Déframasoftisons Internet - Pierre-Yves Gosset - Framasoft

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Titre : Déframasoftisons Internet [Framasoft]

Intervenant : Pierre-Yves Gosset

Lieu : Expériences Numériques # 23 - Espace Public Numérique - Maison Pour Tous - Salle des Rancy - Lyon

Date : novembre 2019

Durée : 1 h

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Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription : MO

Description

Après avoir mené avec un certain succès la campagne « Dégooglisons Internet » en 2014, l’association Framasoft annonce fin 2019 arrêter progressivement un certain nombre de ses services alternatifs aux GAFAM. Pourquoi ?

Transcription

Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Pierre-Yves Gosset. Je suis directeur et délégué général d’une association qui s’appelle Framasoft. Framasoft c’est français-mathématiques au départ, le « fra » et le « ma ». On est une association qui est basée sur Internet même si nos locaux sont à Lyon parce que ça fait quelques années que j’habite Lyon du coup « le siège » entre guillemets me suit. [Tu rallumes la lumière Baptiste, c’est ça. OK, ça roule, pas de souci.] Je reparlerai de qui on est, de ce que ce qu’on fait. L’idée aujourd’hui, c’est une conférence qui tourne beaucoup autour de Framasoft même si je vais parler des GAFAM, mais ça fait suite à une espèce de panique qu’il y a eue sur Internet quand on a dit qu’on allait fermer un certain nombre de services. Je vais réexpliquer tout ça et je vais, du coup, beaucoup parler de nous en tant qu’association, du bilan et de l’expérience, des expériences qu’on a vécues et du bilan qu’on peut faire de ces expériences au bout de quelques années de dégooglisation d’Internet.

C’est quoi Dégooglisons Internet ?

Dégooglisons Internet c’est une campagne qu’on a lancée, là c’était aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre à Montpellier en 2014 où on annonçait, j’annonçais cette idée de projet de Dégooglisation en disant en 2014 on va sortir un certain nombre de services en ligne alternatifs à ceux de Google ; en 2015 on en rajoutera, en 2016 et puis normalement, en 2017, on aura atteint ce qu’on voulait faire et on verra bien ce qu’on fera.

Les objectifs de Dégooglisons Internet. Le premier objectif c’était de sensibiliser le public à la toxicité des GAFAM, donc Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, et, autour de cette sensibilisation on se disait, on ne peut pas juste dire aux gens – [entrez, je ne mange pas. Bonjour, prenez place, bonjour, prenez place, NdT tourné vers du public qui entre] – l’idée c’était de dire que si on sensibilise les gens au fait que les GAFAM sont toxiques, on ne peut pas juste leur dire ça et ne pas proposer de solutions derrière. Donc on s’était dit, dès 2014, il faut qu’on démontre que le logiciel libre est une solution à cette toxicité des GAFAM, donc qu’on peut quitter, au moins en partie Google, pour aller ailleurs et cet ailleurs il faut bien qu’il existe, il faut bien que les gens puissent le tester, donc on s’était dit on va monter des services alternatifs à Google, on va les mettre à disposition du public et on verra bien ce qui se passe.
Le troisième objectif c’était l’essaimage. Je reviendrai dessus tout à l’heure, mais l’objectif de Framasoft n’a jamais été de devenir le Google du Libre, ça a toujours été de dire : nous on fait la démonstration et puis on essaiera d’essaimer notre démarche auprès d’autres structures.

Ces trois objectifs qui étaient annoncés en 2014, le bilan qu’on est fait c’est quoi ?
Ça c’était le carte : en 21014 on avait fait une carte tous les services qui nous posaient problème qui vont de Doodle à Trello à GitHub à Google Agenda, YouTube, etc. Et on s’était dit tous ces services-là posent problème. Je ne vais pas revenir, je pourrai revenir très rapidement sur les problèmes que ça pose ; en tout cas on identifiait ces différents services.

Une autre raison qui nous a poussés à lancer Dégooglisons Internet c’était les révélations d’Edward Snowden, à l’été 2013. Edward Snowden révèle qu’il y a une collusion, finalement, entre les services de renseignement américain à savoir la NSA et neuf entreprises américaines à savoir Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Yahoo, Cisco et IBM. Donc quand Edward Snowden fait cette révélation-là, on se regarde entre nous dans l’association et on se dit en fait on ne peut pas rester sans rien, donc il faut qu’on fasse quelque chose d’où le fait qu’on ait préparé cette campagne.
L’autre raison qui nous pousse à lancer cette campagne Dégooglisons Internet, je vous parlais de la toxicité des GAFAM, c’est qu’on identifie trois grands types de problèmes, on pourrait même dire quatre, posés par ces entreprises, et là je ne vais pas rentrer dans le détail parce que ça fait quatre ans que j’explique à coups de 30 conférences par an quels sont les problèmes de la toxicité des GAFAM, mais, en gros, on peut résumer ça en trois points :
le premier problème c’est la domination technique de Google, de Facebook, etc., c’est-à-dire qu’ils sont partis d’Internet mais aujourd’hui ils sont dans nos téléphones, dans nos frigos, dans nos voitures ; ??? système faisait une conférence sur Alicem, la reconnaissance faciale, etc., et il n’est pas du tout impossible qu’il y ait, à un moment donné, du code de Google ou autre qui intervienne pour faire de la reconnaissance faciale, donc au niveau des algorithmes qui seront développés ils vont être en partie développés, sans doute, par ces entreprises. Donc ces entreprises sont à la fois partout techniquement mais pas uniquement sur Internet, elles touchent à tout ce qui est numérique et aujourd’hui, le numérique étant à peu près partout, eh bien forcément celui qui contrôle numérique contrôle une bonne partie de la vie des gens. Ça c’est le premier problème qui est assez trivial.
Le deuxième problème sur lequel on a beaucoup travaillé, aujourd’hui ce n’est même plus la peine d’en parler parce que tous les jours il y a des articles sur l’hyper-puissance financière des GAFAM, c’est le problème de la domination économique. J’aime beaucoup ce schéma qui montre comment en 2001 on est passé d’une seule entreprise du numérique, en vert, c’était Microsoft, les autres c’étaient General Electric donc voitures, réseaux, etc., Exxon c’est le pétrolier, Citigroup c’est l’immobilier et le dernier c’était Walmart qui est l’équivalent de Carrefour aux États-Unis. Ça c’était les plus grosses capitalisations boursières en 2001 et, petit à petit, vous voyez Microsoft au départ perd et c’est Apple qui rentre et en 2016 on a bien une rupture très forte, on n’a que des entreprises du numérique qui sont les plus grosses capitalisations boursières mondiales en quelques années. Donc là on voit bien et encore, aujourd’hui les chiffres sont plus importants : Apple et Amazon ont été les premières entreprises de l’histoire de l’humanité à dépasser les 1000 milliards de capitalisation boursière, c’était en 2018.
Le troisième problème qui est là aussi maintenant de plus en plus traité par la presse, c’est celui de la domination culturelle et politique. Il me faudrait trois heures de plus pour revenir dessus, mais je vais la faire très courte. La façon dont je vois les choses, c’est que, un peu comme la télévision ou le cinéma ont été des moyens de diffuser, j’allais dire de propagande, oui quelque part de propagande, complètement, en tout cas dans l’après-guerre, de propagande d’un certain modèle de vie américain, donc l’American way of life. Personnellement j’ai grandi en regardant je ne sais pas La Petite Maison dans la prairie ou des choses comme ça, donc c’est le modèle familial avec un papa, une maman des enfants ; je ne sais pas, d’autres séries, une fameuse série Ma sorcière bien-aimée – je suis vieux – avec cette fois-ci la voiture, le travail, le papa qui travaille, la maman à la maison ; enfin ces modèles-là ont complètement modelé nos sociétés actuelles et notre analyse c’est de dire qu’aujourd’hui Internet est en train de faire ça à une échelle beaucoup plus grande et beaucoup rapide. Typiquement, aujourd’hui, une série Netflix sort du jour au lendemain et elle est sur Internet de partout, partout à la surface du monde, disponible dans neuf ou dix langues, et ça permet de diffuser, encore une fois, un modèle de vie, des modèles de consommation, etc. Donc ça c’est plus pour la domination culturelle, en gros c’est Hollywood mais sous stéroïde, Internet.
Il y a l’autre domaine qui est la partie politique, sur laquelle là aussi il faudrait trois heures, sur les affaires Cambridge Analytica, le fait qu’on arrive aujourd’hui avec des entreprises qui ont un pouvoir politique, donc la capacité, potentiellement, d’influer sur des élections alors qu’elles prétendent être totalement neutres politiquement. Donc ça pose évidemment problème.

Donc voilà. On a fait ça pendant ces trois/quatre/cinq dernières années, donc depuis 2014 on a beaucoup expliqué tout ça.

Je reviendrai après sur le bilan de la partie sensibilisation.

Le bilan de la partie démonstration, qui était le deuxième objectif de Dégooglisons Internet, c’était de proposer des services donc une fois qu’on a bien expliqué ce qu’est le modèle toxique des GAFAM, eh bien il fallait proposer des alternatives à tous ces modèles. Là je vais aller très vite, ne vous inquiétez pas. Si vous cherchez la liste de tout ce qui va suivre dans les 15 prochaines secondes, vous retrouverez tout sur le site qui s’appelle degooglisons-internet.org, vous pouvez rajouter « liste », sinon vous cliquez sur l’image qui vous amène à la liste de tout ça, donc on a sorti plus de 30 services, on a été à 38 services alternatifs. En gros on a fait dix services par an depuis 2014. Donc vous aviez :

  • Framapad
  • Framacalc
  • Framabag
  • Framadate
  • Framindmap
  • Framanews
  • Framasphère
  • Framabin
  • Huit.re
  • Framapic
  • Framagit
  • Framabee
  • Framabookin
  • Framagames
  • Framadrive
  • Framapad plus Mypads
  • Framaboard
  • Framadrop
  • Framacarte
  • team
  • vox
  • test
  • listes
  • notes
  • agenda
  • forms
  • talk
  • maestro
  • slides
  • Frama.sites
  • Framatube
  • et le dernier qui ne s’appelle pas « Frama » parce qu’on en a eu marre, s’appelle Mobilizon.

Donc le résultat de tout ça c’est qu’on a pris chaque service, entre 2014 et on va dire fin 2017 quasiment, où on a proposé des alternatives à chacun de ces services.

On voit ici, je n’ai pas mis l’image à jour, les alternatives à Change ou à Meetup sont en cours.
On a décidé finalement de ne pas faire une alternative à Gmail parce que ça nous coûtait une blinde et qu’on n’arrivait pas l’argent. Je n’ai pas précisé mais Framasoft est une association loi 1901, on ne vit que des dons, donc quand on n’avait pas les moyens eh bien on ne pouvait pas faire, on n’a pas pu faire Framamail tout simplement parce que ça coûtait beaucoup trop cher.

Ce qu’on a fait avec tout ça, c’est qu’on a réussi à démontrer que le Libre était une réponse qui était valable,qui était légitime et qui était solide par rapport à ce que proposent les GAFAM. Évidemment, on n’a pas la qualité ergonomique, graphique d’un Google ou autre, eux pèsent 1000 milliards de dollars, nous on est une petite association française, il faut bien l’entendre. On a fait un travail d’éditeur et de mainteneur, on propose aujourd’hui probablement, ce qui est plutôt rigolo pour une micro-association francophone, la plus grosse offre mondiale de services libres, éthiques, décentralisés et solidaires, accessible gratuitement. On pourrait penser qu’on va faire cocorico, pas forcément, mais en tout cas je ne connais pas d’autre structure dans le monde qui aie cette offre-là.

12’ 14

Aujourd’hui, techniquement, on gère 103 domaines, six serveurs physiques, on est à 80 machines virtuelles aujourd’hui, gérés par une équipe ridiculement restreinte, on est une des grosses associations du Libre francophone, Framasoft, mais concrètement c’est 35 adhérents. Moi je travaille à côté de la place Mazagran, concrètement le jardin partagé qui est à côté de la place Mazagran, à quelques centaines de mètres d’ici, a plus d’adhérents que n’en a Framasoft et on « sert » entre guillemets, aujourd’hui environ 500 000 personnes chaque mois et ça réclame évidemment de maintenir tout ça.
On peut dire que sur le côté démonstration on a fait ce qu’il y avait à faire.

Sur le côté sensibilisation,dont je vous parlais tout à l’heure, on a expliqué pendant plusieurs années notre analyse de la toxicité des GAFAM et, concrètement, on a à peu près fait tous les médias possibles et imaginables sur cette question-là, donc la presse, la télé, la radio, on est passés à peu près partout.
On est une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique, donc on a fait aussi beaucoup d’interventions ; typiquement, ce que je fais aujourd’hui, rentre dans les missions de l’association Framasoft. On a fait en gros plus de 300 conférences, ateliers, stands, sur les quatre ans allant de la MJC à la Commission européenne, donc on est passés aussi à peu près partout.

Sur les argumentaires on a réussi à faire passer un certain nombre de choses.

Sur la sémantique aussi, c’est-à-dire qu’on fait partie, je pense, des associations et des structures qui ont poussé à parler des GAFAM en rajoutant Microsoft et à ne pas exclure Microsoft. GAFA, pour la légende, je n’ai jamais trop trouvé la source, mais il y a une espèce de rumeur qui voudrait que terme GAFA ait été lui-même forgé par Microsoft pour dénoncer ce qu’étaient ces GAFA. Pour nous ça paraissait important de remettre Microsoft dedans, parce que Microsoft fait aussi partie de ces cinq entreprises les plus riches du monde qui utilisent finalement le numérique pour soumettre, pour moi, les publics. Donc, à un moment donné, faire passer le terme GAFAM et non pas GAFA, on se dit que là aussi on a joué notre rôle.
Sur le terme Dégoogliser aujourd’hui, je ne vais pas dire que c’est passé dans le langage courant, ça reste encore réservé à certains publics, en tout cas c’était rigolo parce qu’en 2014 je me souviens personne que n’arrivait à prononcer le terme « dégoogliser » ; aujourd’hui ça pose beaucoup moins de difficultés.

Donc sur le bilan sensibilisation, là aussi on a plutôt bien fait notre travail.

Sur le bilan essaimage c’est un peu plus nuancé. On a lancé fin 2016 un collectif qui s’appelle CHATONS. CHATONS veut dire Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires. L’idée c’était quoi ? Framasoft, dès le départ avait choisi, avait souhaité ne pas être la structure qui allait lutter contre Google. On est une petite association, on est une bande potes, on s’est dit ça ne nous intéresse pas d’avoir toute cette pression-là sur les épaules, et je vais revenir dessus après, donc on s’est dit en fait la seule façon qu’on va avoir de résister réellement notamment à Google ou à Facebook c’est plutôt d’y aller ensemble – je pourrais faire des parallèles avec les luttes collectives qui s’organisent ou aujourd’hui ou le 5 décembre –, mais l’idée relevait un peu ça : c’était de dire qu’ensemble on est plus fort et que dans un mouvement, à partir où il y a un chef qui décide de tout, ce mouvement pour moi est voué à sa perte. Donc on ne souhaitait pas être chefs de quoi que ce soit et on s’est dit on peut impulser un collectif dans lequel les gens pourront décider comment est ce que eux résistent sur leur territoire parce que ce n’est pas la même chose quand on habite à Lyon que quand on habite à Rennes où Google s’implante assez fortement ou à Saint-Étienne où ils ont d’autres problématiques. L’idée c’était de dire que ce n’est pas Framasoft qui est une association qui est essentiellement sur Internet mais plutôt basée à Lyon qu’on va décider du type d’action qu’il faudrait faire à Rennes ou à Lille, etc. Donc il vaut mieux laisser émerger un certain nombre de structures locales qui connaissent bien, chacune, leurs problématiques locales.
L’idée, avec CHATONS, c’était finalement de faire une espèce d’AMAP du numérique, c’est-à-dire qu’au lieu de livrer des choux et des carottes, eh bien on vous propose des services informatiques.
Donc à Lyon il y a plusieurs membres du Collectif CHATONS. Aujourd’hui il y a une soixantaine de membres dans ce collectif et à Lyon vous avez notamment Hadoly, hébergement associatif, décentralisé, ouvert à Lyon, je n’étais pas sûr de l’acronyme. Vous avez d’autres chatons qui sont en train de se créer, que ça soit à Lyon ou autour de Lyon, donc ça permet de dire qu’il n’y a pas que Framasoft qui fait des choses. Il y a d’autres structures qui se montent et qui proposent des services un petit peu comme les propose Framasoft, mais à un public que vous allez pouvoir rencontrer, parce que rencontrer Framasoft c’est toujours un petit peu compliqué, parce qu’on a plein d’autres choses à faire essentiellement alors que ces structures-là ont du temps.

Je passe la partie internationalisation, juste pour dire sur l’essaimage mondial qu’il y a d’autres structures qui sont, en gros, un petit peu des chatons à l’étranger. Nous, CHATONS, on est un collectif très francophone, mais vous avez par exemple X-net en Espagne, Autistici en Italie, weho et disroot aux Pays-Bas, Alimende en Allemagne, etc. Donc petit à petit il y a un mouvement un petit peu européen autour de ça qui se crée et c’est plutôt bien. Encore une fois CHATONS n’a pas vocation à devenir le chef de tout ça. On n’a pas la même culture en Suède, aux Pays-Bas , en Espagne ou en France, donc ça nous paraissait intéressant d’avoir des collectifs un peu différents.
Donc là on n’a pas tout à fait réussi. D’un autre côté ça date de fin 2016 donc ce n’est pas non plus très vieux et il fallait bien, à un moment donné, qu’on se foire quelque part et là-dessus, très honnêtement, on n’est pas encore au top de ce qu’on pourrait faire pour essaimer le travail qui a été fait par Framasoft.

Modèle éco

Là je vais revenir un petit peu sur qui on est et les impacts que ça a eu sur notre association. Le but c’est de vous amener à pourquoi est-ce qu’on déframasoftise et, en tout cas, comprendre pourquoi est-ce qu’on déframasoftise, du coup il faut comprendre ce qui s’est passé pour nous, en tant qu’êtres humains, ces quatre ou cinq dernières années.
Il y a plein de choses chouettes. Typiquement les recettes de l’association sont aujourd’hui basées exclusivement sur le don. C’est-à-dire que vous venez, vous trouvez que ce qu’on fait c’est bien et vous nous faites un don qui peut être d’un euro, qui peut être de cinq euros, dix euros, cent euros ; c’est défiscalisable, je dis ça parce qu’on approche de la fin de l’année donc voilà ! Si vous avez un petit peu de sous vous pouvez faire un don à Framasoft. Donc on est arrivés fin 2018, sur l’année 2018, à un budget de 475 000 euros ce qui est très conséquent pour une association ; je ne pense pas qu’il y ait d’autres associations du Libre en France, voire en Europe, qui ait ce type de moyens-là. Concrètement, aujourd’hui cet argent sert à payer neuf salariés qui maintiennent les services, qui en développent de nouveau, etc. Donc en gros l’argent repart quasiment dans les salaires, dans les transports parce qu’on fait beaucoup de conférences un peu partout en France, ça a un coût, et puis dans des prestations : typiquement on va payer un designer pour travailler sur un logiciel, on va payer un graphiste ou une graphiste pour travailler sur un autre, etc. On a fait réaliser des petites vidéos, eh bien tout ça c’est un coup 5000 euros, un coup 10 000 euros, etc., donc il faut quand même un petit peu d’argent en dehors de ça.
Mais retenez que globalement on est a plus que doublé les recettes de l’association, ce qui est très chouette, mais ça n’a pas été non plus sans conséquences. Donc c’est basé quasi exclusivement sur le don.
Pour ceux et celles qui se poseraient la question, c’est quoi les 6 % des autres revenus ? On vend des tee-shirts et des bouquins et ça nous arrive, vraiment exceptionnellement, de faire une prestation, je ne sais pas, on nous propose du pad à Wikimedia France et ils nous payent pour ça ; on maintient les pads d’autres associations à d’autres structures. Mais notre objectif est vraiment de rester une association loi 1901 pas du tout de devenir une société de services en logiciels libres.

Donc on a en gros 5000 donateurs et donatrices et on se rend bien compte aussi que ce modèle est difficilement reproductible, c’est-à-dire qu’on a une vraie chance à Framasoft, c’est qu’on peut ouvrir notre gueule sur à peu près n’importe quel sujet, y compris vis-à-vis de politiques. Concrètement, si on veut dire « Macron c’est de la merde », on peut le dire, si on veut dire « Mélenchon c’est de la merde », si on veut dire « Machin c’est de la merde », on peut le dire aussi. Évidemment on est une association a-partisane, on ne relève d’aucun parti, mais le fait de vivre des dons d’une multiplicité de donateurs et de donatrices nous permet d’avoir une véritable indépendance dans nos projets et politiquement, ce qui est évidemment un très grand privilège.
On est aussi militants, militantes associatifs et là aujourd’hui on s’inquiète beaucoup de l’état de l’écosystème associatif en France et on ne peut pas dire aux gens « nous, Framasoft, on est basé sur le don donc, vous n’avez qu’à, vous aussi, monter une association basée sur le don ». Ce serait complètement prétentieux et complètement déconnecté d’une réalité où, avant de pouvoir avoir 500 000 euros de dons par an, eh bien il faut plusieurs années, il faut des projets qui marchent et il faut de la chance. On a eu aussi de la chance.
Donc on ne peut pas dire que ce modèle économique soit réutilisable, en tout cas diffusable tel quel.

Développement de l’asso

Au niveau des adhérents on est resté à 35, il y a eu à peu près un tiers de renouvellement des adhérents et adhérentes de Framasoft, mais volontairement on est resté une petite association. je reviendrai sur cette question de la non volonté de croissance à l’heure de la startup nation.
On est passé de deux à neuf salariés entre 2013 et 2018.
On a changé nos processus comptables puisque le niveau de dons qu’on a aujourd’hui nous oblige à avoir un commissaire aux comptes qui est indépendant et qui vient vérifier qu’on ne fait pas de la merde avec l’argent que vous nous donnez. Ce commissaire aux comptes, évidemment, il impose une comptabilité très rigoureuse, ce qui n’était pas forcément le cas avant où on était une plus petite association et, comme dans beaucoup d’associations, la compta était quelque chose de géré qui reposait sur un membre ou deux ce qui va rappeler des choses à Baptiste. Donc là maintenant il a fallu s’organiser différemment, donc il y a tout un processus qui a été changé dans l’association.
On a aussi changé nos statuts associatifs. On est passé d’une association qui était tout à fait classique, pyramidale, avec un président, un secrétaire, un trésorier, enfin le truc classique, des membres en dessous, tout ça formait l’assemblée générale de l’association, à une association beaucoup plus collégiale. On a toujours des présidents et présidentes : on a deux co-présidents deux co-présidentes, mais qui n’ont rien strictement aucun pouvoir et il n’y a plus de trésorier, il n’y a plus de secrétaire, ce sont uniquement des groupes de travail dans l’association.
On a aussi obtenu un agrément jeunesse-éducation populaire de façon à se mettre en accord avec nos valeurs.