Données sur place ou à emporter - T.Nitot - 56Kast

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Titre : Vos données, vous les voulez sur place ou à emporter ?

Intervenant : Tristan Nitot - Erwan Cario - Camille Givaudan

Lieu : Émission 56Kast - Numéro 100

Date : Mars 2017

Durée : 33 min 20

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Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO Relecture en cours Didier

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Camille : Aujourd’hui c’est le 100 Kast, c’est le 56Kast numéro 100 et pour l’occasion nous avons fait venir Tristan Nitot.

Tristan : Waouh !

Camille : Et aussi Erwan Cario. Bonjour.

Erwan : Centième. Hé ! C’est énorme. C’est au-delà. C’est beau. Est-ce que vous vous souvenez du premier ? Tu étais là en plus sur le premier 56Kast. Non ? Ce n’était pas toi ? Je ne sais plus.

Tristan : Tu me confonds avec une autre.

Erwan : Non mais très très vite, parce que c’était…

Camille : Je n’ai aucun souvenir du premier.

Erwan : Tu n’as aucun souvenir ! Avant on a fait quand même 68 écrans pour faire le podcast. Eh ben non, on en a fait plus.

Camille : On avait des casques sur les oreilles à l’époque.

Erwan : On en fait plus on en a fait 68 sur Nolife. Mais on en a fait plus parce qu’on en a fait avant. On n’a même pas tenu les comptes tellement on en a faits. Et puis un jour on a été obligés de déménager à Nolife parce qu’il fallait passer en HD et qu’on n’avait pas de matos à Libération et donc on a eu ce formidable décor, qui est là depuis 100 numéros.

Camille : Avec le meme cat .

Erwan : Avec le meme cat .

Camille : Top de la mode en 2011, quand même !

Erwan : C’est un décor un peu so 2011 , mais ce n’est pas grave on l’assume et l’aime quand même ce meme cat.

Tristan : Dans trente ans il sera à nouveau à la mode.

Erwan : C’est ça !

Camille : C’était la meilleure période de la culture web.

Erwan : Exactement ! C’est une sorte d’apothéose de la culture numérique aussi, le meme cat. Il faut le percevoir comme étant un peu, voilà ! Il y a une croissance qui part je ne sais pas, ça part d’où  ?

Camille : Vers le ciel.

Erwan : Ça part du keyboardcat et puis voilà et tous les autres. Et il y a le meme cat .

Camille : Celui qui danse.

Erwan : Et depuis c’est fini. Depuis il n’y a plus rien quoi !

Tristan : Si. On a Trump sur Twitter, c’est quand même dramatique !

Erwan : Voilà, on préférait lememe cat.

Camille : Un petit Potager du web quand même pour te prouver qu’il y a encore des mèmes qui nous font rire.

Erwan : Oui !

Camille : C’est toi qui m’as mis le téléphone sous les yeux en disant: « Regarde, c’est trop drôle ! ».

Erwan : C’est vrai. D’ailleurs là on fera un mème qui est trop cool. Mais quand même 100 56Kast. Parce que c’est toi qui avais inauguré, oui, je me rappelle parce que tu devais être au premier ou au deuxième, le potager du web. Mais non pas le Potager du web, le Quartier libre !

Camille : Le Quartier libre.

Tristan : Le Quartier libre.

Erwan : Le Quartier libre.

Camille : Sur le serveur libre qui maintenant est juste un Quartier libre qui invite tout le monde, y compris des botanistes et des spécialistes de lumière.

Erwan : C’est ça !

Tristan : On s’est libérés, en fait !

Erwan : Ouais, on s’est très très libérés cette saison 56Kast pour arriver à ce centième, parce que, avec Camille aux commandes, on dérive vers la science et c’est absolument incroyable, quand même on a parlé d’ADN, on a parlé de Jupiter, on a parlé de météorites, on a parlé de plein de choses. C’est absolument passionnant.

Tristan : Et maintenant j’apprends des trucs, tu vois, en regardant le 56Kast.

Erwan : C’est ça. Avant tu connaissais tout !

Tristan : Pas tout, tout ! Beaucoup. Mais elle arrivait à dénicher des vidéos, des machins, des trucs qu’on pourrait qualifier d’improbables, mais là c’est du savoir scientifique ! Ça fout les jetons.

Camille : Ça donne envie.

Erwan : Mais quand même la bonne nouvelle c’est que sur une idée quand même pas forcément bancale, mais on ne savait pas forcément où on allait on arrive à faire 100 numéros. C’est le centième aujourd’hui. Et c’est vrai que c’est cool que tu sois là. C’est bien !

Tristan : Oui ! Mais je suis très content. Très ému !

Erwan : On est ravis !

Camille : Ça se voit que tu as bu plusieurs cafés ce matin, déjà. Juste du point de vue historique, il faut dire qu’on est en train de remettre toutes les archives sur YouTube. Je pense que je vais intensifier le rythme parce que un par semaine ça ne va pas assez vite, parce que j’ai envie qu’on vienne vite aux vieux podcasts où on avait des casques sur les oreilles. Voilà ! On va tout mettre sur YouTube et vous pouvez vous abonnez à la chaîne

Erwan : Il faut rappeler qu’il y a une chaîne 56Kast sur YouTube où vous pouvez vous abonner parce que c’est cool.

Tristan : C’est même très très recommandé quoi !

Erwan : Exactement.

Camille : On est plus à 56 K, maintenant, on est à l’ADSL, au moins !

Tristan : Certains ont peut-être même la fibre ! On ne sait pas !

Camille : Moi j’ai l’ADSL, une très bonne ADSL. Bon on commence !

Erwan : Non on peut continuer à en parler. Allez on va commencer.

Camille : Sérieusement. Il y a question qu’on se pose c’est : « Vos données vous les voulez sur place ou à emporter ? » C’est ce que va nous dire Tristan.

Quartier Libre

Erwan : Je peux faire une remarque ? Parce que, bon, moi j’aurais voulu en savoir un peu plus sur l’élément 100 du tableau périodique de Mendeleïev.

Camille : L’élément 100, parce que aujourd’hui c’est le fermium Kast. L’élément 100 est le fermium. Il est nommé en l’honneur du physicien italien Enrico Fermi, dont vous avez sans doute déjà entendu parler.

Erwan : Tout à fait. Physique quantique

Camille : Le fermium a été découvert comme tous les autres de sa famille dans les années 50 plus précisément en 1952. Et en fait, il était dans les retombées de la première explosion de bombe à hydrogène de l’histoire glorieuse de l’humanité. Et vous vous souvenez, je vous ai déjà parlé de cette explosion, puisque c’est dans les retombées qu’on avait trouvé aussi l’einsteinium, c’était le 56Kast numéro 99, l’einsteinium étant l’élément numéro 99. Le fermium s’il faut résumer, c’est un métal super méga radioactif.

Erwan : Merci Camille.

Tristan : D’accord !

Camille : De rien Erwan.

Erwan : Merci ! Merci ! Vraiment.

Camille : On va pouvoir lasser au quartier libre et si on passait une deuxième fois le clip.

Erwan : Oh ouais, on passe une deuxième fois le Quartier libre.

Quartier libre

Camille : Pourquoi c’est toujours avec toi que c’est n’importe quoi les émissions, je ne sais pas !

Tristan : En plus je suis super calme. Il n’y a rien, c’est vous.

Erwan : C’est ton aura.

Tristan : C’est ça. C’est mon côté catalyseur, en fait. Tu vois je ne sers à rien. J’arrive, je repars de la même manière et vous ne faites que des conneries.

Camille : Mais c’est un peu un pendant de la technique du canard en plastique, tu connais en informatique, où quand tu as un problème, il suffit que tu en parles à n’importe qui, qui n’est pas obligé de répondre, ça peut être un canard en plastique, c’est le simple fait de formuler ton problème qui t’aide à trouver la solution.

Tristan : Exactement !

Camille : En là en fait, ta simple présence nous aide à être hors limites !

Tristan : Très bien.

Erwan : Mis à part ça, le sujet est sérieux.

Camille : La portabilité des données.

Tristan : Ouais, complètement. En fait il faut donner un petit de contexte. Ça vient de la GDPR [General Data Protection Regulation, NdT], du RGPD – Règlement général sur la protection des données – qui est donc un règlement européen.

Erwan : C’est ça. Vu le nom c’était européen !

Tristan : Oui. Et alors, le problème, si tu veux, c’est que c’est un sujet qui peut paraître barbant, mais en fait c’est quand même vachement intéressant. Vous vous souvenez on avait la loi informatique et libertés, en 78, etc., et puis ça a évolué, en 95 ils ont fait un truc européen, c’était un peu compliqué. Et ils se sont décidé à refaire une loi sur les données pour toute l’Europe, avec deux objectifs. Le premier objectif c’était de redonner aux citoyens le contrôle de leurs données personnelles, ce que je trouve est une excellente idée, et c’est pour ça que c’est intéressant. Et pour les entreprises qui trouvaient que c’était quand même très compliqué toutes ces histoires, de simplifier l’ensemble. Donc une loi plus efficace pour les gens et plus simple à appliquer pour les sociétés. Donc c’était quand même bien.

Évidemment ils ont mis des années à nous pondre quelque chose. Ça a été voté en 2016 et le 25 mai 2018, ça rentre en vigueur de façon obligatoire sur l’ensemble de l’Europe. Donc c’est ça qui rend les choses plus simples puisque c’est pareil dans toute l’Europe avec des choses assez étonnantes, c’est que, par exemple, c’est une application dite extraterritoriale. C’est-à-dire que si tu es un citoyen européen, eh bien la GDPR ou le RGPD s’applique aussi aux sociétés hors Europe qui t’offrent un service.

Camille : Ah !

Tristan : Donc Google et compagnie, Facebook, etc., sont de facto obligées de se soumettre au RGPD et ça, ça va avoir des impacts intéressants.

Camille : C’est le truc qu’on ne sait pas encore faire pour les impôts, par exemple ?

Tristan : Voilà, mais sur les données ça va se mettre en place.

Erwan : C’est-à-dire ?

Tristan : Sur la fiscalité.

Camille : Les impôts des sociétés genre Google et Facebook, qui officient en France et qui les payent là où ça les arrange.

Erwan : Ah Oui !

Tristan : Mais dans la mesure où l’utilisateur final a un traitement personnalisé et il se trouve en Europe, eh bien à ce moment-là le RGPD s’applique et c’est compliqué, évidemment c’est pour ça que ça a mis du temps à arriver. Les Google et compagnie ne se sont pas laissés faire, ils ont fait du lobbying et tout

Camille : Ça doit être un truc de bien alors !

Tristan : Et il y a un énorme bâton à la clef, c’est que les amendes pour ne pas suivre le RGPD c’est jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires, mondial.

Camille : Ça commence à faire !

Erwan : Ah Oui !

Tristan : Tu imagines 4 % du chiffre d’affaires de Google ou de Facebook, ça fait très,très mal

Erwan : Par utilisateur ?

Tristan : Non.

Erwan : Moi, je demande !

Tristan : Et c’est bien parce que ça va avoir un vrai impact, on l’espère. Maintenant, si tu veux, c’est compliqué de légiférer dans un domaine comme l’informatique, on va dire – maintenant vous savez qu’on ne dit plus informatique on dit numérique pour ne pas dire digital.

Camille : Non, s’il te plaît, non.

Tristan : Non ! Et donc dans le numérique, eh bien c’est difficile de légiférer parce que les usages, les technologies avancent vachement vite et donc il fallait trouver le juste équilibre parce que c’est là pour durer. La loi informatique et liberté elle a duré des décennies, eh bien là il faut aussi que ça dure. C’est-à-dire qu’il faut légiférer dans non plus boucler toute l’industrie.

Erwan : Et c’est tellement important cette loi parce qu’en fait on voit bien aujourd’hui, surtout aujourd’hui avec Google évidemment, Facebook, et tous les autres réseaux sociaux qui sont aussi sur ces modèles-là, l’argument principal, et même la façon dont ils se sont construits, c’est la captivité de leurs utilisateurs. C’est-à-dire qu’on commence à utiliser un service Google, qui nous relie à un autre service Google, qui nous relie à un autre service Google et puis finalement on finit par utiliser tellement de services Google que nos photos sont stockées puis sont reliées à nos mails.

Tristan : Tu vas me spoiler là.

Erwan : Ah oui d’accord je vais te spoiler la suite. C’est pour dire que le truc…

Tristan : Et c’est même encore plus large que ça. J’ai noté cinq points, il y a en plein ! C’est un machin, c’est un vrai livre écrit dans une langue qui ressemble un peu au français et à l’anglais, mais tu ne comprends pas quand même. Il y a des trucs qui vont vraiment toucher les gens. Le premier, je ne suis pas totalement convaincu qu’on va réussir à le faire, c’est ils disent : « Il faut un consentement explicite et positif des utilisateurs. » C’est-à-dire quand on utilise les données des utilisateurs et qu’on les collecte, eh bien il faut que les gens soient d’accord. C’est une bonne idée sauf, qu’en fait, c’est peut-être une mauvaise. Si vous utilisez un site web, à chaque fois il vous dit : « Attention, j’utilise des cookies ». Et tu cliques. Et si tu veux ça c’est typiquement, là-dessus je ne suis pas super excité parce que je vois bien le moment où il fait : « Attention nous utilisons des cookies et nous collectons des données ». Et là c’est oui ou en savoir plus ou tu quittes, si tu veux. C’est peut-être le point le moins sexy de la chose. J’en parle parce qu’il faut s’en débarrasser. Ce qui prouve bien la difficulté de légiférer dans un système comme ça.

Erwan : Ce site est interdit aux moins de 18 ans, oui/non. Êtes vous majeur ? Oui/non ?

11’ 38

Tristan : Il y a des choses quand même plus positives et plus intéressantes, enfin en tout cas j’espère efficaces avec de l’impact, c’est le droit à l’effacement, aussi appelé aussi droit à l’oubli. Sous certaines conditions tu peux demander à retirer tes données, elles soient complètement effacées, ça n’a pas existé. Il y a un certain nombre de conditions, donc ce n’est pas automatique, mais tu peux demander un effacement de tes données chez un fournisseur.

Erwan : Un effacement réel ? Ce n’est pas une suppression de compte où quand tu le réactives trois mois plus tard.

Camille : Ah Bienvenue ! Ça fait trois mois et deux jours que vous n’êtes pas venu !

Erwan : Nous avons conservé tous vos amis, toutes vos photos et tous vos contacts.

Tristan : Et c’est là que le coût des amendes à 4 % du chiffre d’affaires mondial prend tout son sens. Il y a des chances que ça soit vraiment réel, parce que sinon ça pourrait vraiment très mal finir. Donc ils ont des chances que les sociétés obéissent.

Le troisième point qui est vraiment bien, c’est le droit de refuser de faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé. C’est-à-dire que ce n’est pas simplement les réseaux sociaux en fait.

Camille : Explique-nous, s’il te plaît.

Tristan : Eh bien oui ! Ton assureur ou ton banquier qui fait des calculs de risque, etc., est-ce qu’il va te prêter plus ou moins cher ou il va te facturer une prime d’assurance plus ou moins cher en fonction des données personnelles que tu as fournies et qui sont calculées par un algorithme. Il regarde l’algorithme. Par exemple Facebook a fait ça. Facebook a déposé un brevet en disant : « Moi je suis capable de calculer le risque de crédit des gens en fonction des gens qu’ils ont dans leurs réseaux d’amis ». Et ça c’est entièrement automatisé. Ça ne dépend finalement plus de toi. L’idée c’est : dans des cas comme ça tu peux refuser et tu peux demander une solution alternative pour analyser ton taux de crédit, enfin sur la décision qui te concerne. Peut-être que tu peux voir un vrai banquier ou un vrai assureur et lui parler de ta vie et de ce que tu veux faire avec cet argent ou de pourquoi tu as eu des problèmes pour rembourser. Tu vois, autre chose qu’une simple formule mathématique dans une boîte noire et qui se nourrit de données personnelles et qui fait : « Ah ! Eh bien nous allons prêter de l’argent ou un crédit à la consommation seulement avec un taux lamentablement délirant. Là tu peux dire : « Là je ne veux pas que les décisions... »

Camille : Ce qui paraît être la moindre des choses. Mais en fait !

Tristan : Oui, mais jusqu’à présent ce n’était pas le cas, ce n’était pas nécessaire. Maintenant c’est écrit noir sur blanc, les sociétés qui prennent des décisions sur toi sur la base de données personnelles, elles ne peuvent pas être 100 % algorithmiques si tu demandes à ce qu’elles ne soient pas seulement algorithmiques. Voilà ! Donc c’est important parce que dans un monde où est de plus en plus entourés d’algorithmes et qui est basé sur les données personnelles, eh bien il faut que l’humain ait encore sa chance à exister, si tu demandes à ce qu’il existe.

Quatrièmement : notification en cas de fuite de données. Eh bien oui, si tu veux tu sais il y a deux catégories de sociétés : il y a celles qui se sont fait pirater et celles qui ne savent pas encore qu’elles l’ont été. Et donc il faut qu’elles disent quand elles se sont fait pirater, que tu puisses prendre des mesures.

Camille : La moindre des choses bis !

Tristan : Encore une fois la moindre des choses, seulement ce n’était marqué nulle part. Évidemment ça se fait de prévenir ses clients mais c’est quand même une mauvaise idée. Enfin c’est une bonne idée, mais sur le court terme tu te traînes quand même une campagne de presse pas bonne et c’est comme ça qu’on a vu par exemple Yahoo qui s’est fait pirater je crois un million de comptes qui a mis super longtemps à le dire, etc.

Erwan : Il a imposé le changement de mot de passe et ce genre de choses.

Tristan : Là pareil tu as le bâton et si vous ne le faites pas, c’est une amende qui peut aller jusqu’au 4 % du chiffre d’affaires ce qui est quand même monstrueux !

Erwan : Soit 23 euros pour Yahoo.

[Rires]

Tristan : Cette méchanceté, ça ne te grandis pas Erwan, tu vois !

Erwan : Pardon.

Camille : Il est déjà un peu dalton donc s’il grandit ! J’ai fait une blague !

Tristan : 23 euros quand il t’en reste, je ne sais pas, 2 000, eh bien c’est beaucoup ! Et le dernier qui est celui qui m’intéresse le plus, c’est celui de la portabilité des données, d’où ce titre merveilleux : « Voulez-vous vos données sur place ou à emporter ? »

Camille : Ça c’est quand on veut quitter un service.

Tristan : Quand on veut quitter un service, alors ils parlent de notion de traitement, ils parlent de responsable de traitement. C’est-à-dire qu’en fait tu ne vas pas récupérer tes données, mais tu peux transférer tes données d’un responsable de traitement à un autre responsable de traitement. Parce qu’on se doute bien que tes données…

Erwan : De manière brute, ça ne sert à rien !

Tristan : Tes données, tu peux les récupérer, pourquoi pas, mais tu as assez peu de choses à en faire.

Camille : Si on prend un exemple, tu me diras si c’était un bon exemple après, si aujourd’hui je veux récupérer toutes mes données sur YouTube, il me fait un gros zip avec mes vidéos dedans, je n’ai plus les métadonnées qui étaient associées et tout ça, et donc après je n’ai plus qu’à les re upoloader une par une sur un autre service. Alors que ce qu’il faudrait c’est que YouTube communique directement à mon nouveau service pour que les données soient les mêmes.

Tristan : Voilà, exactement. Donc responsable de traitement de l’un à l’autre. Par exemple tu veux quitter YouTube pour aller chez Dailymotion ou le contraire, et tu peux donc transférer tes données et après tu as des détails de mise en œuvre, comme tu dis, quel est le type de données transférées, et comment aller les transférer et pour ça il y a des gaglines, alors je ne sais pas comment on dit en français.

Camille : Des recommandations ?

Tristan : Ouais, des recommandations de mise en œuvre en fait, qui sont en train d’être écrites. Eh bien nous chez Cozy, on est allés voir la CNIL G29 qui est le rassemblement des CNIL européennes. Et on est allés les voir parce qu’ils font des appels à commentaires. On leur a dit : « C’est bien la portabilité des données, seulement dans le texte vous dites qu’il faut que ça soit sans frictions, sans gêne », c’est <ewm>without ??? in English, parce que le texte est en anglais, et nous ce qu’on voudrait c’est de dire :« Attendez, il faut mettre des API », pour qu’il n’y a ait pas de frottements, pour ne pas que ça soit compliqué, toi tu ne veux pas mettre des obstacles. L’esprit de la loi c’est qu’il ne faut pas qu’il y a ait des obstacles dans le transfert.

Camille : Pour rappel, une API c’est ? Programmer par interface ?

Tristan : En français, merde ! Interface programmatique. Voilà. Ouais, mais on dit interface programmatique en français. In English c’est Application Programming Interface.

Camille : C’est une interface qui est programmé pour que ?

Tristan : C’est une interface d’un logiciel vers un autre logiciel pour qu’ils puissent se brancher et discuter entre eux.

Camille : Se comprendre de manière compatible.

Tristan : C’est un genre de norme, en fait, un mode de discussion entre les deux. Alors on voudrait qu’il y ait le mot API dans les recommandations.

Camille : Qu’ils soient imposés.

Tristan : Parce que sinon, eh bien on imagine très bien le processus qui va se passer. Les mecs vont traîner des pieds pour mettre en place ces API, ils vont te mettre un machin un peu branlant et, de fait, ça va créer de la friction dans les transferts. Les sociétés ne sont pas pressées, non plus, que tu partes avec tes données. Du coup tu as des procès, machin, et résultat ils ont gagné cinq ans dans la portabilité des données. Donc ce qu’on voudrait c’est que dans les recommandations de mise en œuvre, ça soit bien marqué API, comme ça on va les gagner ces cinq ans, c’est tout de suite. La loi dit : « C’est des API », et à ce moment-là on aura une portabilité qui sera plus vite mise en place.

Camille : Parce qu’en plus on peut supposer qu’ils sont de bonne volonté, quand même, en écrivant cette loi ; ils ne sont pas contre !

Tristan : Qui ? Eh bien ça dépend. Parce que, si tu veux, tu as la Commission européenne qui a fait ce travail, mais après ils consultent ou ils sont influencés par des lobbies qui leur disent : « On n’est pas contre la portabilité… Ce n’est pas bon… C’est compliqué, ça va coûter cher, ça va être mauvais pour l’Europe. Vous ne voulez pas faire ça ! »

Erwan : ??? du champagne.

[Rires]

Tristan : C’est ça. Ce n’est pas moi qui l’ai dit. Et donc voilà, ce genre de choses et au final on a ce texte, mais maintenant ça y est il est public et on peut commencer à le critiquer avant qu’il ne soit mis en œuvre le 25 mai 2018, pour qu’on ait une vraie portabilité des données.

Camille : On peut faire quelque chose pour vous aider ? Genre manifester dans la rue avec des panneaux : « On veut des API ! »

Tristan : Ce n’est pas bête ça. En fait on a déjà publié nos recommandations ; on les a données au G29. On a réussi à avoir des tas de signataires, la start-up Snips, par exemple, des Français qui font de l’intelligence artificielle, Dashlane, des gestionnaires de mot de passe, Framasoft, forcément nos petits camarades.

Camille : Jamais entendu parler !

[Rires]

Tristan : Qwant, OVH, la MAIF et bien sur Cozy puisqu’on était à l’initiative de ce truc-là.

Camille : Et du ???

Erwan : Mais alors pour vous montrer quand même, rapidement, à quel point c’est important c’est que aujourd’hui la valorisation de Google et de Facebook, qui sont des valorisations astronomiques en termes de capitalisation, la valorisation c’est leurs utilisateurs. Et pourquoi ils sont aussi valorisés ? C’est parce que les utilisateurs sont ultras captifs. C’est-à-dire que aujourd’hui, même s’il y avait, en termes de qualité pure, un service équivalent à l’univers Google ou un service équivalent à l’univers Facebook, eh bien les gens ne veulent pas perdre. On est coincés parce qu’on a son Gmail, son Google photos, son Google Doc, son Drive, tout ça ; et côté Facebook, ses vidéos, ses amis, tous ces univers-là, et aujourd’hui c’est impossible de prendre ça avec nous et d’aller mettre ça sur un autre service. Toute l’importance de cette loi c’est aussi de permettre la nouvelle émergence de nouveaux services, de nouveaux challengers. Parce qu’aujourd’hui on dit vachement de bien de l’économie numérique, de cette nouvelle économie formidable où tout le monde peut réussir, sauf qu’on en est train d’avoir des forteresses installées qui commencent à être imprenables et qui sont en train de scléroser aussi complètement l’écosystème à ce niveau-là. Et donc en termes d’énergie, de bouillonnement créatif, c’est super important d’avoir de genre de loi.

Tristan : Oui, parce que, en fait, plus les sociétés grossissent, plus elles se sclérosent, moins elles innovent. Alors qu’en fait ceux qui innovent ce sont les petits qui n’ont rien à perdre, qui ont des idées. Il y en a plein qui meurent, mais ceux qui ont des super idées et qui les exécutent bien, ils survivent. Et pour qu’ils aient une chance de grossir à leur tour et que les gens puissent choisir d’aller chez eux, il faut une portabilité des données, parce que sinon, même si tu as une start-up super innovante, comme les gens sont enfermés chez Amazon par exemple avec Alexa et Echo.

Erwan : Avec ??? aussi.

Tristan : Chez Google ou chez Facebook, pour que des challengers puissent émerger il faut une portabilité des données. Donc c’est indispensable pour la liberté des citoyens. C’est indispensable pour l’innovation qu’il y ait une portabilité. Et si innovation il y a, ils sont challengés et donc ça va les pousser à se bouger, à offrir des services de meilleure qualité. Donc c’est pour ça qu’il faut absolument agir.

Erwan : Et c’est aussi pour qu’il y a une vraie conséquence à des révélations comme Snowden. Snowden c’était quand même super fort quand c’est arrivé sauf que, en fait, on avait notre Gmail, nos photos, notre Facebook, tout ça. On disait : « C’est horrible, mais en même temps je n’ai pas envie de partir. Enfin ce n’est pas que je n’ai pas envie de partir, c’est que ce n’est pas possible. Je suis trop dans ma routine. » Avec cette loi-là, il y a un nouveau Snowden ou un nouveau truc encore pire, parce qu’il y aura des choses encore pires qui vont arriver, eh bien on dira : « Ah, ben oui, mais finalement je vais peut-être appuyer sur un bouton pour garder tout mon environnement, mon historique, et aller m’installer mon propre cloud personnel, par exemple ».

Tristan : Par exemple, au hasard ? Chez Cozy !

Erwan : Ah, je ne l’ai pas dit !

Tristan : Moi oui.

Erwan : Chez Cozy ou d’autres. Il y en a plein d’autres.

Tristan : Avec un logiciel si possible libre parce que c’est mieux, évidemment tu contrôles mieux, et après tu mets chez l’hébergeur de ton choix. Voilà.

Erwan : Voilà, c’est ça. Tout à fait.

Camille : Mais j’aime bien quand on a des notes d’espoir parce qu’en ce moment c’est très déprimant le 56Kast. Là au moins, on a un objectif quoi !

Tristan : Là c’est bien, ça a l’air rébarbatif, mais en fait c’est super important. Voilà : 25 mai 2018. Soyez prêts.

Camille : On y croit. Est-ce que ça vaut une licorne ou pas ?

Erwan : Une licorne, mais oui, mais oui. Une licorne.

Camille : Eh bien licorne.

[Affichage d’une licorne et musique Glorius midi unicorn – Andrew Huang]