Différences entre les versions de « Funkwhale, comment la décentralisation et la fédération permettent la création - La Voix Est Libre »

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<b>Quentin : </b>Bonjour à tous. Bienvenus sur Graf’hit 94.9. Aujourd’hui on est dans l’émission <em>La Voix Est Libre</em>, une émission de l’association Picasoft. On est avec Audrey, Rémi et Andrés de Picasoft.
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<b>Rémi : </b>Salut.
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<b>Audrey : </b>Bonjour.
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<b>Andrés : </b>Salut.
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<b>Quentin : </b>On a le plaisir de recevoir Eliot qui est le développeur de Funkwhale dont on reparlera juste après. Salut Eliot.
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<b>Eliot : </b>Salut.
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<b>Quentin : </b>Aujourd’hui on va parler décentralisation et fédération. La décentralisation, vous connaissez sans doute si vous avez écouté l’émission d’il y a deux semaines, puisqu’on en a parlé, mais fédération est un mot encore bien mystérieux et on va directement rentrer dans le vif du sujet.<br/>
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Juste avant on aimerait quand même remercier Marie-Odile Morandi et l’équipe Transcriptions de l’April qui nous a fait le plaisir de transcrire par écrit notre première émission que vous pouvez retrouver sur le site de l’April. On mettra le lien dans la description de l’émission. Merci beaucoup à eux.<br/>
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Sans plus attendre, Rémi, je te laisse la main pour la petite interview.
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<b>Rémi : </b>Bonjour Eliot.
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<b>Eliot : </b>Bonjour Rémi.
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<b>Rémi : </b>Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots et un petit peu ton parcours ?
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<b>Eliot : </b>Oui, bien sûr. Je m’appelle Eliot, j’habite Marseille depuis une vingtaine d’années maintenant et je suis rentré dans le développement en fait assez tard parce qu’à la base je faisais des études de librairie ???. Et puis j’ai bifurqué petit à petit vers l’informatique et le développement logiciel. Ça va faire à peu près cinq ans maintenant que je fais du développement web, cinq/six ans, et il y a quelques années j’ai commencé à développer Funkwhale dont on va parler un petit peu plus tard.
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<b>Rémi : </b>Justement, est-ce que tu peux nous présenter un peu ce projet Funkwhale ? Qu’est-ce que c’est ?
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<b>Eliot : </b>Funkwhale est un projet que j’ai commencé à développer, qui est, en fait, un serveur de musique, qui a commencé comme un serveur de musique, qui fait un petit peu plus de choses maintenant. Pour les personnes qui ne voient pas exactement ce que c’est, si vous voulez c’est un peu comme si vous pouviez avoir votre propre Spotify ou votre propre Deezer mais sous votre contrôle, avec votre musique.
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<b>Rémi : </b>D’accord. Du coup pourquoi ne pas juste utiliser Deezer ou Spotify parce qu’il y a plein de musique dessus déjà ? Quel est l’intérêt d’avoir un autre outil ?
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<b>Eliot : </b>L’intérêt, principalement, c’est de pouvoir avoir toute la musique et pas juste la musique qui est disponible sur Deezer ou sur Spotify, il y a des choses qui ne sont pas disponibles sur ces plateformes. C’est aussi une logique qui permet de reprendre le contrôle sur les contenus qu’on écoute, puisque sur Spotify, sur Deezer, sur Group Charts qui est le modèle un petit peu plus ??? à la base, en fait on ne possède pas la musique, on loue, enfin on paye un abonnement qui nous donne accès à cette musique, mais dès qu’on arrête de payer l’abonnement on n‘y a plus accès. Là ça nous redonne la possibilité par exemple d’acheter de la musique sur des plateformes comme Bandcamp et puis de la mettre en ligne sur notre serveur de musique, comme ça on garde accès à sa musique en permanence.
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<b>Rémi : </b>D’accord. Merci. Du coup, quand tu as commencé le développement de ce projet tu étais tout seul. Comment est-ce que, tout seul, tu as réussi à te motiver à faire ça ?
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<b>Eliot : </b>Au début, en fait, ça m’a permis de progresser, de découvrir des nouveaux outils, des nouvelles technologies, ce qui a fait que ça m’a beaucoup motivé au début, le côté apprentissage, faire quelque chose de nouveau. Il faut savoir que pendant environ deux ans Funkwhale a été quelque chose de complètement personnel, je ne l’ai pas partagé avec d’autres personnes, j’étais vraiment la seule personne à l’utiliser. Après, ce qui a aidé la motivation c’est effectivement de commencer à le montrer à d’autres personnes et d’avoir des retours, des retours positifs, des retours constructifs. Donc voir que des personnes avaient envie de l’utiliser, avaient envie de l’améliorer, d’y participer, c’est un gros plus pour la motivation.
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<b>Rémi : </b>OK. Du coup tu parles de gens qui veulent améliorer. Je crois que la communauté de contributeurs en général est assez grande, il y a plus d’une soixantaine de développeurs, il y a des designers, des traducteurs, des gens à l’étranger aussi. Comment fais-tu pour gérer tout ça, pour que ça ne parte pas dans tous les sens ? Je crois que tu as beaucoup réfléchi, que vous avez beaucoup discuté autour des aspects de la gouvernance du projet.
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<b>Eliot : </b>Oui. Quand je disais que j’avais commencé à parler du projet autour de moi, ça va faire à peu près un an et demi et assez vite du coup, avec l’engouement, etc., ça a été dur de tout gérer sachant qu’en parallèle j’avais un boulot salarié à temps plein ; je faisais ça sur les week-ends, sur mes soirées, c’est vite devenu lourd, entre les demandes de support, entre les contributions qu’il faut analyser, qu’il faut vérifier, il faut éventuellement corriger certaines choses avant de les accepter. Pour pouvoir en faire toujours plus, j’ai décidé de quitter mon travail, ça s’est fait en décembre 2018, ce qui fait que je peux travailler à temps plein sur Funkwhale. En parallèle de ça, on a commencé aussi à s’organiser pour créer une association, pour pouvoir avoir un vrai cadre, pas forcément légal mais pour avoir une structure qui soit comprise par tout le monde et qui puisse faciliter l’entrée, l’accès au projet.<br/>
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Effectivement, le travail sur la gouvernance a été un gros boulot qui ne sera jamais vraiment terminé, mais on va dire qu’on a passé la première étape. L’association devrait voir le jour ce mois-ci. On a fait notre première AG il y a quelques semaines, on va déposer les statuts en préfecture très bientôt. Ça c’est pour la partie vraiment organisation concrète. Après, pour la partie gouvernance un peu plus générale, on s’organise sur un forum qui s’appelle Lumio, qui est un logiciel libre également, qui a pas mal d’outils pour la prise de décision, par exemple on peut faire des votes, différents types de votes en ???. On essaie d’avoir un maximum de discussions de façon ouverte en laissant le temps aux personnes qui ne sont pas dans les mêmes fuseaux horaires que nous ou qui n’ont pas les mêmes rythmes de répondre et de participer.
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<b>Rémi : </b>D’accord. Du coup il y a vraiment une communauté de gens totalement différents qui contribuent un petit peu comme ils peuvent, à leur échelle.
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<b>Eliot : </b>Oui, c’est ça. Parmi les types de contribution qu’on a il y a le développement, comme tu l’as dit. Il y a les traductions, il y a la documentation, il y a des personnes qui font les articles de blog ou de la communication, des personnes qui participent à l’organisation du projet d’un point de vue plus logistique : quand est-ce qu’on se réunit, qui prend les notes perdant les réunions. En fait, c’est assez varié.
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<b>Rémi : </b>Du coup toi, tu l’as dit, tu travailles à temps plein sur Funkwhale. Comment ça se passe au niveau argent ? Serait-il possible que tout le monde, dans l’association Funkwhale, puisse être à temps plein dessus ?
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<b>Eliot : </b>Non. Je dis à temps plein parce que je travaille à temps plein dessus, mais même moi je ne suis pas salarié du tout. Pour le moment on a très peu de ressources. On a environ ??? 50 à 100 euros de dons par mois sur notre plateforme OpenCollective, donc ce n’est clairement pas viable sur du long terme. Par contre, je pense que le fait d’avoir une association va déjà nous aider à recevoir plus de dons, va offrir plus de moyens pour les dons et je pense qu’on va aussi essayer de diversifier les sources de financement, quelque chose qui n’a pas encore été vraiment discuté de façon ouverte avec la communauté, mais on va s’y mettre bientôt, pour peut-être avoir des bourses, participer à des programmes un petit peu de soutien au logiciel libre, ce genre de choses qui pourraient nous amener des moyens de façon un peu plus complète que juste du don. C’est un des aspects qu’on va creuser.<br/>
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Là, pour le moment, je vis sur mon chômage, je pense que ce qui va se passer à terme c’est que soit Funkwhale va grossir suffisamment comme le projet Mastodon qui est un projet de logiciel qui est également fédéré et où la communauté a su aider à développer le logiciel et dont je pense qu’il est viable économiquement pour le moment, qu’on va arriver à quelque chose de similaire qui permettra à moi et peut-être à d’autres personnes de vivre dessus, soit on va trouver d’autres moyens, peut-être que je repasserai à mi-temps sur Funkwhale et je ferai quelque chose à côté. On va creuser des pistes.
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<b>Rémi : </b>D’accord. Super. On n’a pas encore abordé le sujet de la fédération. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ce qu’est la fédération surtout dans Funkwhale ?
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<b>Eliot : </b>Au début Funkwhale n’était pas du tout un logiciel fédéré, chaque serveur était indépendant. Et puis quand j’en ai parlé, j’en ai justement parlé sur Mastodon qui est lui-même un logiciel fédéré, le premier réflexe des gens à qui j’en ai parlé a été de dire « est-ce qu’il y a une fédération ? ». Donc je me suis rendu compte très vite que c’était une demande récurrente. Donc Funkwhale est un logiciel fédéré, c’est-à-dire que les différents serveurs peuvent s’échanger de la musique. Si vous vous êtes sur un Funkwhale, que vous avez envoyé votre bibliothèque musicale, vous pouvez la partager avec vos amis qui sont sur un autre serveur, ou qui sont sur le même serveur que d’ailleurs, et vous pouvez aussi accéder aux bibliothèques musicales qui sont publiques. Il y a en un certain nombre qui ont des contenus qui sont, par exemple, sous licence Creative Commons ou dans le domaine public, tout ça sans quitter votre propre serveur.
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<b>Rémi : </b>OK. J’ai une dernière question : faire du Libre, faire de la musique gratuite, tout ça c’est bien beau, mais on l’a vu tu galères un petit peu avec la thune, tu y arrives grâce au chômage, mais pour tous les créateurs qui veulent faire de la musique, qui veulent faire du contenu gratuit, qu’est-ce qu’il y a comme moyens de rémunération ? Je crois que tu es en train de monter une plateforme, tu vas nous expliquer un petit peu ce que permet de faire cette plateforme que tu es en train de monter.
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<b>Eliot : </b>C’est vrai que la question se pose dans Funkwhale. Comme on peut écouter de la musique qu’on ne va pas forcément acheter, par exemple elle est partagée avec nous, se pose la question de comment on finance la création et les personnes qui créent. Il y a pas mal de choses. Si vous regardez des vidéos sur YouTube il y a beaucoup de personnes qui se mettent à Tipeee, à des plateformes similaires ou à Patreon où, en fait, ça fonctionne sur un modèle de dons réguliers, je pense que c’est un modèle qui est intéressant. Le problème c’est que c’est assez difficile, si on regarde 15 chaînes différentes vidéos par mois, de savoir où aller donner à chaque fois sachant que tout le monde n’est pas sur la même plateforme, qu’il y a des personnes qui veulent des dons juste sur Paypal ou en bitcoins, peu importe en fait, mais il y a des dizaines et des dizaines de plateformes différentes, des moyens de donner différents, donc je me suis dit qu’il serait intéressant de construire quelque chose qui permette d’automatiser cette partie-là. Ce n’est pas un système de paiement, ce n’est pas une plateforme de paiement, c’est plutôt un outil que vous pourriez utiliser où vous connecteriez vos comptes, vos différents comptes, votre compte Funkwhale, votre compte YouTube, les comptes sur lesquels vous vous trouvez et où vous consommez des contenus. Le système vous proposerait automatiquement des créateurs à rémunérer en fonction de votre activité. C’est-à-dire que si vous avez regardé dix vidéos de telle personne et dix vidéos de telle autre, le système va aller récupérer des liens vers les plateformes de dons sur les profils des créateurs et vous proposer de leur donner une somme. Ce projet-là s’appelle Retribute, c’est le nom de code on va dire, parce que c’est intéressant, ça peut bouger. C’est un projet qui va sûrement être développé en parallèle de Funkwhale et, à terme, peut-être intégré dedans.
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<b>Rémi : </b>D’accord. Merci beaucoup pour ça. On retient le projet Retribute. Je crois qu’on a fini avec les questions. Si tu as quelque chose à dire avec plaisir, sinon on va passer un petit peu à des échanges plus entre nous. Tu es le bienvenu, tu peux rester dans le coin.
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<b>Eliot : </b>OK. Merci beaucoup.
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<b>Rémi : </b>Merci à toi.
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<b>Quentin : </b>Merci beaucoup Eliot pour cette super introduction. Effectivement, avant de parler philosophie du Libre, on va peut-être essayer de rentrer un peu plus dans l’aspect fonctionnel de cette fédération puisque si c’est assez facile de comprendre des systèmes centralisés comme Facebook, Google ou Deezer – on a parlé de cette histoire : il y a un serveur sur lequel on fait des requêtes – eh bien la fédération reste un petit peu plus obscure parfois et on se demande comment tous ces serveurs disséminés aux quatre coins du monde peuvent bien communiquer donc se fédérer. Cette fédération se base sur un protocole qui s’appelle ActivityPub, qu’on va brièvement détailler. Pour rappel les protocoles c’est simplement une sorte de recette pour échanger des informations que ce soit sur Internet ou ailleurs, une espèce de contrat d’utilisation entre deux personnes qui vont parler un langage commun. ActivityPub est un des protocoles qui permet de créer des fédérations. Est-ce que parmi vous quelqu’un, Andrés peut-être, veut nous expliquer un petit peu ce qu’est ActivityPub ?
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==13’ 06==
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<b>Andrés : </b>Bonjour à toutes. Bonjour à tous.

Version du 26 juillet 2021 à 18:25


Titre : Funkwhale, comment la décentralisation et la fédération permettent la création - Picasoft

Intervenants : Audrey - Quentin Duchemin - Rémi Uro - Eliot ??? - Andrés ???

Lieu : Émission La Voix Est Libre sur radio Graf'hit

Date : 1er juin 2021

Durée : 44 min 15

Podcast

Page de présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Quentin : Bonjour à tous. Bienvenus sur Graf’hit 94.9. Aujourd’hui on est dans l’émission La Voix Est Libre, une émission de l’association Picasoft. On est avec Audrey, Rémi et Andrés de Picasoft.

Rémi : Salut.

Audrey : Bonjour.

Andrés : Salut.

Quentin : On a le plaisir de recevoir Eliot qui est le développeur de Funkwhale dont on reparlera juste après. Salut Eliot.

Eliot : Salut.

Quentin : Aujourd’hui on va parler décentralisation et fédération. La décentralisation, vous connaissez sans doute si vous avez écouté l’émission d’il y a deux semaines, puisqu’on en a parlé, mais fédération est un mot encore bien mystérieux et on va directement rentrer dans le vif du sujet.
Juste avant on aimerait quand même remercier Marie-Odile Morandi et l’équipe Transcriptions de l’April qui nous a fait le plaisir de transcrire par écrit notre première émission que vous pouvez retrouver sur le site de l’April. On mettra le lien dans la description de l’émission. Merci beaucoup à eux.
Sans plus attendre, Rémi, je te laisse la main pour la petite interview.

Rémi : Bonjour Eliot.

Eliot : Bonjour Rémi.

Rémi : Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots et un petit peu ton parcours ?

Eliot : Oui, bien sûr. Je m’appelle Eliot, j’habite Marseille depuis une vingtaine d’années maintenant et je suis rentré dans le développement en fait assez tard parce qu’à la base je faisais des études de librairie ???. Et puis j’ai bifurqué petit à petit vers l’informatique et le développement logiciel. Ça va faire à peu près cinq ans maintenant que je fais du développement web, cinq/six ans, et il y a quelques années j’ai commencé à développer Funkwhale dont on va parler un petit peu plus tard.

Rémi : Justement, est-ce que tu peux nous présenter un peu ce projet Funkwhale ? Qu’est-ce que c’est ?

Eliot : Funkwhale est un projet que j’ai commencé à développer, qui est, en fait, un serveur de musique, qui a commencé comme un serveur de musique, qui fait un petit peu plus de choses maintenant. Pour les personnes qui ne voient pas exactement ce que c’est, si vous voulez c’est un peu comme si vous pouviez avoir votre propre Spotify ou votre propre Deezer mais sous votre contrôle, avec votre musique.

Rémi : D’accord. Du coup pourquoi ne pas juste utiliser Deezer ou Spotify parce qu’il y a plein de musique dessus déjà ? Quel est l’intérêt d’avoir un autre outil ?

Eliot : L’intérêt, principalement, c’est de pouvoir avoir toute la musique et pas juste la musique qui est disponible sur Deezer ou sur Spotify, il y a des choses qui ne sont pas disponibles sur ces plateformes. C’est aussi une logique qui permet de reprendre le contrôle sur les contenus qu’on écoute, puisque sur Spotify, sur Deezer, sur Group Charts qui est le modèle un petit peu plus ??? à la base, en fait on ne possède pas la musique, on loue, enfin on paye un abonnement qui nous donne accès à cette musique, mais dès qu’on arrête de payer l’abonnement on n‘y a plus accès. Là ça nous redonne la possibilité par exemple d’acheter de la musique sur des plateformes comme Bandcamp et puis de la mettre en ligne sur notre serveur de musique, comme ça on garde accès à sa musique en permanence.

Rémi : D’accord. Merci. Du coup, quand tu as commencé le développement de ce projet tu étais tout seul. Comment est-ce que, tout seul, tu as réussi à te motiver à faire ça ?

Eliot : Au début, en fait, ça m’a permis de progresser, de découvrir des nouveaux outils, des nouvelles technologies, ce qui a fait que ça m’a beaucoup motivé au début, le côté apprentissage, faire quelque chose de nouveau. Il faut savoir que pendant environ deux ans Funkwhale a été quelque chose de complètement personnel, je ne l’ai pas partagé avec d’autres personnes, j’étais vraiment la seule personne à l’utiliser. Après, ce qui a aidé la motivation c’est effectivement de commencer à le montrer à d’autres personnes et d’avoir des retours, des retours positifs, des retours constructifs. Donc voir que des personnes avaient envie de l’utiliser, avaient envie de l’améliorer, d’y participer, c’est un gros plus pour la motivation.

Rémi : OK. Du coup tu parles de gens qui veulent améliorer. Je crois que la communauté de contributeurs en général est assez grande, il y a plus d’une soixantaine de développeurs, il y a des designers, des traducteurs, des gens à l’étranger aussi. Comment fais-tu pour gérer tout ça, pour que ça ne parte pas dans tous les sens ? Je crois que tu as beaucoup réfléchi, que vous avez beaucoup discuté autour des aspects de la gouvernance du projet.

Eliot : Oui. Quand je disais que j’avais commencé à parler du projet autour de moi, ça va faire à peu près un an et demi et assez vite du coup, avec l’engouement, etc., ça a été dur de tout gérer sachant qu’en parallèle j’avais un boulot salarié à temps plein ; je faisais ça sur les week-ends, sur mes soirées, c’est vite devenu lourd, entre les demandes de support, entre les contributions qu’il faut analyser, qu’il faut vérifier, il faut éventuellement corriger certaines choses avant de les accepter. Pour pouvoir en faire toujours plus, j’ai décidé de quitter mon travail, ça s’est fait en décembre 2018, ce qui fait que je peux travailler à temps plein sur Funkwhale. En parallèle de ça, on a commencé aussi à s’organiser pour créer une association, pour pouvoir avoir un vrai cadre, pas forcément légal mais pour avoir une structure qui soit comprise par tout le monde et qui puisse faciliter l’entrée, l’accès au projet.
Effectivement, le travail sur la gouvernance a été un gros boulot qui ne sera jamais vraiment terminé, mais on va dire qu’on a passé la première étape. L’association devrait voir le jour ce mois-ci. On a fait notre première AG il y a quelques semaines, on va déposer les statuts en préfecture très bientôt. Ça c’est pour la partie vraiment organisation concrète. Après, pour la partie gouvernance un peu plus générale, on s’organise sur un forum qui s’appelle Lumio, qui est un logiciel libre également, qui a pas mal d’outils pour la prise de décision, par exemple on peut faire des votes, différents types de votes en ???. On essaie d’avoir un maximum de discussions de façon ouverte en laissant le temps aux personnes qui ne sont pas dans les mêmes fuseaux horaires que nous ou qui n’ont pas les mêmes rythmes de répondre et de participer.

Rémi : D’accord. Du coup il y a vraiment une communauté de gens totalement différents qui contribuent un petit peu comme ils peuvent, à leur échelle.

Eliot : Oui, c’est ça. Parmi les types de contribution qu’on a il y a le développement, comme tu l’as dit. Il y a les traductions, il y a la documentation, il y a des personnes qui font les articles de blog ou de la communication, des personnes qui participent à l’organisation du projet d’un point de vue plus logistique : quand est-ce qu’on se réunit, qui prend les notes perdant les réunions. En fait, c’est assez varié.

Rémi : Du coup toi, tu l’as dit, tu travailles à temps plein sur Funkwhale. Comment ça se passe au niveau argent ? Serait-il possible que tout le monde, dans l’association Funkwhale, puisse être à temps plein dessus ?

Eliot : Non. Je dis à temps plein parce que je travaille à temps plein dessus, mais même moi je ne suis pas salarié du tout. Pour le moment on a très peu de ressources. On a environ ??? 50 à 100 euros de dons par mois sur notre plateforme OpenCollective, donc ce n’est clairement pas viable sur du long terme. Par contre, je pense que le fait d’avoir une association va déjà nous aider à recevoir plus de dons, va offrir plus de moyens pour les dons et je pense qu’on va aussi essayer de diversifier les sources de financement, quelque chose qui n’a pas encore été vraiment discuté de façon ouverte avec la communauté, mais on va s’y mettre bientôt, pour peut-être avoir des bourses, participer à des programmes un petit peu de soutien au logiciel libre, ce genre de choses qui pourraient nous amener des moyens de façon un peu plus complète que juste du don. C’est un des aspects qu’on va creuser.
Là, pour le moment, je vis sur mon chômage, je pense que ce qui va se passer à terme c’est que soit Funkwhale va grossir suffisamment comme le projet Mastodon qui est un projet de logiciel qui est également fédéré et où la communauté a su aider à développer le logiciel et dont je pense qu’il est viable économiquement pour le moment, qu’on va arriver à quelque chose de similaire qui permettra à moi et peut-être à d’autres personnes de vivre dessus, soit on va trouver d’autres moyens, peut-être que je repasserai à mi-temps sur Funkwhale et je ferai quelque chose à côté. On va creuser des pistes.

Rémi : D’accord. Super. On n’a pas encore abordé le sujet de la fédération. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ce qu’est la fédération surtout dans Funkwhale ?

Eliot : Au début Funkwhale n’était pas du tout un logiciel fédéré, chaque serveur était indépendant. Et puis quand j’en ai parlé, j’en ai justement parlé sur Mastodon qui est lui-même un logiciel fédéré, le premier réflexe des gens à qui j’en ai parlé a été de dire « est-ce qu’il y a une fédération ? ». Donc je me suis rendu compte très vite que c’était une demande récurrente. Donc Funkwhale est un logiciel fédéré, c’est-à-dire que les différents serveurs peuvent s’échanger de la musique. Si vous vous êtes sur un Funkwhale, que vous avez envoyé votre bibliothèque musicale, vous pouvez la partager avec vos amis qui sont sur un autre serveur, ou qui sont sur le même serveur que d’ailleurs, et vous pouvez aussi accéder aux bibliothèques musicales qui sont publiques. Il y a en un certain nombre qui ont des contenus qui sont, par exemple, sous licence Creative Commons ou dans le domaine public, tout ça sans quitter votre propre serveur.

Rémi : OK. J’ai une dernière question : faire du Libre, faire de la musique gratuite, tout ça c’est bien beau, mais on l’a vu tu galères un petit peu avec la thune, tu y arrives grâce au chômage, mais pour tous les créateurs qui veulent faire de la musique, qui veulent faire du contenu gratuit, qu’est-ce qu’il y a comme moyens de rémunération ? Je crois que tu es en train de monter une plateforme, tu vas nous expliquer un petit peu ce que permet de faire cette plateforme que tu es en train de monter.

Eliot : C’est vrai que la question se pose dans Funkwhale. Comme on peut écouter de la musique qu’on ne va pas forcément acheter, par exemple elle est partagée avec nous, se pose la question de comment on finance la création et les personnes qui créent. Il y a pas mal de choses. Si vous regardez des vidéos sur YouTube il y a beaucoup de personnes qui se mettent à Tipeee, à des plateformes similaires ou à Patreon où, en fait, ça fonctionne sur un modèle de dons réguliers, je pense que c’est un modèle qui est intéressant. Le problème c’est que c’est assez difficile, si on regarde 15 chaînes différentes vidéos par mois, de savoir où aller donner à chaque fois sachant que tout le monde n’est pas sur la même plateforme, qu’il y a des personnes qui veulent des dons juste sur Paypal ou en bitcoins, peu importe en fait, mais il y a des dizaines et des dizaines de plateformes différentes, des moyens de donner différents, donc je me suis dit qu’il serait intéressant de construire quelque chose qui permette d’automatiser cette partie-là. Ce n’est pas un système de paiement, ce n’est pas une plateforme de paiement, c’est plutôt un outil que vous pourriez utiliser où vous connecteriez vos comptes, vos différents comptes, votre compte Funkwhale, votre compte YouTube, les comptes sur lesquels vous vous trouvez et où vous consommez des contenus. Le système vous proposerait automatiquement des créateurs à rémunérer en fonction de votre activité. C’est-à-dire que si vous avez regardé dix vidéos de telle personne et dix vidéos de telle autre, le système va aller récupérer des liens vers les plateformes de dons sur les profils des créateurs et vous proposer de leur donner une somme. Ce projet-là s’appelle Retribute, c’est le nom de code on va dire, parce que c’est intéressant, ça peut bouger. C’est un projet qui va sûrement être développé en parallèle de Funkwhale et, à terme, peut-être intégré dedans.

Rémi : D’accord. Merci beaucoup pour ça. On retient le projet Retribute. Je crois qu’on a fini avec les questions. Si tu as quelque chose à dire avec plaisir, sinon on va passer un petit peu à des échanges plus entre nous. Tu es le bienvenu, tu peux rester dans le coin.

Eliot : OK. Merci beaucoup.

Rémi : Merci à toi.

Quentin : Merci beaucoup Eliot pour cette super introduction. Effectivement, avant de parler philosophie du Libre, on va peut-être essayer de rentrer un peu plus dans l’aspect fonctionnel de cette fédération puisque si c’est assez facile de comprendre des systèmes centralisés comme Facebook, Google ou Deezer – on a parlé de cette histoire : il y a un serveur sur lequel on fait des requêtes – eh bien la fédération reste un petit peu plus obscure parfois et on se demande comment tous ces serveurs disséminés aux quatre coins du monde peuvent bien communiquer donc se fédérer. Cette fédération se base sur un protocole qui s’appelle ActivityPub, qu’on va brièvement détailler. Pour rappel les protocoles c’est simplement une sorte de recette pour échanger des informations que ce soit sur Internet ou ailleurs, une espèce de contrat d’utilisation entre deux personnes qui vont parler un langage commun. ActivityPub est un des protocoles qui permet de créer des fédérations. Est-ce que parmi vous quelqu’un, Andrés peut-être, veut nous expliquer un petit peu ce qu’est ActivityPub ?

13’ 06

Andrés : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.