Différences entre les versions de « Exemplarité de la Région : le choix technologique, un choix politique ! »

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'''Titre :'''  Exemplarité de la Région : le choix technologique, un choix politique !
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Publié [https://www.librealire.org/ecrire/?exec=article&id_article=971# ici] - Octobre 2021
 
 
'''Intervenant·e·s :''' Jean-Marie Chosson - Laurence Comparat - Marie-Jo Kopp Castinel - Pascal Kuckzynzki - Florian Cartellier - Anne-Sophie ???
 
 
 
'''Lieu :''' En ligne sur BigBlueButton
 
 
 
'''Date :''' 25 mai 2021
 
 
 
'''Durée :''' 1 h 29 min
 
 
 
'''[https://visiolb2.octopuce.fr/playback/presentation/2.0/playback.html?meetingId=d56260bb399a109ded0cfe39dbce79fb3e7521f8-1621964651021 Vidéo]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :'''
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Anne-Sophie Trujillo Gauchez : </b>Bienvenue à tous dans le cycle des Mardis du numérique éthique qui est organisé par le groupe de travail « Numérique et éthique » de la campagne régionale 2021 du Pôle écolo. Je m’appelle Anne-Sophie Trujillo Gauchez et je vais animer cette soirée. Je fais partie du Pôle écolo et j’ai un peu, modestement, contribué au groupe de travail numérique. On a ici des personnes qui le représentent plus dignement, notamment Florian Cartellier qui est là, que vous voyez sur vos écrans, qui est en <em>backstage</em> de cette soirée et qui va nous permettre de prendre des questions pour la fin, je vais vous expliquer un peu comment ça va fonctionner, pour la dernière partie de cet échange, collecter vos questions et se garder un temps de questions/réponses.<br/>
 
On a imaginé ces Mardis du numérique éthique pour créer des échanges sur le monde du numérique parce qu’on voulait que ce ne soit pas une question qui passe à la trappe dans cette campagne. On a envie, comme le titre de cette soirée le pose, « Exemplarité de la collectivité régionale : le choix technologique, un choix politique ! », de parler de numérique pendant ce temps-là et on a envie de voir comment les collectivités territoriales peuvent s’impliquer dans la transition numérique, comment faire pour que la région soit un modèle de numérique vertueux, comment répondre, à quels enjeux, pourquoi utiliser du Libre, pour quels usages, comment pérenniser, transformer, accompagner la transformation qui est nécessaire pour arriver à nos fins, quels sont les coûts pour la collectivité territoriale et comment on accompagne les gens à faire cette transition.<br/>
 
Pour aborder toutes ces questions et pas seulement celles-ci mais d’autres qui viendront au temps du débat, on a prévu quatre temps.<br/>
 
Un premier temps plus court, d’une quinzaine de minutes, qui va poser un petit peu les enjeux.<br/>
 
Un deuxième temps, d’une trentaine de minutes, sur l’importance de développer le logiciel libre et expliquer un peu le modèle économique, revenir sur les questions de financement, etc.<br/>
 
Un troisième temps sur la question de l’accompagnement, parce que ça nous semble important que les transitions soient accompagnées et c’est nécessaire d’engager du monde dans la bataille du changement.<br/>
 
Et puis on se gardera un petit temps, comme je vous disais tout à l’heure, d’une dizaine/quinzaine de minutes à la fin, pour répondre à quelques questions qui vous pouvez d’ores et déjà, dès le début des échanges, poser dans le <em>chat</em> et Florian qui est là va les collecter, en fera une synthèse et on se gardera quelques petites minutes pour répondre à vos questions.<br/>
 
 
 
C’est donc l’épisode 1 de nos Mardis du numérique éthique. On a ce soir quatre chouettes invités.<br/>
 
Parmi nous ce soit il y a Marie-Jo Cop qui est membre de l’association La Mouette, qui promeut l’<em>Open Document Format</em>, qui est aussi trésorière à FLOSS AUra puisque vous êtes la directrice de la société OpenGo qui est un organisme de formation pour adultes, surtout dans la bureautique logicielle et la migration vers LibreOffice et aussi vers d’autres logiciels, d’outils libres.<br/>
 
On a aussi avec nous Laurence Comparat – je commence par les femmes ce soir – qui est une ancienne élue de Grenoble, qui était adjointe déléguée à la libération des données publiques et l’utilisation et la sensibilisation aux logiciels libres. Vous êtes aussi ancienne présidente de OpenDataFrance entre 2017 et 2020 et vous allez pouvoir nous apporter toute votre connaissance de travail au sein des collectivités territoriales sur ce sujet.<br/>
 
On a ensuite Pascal Kuczynski qui est ici. Vous êtes le délégué général de l’ADULLACT, l’Association pour les développeurs et utilisateurs de logiciels libres dans les administrations et les collectivités territoriales, on est vraiment au cœur de notre sujet. Donc Pascal, cette association recense à peu près 400 adhérents directs mais touche jusqu’à 5000 collectivités, nous avez-vous dit quand on a préparé ça, et bien plus de personnes qui utilisent tous ces services. Le but de votre association c’est la promotion des outils libres dans les métiers des collectivités locales, donc on est vraiment au cœur de notre sujet.<br/>
 
Le dernier intervenant qui est là c’est Jean-Marie Chosson. Jean-Marie a été élu à plusieurs reprises, même conseiller régional en Rhône-Alpes déjà dans le mandat d’avant avant, le mandat 2010/2015. Jean-Marie a porté les politiques de migration de l’usage en bureautique de LibreOffice dans les services de la ville de Romans notamment et aussi dans le pays de Romans. Aujourd’hui, on le dit aussi très franchement, Jean-Marie est également partie prenante du Pôle écolo puisqu’il est candidat dans le territoire de la Drôme. En plus Jean-Marie nous a super fortement aidé puisqu’il a participé au groupe de travail « Éthique et numérique » qui organise ce soir cette soirée.<br/>
 
Voilà pour présenter nos chouettes invités. Merci grandement à vous d’avoir répondu présent ce soir.<br/>
 
Sans perdre trop de temps parce que la soirée va être courte, l’idée c’est de commencer peut-être par Jean-Marie, que tu poses le débat, poser un petit peu les enjeux, l’image du Libre est parfois à déconstruire. Est-ce que le Libre c’est sérieux, ce n’est pas sérieux ? Est-ce qu’il ne faut utiliser que Microsoft pour être considéré comme un pro ? Toutes ces questions sont déjà un petit peu arrivées. Est-ce que tu peux nous poser un petit peu les enjeux de pourquoi utiliser du Libre aujourd’hui et pourquoi c’est un choix politique ?
 
 
 
==6’ 44==
 
 
 
<b>Jean-Marie Chosson : </b>Le Libre, franchement, ce n’est pas sérieux de s’occuper de ça ! Sérieusement ! Je vais essayer d’aborder la question sous trois aspects dont l’aspect un peu technique, mais je ne suis pas technicien ; l’aspect un peu cadre de travail de l’élu puisque moi je suis candidat, Laurence a été candidate et toi, Anne-Sophie, tu es candidate aussi, donc le cadre de travail de l’élu et les principes qu’on doit respecter quand on est élu ; et puis un dernier petit truc sur le partage, qu’est-ce que ça veut dire partager avec le numérique libre.<br/>
 
Pour faire vite l’aspect technique, parce que je l’ai dit je ne suis technicien.<br/>
 
Un logiciel c’est un code écrit en langage de programmation et ce langage de programmation, ce code, est compréhensible par l’être humain qui, bien sûr, a appris à le faire, c’est-à-dire à lire ce code.<br/>
 
Ensuite ce code n’est pas lisible directement par la machine, il est traduit, on dit qu’il est compilé, il est traduit pour que la machine puisse s’en servir et, en quelque sorte, pour brancher le logiciel avec notamment toutes les parties matérielles et logicielles de la machine, de l’ordinateur sur lequel il est installé. Tous les logiciels fonctionnent comme ça. Ce qu’il est intéressant de remarquer c’est qu’entre le propriétaire et le Libre, pour le propriétaire, en fait, seule la partie compilée est distribuée. Ce qui fait quoi ? Ce qui donne quoi ? En fait quand on achète le droit d’utiliser – parce qu’on n’achète pas un logiciel, on achète juste le droit de l’utiliser dans des circonstances très limitées, etc. – quand on achète un logiciel on a ce qu’on appelle le langage machine, en quelque sorte, du logiciel, le langage incompréhensible par l’être humain et le logiciel s’installe suivant la procédure normale. Ce qui fait que n’importe qui ne peut aller voir comment fonctionne le logiciel, etc.<br/>
 
Le logiciel libre, quand il est distribué, lui est distribué en langage de programmation, ce qui fait que n’importe quelle personne ayant appris à le faire – bien sûr il faut quand même des compétences pour le faire – peut aller lire et peut aller voir ce qu’il a dans le ventre, en quelque sorte voir ce qu’il fait, etc. On dit que le code est ouvert et ensuite, une fois que le logiciel est à disposition, on peut le compiler, l’installer sur sa machine et on peut aussi installer un format directement en langage machine. Cela dit, ce qui est important c’est de savoir que le code est ouvert, ce qui fait que la grosse différence entre le propriétaire et le logiciel libre, c’est que dans le logiciel propriétaire il y a ce qu’on appelle une énorme boite noire ou plein de petites boîtes noires. Des boîtes noires ça veut dire qu’on ne peut pas aller voir ce qu’il y a dedans. Ce sont ces boîtes qui accueillent volontiers tout ce qu’on appelle les virus informatiques qui se développent, justement, dans ces systèmes où ne peut pas, si on n’a pas le code pour le faire, aller vérifier que tout fonctionne bien, etc.<br/>
 
Il y a une deuxième chose.
 
 
 
<b>Anne-Sophie Trujillo Gauchez : </b>Jean-Marie, je te coupe, essaye de ne pas toucher ton fil, je pense que c’est ça qui faut sauter pas mal le son.
 
 
 
<b>Jean-Marie Chosson : </b>Je fais attention, excusez-moi.<br/>
 
Le code est ouvert, donc les boîtes noires du logiciel propriétaire font qu’il peut y avoir, dans ces logiciels, ce qu’on appelle des portes dérobées qui permettent, je l’ai déjà dit, l’intrusion de virus malveillants, etc.<br/>
 
Alors franchement, ce n’est pas sérieux d’utiliser le logiciel libre ? Un logiciel plus sûr que le logiciel propriétaire ! Ça me fait rigoler !
 
 
 
Le deuxième aspect, quand on est élu on travaille dans un cadre légal, notamment le Code général des collectivités territoriales qui est un document qui est public, que vous pouvez télécharger en trois secondes sur Internet. Précédemment, il y a longtemps, il fallait que l’élu s’engage à gérer les deniers de la collectivité en bon père de famille. Cette expression a maintenant été enlevée puisque c’est une expression très genrée, mais l’esprit est le même. En bon père de famille, sans l’aspect genré, ça voulait quand même dire que c’est l’intérêt général qui doit primer dans la décision. De ce point de vue-là, en fait, quand vous achetez un logiciel propriétaire, pour faire vite et caricatural évidemment, en quelques minutes comme ça, eh bien vous avez en général une entreprise, pour les plus gros systèmes d’exploitation, les plus gros logiciels, de très grosses entreprises multinationales qui développent des produits fermés qu’elles distribuent à bon prix et, en fait, cela crée de véritables rentes de situation. Le travail mérite salaire, bien sûr, moi j’ai appris ça quand j’étais gamin avec grand-père, mais « tout travail mérite salaire » ne veut pas dire qu’on doive créer des rentes de situation où le jackpot est énorme quand on diffuse ces logiciels-là.<br/>
 
Avec le logiciel libre, ce qui est intéressant c’est que, évidemment, le programmeur, le codeur est payé, mais il est payé une seule fois – il y a aussi des gens qui codent du Libre bénévolement mais c’est rare en fait – la plupart des codeurs, Pascal nous en parlera tout à l’heure, sont comme tous les autres métiers, ils ont besoin de manger et d’avoir des loisirs, un logement, etc., donc les programmateurs sont effectivement payés. Mais quand on travaille pour une collectivité et qu’on est adhérent par exemple à l’ADULLACT, dont Pascal va nous parler tout à l’heure, en fait on s’organise entre collectivités pour développer un produit logiciel libre qui va être payé par l’ensemble des adhérents. Une fois que ce logiciel qui correspond à un besoin, par exemple, de l’ensemble des régions ou de l’ensemble des départements ou des communes, etc., est packagé, on dira qu’il peut être distribué à l’ensemble de ces collectivités notamment, mais il peut aussi servir à d’autres métiers, il peut servir à d’autres professionnels qui peuvent transformer et en faire un autre produit, etc.<br/>
 
Donc le maître mot dans le domaine c’est ce qu’on appelle la mutualisation.
 
 
 
<b>Anne-Sophie Trujillo Gauchez : </b>La communication coupe beaucoup. Comme tu nous as déjà bien dressé le départ, je pense qu’on peut…
 
 
 
<b>Jean-Marie Chosson : </b>Je voulais juste finir en disant que la troisième chose, c’est le partage entre les collectivités locales, typiquement évidemment, et le partage avec le grand public, les associations, les entreprises, etc. C’est vraiment une des valeurs importantes.<br/>
 
Excusez-moi pour le micro, je le coupe.
 
 
 
<b>Anne-Sophie Trujillo Gauchez : </b>Il n’y a pas de soucis.<br/>
 
C’est vrai que je voulais rebondir là-dessus, avec ce que tu disais tout à l’heure sur le premier des enjeux, et peut-être, Laurence, te donner la parole pour que tu puisses nous expliquer, pour la collectivité territoriale, quelle est l’importance de s’affranchir aussi du choix des logiciels propriétaires, fermés, et quels sont un petit peu les enjeux qu’une collectivité territoriale peut avoir à plonger dans le Libre.
 
 
 
==14’ 40==
 
<b>Laurence Comparat : </b>Merci.<br/>
 
Effectivement, Jean-Marie a déjà commencé à pas mal balayer ces enjeux-là.<br/>
 
En fait le numérique c’est comme la mobilité, c’est comme l’alimentation, c‘est comme l’éducation, c’est politique. On a tendance, en général, à l’aborder sous angle technique, y compris dans les collectivités. C’est un problème technique, c’est de l’informatique, ce sont des tuyaux, ce sont des ordinateurs, ce sont des logiciels, il faut que ça marche, mais il n’y a pas d’enjeu politique derrière. Or, il y a de vrais enjeux politiques derrière, fondamentalement. Il y a des enjeux de partage, Jean-Mairie l’a dit. Est-ce qu’on considère qu’on est dans une démarche de communs de la connaissance où ce que les uns et les unes vont concevoir va pouvoir être réutilisé librement par d’autres, va pouvoir être amélioré ? Est-ce qu’on est dans une démarche d’ouverture, de transparence ? Est-ce qu’on est dans un rapport au monde qui est basé sur ces valeurs-là ou est-ce qu’on est dans une logique capitaliste, propriétaire, verrouillée ? Donc on retrouve des modèles de société plus ou moins ouverts, plus ou moins coopératifs, plus ou moins vertueux dans le monde du numérique comme on va les retrouver sur les toutes autres thématiques que va gérer une collectivité locale. Donc il est fondamental d’avoir cette approche politique, de poser des choix et des décisions politiques dans le domaine du numérique, de la même manière qu’on va en poser dans les mobilités, dans l’alimentation, dans l’éducation et j’en passe.
 
 
 
Le fait que ces enjeux soient perçus comme politiques c’est en fait la première chose à faire parce que c’est rarement perçu comme ça. Sur l’alimentation, où il y a eu récemment des engueulées sur la place publique entre LREM et la mouvance de gauche, écologiste, citoyenne, on voit bien que c’est extrêmement politique. Tout de suite tout le monde perçoit que c’est politique quand on commence à parler de est-ce qu’il faut de la viande, pas de viande dans les cantines, l’enjeu politique va sauter à la figure de tout le monde.<br/>
 
Dans le numérique il est sous-terrain, il est caché, il est masqué. Donc la première qu’on a besoin de faire c’est de rendre visibles ces enjeux politiques.<br/>
 
Ça ne sera pas forcément tout balayé ce soir puisqu’il y a d’autres rendez-vous qui ont été prévus, mais il y a des questions de souveraineté numérique. Est-ce que j’ai la main sur mes données, les données que mes administrés me confient, sur mes missions de service public ? Est-ce que je les ai externalisées dans un <em>cloud</em>, à l’étranger, à une firme qui va en faire je ne sais pas quoi, qui va les filer à je ne sais pas qui ? Est-ce que je peux garantir à mes administrés que je protège leurs données ? Est-ce que je peux garantir que j’aurai toujours la possibilité de rendre mon service public ou est-ce qu’on risque de me couper la chique ? Donc il y a ces enjeux-là.<br/>
 
Il y a des enjeux d’égalité, d’inclusion numérique. Le numérique est un truc auquel tout le monde n’a pas accès, tout le monde n’est pas à l’aise avec. Ça coûte de l’argent, ça demande des compétences. Aujourd’hui on a plein de gens qui sont coupés du numérique et on a des administrations qui se numérisent de plus en plus, y compris dans leurs relations avec les personnes. Et là ça veut dire potentiellement rupture d’accès au service public, perte de droits, ruptu d’égalité. On voit bien que tout ça devient tout de suite très politique. Donc il faut que les élus soient conscients de ces enjeux-là politiquement parlant.
 
 
 
J’étais adjointe au maire à la ville de Grenoble sous le mandat 2014/2020 et ma délégation était effectivement autour de l’<em>open data</em>, des logiciels libres et de l’administration générale. On avait mis dans l’intitulé de la délégation l’ouverture des données publiques et l’utilisation et la diffusion des logiciels libres. Je n’étais pas adjointe au numérique. Il y avait un contenu politique dans l’intitulé de la délégation et ce n’était pas anodin. Il y avait une vraie volonté politique de marquer ça, c’était un signal aussi bien vers l’extérieur qu’à l’intérieur. Parce qu’après, quand j’allais voir les services pour dire « maintenant on va passer les écoles sous GNU/Linux », j’y allais avec mon collègue adjoint aux écoles, il y avait un projet politique derrière, on n’allait pas juste voir les services pour les emmerder à leur dire on va passer sous GNU/Linux, on n’allait pas juste voir l’Éducation nationale pour les emmerder pour leur dire on va passer sous GNU/Linux, il y avait un projet politique derrière. Il y avait deux adjoints, mon collègue en charge des écoles et moi, qui arrivions avec toutes les valeurs que j’ai décrites d’ouverture, de partage, de souveraineté numérique, que Jean-Marie a aussi élaborées, d’être maîtres et maîtresses, finalement, de son destin numérique, parce qu’aujourd’hui on ne nous apprend pas à être autonomes dans le monde numérique, on le subit ! On subit les logiciels, on subit ce qu’ils font, on se fait piquer ses données à longueur de journée et tout ça, si on ne fait pas gaffe, ça commence à l’école. C’est aussi pour ça qu’on avait fait de l’école une priorité. Il y avait deux grandes raisons, une raison politique qui était que, quelque part, c’est là que ça démarre et que, en tant que collectivité locale en charge d’équiper les écoles, on a une responsabilité à le faire proprement. Il y avait une raison qui était plus pratique qui était que c’était un endroit où on pouvait facilement basculer sous GNU/Linux parce qu’on n’avait pas la contrainte des logiciels métiers. Les logiciels métiers c’est ce qui va vous permettre de gérer vos RH, votre paye, le planning pour les rendez-vous à l’accueil, votre patrimoine, les factures d’énergie et j’en passe. Pour tout ça il y a des logiciels spécifiques, pour faire la paye, pour faire les RH, etc. Et, particulièrement quand on est une grosse collectivité, Pascal je suis navrée de le dire, on a du mal à avoir une offre 100 % libre pour couvrir l’ensemble des missions de service public qu’on doit offrir, donc on est coincé sous Windows.<br/>
 
Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas des logiciels libres qu’on peut déployer.<br/>
 
Quand j’ai terminé mon mandat, il y avait un projet en cours de changer la suite bureautique pour passer de Microsoft Office à LibreOffice, qui était un vrai projet de transformation numérique, de formation justement, d’acculturation des gens. On ne leur a pas juste dit « on vous enlève Microsoft Office, on vous met LibreOffice à la place ». Non ! On a cherché à comprendre ce qu’ils faisaient avec, est-ce qu’ils savaient s’en servir ? Quand on a mis en place ce nouvel outil, on a proposé un plan de formation, comment se servir d’un tableur, pas se servir de Microsoft Excel version 2008 ! D’un tableur, quel qu’il soit, d’un traitement de texte, quel qu’il soit, d’un logiciel qui permet de faire des diaporamas, quel qu’il soit, etc. Et le jour où je change de version, voire où je me retrouve avec du Microsoft Office, je saurai m’en dépatouiller, j’aurai grimpé en compétences, je serai plus autonome. Le Libre est aussi un projet émancipateur.<br/>
 
C’est aussi un projet en lien économique avec le territoire. Jean-Marie l’a dit et Pascal nous en parlera, je ne veux pas anticiper là-dessus : le modèle économique du Libre c’est « j’achète un service ». Je peux utiliser librement le logiciel, je peux le modifier librement ; en général, je ne sais pas forcément faire, je n’ai pas forcément les compétences, je n’ai pas forcément le temps en interne, donc je vais faire appel à des prestataires pour m’accompagner et je n’irai pas chercher ces prestataires à l’autre bout du monde. Je vais faire un appel d’offres avec des montants qui ne sont pas démentiels, donc je vais pouvoir faire appel à des acteurs de mon territoire et cet argent que je vais leur donner c’est de l’argent qui va circuler sur le territoire, qui va faire de l’emploi local, avec des gens qui vont utiliser les services publics locaux parce qu’ils ont des gamins et comme ils bossent ils vont pouvoir rester, etc. On met en place des cercles vertueux.<br/>
 
Je suis désolée je balaye tout ça extrêmement rapidement.
 
 
 
<b>Anne-Sophie Trujillo Gauchez : </b>C’est vraiment chouette. C’est rapide mais, à chaque fois, c’est vrai qu’on a là plusieurs clefs, effectivement dire que ce n’est pas seulement une question de choix dogmatique, mais qu’il y a vraiment un point politique derrière, c’est important.
 
 
 
<b>Laurence Comparat : </b>Ce n’est pas dogmatique, j’ai du mal à le saisir le concept qui consiste à dire que quand on fait de l‘idéologie on est un sale et une sale conne. Quand on s’engage en politique, on a évidemment un projet de société, donc on a une vision idéologique sur la société et ça n’est pas une insulte, c’est au contraire plutôt sain d’en avoir une. Prétendre qu’on n’en a pas et qu’on ne fait que de la gestion quand on fait de la politique, excusez-moi, c’est juste du foutage de gueule !<br/>
 
Je viens de coller dans le <em>chat</em> un lien vers <em>Cities for Digital Rights</em>, qui est un regroupement de villes qui, comme le nom l’indique, <em>in French in the text</em>, se sont regroupées au sein des villes pour les droits numériques dans une démarche qui a été initialisée par Amsterdam, New-York et Barcelone pour voir comment décliner les droits humains dans le monde numérique et quel rôle les villes, donc les collectivités locales si on traduit ça en français, peuvent jouer dans cette démarche-là. C’est une démarche qui est super intéressante. J’invite la future région Auvergne-Rhône-Alpes, qui aura changé de couleur politique, à y adhérer.
 
 
 
<b>Anne-Sophie Trujillo Gauchez : </b>Merci beaucoup Laurence. Ça me fait une bonne transition. Nos deux interlocuteurs nous ont quand même bien montré les différents enjeux. Pascal, vous avez une pratique de faiseur dans le job, justement pour promouvoir ces outils libres dans les métiers des collectivités territoriales. Est-ce qu’il y a d’autres enjeux qui vous semblent importants aussi de souligner ? Et sinon, pourquoi ça vous semble un bon usage de l’argent public que d’invertir dans du logiciel libre avec toute cette question de la formation dont on discutera ensuite plus particulièrement avec Marie-Jo juste après ?
 
 
 
==23’ 55==
 
 
 
<b>Pascal Kuckzynzki : </b>Très vaste question, disais-je, mais on a le temps.<br/>
 

Dernière version du 18 octobre 2021 à 15:38


Publié ici - Octobre 2021