Creative Commons en 2017 - Lionel Maurel - POSS2017

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Titre : Creative Commons. Où en est-on en 2017 ?

Intervenant : Lionel Maurel

Lieu : Paris Open Source Summit

Date : décembre 2017

Durée : 13 min

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Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Bonjour. On m’a demandé de vous parler cette fois-ci de culture, de création, d’œuvres, de musique, de films, de romans et de toutes cette dimension de la culture libre qui s’est étendue du logiciel d’abord à d’autres objets. Et ce qu’on m’a demandé de faire c’est de faire un état d’un élément qui est très important dans l’écosystème, ce sont les licences Creative Commons. Je vais essayer de faire un état des lieux et la commande qui m’a été faite c’était de le faire en mode lucide. C’est-à-dire elles existent depuis 16 ans maintenant, c’est de se demander quelles ont été leurs réussites et quelles ont été aussi leurs limites, parce que vous verrez qu’il y en a quelques-unes.

Au commencement, en fait, il y a un homme, c’est Lawrence Lessig que vous connaissez sans doute, un personnage très important, professeur de droit à Harvard. En fait les Creative Commons pour lui ça a été le moyen de conjurer une défaite. Il raconte très bien dans ses livres qu’il a eu l’idée de ces licences après une loi qui est passée aux États-Unis en 1998 et qui a, en fait, étendu la durée du droit d’auteur de 50 à 70 ans, notamment pour empêcher Mickey de rentrer dans le domaine public. Donc Lawrence Lessig est l’avocat qui va aller contester cette loi devant la Cour suprême des États-Unis, et la Cour suprême des États-Unis lui donne tort ; elle valide la loi et donc le domaine public recule de 20 ans aux États-Unis à partir de là. Et là, l’idée de Lawrence Lessig c’est ne pas s’arrêter à une défaite et de dire comment on fait pour reprendre la main après un tel échec. Et son idée c’est de dire le seul moyen de le faire c’est de redonner le pouvoir directement aux créateurs de changer les choses, d’ouvrir leurs œuvres directement à la base en utilisant leur droit d’auteur non pas pour mettre des restrictions, mais pour donner des autorisations.

Et c’est toute la philosophie des licences Creative Commons, qui s’inspire des licences de logiciel libre de la GNU GPL de Stallman, mais qui les simplifie et qui les rend applicables aux œuvres culturelles que sont la musique, les romans, les films, les jeux vidéos : tout ce qui peut être protégé par le droit d’auteur peut être mis sous licence Creative Commons. Avec ce système de licences graduées où vous avez des licences qui peuvent plus ou moins fermées, plus ou moins ouvertes, qui vont d’une licence complètement ouverte où vous versez votre œuvre dans le domaine public, à des licences qui vont conditionner les usages commerciaux ou limiter les réutilisations. Et on a tout un panel avec certaines de ces licences qui ne sont pas libres au sens classique du terme, notamment les quatre dernières ne sont pas des licences libres au sens strict du terme.

Le but c’est de favoriser ce que Lessig appelle la culture libre, c’est -à-dire la culture du partage, la culture du remix, du mashup, de la modification des œuvres, tout ce que le numérique pourrait apporter à la culture et qui est verrouillé tant que les œuvres restent sous copyright classique, tous droits réservés. L’idée c’est d’ouvrir une sphère où on va pouvoir légalement partager les œuvres, les modifier, les échanger.

Si maintenant on essaie de voir où on en est aujourd’hui, eh bien on voit que le résultat est assez considérable en fait. Parce qu’au dernier état — Creative Commons, la fondation internationale qui gère l’évolution des licences fait un recensement tous les ans — et dans le recensement 2016, ils estiment qu’il y a 1,2 milliard d’œuvres sur Internet, de toutes natures, qui circulent sous licence Creative Commons. Et vous voyez la progression depuis 2006 qui est assez massive et qui montre un développement. Et ça c’est lié, si vous voulez, à la simplification de ces licences et à leur facilité à être appropriées par un utilisateur non juriste, notamment avec un système de logos qui permet de suite à l’auteur de savoir ce qu’il va faire et au ré-utilisateur de savoir ce qu’il peut faire.

Et quand on regarde un petit peu plus dans le détail, ces rapports sont très intéressants à analyser, on voit que les champs de la création sont diversement concernés. C’est massif dans le domaine de la photo ; ça l’est un petit moins dans le domaine des films ou de la musique ; il y a des ressources éducatives qui sont sous licence Creative Commons, des articles scientifiques, voilà tout un ensemble d’objets.

Et une chose qui est importante aussi c’est que, avec le temps, l’usage des licences Creative Commons est devenu de plus en plus libre. C’est-à-dire avant 2015, il y avait une majorité d’utilisateurs qui prenaient des licences Creative Commons non libres, parce qu’elles restreignaient l’usage commercial. Et là, maintenant, on en est à 65 % de licences choisies par des individus créateurs qui sont des licences libres au sens de la définition de la Free Software Foundation. Donc il y a eu une appropriation qui est allée, si vous voulez, dans le sens de l’ouverture.

Mais, première limite : un rapport paradoxal aux grandes plateformes. C’est-à-dire que les Creative Commons n’ont pas vraiment, et ça Tristan Nitot en parlait tout à l’heure, elles ont plus épousé la plateformisation de l’Internet plus qu’ils ont contribué à la combattre. On a à peu près 70 % des œuvres sous Creative Commons qui sont liées à une grande plateforme type Flicker, Youtube, Vimeo, SoundCloud et, en fait, c’est parce que ces plateformes permettent l’usage de ces licences que toutes ces œuvres ont été placées sous ce régime. Donc déjà première limite, pas vraiment une tendance à lutter contre la centralisation d’Internet ; ça a plutôt accompagné le mouvement.

Depuis 2013 on est passé à une version 4.0 ; les licences évoluent régulièrement. Cette version 4.0 était importante notamment parce qu’il y a eu un grand débat pour savoir s’il fallait garder la clause d’usage « non commercial ». Toute une partie de la communauté voulait l’enlever. Finalement elle a été laissée et elle est importante aussi parce que depuis cette version on peut aussi mettre les licences Creative Commons sur des données et donc faire de l’open data avec les licences Creative Commons, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Les licences Creative Commons sont traduites en français. Ça c’est une grande évolution aussi. C’est que les licences sont, à la base, produites en anglais par une fondation internationale et ce sont des associations françaises, des chapitres en français, Creative Commons France qui assurent une traduction vers le français et là ça a été fait en 2017, donc cette année on a les nouvelles licences 4.0 qui sont traduites.

Et sur l’appropriation en France, je soulève ce point qui n’est quand même pas complètement anodin, le site du ministère de la Culture, en France, est sous licence Creative Commons. Et ce n’est pas complètement rien parce que vous savez que la France est le pays e Beaumarchais, c’est le pays qui a inventé les droits d’auteur et qui en a une défense assez agressive sur la scène internationale et pourtant, le site du ministère de la Culture est sous licence Creative Commons et, en plus, c’est la même licence que celle de Wikipédia. Donc ça vous montre quand même un certain degré d’appropriation dans notre pays. Alors que, je me rappelle très bien, quand les licences sont sorties en 2002, il y avait plein de juristes qui nous disaient que c’était complètement incompatible avec le système juridique français. On voit que c’est peut-être un peu à nuancer aujourd’hui.

6’ 50

Autre chose intéressante,