Culture numérique - introduction - 2ème partie - Hervé Le Crosnier

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Titre : Culture numérique - introduction - 2ème partie

Intervenant : Hervé Le Crosnier

Lieu : Caen - Centre d'enseignement multimédia universitaire

Date : septembre 2017

Durée : 56 min

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Diaporama support de la présentation, à partir de la page 32

Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Transcription

On va repartir d’arrache-pied pour la deuxième heure. Je me suis aperçu qu’il me reste encore beaucoup de diapositives donc il y a des choses que je vais zapper un peu plus. De toutes façons là déjà j’espère vous avoir donné dans cette première heure le cadre, non pas le cadre de ce que vous devez savoir, ça viendra, vous avez trois ans de cours de culture numérique devant vous une fois pas semaine, ça va donner de la matière. Mais c’est plus l’angle, la manière dont il vous faut aborder et la seule chose que j’espère à la fin c’est que quand vous lirez n’importe quelle annonce traitant de numérique dans la presse, vous essaierez de vous poser une question : est-ce que ce que c’est bien comme ça ? Est-ce que ça marche comme ça ? Qui y gagne ? Qui y perd ? Qu’est-ce que ça construit ? Qu’est-ce que ça détruit ? Et après on juge, on fait. J’ai un mobile comme les autres, j’ai ordinateur comme les autres et je suis même un fan de l’Internet depuis 1993 maintenant, ce qui commence à faire de moi un vieux croûton de l’Internet.

Économie de l’attention

Derrière ce dont je viens de vous parler sur l’économie de l’influence, en fait c’est ce qu’on appelle aussi l’économie de l’attention, c’est-à-dire comment en fait le système numérique – j’utilise à dessein ce terme générique « système numérique », c’est-à-dire pas chaque outil, pas chaque site, mais l’ensemble du système numérique – cherche à vous capter, à capter votre attention. Pourquoi ? Parce que l’attention c’est la seule chose qui est rare. C’est-à-dire que la puissance de calcul, la quantité d’œuvres disponibles, tout ça c’est énorme. Par contre vous, vous n’avez que des journées de 24 heures et encore, vous passez un certain temps à dormir et, je l’espère, à faire des tas d’autres choses en dehors de vos appareils numériques.

Convertibilité de l’attention

Comment est-ce qu’on va pouvoir convertir cette attention ? En fait, les médias sont là pour capter votre attention, pour vous garder, d’où la nécessité pour eux d’envoyer des alertes en permanence, d’envoyer des notifications, de vous dire « ah ! untel a écrit quelque chose sur Facebook ; ça fait longtemps que vous n’êtes pas allé le voir alors allez-y ! » Vous voyez le genre de choses régulières pour, tout simplement, vous faire rentrer dans le système ; je pense qu’au travers de ça on a perdu un droit fondamental, peut-être un droit que vous n’avez malheureusement pas connu, que j’appelle le droit à l’ennui ; le droit de s’ennuyer, le droit de rester à ne rien faire, le droit de rêver à la lune ; ce droit qui fondamentalement nous donne envie de lire, nous donne envie de comprendre, nous donne envie de regarder des choses intéressantes, nous donne envie de vivre autre chose. Et aujourd’hui c’est vrai qu’il y a toujours quelque chose à faire. On a toujours cet appareil qu’on va sortir : on fait la queue, on sort, on ne profite pour checker son Facebook et voilà. C’est un droit qui, je pense, est une perte, je dis ça très sérieusement, le droit juste de ne rien faire et de s’ennuyer parce que c’est là que se régénèrent à l’intérieur de nous nos capacités créatrices. Mais bon, pour l’instant en tout cas, ce système numérique a su transformer notre attention en des richesses incroyables, je dirais les Google, etc.

Après est-ce que ça va durer ? L’intrusion sur notre vie privée ; nous donnons notre vie privée en fait à ces systèmes, en échange des services qu’ils nous rendent ; les services sont intéressants. Je veux dire un service de média social comme Facebook, un service de photos comme Instagram, un service de microblogging comme Twitter, ce sont des choses passionnantes ; un service de publicité, euh ! de recherche – vous voyez le lapsus, mais il est très significatif – de recherche comme Google, c’est absolument indispensable, ça marche bien, ça répond à nos besoins. Mais est-ce que le prix est vraiment raisonnable ? C’est-à-dire le prix en termes d’autonomie, en termes d’individualité, en termes de capacité à prendre son recul ; enfin tout ce qui fait de nous des humains autonomes, citoyens, responsables d’eux-mêmes, est-ce que ce prix n’est pas trop important ? Si on regarde bien, si on prend tous les revenus de Facebook, qu’on le divise par le nombre d’usagers, c’est 2 euros 38 par an. Est-ce que vous croyez que pour 2 euros 38 euros par personne on ne peut pas avoir la même chose que Facebook sans être tracé ? Est-ce que vous ne croyez pas que c’est ça qui va devenir l’avenir de l’Internet ? En tout cas l’avenir d’un Internet qui serait libre, ouvert et je dirais démocratique.

Le problème c’est qu’il faut y réfléchir. On parle de la marchandise en général au travers de sa valeur d’usage – à quoi elle sert – et de sa valeur d’échange – combien ça se vend sur un marché – et on essaye d’établir le fait que ça me sert à ça donc je suis prêt à payer tel prix sur le marché.

Oui, mais en fait derrière les systèmes d’influence comme on a vu, les systèmes qui vivent sur l’économie de l’attention, il y a une autre valeur qui émerge, c’est la valeur de pouvoir. Vous avez des gens qui achètent des systèmes qui perdent de l’argent juste parce que ça leur donne plus de pouvoir. Aujourd’hui Twitter ne gagne pas d’argent, mais ce n’est pas grave. Quand Google a racheté YouTube, YouTube perdait de l’argent tous les mois ; et il a continué pendant des années à en perdre, mais vous voyez le pouvoir qu’a Google aujourd’hui en étant celui qui possède YouTube.

Lolcat

[Projection d’une vidéo de chats : deux mains qui chatouillent un chat]

Pourquoi est-ce qu’on est prêts à regarder des lolcats, à regarder des vidéos qui ne nous disent rien. Je dis « on » est prêt, parce que vous je sais bien ! mais moi aussi ! On est tous là, on a tous envie des fois juste de rester à vérifier que le système marche, à regarder comment on peut faire circuler et puis parfois, parmi toutes ces choses répétitives, ce qu’on appelle des mèmes, il y en a certains qui sont excellents comme celui-ci. Ça nous plaît bien d’être capables de capter celui qui est excellent.

De facto il ne faut pas mépriser non plus cette activité qu’on appelle la communication phatic, au sens : je vérifie juste que le système marche, qu’on est capables de communiquer, qu’on est capables d’échanger, de partager, faire suivre une vidéo, voire de créer une vidéo simple comme celle-là avec son appareil photo et de la faire diffuser. Donc derrière les lolcats ont de l’intérêt qui est l’intérêt de l’apprentissage du système numérique, parce qu’on devient producteur en même temps ou au moins re-diffuseur. Et ça, les gens ensuite sont capables de s’en resservir au moment où il y en a besoin, au moment où il y a des mouvements sociaux ou des activités pour lesquelles ils ont besoin de se servir de l’Internet.

Document

Ça c’est une version numérique de ??? pour introduire la question du document. On avait parlé de tas de choses qui avaient changé, mais le document lui-même, la notion de document a profondément changé avec l’irruption du numérique. En fait le document ce sont deux choses : ça sert à transmettre et c’est une preuve ; les deux grandes missions du document : ça sert à transmettre quelque chose et à faire une preuve.
Vous savez que les premières écritures, les tablettes cunéiformes, étaient dans leur majeure partie parce que j’ai appris récemment qu’il paraît qu’il y avait des romans, enfin des histoires, des récits dedans, mais le reste, dans l’immense majorité, c’est de la comptabilité. Donc c’est avoir des documents qui font preuve pour l’avenir.
Aujourd’hui ça a donné les métiers, les filières : professeur, bibliothécaire, ceux qui transmettent et derrière il y a les écrivains les auteurs les artistes, etc., et puis le notaire qui va garder, qui organise la confiance en fait à partir des documents qui prouvent – il a bien lui le document qui prouve que je suis propriétaire de ma maison – et puis l’archiviste qui va garder les traces du passé de manière à ce qu’elles puissent être réutilisées, qu’on puisse aller vérifier des choses même si c’était au passé.

Or ça, ça change profondément avec le numérique. Quelles sont, comment dire, les affordances techniques et numériques ? C’est que sa multiplication coûte zéro : le prix des mémoires c’est presque rien ; le prix de la transmission c’est presque rien, donc le document numérique est facile à retransmettre. Typiquement c’est ce qui c’est passé au courant des années 2 000 où tout le monde a fait des MP3 à partir de ses CD et les a distribués largement au point de mettre en péril, quand même, l’industrie de la musique. Puis on a trouvé la solution du streaming et puis il y a la solution juridique aussi, c’est-à-dire il y a des impositions juridiques qui est une convention : la convention juridique qui dit ce n’est pas parce que je peux reproduire gratuitement que je vais le faire ; il y a le droit d’auteur qui s’installe entre les deux, qui est donc une convention, en fait, qui n’est pas liée à la nécessité technique ou tout ça, mais qui est liée aux règles du jeu d’une société.

Ça, ça veut donc dire que le document numérique, et plus que tous les autres, son économie est dirigée par la politique, c’est-à-dire par les choix de lois qui traitent des questions de droits d’auteur, de partage.

Métadonnées

Autre aspect nouveau du document numérique c’est qu’il inclut des métadonnées. Métadonnées, méta ça veut dire des données sur les données ; métadonnées, des données sur les données. Toutes les photos que vous prenez avec vos appareils, j’allais dire de téléphone, vos mobiles, tout ce que vous prenez avec vos mobiles, dedans c’est marqué à quelle heure, à quel endroit, avec quelle focale, est-ce qu’il y avait un flash, pas de flash et éventuellement même il peut y avoir le numéro de votre appareil photo, votre nom si vous l’avez enregistré, etc., donc toutes une série de données sur la photographie que vous venez de prendre. Alors en MP3 ce sont toutes les données qui vous permettent de savoir quel est le titre, etc. Elles sont plus ou moins complètes, plus ou moins bien renseignées. Il y a des professions dont le métier c’est de renseigner les métadonnées, par exemple les bibliothécaires, c’est leur métier, une partie de leur métier, c’est de renseigner clairement les métadonnées, mais il y a toujours des données sur les données et elles sont à l’intérieur du document numérique donc elles vont se balader. Il y a même des voyous, des bandits qui regardent est-ce que la maison est occupée parce que les photos qui ont été prises à Bali nous montrent qu’il y a de grandes chances qu’il n’y ait personne dans la maison. Vous voyez, des événements comme ça !

Roger T. Pédauque

Il y a un livre essentiel que je pense dans les trois que vous allez faire en humanités numériques, enfin deux livres : Le document à la lumière du numérique et Vu, lu, su qui nous montrent que pour analyser le document à l’heure du numérique, il faut regarder trois choses : ce qui est vu c’est-à-dire la forme que va prendre un document ; par exemple quand on est passé du MP3 au streaming ça change radicalement la forme et derrière ça va changer aussi ce qui est su c’est-à-dire notre capacité à construire une collection de musique. Et puis le lu c’est justement cet aspect des métadonnées : tout ce qu’on va lire, qu’on va retenir, qu’on va être capable d’indexer, indexer c’est-à-dire être capable de retrouver ensuite dans un moteur de recherche ou un système documentaire.

12’ 55

Wattpad

Question : combien d’entre vous sont sur Wattpad ? C’est tout ! Non ! Ah oui, c’est déjà mieux. C’est quand même impressionnant. C’est quand même impressionnant ce système où tout le monde peut venir écrire et lire ce qui est écrit par des pairs et non pas écrit par des auteurs. Je parlais tout à l’heure de la culture participative.

Le plaisir d’écrire

Moi j’aime beaucoup cette citation d’une jeune fille qui s’appelle Elia, pseudonyme Elinoub sur Wattpad qui, à l’époque où elle a écrit ça devait avoir 14 ans, elle était en collège, et elle dit : « Sur Wattpad on nous aide à écrire des histoires. Ce n’est pas parce qu’on n’écrit pas bien qu’on n’a pas envie d’écrire et de dire des choses. » Et puis elle dit : « On nous aide ; on ne nous enfonce pas ! » C’est un peu une pierre dans la cour du jardin de l’Éducation nationale ça. C’est de dire attends comment on va faire avec ces systèmes-là nouveaux ; ce n’est pas tant d’avoir un peu de vidéo quand on fait des cours, etc. ; là on est typiquement dans l’ancienne éducation : il y a un amphi, un gars qui va causer, qui a la bouche sèche au bout de deux heures et vous qui avez envie de roupiller et de dire quand est-ce que ça s’arrête ? Ce n’est pas inutile sinon je ne le ferais pas, mais ça ne suffit pas à faire de l’éducation. Il faut au contraire qu’on ait à côté toute une série de situations où c’est vous qui prenez la main et où l’enseignant est là pour vous accompagner, vous aider, pas mettre du rouge dans la marge, mais vous aider à améliorer votre histoire.

Et des systèmes comme Wattpad c’est assez impressionnant. YouTube fait ça aussi pour la vidéo, c’est-à-dire il y a la capacité de se mettre à plusieurs, d’ouvrir des chaînes vidéo, etc.

Wikipédia

On nous dit que les gens ne veulent plus écrire. Mais enfin c’est quand même extraordinaire ! Vous avez une encyclopédie, la plus grande encyclopédie du monde, qui est écrite par des gens qui n’ont jamais touché un centime pour le faire, qui y ont passé du temps, de l’énergie, de la volonté, qui ont donné leurs connaissances, qui ont une pulsion épistémologique ; ils ont envie profondément d’accéder à la connaissance et quand ils l’ont de la transmettre. Et ça nous donne la plus grande encyclopédie du monde. C’est ce qu’on appelle un commun. C’est quelque chose qui dépasse l’activité de chacune des personnes qui a donné. Mais il faut en échange qu’on se dise aussi que ce commun n’est pas là par hasard, il est là parce qu’il y a des gens qui le font ; parce qu’il y a des règles d’organisation, ce qu’on appelle la neutralité du point de vue sur Wikipédia. J’imagine que vous aurez un cours spécifique sur Wikipédia en culture numérique, mais il faut bien regarder l’autre côté. D’ailleurs il faut que vous écriviez dans Wikipédia ; c’est indispensable ! Apprenez à écrire dans Wikipédia ; c’est apprendre des règles du jeu qui construisent une connaissance commune, une connaissance partagée.

Questions de genre

Quelques autres questions soulevées par le numérique. La question de genre.

Au début du numérique, au début de l’Internet, au début de la micro-informatique, tout le monde s’est dit c’est un outil de libération ! Spontanément, sans se poser de problème ; ça change le monde comme disait Steve Jobs tout à l’heure ! Mais ça ne change pas le monde pour tout le monde ! C’est ça le problème ! Question de genre, ça veut dire est-ce que le point de vue des femmes est aussi bien traité que le point de vue des hommes dans l’univers numérique. Et la réponse est clairement non. Les femmes sont 8 % des contributrices de Wikipédia. Vous verrez sur les femmes on dit toujours quel est leur mari ? On ne dit jamais quand c’est un homme quelle est sa femme ? Voilà ! Les écrivains américains ne sont pas des écrivaines ; c’est comme s’il n’y en avait pas ! Donc ça crée forcément des biais cette situation-là.

C’est aussi ce qu’on a appelé le gamergate ; c’est une espèce de réaction de petits machos de moins de 20 ans qui se sont mis à critiquer les femmes qui jouaient aux jeux vidéo, les filles qui jouaient aux vidéos, au point qu’aujourd’hui dans des jeux comme World of Warcraft ou League of Legends les femmes prennent un pseudonyme d’homme pour être tranquilles. D’accord ? Donc on est là dans une situation où ces questions de genre sont devenues très importantes. Alors c’est en train d’exploser autour du harcèlement sexuel dans les entreprises de nouvelles technologies, notamment dans la Silicon Valley, mais c’est plus large que ça, c’est vraiment l’ensemble de l’activité. Et derrière cette activité si c’est important c’est que ça crée de stéréotypes.

[Diffusion d’une vidéo de la Dove Campaign for Real Beauty]

Il paraît que c’est interdit maintenant de « photoshopper » ou en tout cas qu’il faut l’écrire. Vous avez vu beaucoup de changements vous dans les unes des magazines féminins depuis un an et demi que c’est interdit ? Pas moi ! Donc on est dans une situation où on crée des mythes inaccessibles. Et malheureusement on crée beaucoup plus pour les femmes que pour les hommes. Donc on est là dans une situation où comment est-ce que les outils numériques qui nous permettent de transformer les personnes, de transformer les voix – vous avez l’Auto-Tune, tout ça –, de transformer les images et de rejouer sur les apparences en tout cas, comment est-ce que ça crée des stéréotypes inaccessibles et donc renferme les gens ?

Donc cette question de genre est une question qui mérite d’être traitée à chaque fois qu’on va parler du numérique.

Robots et IA

Une autre question qui mérite toujours d’être évoquée, c’est la question dite de l’intelligence artificielle et des robots. Aujourd’hui il y a tout un mythe comme quoi les robots allaient prendre votre place : les robots de travail, les robots de réponse qui parlent à notre place de plus en plus, les robots sexuels, etc. Et puis les intelligences artificielles qui vont devoir décider ; j’ai essayé de vous montrer tout à l’heure, quand j’ai parlé des calculs, qu’en fait elles ne décident pas, elles reproduisent à partir d’indices du passé, à partir de comportements de groupes, d’agrégats, de la manière dont les individus font les mêmes choses à un moment donné. Mais la création justement, l’art c’est faire du nouveau ; c’est changer la vision. Vous ne voyez plus le monde de la même manière avant et après Picasso. Il a changé la représentation même du monde. Donc ça a donné tout l’art qu’on connaît ensuite.

Donc les IA sont aujourd’hui en train de s’installer un peu partout et on nous explique que nous allons devoir passer par elles. C’est-à-dire qu’il n’y aura plus de travail, il n’y aura plus rien ; elles vont faire ça à notre place. Non ! C’est très peu crédible. Qu’on négocie avec des systèmes de plus en plus perfectionnés qui auront le goût et l’odeur de l’intelligence mais qui n’en seront pas, oui, ça c’est certain, mais de là à confier ! Quelles vont être les règles, en fait, d’encadrement ? J’ai dit la culture numérique c’est penser la citoyenneté de demain, l’objectif est là, quelles vont être les règles d’encadrement de ces systèmes ? S’il y a un bug qui est responsable ? Est-ce que c’est le propriétaire d’une IA ou son développeur qui va être responsable ? Quelle est la capacité qu’on a de contrôler ce qui se passe dans une IA ? Est-ce qu’elle est capable de dire ce qu’elle fait ? Donc si on ne peut pas contrôler, il y a quand même des problèmes.

Et enfin dernier débat en date, est-ce qu’on peut accepter qu’il y ait des armes autonomes ? C’est-à-dire des systèmes autonomes capables de décider s’il faut tuer ou pas ? C’est quand même un grand débat lancé par Elon Musk qui est contre, avec plusieurs prix Nobel qui se sont engagés, etc., et en même temps, de l’autre côté, les systèmes armés, l’appareil militaro-industriel qui poussent à ça !

Traces

Yes We Scan. Il y a des traces en permanence ; c’est devenu là aussi une question de politique et de citoyenneté essentielle. Qui nous trace ? Pour quoi faire ? Et comment faire pour l’arrêter ? Comment faire pour arrêter, pour protéger notre vie privée ?

Qui nous trace ? On a tous peur que ce soient les États. Oui, les États le font, mais ils le font parce que c’est devenu pas cher de tracer et c’est devenu pas cher parce que les entreprises avec lesquelles nous échangeons – nous, nous acceptons de travailler avec Facebook, de travailler avec Google, de travailler avec Apple, nous acceptons, nous aimons ça même, c’est pire ! – mais ça a baissé le coût de la surveillance de masse. Donc on peut aujourd’hui et les lois en viennent à dire « avant ça se faisait, mais il ne fallait pas le dire » et donc maintenant la dernière loi renseignement en France dit « maintenant vous pouvez le faire ». Donc on peut mettre en place des systèmes qui vont surveiller les gens à l’échelle de masse. Sauf qu’il y a eu une enquête qui est parue hier, qui montre qu’il faut 100 000 faux résultats pour capter un terroriste avec des systèmes de vidéo de surveillance. C’est-à-dire les intelligences artificielles qui disent : « Ah, ce comportement est susceptible de cacher une activité douteuse, voire dangereuse pour la société », eh bien il y a 100 000 personnes qui peuvent être visées pour qu’il y en ait une d’attrapée. Cette disproportion est déraisonnable. Donc la surveillance de masse c’est déraisonnable. On ne surveille pas tout le monde, comme vous l’êtes aujourd’hui, en échange du fait de pouvoir, peut-être, un jour, en attraper un. Il y a une disproportion qui jusqu’à présent a toujours été en dehors de notre système juridique. Notre régime juridique vise à protéger les personnes. Là c’est fini et vous avez un ministre qui a déclaré récemment que si ça permet d’en attraper un c’est donc que c’est bien ! Un sur 100 000 ça se discute sacrément quand même ! On ne peut pas dire ça ; au moins qu’on mette la question sur la table.

Traces et surveillance

Il y a un excellent livre [Surveillance:// de Tristan Nitot] et le document dont on parlait tout à l’heure ça va être l’introduction de ce livre-là qui montre ces questions-là et qui montre aussi qu’on peut faire des choses soi-même, d’être conscient qu’on est tracé, c’est déjà beaucoup. Et puis deuxièmement, il y a des systèmes de protection qu’il faut mieux par exemple utiliser des logiciels libres que d’autres pour essayer d’éviter d’être tracé.

25’ 07

Humour situationniste