptif et complètement différent et qui remplacerait ces innovations.<br/>
 
Je crois qu’on a été trop confiants, trop enthousiastes aussi vis-à-vis du numérique en se disant tout ça, ça bouillonne, ne créons pas trop d’entraves ; si on commence à vouloir réguler l’innovation, on va la brider. Je pense que c’est vraiment cet état d’esprit qui nous a guidés pendant trop longtemps et qui. aujourd’hui, nous a amenés dans cette impasse.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Alors que le marché était précisément en train de se fixer.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Absolument et ce qu’on a sous-estimé c’est le fait qu’il n’y aurait pas d’aller-retour. C’est-à-dire que ce qu’on a sous-estimé, encore une fois, c’est cet effet d’accumulation, avec ces effets de réseau qui fait qu’aujourd’hui c’est extraordinairement difficile de ré-ouvrir le jeu.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Tristan Nitot, un mot tout de même pour compléter ce que vient de dire Sébastien Soriano, mais aussi, parce que, comme il vient d’être dit, des amendes, des amendes lourdes, on parle d’amendes en milliards de dollars, ont été prononcées. Ça n’a pas du tout, pour le moment en tout cas, l’effet que ça a pu avoir à l’époque sur Microsoft puisque, comme vous l’avez souligné, après la condamnation de Microsoft pour Internet Explorer c’est la naissance de Mozilla, c’est l’ouverture de la brèche pour de nouveaux logiciels de navigation, etc.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Moi je suis assez dubitatif sur l’efficacité de la régulation au niveau de Microsoft. C’est-à-dire que médiatement ça a été catastrophique pour eux. Ils avaient quand même des habitudes dans le domaine, traîner tellement de casseroles que ça devenait gênant pour le business parce qu’ils commençaient à avoir une réputation de chacal, évidemment on n’avait plus envie de travailler avec eux. Ils se ont dit on va calmer le jeu.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Et avec des logiciels qui techniquement, en plus, n’étaient pas très solides, pour le dire euphémiquement.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Donc c’est plus là que ça a joué. En fait, en termes de régulation, ce qui a été fait n’a pas été très efficace. Il n’y a pas eu d’amende record. Ils ont été obligés de changer de braquet. Je pense que Mozilla a changé les choses, parce qu’une alternative a émergé, mais sans l’aide du régulateur. Objectivement. Moi je n’ai reçu jamais d’argent de la Commission européenne ou de je ne sais qui pour développer Mozilla. Rien. Zéro
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Mozilla, Safari, Chrome évidemment derrière. Windows Media Player aujourd’hui n’existe plus. Il y a d’autres lecteurs qui sont nés, VLC, d’autres players qui sont nés, ??? pour la musique. Ça a quand même ouvert des brèches.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Oui. C’était plus un signal et en plus, si vous voulez, de toute façon Microsoft avait perdu tout intérêt pour Internet Explorer. C’est-à-dire qu’en fait ils avaient eu ce qu’ils voulaient, tuer Netscpe, et ils ont complètement arrêté d’investir dans Internet Explorer. C’est ce qui a permis au projet Mozilla de percer, c’est qu’en fait Microsoft s’était endormi au volant, donc on a pu construire un navigateur qui était meilleur que celui de Microsoft alors qu’il n’y avait à rien à gagner. C’est pour ça que Mozilla c’est une fondation, c’est à but non-lucratif. Vous ne pouvez pas arriver et faire un business plan en disant « je vais faire un navigateur gratuit pour contrer celui gratuit et mauvais de Microsoft », à l’époque parce que, de toute façon, il n’y a pas d’argent à gagner.<br/>
 
Après les choses ont changé. Google a fait un navigateur, en l’occurrence Chrome qui est en situation monopolistique aujourd’hui, on peut estimer, je n’ai pas les chiffres, mais ils ont au moins 60 % de parts de marché si ce n’est plus et tous les autres sont, en fait, des clones de Chrome ou des sous-versions de Chrome. Il n’y a que Firefox et sa dizaine de pour cents qui résiste. C’est-à-dire qu’en fait que Firefox a 10 % et Chrome et ses dérivées c’est quasiment 80 % et puis peut-être quelques pour cents pour Safari.<br/>
 
Fondamentalement ça c’est parce que Chrome a un business modèle : c’est le cheval de Troie de Google Search. C’est un business modèle dérivé.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Le moteur de recherche de Google.
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Voilà Exactement.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Sébastien Soriano finalement sur la façon dont Chrome, mine de rien, a réussi à s’engouffrer dans cette brèche-là et ensuite a fait avec Mozilla ou, en tout cas, a tenté de faire avec Mozilla ce que Microsoft a réussi à faire avec Netscape. C’est-à-dire on sait comment Google a empêché de plus en plus à Mozilla de fonctionner, a entravé le fonctionnement de Firefox.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Oui. Je suis d’accord avec ce que dit Tristan Nitot sur le fait qu’en termes de régulation, les décisions de la Commission européenne vis-à-vis de Microsoft n’ont pas bien trouvé la manière d’aider les concurrents. Mais ça a été quand même un signal et c’est quand même la responsabilité de ces autorités de concurrence, à un moment, de taper du point sur la table pour permettre d’ouvrir les vannes. D’ailleurs dans les années 50, dans les années 60, aux États-Unis il y a une politique de concurrence extrêmement vigoureuse, qui a permis d’ouvrir des brevets, de Xérox. Il y a eu aussi une décision très forte vis-à-vis d’AT&T, vis-à-vis d’IBM et cette politique antitrust très forte a bénéficié à des nouveaux entrants qui sont les acteurs de la Silicon Valley.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>AT&T a été démantelé en 1982 au moment où ils avaient plus d’un million d’employés.
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Et ce qui est triste c’est qu’on a manqué ces opportunités, notamment en Europe, on a manqué des vagues d’innovation qui ont été ouvertes à ce moment-là et je pense que c’est le vrai défi de l’Europe maintenant. OK, on peut pleurer, on peut taper sur les acteurs en place, c’est une chose, mais le vrai défi maintenant c’est quelle est la réponse qu’on peut apporter, qui va aider l’émergence d’alternatives.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Est-ce que vous pensez que la politique antitrust américaine cette ancienne politique qui a fait ses preuves, aujourd’hui elle ne pourrait plus être opérante dans le contexte économique actuel ?
 
 
 
<b>Sébastien Soriano : </b>Si, bien sûr, mais il faut inventer des outils spécifiques. C’est-à-dire qu’il ne faut pas seulement taper sur les grands acteurs, il faut trouver la manière de les ouvrir, notamment ouvrir leurs données, ouvrir ce qu’on appelle des interfaces qui permettent à de nouveaux acteurs de se développer dans ces écosystèmes.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Tristan Nitot vous partagez ce point de vue ?
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Absolument. La régulation en tant que telle, <em>old school</em>, à l’ancienne façon
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Par la loi ???
 
 
 
<b>Tristan Nitot : </b>Par la loi c’est compliqué parce que la loi évolue forcément moins vite que la technologie qui évolue à une vitesse hallucinante, qui peut prendre les gens à contre-pied, etc. Ça c’est un premier point. Et puis, effectivement, il faut trouver des alternatives et ces alternatives je vais en soumettre deux :<br/>
 
un, l’interopérabilité. Vous me pardonnerez le mot un peu compliqué, mais c’est la possibilité d’ouvrir ces interfaces, faire fonctionner un système existant avec d’autres systèmes ; donc ils sont interopérables, ils peuvent opérer entre eux étymologiquement ; ça c’est une première possibilité ;<br/>
 
et la deuxième chose c’est la portabilité des données. Puisque vous avez vos données chez Facebook peut-être que vous pourriez les prendre et les porter ailleurs pour que vous ne perdiez pas vos amis. Deux mots qu’il faudra explorer.
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>Eh bien on va précisément les explorer dans la deuxième partie de cette émission dans un instant.
 
 
 
[Pause musicale]
 
 
 
==34’ 50==
 
 
 
<b>Nicolas Martin : </b>
 

Dernière version du 14 juin 2019 à 15:49


Publié ici - Juin 2019