Différences entre les versions de « Education, sanction, prospective : que peut (vraiment) la CNIL pour protéger nos données - Soft Power »

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
(Page créée avec « Catégorie:Transcriptions '''Titre :''' Éducation, sanction, prospective : que peut (vraiment) la CNIL pour protéger nos données ? '''Intervenants :''' Marie-Laur... »)
 
(Contenu remplacé par « Catégorie:Transcriptions Publié [https://www.april.org/education-sanction-prospective-que-peut-vraiment-la-cnil-pour-proteger-nos-donnees-emission-soft-pow ici]... »)
 
(19 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
 
[[Catégorie:Transcriptions]]
 
[[Catégorie:Transcriptions]]
  
'''Titre :''' Éducation, sanction, prospective : que peut (vraiment) la CNIL pour protéger nos données ?
+
Publié [https://www.april.org/education-sanction-prospective-que-peut-vraiment-la-cnil-pour-proteger-nos-donnees-emission-soft-pow ici] - Octobre 2019
 
 
'''Intervenants :''' Marie-Laure Denis - Yves Citton -
 
 
 
'''Lieu :''' <em>Soft Power</em>, France Culture
 
 
 
'''Date :''' juin 2019
 
 
 
'''Durée :''' 1 h 28 min 10
 
 
 
'''[http://rf.proxycast.org/1584705048787558400/10183-23.06.2019-ITEMA_22095694-2.mp3 Écouter ou télécharger le podcast]'''
 
 
 
[https://www.franceculture.fr/emissions/soft-power/education-sanction-prospective-que-peut-vraiment-la-cnil-pour-proteger-nos-donnees Page de présentation de l'émission]
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Illustration :'''
 
 
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br />
 
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
 
 
Transcription : MO
 
 
 
==Description==
 
 
 
Un an après l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD), où en sommes-nous aujourd'hui ? Au-delà, qu'est-ce qui est mis en place pour protéger nos données ? Que peut (vraiment) la CNIL ? Nous en discutons avec sa présidente, Marie-Laure Denis.
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Voix off : </b><em>Soft Power</em>, Frédéric Martel.
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>France Culture. Bienvenue dans <em>Soft Power</em>, le magazine des industries culturelles et du numérique, en direct jusqu’à 20 heures 30.<br/>
 
La CNIL, la Commission nationale informatique et libertés, est là pour nous protéger. Cet organisme national a d’ailleurs comme devise, disons, <em>protéger les données personnelles, accompagner l’innovation, préserver les libertés individuelles</em>. Depuis février la CNIL est présidée par la magistrate Marie-Laure Denis qui est mon invitée ce soir. Bonsoir Madame.
 
 
 
<b>Marie-Laure Denis : </b>Bonsoir Frédéric Martel.
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>Vous êtes conseillère d’État. Avec vous nous parlerons des données comme enjeu de pouvoir, des données comme enjeu éthique. On dressera un premier bilan du RGPD, un an après, et on essaiera aussi d’imaginer l’avenir de la CNIL, au moment où tout ça s’accélère, où évidemment ces débats sont globaux et non pas simplement nationaux. La CNIL qui a 40 ans et peut-être pas tout à fait toutes ses dents !<br/>
 
Vous serez interrogée ce soir par trois journalistes, Marie-Laure Denis, sur France Culture en direct : Sandrine Cassini du journal <em>Le Monde</em>. Bonsoir Sandrine.
 
 
 
<b>Sandrine Cassini : </b>Bonsoir.
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>Gilles Fontaine de <em>Challenges</em>.
 
 
 
<b>Gilles Fontaine  : </b>Bonsoir Frédéric.
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>Et Zoé Sfez de France Culture. Bonsoir Zoé.
 
 
 
<b>Zoé Sfez : </b>Bonsoir Frédéric. Bonsoir à tous.
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>Toujours au sommaire de cette émission, nous parlerons ce soir de deux livres, celui de Françoise Nyssen, <em>Plaisir et nécessité</em>, un plaidoyer <em>pro domo</em> de l’ancienne ministre de la Culture et puis <em>East Village Blues</em> de Chantal Thomas.<br/>
 
Et puis en seconde partie d’émission, à 20 heures, votre invité innovation ce soir, Zoé Sfez ?
 
 
 
<b>Zoé Sfez : </b>C’est, comment est-ce qu’on peut dire ça, le professeur de littérature et de médias, Yves Citton, qui travaille depuis très longtemps sur la question des médias et de l’attention et qui publie, qui codirige un ouvrage assez massif et important aux éditions UGA <em>Écologies de l'attention et archéologie des média</em>. On va essayer de poser les enjeux théoriques de sa recherche qui est une recherche qui, évidemment, éclaire sur une série de sujets dont nous parlons toute l’année ici dans <em>Soft Power</em>.
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>Et 20 heures 10, on continuera justement à parler de pensées et d’idées dans <em>Le club de la presse numérique</em>, car nous parlerons ce soir des penseurs du Web que sont ces auteurs qui nous aident justement à penser les mutations numériques. On fera un état des lieux, un tour d’horizon ; les penseurs du numérique et de la transition numérique.<br/>
 
Voilà pour le sommaire de ce magazine <em>Soft Power</em> ce soir. Cette émission est réalisée par Véronique Vila avec en régie ???. <em>Soft Power</em> c’est aussi sur les réseaux sociaux au mot clef softpower et un podcast chaque semaine sur le site de France Culture. Sur itunes c’est sur l‘application podcast de votre smartphone. <em>Soft Power</em> jusqu’à 20 heures 30 sur France culture en direct notamment.
 
 
 
<em>Plaisir et nécessité</em>, tel est le titre d’un livre que l’ancienne ministre de la Culture, Françoise Nyssen, vient de publier aux Éditions Stock. Je commence cette émission en revenant sur ce récit à la première personne dont on a d’ailleurs déjà parlé sur France Culture, notamment je crois Mathide Serrell dans sa <em>Chronique matinale</em> et bien sûr Françoise Nyssen elle-même invitée des <em>Matins</em>.<br/>
 
Avec un peu de recul et après une lecture attentive, je dois dire que cet ouvrage m’a intéressé car il nous livre une vision interne, à vif, du pouvoir et notamment du fonctionnement du ministère de la Culture.<br/>
 
Avant d’en venir à sa fonction, Françoise Nyssen décrit minutieusement dans son livre son parcours, celui d’une femme de nationalité belge qui ne s’est jamais totalement sentie chez elle dans la politique française et dans les dîners en ville. Pourtant ce parcours est plus militant qu’on ne le croyait, plus politique aussi, notamment plus à gauche. Les pages qu’elle consacre ensuite à Actes Sud, la maison d’éditions que son père, Hubert Nyssen, a fondée et dont elle a hérité sont passionnantes et bouleversantes Celles aussi qu’elle dédie à son fils Antoine, une jeune garçon surdoué qui s’est suicidé à 18 ans et dont le souvenir demeure à chaque minute d’une vie ainsi bouleversée, à chaque page de ce livre, et sans doute aussi à chaque moment de son action politique inattendue. En lisant ces pages on reste sans voix.<br/>
 
La tragédie de Françoise Nyssen, car c’en est une, est là dans dans brutalité ; une femme un peu hors-sol qui n’appartient à aucun parti, une éditrice brillante et convaincue qui n’avait aucun réseau politique, aucune connaissance des institutions, aucun allier dans la haute administration et pas non plus dans la presse. Tout ce beau monde, énarques et journalistes mêlés, lui a fait payer fort cher d’être une outsider.<br/>
 
Les chapitres qu’elle consacre à ces 17 mois passés au ministère de la Culture sont donc une description brute et parfois naïve de la rue de Valois et des ego démesurés que l’on y croise.<br/>
 
Le Premier ministre Édouard Philippe est la victime collatérale de ce livre. Il y est critiqué à de multiples reprises par Françoise Nyssen pour être un homme qui n’aurait pas le souci de l’art et ne s’intéresserait qu’aux questions de budget. On apprend au passage qu’Édouard Philippe était hostile au Pass Culture et il l’est sans doute toujours.<br/>
 
Les conseillers du Premier ministre, énarques et peu soucieux d’art eux non plus mais seulement d’audiovisuel, sont également raillés sans être nommés, tout comme la conseillère culture d’Emmanuel Macron, distante, réservée, pas assez franche. Stupéfaite, Françoise Nyssen découvre d’ailleurs que les notes qu’elle adresse au président de la République ne lui sont pas remises.<br/>
 
Dans son livre, elle sauve pourtant de ce jeu de massacre le président Macron dont elle trace un portrait chaleureux au chapitre 24. Un portrait, c’est beaucoup dire. Car ce livre est rédigé comme une longue interview orale, enregistrée puis retranscrite, sans aucun style. Souvent l’auteur se répète comme si elle ne s’était pas vraiment relue ou n’avait guère été éditée. D’ailleurs j’ai l’impression que ce <em>quick book</em> a été réalisé à partir d’entretiens oraux puis retranscrits par une plume disons bienveillante, comment savoir ?<br/>
 
Le livre est donc sans talent aucun. Il confirme à ses dépens qu’un éditeur est rarement un bon écrivain, une exception étant justement son père, Hubert Nyssen, dont les deux tomes de mémoires, <em>L’éditeur et son double</em>, que nous avons lus jadis, étaient de bonne tenue.<br/>
 
Dans son livre, Françoise Nyssen apparaît fondamentalement sympathique, avec une sincérité à fleur de ligne. Toute sa vie elle a cherché à corriger son image ; elle n’a pas voulu être seulement la fille de son père, ce qu’on lui a longtemps reproché. Elle a voulu être ministre en charge qui ne se laissait imposer ni les nominations ni ne perdait ses arbitrages. Son directeur de cabinet, Marc Schwartz, c’est bien elle qui l’a voulu, insiste-t-elle, pourtant il a été bientôt viré.<br/>
 
La mission d’Erik Orsenna sur les bibliothèques, celle Stéphane Berne sur le patrimoine, Nyssen les a voulues aussi. La culture près de chez vous, son grand plan culturel qu’elle continue à juste titre à défendre, c’est elle encore.<br/>
 
Bien sûr elle aurait aimé avoir un secrétaire d’État chargé de l’audiovisuel auprès d’elle pour l’alléger, lui donner de l’oxygène quand déjà elle s’asphyxiait, mais son directeur de cabinet n’en a pas voulu.<br/>
 
Régulièrement dans son livre, Françoise Nyssen critique les nominations trop lentes, alors même qu’elle n’avait que dix conseillers dans son cabinet, qu’elle était censée travailler avec ces directeurs d’administration centrale qui n’était pas nommés. On perçoit là une contradiction fondamentale du macronisme qui consiste à tout vouloir régenter depuis l’Élysée et, bien sûr, qui échoue à le faire dans le temps.<br/>
 
Françoise Nyssen est besogneuse, têtue et consciencieuse. Au ministère elle adopte une hygiène de vie rigoureuse : plus une goutte d’alcool , du yoga chaque jour et de la méditation.<br/>
 
Elle a été blessée, et le dit, qu’on dénonce des subventions abusives à Actes Sud ou encore un risque de conflit d’intérêt avec le milieu de l’édition, sans parler de ces fameuses mezzanines hors-normes, qui ont fait couler beaucoup d’encre. Dans le livre, l’éditrice millionnaire se défend bien ; elle est convaincue et on est plutôt enclins à croire son honnêteté. Après tout qu’Actes Sud, grande maison de littérature notamment étrangère, installée à Arles, bénéficiait d’importantes subventions est tout à fait justifié : Actes Sud est une maison d’intérêt général.
 
 
 
À la lecture de ce livre, écrit comme un plaidoyer, on sourit quelquefois, par exemple lorsque Françoise Nyssen écrit, je la cite : « La marge de manœuvre dont je disposais était quasi nulle », ou quand elle tente de justifier son annonce, ridiculisée par tous, de faire circuler <em>La Joconde</em>.<br/>
 
Souvent elle dit qu’elle n’a pas compris, qu’elle ne comprend pas, qu’elle ne sait pas très bien ce qui s’est passé. Heureusement pour nous, elle rend à plusieurs reprises un bel hommage à France Culture, merci pour nous.
 
 
 
Françoise Nyssen a été beaucoup critiquée, y compris sur cette antenne et même dans cette émission. On oublie souvent, lorsqu’on critique l’action d’un ministre, que derrière la politique il y a une personne, derrière il y a un être humain qui peut être blessé. De cette blessure Françoise Nyssen a fait un livre.
 
 
 
Je retiendrais finalement sa passion pour ça, pour les livres, du moins pour ses propres livres. On est surpris, en effet, que la ministre cite majoritairement des auteurs d’Actes Sud dans son propre ouvrage : Paul Auster, Nina Berberova, Edgard Morin et Nancy Houston, Henry Mandras et le grand Alaa al-Aswany, ou même Nicolas Mathieu, un peu comme si Rimbaud, Shakespeare ou Dostoïevski n’existaient pas tant qu’ils ne sont pas publiés ou traduits par sa maison d’édition.<br/>
 
Lorsque j’ai lu le chapitre 32 de son livre qui est construit sur le mode du <em>Je me souviens</em> de Gorges Pérec, j’ai commencé à douter. Le chapitre est médiocre, bien sûr, car n’importe quel auteur sans talent pourrait aligner ainsi ses « Je me souviens », mais Françoise Nyssen nous surprend d’abord agréablement. Au lieu de citer Pérec en modèle, elle cite, l’air de rien, le <em>Je me souviens</em> de Joe Brainard. On sait rarement en France que Pérec a plagié, du moins emprunté, sa grande idée à Joe Brainard qui avait créé avant lui ses <em>I reember</em>, même si Pérec a eu la délicatesse de le citer au début de son propre livre, édité à l’époque chez P.O.L puis chez Hachette et plus récemment chez Fayard. On se dit alors que Françoise Nyssen est lettrée et qu’au lieu de citer Pérec comme n’importe qui, elle cite Brainard. C’est habile et original, on l’aime davantage pour ça. Hélas, notre plaisir ne dure pas quand on découvre justement que l’éditeur français de ce Joe Brainard n’est autre qu’Actes Sud. C’est un détail bien sûr, mais le diable, on le sait, se cache dans les détails.<br/>
 
Françoise Nyssen était une ministre qui aimait les livres, une éditrice et maintenant une essayiste qui nous dit aimer les livres mais qui aime d’abord le seuls livres qu’elle édite et qu’elle veut nous vendre. C’est peut-être ici que réside fondamentalement le problème Nyssen.<br/>
 
Françoise Nyssen , <em>Plaisir et nécessité</em> chez Stock.
 
 
 
<b>Pause musicale : </b><em>Georgia</em>, Kevin Abstract.
 
 
 
En écho à Tyler The Creator que nous avons écouté récemment dans cette émission, le rappeur Kevin Abstract à l’instant, lequel s’inscrit dans le même mouvement qui fait du hip-hop bien plus qu’un genre musical, mais aussi un style, un mode de vie, une attitude. Tyler The Creator et Kevin Abstract partagent d’ailleurs une même filiation : tous les deux sont ouvertement gays et en parlent dans leur rap, ce qui est rare, en tout cas reste rare, dans le hip-hop noir américain et tous deux flirtent aussi avec la pop, certains titres du troisième album solo de Kevin Abstract ayant d’ailleurs été réalisés avec la complicité du producteur et auteur pop Jack Antonoff.
 
À l’instant c’était <em>Georgia</em> de Kevin Abstract.
 
 
 
<b>Voix off : </b>France Culture, <em>Soft Power</em>, Frédéric Martel.
 
 
 
==13’ 37==
 
 
 
<b>Frédéric Martel : </b>Marie-Laure Denis
 

Dernière version du 1 octobre 2019 à 12:53


Publié ici - Octobre 2019