Free Software, patrimoine et citoyenneté - Véronique Bonnet

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Titre : Free Software, patrimoine et citoyenneté

Intervenant : Véronique Bonnet

Lieu : Paris - Ubuntu Party

Date : Novembre 2015

Durée : 55 min

Pour visionner la vidéo : Free Software, patrimoine et citoyenneté

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Bonjour. Merci d’être là. On va faire un lien entre la conférence précédente et celle-ci. Moi je suis aussi administratrice de l'April, comme les deux conférencières précédentes. Je vais essayer de développer un argumentaire, avec les outils qui sont les miens, qui sont les outils philosophiques. Supposons que j'aie à m'adresser à l'un des candidats, tête de liste, pas tête de liste, pour ces élections régionales qui vont avoir lieu, il me semble que, à propos de l'informatique libre, je dirais qu'elle protège le patrimoine, et je dirais que le patrimoine protège la citoyenneté.

Je vais déjà essayer de définir ce qu'on peut entendre par citoyenneté, alors citoyenneté régionale. On est ici dans un contexte, un format qui a une certaine étendue, plus d'étendue que le département, un peu plus d'étendue que la commune, dans un format qui n'a pas tout à fait une étendue dont je parlerai aussi, qui est l’étendue qui fait de nous des citoyens du monde. Peut-être que je l'évoquerai, néanmoins, dans un argumentaire qui, a priori, est plutôt un argumentaire local

Concernant cette citoyenneté, je pense que celui qui l'a définie le mieux, parce qu'il a parlé de la cité, il a parlée de ce qui, en grec, s'appelle polis, celui qui l'a définie le mieux je crois la cité, la citoyenneté, c'est un certain Aristote, c'est dans La Politique, et dans La Politique d'Aristote, Aristote dit que les humains sont des êtres logiques, des animaux logiques. Logiques, ça veut dire qui parlent. Et comme ce sont des animaux logiques, et comme pour apprendre à parler et pour apprendre avec les autres et pas contre les autres, à faire de sa parole une source aussi bien d’œuvres, aussi bien d'actions, aussi bien de jugements, il y a un lieu où on va apprendre très bien à parler, et c'est pour ça que l'animal logique c'est un animal politique. Il faut l'entendre dans ce sens-là. Si j'ai besoin d'apprendre à parler, si j'ai besoin avec les autres d'essayer collaborativement d'arriver à un usage fort de la parole, alors je vais aller dans un lieu qui s'appelle la cité.

Conséquence : qu'est-ce que c'est pour Aristote qu’être citoyen ? C'est, d'une certaine façon, avec tout un faisceau, ça peut être de méfiance, de confiance, de rivalité, parfois même de formulation qui reste un peu rentrée, qui reste un peu secrète, c'est essayer de faire en sorte que la parole soit la plus fructueuse possible.

Je vais déjà le développer au sens d'une citoyenneté locale. Qu'est-ce que c'est, dans une région, dans un département, dans une cité, d'essayer de donner à la parole une vigueur, quelque chose comme une énergie ? C'est, sans doute, être éduqué, et mes petites camarades en parlaient à l'instant, peut être qu’être éduqué c'est apprendre à se mouvoir dans un monde numérique où on va essayer d’être un usager, respecté comme tel, où l'on va essayer d'étudier, accéder au code source. On va améliorer, parce que la parole est un patrimoine œuvré qui est tellement précieux, tellement fragile, qu'il faut régulièrement essayer d'en prendre soin. Et à partir d'une parole, qui peut nourrir d'autres paroles, essayer d'avancer ensemble. Et donc je dirais que dans un registre local, c'est vrai que ceux qui sont responsables des commandes dans les établissements scolaires, c'est vrai que ceux qui vont être amenés à organiser des forums pour leurs citoyens, pour ceux qui les ont élus, auront peut-être intérêt à ne pas entrer dans des formes numériques dissymétriques, sans doute abusives, sans doute assez déresponsabilisantes, qui vont entraîner une forme de docilité, une forme qui peut être ne fera pas des citoyens tout à fait des citoyens.

Et donc, je dirais volontiers, avec Aristote, que pour cette citoyenneté-là, qui est celle de tous les jours, parce que peut-être que se positionner, essayer de penser ce qui arrive, essayer face à des situations émergentes, de les accueillir avec les mots qu'il faut, il me semble que cette citoyenneté-là, non seulement elle mérite que le patrimoine de toutes les autres paroles se trouve protégé, mais aussi elle mérite d'avoir à faire à des formes de transmission, de protection, qui ressemblent vraiment beaucoup à ce que free software a réalisé depuis trente ans pour nous.

Je vais aller, maintenant, de la citoyenneté locale, à la citoyenneté que j'appellerais globale. Depuis très longtemps, il me semble que ce sont les philosophes stoïciens qui ont commencé, qui ont dit que chacun de nous était aussi citoyen du monde, d'une certaine façon, et ils ont parlé d'un troupeau paissant, ayant pâture sur le même lieu. Il me semble que donc, si on parle de citoyenneté globale, il est assez intéressant d'adopter des analyses. Analyses qui sont devenues tellement cruciales, que je crois qu'elles sont même le soubassement actuel de la COP 21, les analyses d'un juriste qui s'appelle Rawls, R, A, W, L, S, Rawls, qui dans De la justice ' a posé la question de la citoyenneté de la manière suivante : « Chaque être humain qui va naître ne choisira pas où il va naître, ni quand il naîtra. ». On ne sait ni le lieu, ni le jour. C'est ce que Rawls appelle « la délibération sous voile d’ignorance », comme on ne sait pas quand chacun des êtres humains à venir, des êtres logiques, des animaux politiques à venir, comme on ne sait pas où chacun va naître, alors autant adopter des notions qu'on appelle des notions cosmopolitiques. C'est-à-dire qui regardent les citoyens du monde, les citoyens en tant qu'ils habitent la terre. Et pour minorer, pour rendre moins douloureux ce risque que celui-là qui va naître va naître sous une dictature, ou celui-là qui va naitre va naître dans un pays qui a dilapidé des ressources qu'il na plus, vous avez chez Rawls, dans De la justice, des notions qui au début étaient totalement nouvelles et qui nous sont devenues familières. Par exemple la notion de « développement durable », c'est du Rawls, développement durable. Comme on ne sait pas quand tel ou tel va naître, alors autant poser comme principe cosmopolitique, comme principe qui regarde toute la terre, aussi bien le développement durable, aussi bien ce qu'on appelle le principe de subsidiarité. Subsidiarité, lorsque il y a une tyrannie, lorsqu’il y a un régime politique qui écrase ceux qui demeurent dans ce lieu. Droit d’ingérence, subsidiarité, ce sont des notions cosmopolitiques.

10'33

Ce que je vais essayer de vous montrer,