Différences entre les versions de « Contenus numériques : droit d'auteur et licences libres - Cours de Calimaq »

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
Ligne 221 : Ligne 221 :
  
 
'''[https://stph.scenari-community.org/ln/da/co/11.html Visionner la vidéo]''' 4 min 34
 
'''[https://stph.scenari-community.org/ln/da/co/11.html Visionner la vidéo]''' 4 min 34
 +
 +
Nous allons à présent voir les mécanismes de gestion collective des droits.
 +
 +
Jusqu’à présent, on s’est surtout placés dans l’hypothèse où un créateur individuel, seul, avait créé une œuvre et où des utilisateurs allaient lui demander l’autorisation pour pouvoir l’utiliser.
 +
 +
En fait, très rapidement, ce mécanisme de gestion individuelle des droits a montré ses limites. Parce qu’un auteur qui acquiert une certaine notoriété, s’il devait entièrement gérer ses droits à titre individuel, serait sans cesse, en fait, sollicité et cette gestion à son niveau, deviendrait bien trop complexe et bien trop chronophage. Ce qui fait que les auteurs ont rapidement éprouvé le besoin de se regrouper en sociétés pour développer ce qu’on appelle la gestion collective des droits. Cette gestion collective est ancienne : la première société qui s’est créée l’a été dans le courant du 19e siècle, s’appelle la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, qui s’est rassemblée autour de Beaumarchais pour gérer les droits des auteurs, notamment dans le théâtre. Par la suite d’autres société sont nées, comme la SACEM, Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, qui gère les droits des auteurs dans le secteur de la musique.
 +
 +
En France, actuellement, on a un ensemble de 27 sociétés de gestion collective qui interviennent pour faciliter, en fait, la gestion des droits dans les différentes branches. Le principe dans ces cas-là, c’est que les auteurs conservent leur droit moral, on a vu qu’il était inaliénable, donc ils gardent l’exercice du droit moral, mais ils vont adhérer à ces sociétés et leur donner un mandat, pour qu’elles puissent exercer, à leur place, les droits d’exploitation. Et ces sociétés mettent en place des tarifs et des barèmes qui leur permettent d’accorder des autorisations, de percevoir des redevances et, ensuite, de les repartir selon leurs différents membres, pour leur assurer une rémunération. Ces sociétés sont établies par la loi, ce sont des sociétés privées, mais elles reçoivent un agrément ministériel pour devenir sociétés de perception et de répartition des droits, et elles sont soumises à un certain nombre de contrôles sur leur gestion pour vérifier leur bon fonctionnement.
 +
 +
Le schéma est relativement complexe, néanmoins, en France. On a vu qu’il y avait 27 sociétés de gestion. Les auteurs ne sont pas les seuls à s’être rassemblés en sociétés de gestion collective. On a aussi, par exemple, les interprètes qui le sont, les producteurs aussi, dans une certaine mesure, se sont rassemblés en sociétés et, selon les domaines, la gestion collective est plus ou moins développée. Elle l’est beaucoup dans le domaine de la musique. Elle peut l’être aussi beaucoup dans le domaine de l’audiovisuel, par contre, elle l’est beaucoup moins dans le domaine, notamment des œuvres écrites, où la gestion individuelle reste la plus développée.
 +
 +
Articulé à ce système de gestion collective, la loi est parfois intervenue pour simplifier les usages et notamment, mettre en place ce qu’on appelle des mécanismes de licence légale ou de gestion collective obligatoire.
 +
 +
Première à être instaurée, c’est une licence légale pour la diffusion publique de musique enregistrée. C’est un mécanisme qui est né avec les évolutions technologiques, notamment la radio. Si les chaînes de radio étaient obligées de demander une autorisation ponctuelle chaque fois qu’elles veulent diffuser un morceau, le système serait beaucoup trop complexe. Donc le législateur est intervenu pour donner une autorisation générale de diffusion publique de la musique enregistrée, notamment au titre des droits voisins des producteurs et des interprètes. Et elle a institué une société de gestion collective, qui est la Sacem, qui s’assure de percevoir toutes les redevances versées par les chaînes de radio et les reverse aux différents acteurs : les auteurs, les producteurs et les interprètes. Du coup, les radios n’ont plus à demander d’autorisations ponctuelles. Elles tiennent simplement une liste de ce qui est diffusé et les droits sont ensuite répartis en fonction des diffusions.
 +
 +
C’est aussi cette licence légale qui permet de sonoriser les espaces : quand vous voulez diffuser de la musique dans un magasin ou dans un espace public, comme une bibliothèque par exemple, vous pouvez obtenir des licences auprès de la Sacem qui, ensuite, répartit les droits.
 +
 +
Ce mécanisme a aussi été appliqué pour certains actes de reproduction. C’est notamment ce qui permet de faire fonctionner ce qu’on appelle la reprographie, les photocopieurs. Là aussi, la loi a considéré que c’était trop complexe de maintenir l’autorisation préalable chaque fois qu’on réalisait une photocopie. Donc elle a mis en place un système dit de gestion collective obligatoire, et on a un organisme qui est le Centre français du droit d’exploitation du droit de copie, CFC, qui exerce le droit sur la reprographie. Toute personne qui veut mettre à disposition des photocopieurs va devoir conclure une licence, un contrat, avec le CFC, qui va percevoir des sommes en fonction de son volume d’activité ou de la population desservie et qui va reverser aux auteurs et aux éditeurs.
 +
 +
Il y a une dernière licence légale qui est importante et qui a été votée dans les années 2000, c’est celle qui permet d’organiser le prêt en bibliothèque. Là aussi, il paraîtrait complexe qu’on demande l’autorisation à chaque auteur et à chaque éditeur pour que les bibliothèques puissent prêter des livres. C’est la loi qui s’est substituée dans ce cas-là. Les auteurs et les éditeurs ont perdu le droit d’autoriser ou d’interdire le prêt en bibliothèque, c’est la loi qui donne l’autorisation et, en contrepartie, il y a un droit de prêt qui est versé par l’État et par les collectivités locales, qui est collecté par une société qui s’appelle la Sofia, qui reverse aux auteurs et aux éditeurs.
 +
 +
Ces mécanismes-là sont importants. Ils aboutissent, parfois, à faire perdre aux auteurs l’exercice de leurs droits, la faculté d’autoriser/interdire, mais ils leur assurent aussi des rémunérations complémentaires.
 +
 +
=Limitations et exceptions au droit d'auteur=
 +
 +
==La durée du droit d'auteur et le domaine public==
 +
 +
'''[https://stph.scenari-community.org/ln/da/co/08.html Visionner la vidéo]''' 5 min 28

Version du 21 novembre 2016 à 16:17


Titre : Contenus numériques : droit d'auteur et licences libres

Intervenant : Lionel Maurel

Lieu : Université de Technologie de Compiègne

Date : Octobre 2016

Durée : min

Introduction

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Les notions de base du droit d'auteur

En quoi consiste le droit d’auteur ?

Visionner la vidéo4 min 54

Pour commencer, nous allons nous demander en quoi consiste le droit d’auteur. Le droit d’auteur est une des branches de ce qu’on appelle plus largement la propriété intellectuelle. Celle-ci, en France, est codifiée dans le Code de propriété intellectuelle qui comporte deux parties : une relative à la propriété littéraire et artistique, dans laquelle figure le droit d’auteur et une relative à la propriété industrielle. Dans la propriété industrielle, nous avons des éléments comme les brevets, les marques de commerce ou les dessins et modèles, qui ont trait à la fabrication et à la commercialisation des produits, des inventions. Dans ce module, nous ne parlerons pas de cette branche-là, qui fonctionne d’une manière différente du droit d’auteur, bien qu’étant rattachée à la propriété intellectuelle.

Le droit d’auteur d’auteur, lui, appartient à la famille de la propriété littéraire et artistique. On trouve donc le droit d’auteur qui est la branche principale, mais nous trouvons aussi les droits voisins, qui interviennent dans le domaine de la musique et du cinéma, de tout ce qui concerne la vidéo, et le droit des bases de données.

Le droit d’auteur est une matière qui est encadrée, en France, dans le Code de propriété intellectuelle, mais c’est aussi un sujet qui est très encadré au niveau international. Depuis la fin du 19e siècle, nous avons une convention internationale, qui s’appelle la Convention de Berne, qui règle ces questions au niveau international et qui s’assure, notamment, que les États reconnaissent aux auteurs étrangers les mêmes droits que les auteurs nationaux.

Cette question est aussi très encadrée au niveau européen. Il y a une directive européenne de 2001 qui règle ces questions dans l’Union européenne et qui assure un certain degré d’harmonisation. Cette directive est actuellement en voie de révision et le législateur français a une marge de manœuvre qui, de ce fait, est relativement réduite pour introduire des réformes du droit d’auteur.

Et en France, c’est à partir de 1957 que les lois sur le droit d’auteur ont été codifiées dans le Code de propriété intellectuelle. Auparavant le droit d’auteur est né à la Révolution française et, depuis les années 2000, on assiste à une multiplication de lois qui interviennent, notamment pour adapter le droit d’auteur aux évolutions de l’environnement numérique.

Si on veut savoir exactement en quoi consiste le droit d’auteur, il faut aller dans le Code de propriété intellectuelle, à l’article L-111, qui nous dit : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. »

Tous les éléments de cette phrase sont importants, le plus important étant « droit de propriété incorporelle ». Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le droit d’auteur est une forme de propriété, à l’image de celle nous disposons sur par exemple notre maison, notre voiture, ou sur un ordinateur que nous avons acheté, c’est une forme de propriété, et c’est une forme de propriété très particulière, parce qu’elle est incorporelle. Elle va donc porter sur un objet immatériel qui est l’œuvre de l’esprit, qui est le produit de la création de l’auteur. Et c’est donc une forme de droit très spéciale, qui s’applique à un objet intangible, qui est l’œuvre de l’esprit qui constitue un des pivots des notions du droit d’auteur.

Pour continuer à le comprendre, le Code, par la suite, précise qu’il y a un principe d’indépendance entre la propriété intellectuelle et la propriété matérielle. Et notamment, il nous indique que l’acquéreur d’un objet matériel n’est pas investi du fait de cette seule acquisition, des droits de propriété intellectuelle prévus par le Code. Pour comprendre exactement ce que ça veut dire, il faut prendre l’exemple d’une personne qui achète un tableau à un peintre. Cette personne rentre bien en possession du support d’une œuvre qui est le tableau, le support matériel, et cette propriété sur le support matériel va lui permettre de faire tout un ensemble d’actes. Mais elle va être aussi limitée dans ce qu’elle pourra faire avec ce support parce que les droits de propriété intellectuelle sur l’œuvre seront restés au peintre. Par exemple, cette personne ne pourra vendre des cartes postales représentant ce tableau, parce que le droit de reproduction lié à l’œuvre qui est sur le tableau sera resté au peintre. Elle ne pourra pas, non plus, organiser d’expositions publiques de ce tableau, parce que là, c’est ce qu’on appelle un droit de représentation sur l’œuvre qui sera resté au bénéfice du peintre.

Ce qui vous montre qu’il y a une distinction à faire entre les droits sur les supports et les droits sur les œuvres. Si la personne qui a acheté le tableau voulait pouvoir faire ces actes il aurait fallu qu’elle se fasse céder ces droits de la part du peintre, par le biais d’un contrat, qui serait venu s’ajouter au contrat de vente du tableau.

Ce qui est important, en fait, dans cette définition, c’est la notion de droit exclusif de l’auteur. Quand l’auteur fait une création qui est protégeable par le droit d’auteur, il bénéficie de par la loi d’un droit exclusif qui va lui permettre, en fait, d’exclure les tiers de la possibilité d’utiliser son œuvre. Et ça se traduit par un droit, en fait, à ce qu’on vienne lui demander une autorisation préalable pour pouvoir faire usage de son œuvre.

Ceci c’est le grand principe du droit d’auteur et nous verrons par la suite qu’il y a cependant des exceptions, des cas dans lesquels on n’aura pas à demander une autorisation préalable à l’auteur pour pouvoir faire l’usage d’une œuvre.

La notion d'œuvre protégée

Visionner la vidéo 4 min 15

Nous allons maintenant nous attarder sur l’objet qui est protégé par le droit d’auteur et notamment la notion d’œuvre et plus précisément la notion d’œuvre de l’esprit qui est la notion énoncée par le Code pour désigner l’objet de la protection du droit d’auteur.

Le Code nous dit que le droit d’auteur protège toutes les œuvres de l’esprit « quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Cette énumération a une importance.

Donc le genre ou la forme d’expression n’est pas prise en compte. Tous les types de création sont protégeables, aussi bien des œuvres littéraires que des photographies, de la musique, le cinéma et toutes les formes de vidéo, mais aussi toutes les œuvres de type art contemporain, par exemple, plus originales, qui peuvent accéder elles aussi à la protection.

Le Code précise aussi qu’on ne doit pas tenir compte du mérite pour accorder la protection du droit d’auteur ou non. Ça veut dire que les juges ne se posent jamais la question de savoir si une œuvre est de bonne qualité ou pas : ils sont indifférents et même une œuvre qu’on pourrait juger de mauvaise qualité peut avoir une protection au titre du droit d’auteur.

Et ensuite, il y a aussi un autre élément qui est sans incidence, c’est la destination. On a souvent l’impression que le droit d’auteur protège des œuvres relevant des beaux-arts, mais pas seulement, en fait. Même des créations qui peuvent nous paraître utilitaires peuvent bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur. Par exemple un texte qu’on trouve sur un site internet, même si ce site n’a pas une vocation artistique, sera très souvent protégé par le droit d’auteur, même s’il a seulement un but informatif.

Donc le périmètre des objets protégeables par le droit d’auteur est, en réalité, très large. Mais le Code et la jurisprudence ont rajouté, néanmoins, des critères qui fixent une sorte de plancher pour ne pas que cette protection soit absolument universelle. Il y a, en fait, deux conditions cumulatives qui doivent être respectées pour qu’un objet soit protégé par le droit d’auteur : les créations doivent être originales et elles doivent être mises en forme.

Le premier critère, l’originalité, induit une idée de choix qui doit être fait par le créateur lorsqu’il produit une œuvre. Il faut, les juges disent, « que l’œuvre porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». Il faut qu’on puisse percevoir s’il a choisi son sujet, qu’il l’a traité d’une certaine manière qui lui est propre et il faut qu’il soit en mesure de l’expliquer aux juges pour pouvoir bénéficier d’une protection.

Ensuite, il faut que l’œuvre soit mise en forme. Ça tient à un point qui est très important dans le droit d’auteur qui est qu’on ne protège pas uniquement les idées. Une simple idée ne peut pas être protégée par le droit d’auteur. Elle l’est à partir du moment où elle est réalisée dans une forme perceptible par les sens. On verra tout à l’heure que ça a une incidence importante. Les idées restent de libre parcours, ce qui veut qu’elles sont toujours réutilisables sans condition, par contre, dès qu’elles sont mises en forme, elles peuvent devenir des œuvres qui là vont être protégées par le droit d’auteur.

De ces critères cumulatifs, il résulte que toutes les créations ne sont pas des œuvres nécessairement protégeables par le droit d’auteur. Ici on voit par exemple une photographie qui a fait l’objet d’une décision de justice. C’est un photographe qui avait pris en photo les ingrédients pour réaliser la bouillabaisse, le plat la bouillabaisse. Et cette photo a été réutilisée par un éditeur, sans lui demander son autorisation. Il en est résulté un procès et les juges ont considéré que cette photographie était trop banale pour pouvoir bénéficier de la condition d’originalité, qu’elle n’exprimait pas la personnalité de son auteur et donc, du coup, cette photographie n’a pas pu bénéficier de la protection du droit d’auteur et elle est librement réutilisable par tous. Exemple d’objet non protégeable par le droit d’auteur.

Autre exemple qu’on peut donner : dans un autre contentieux, le journal Le Point s’était ému que Jean-Marc Morandini reprenait des chroniques d’actualité sur la technologie, qui paraissaient régulièrement sur son site, pour alimenter son blog. Et là, encore une fois, les juges ont considéré que le texte de ces chroniques était rédigé d’une manière suffisamment neutre et concise pour ne pas exprimer la personnalité du journaliste qui les rédigeait. Et donc, du coup, ces textes-là ont été considérés comme libres de réutilisation.

Comme tous les objets ne sont pas protégeables par le droit d’auteur, on a ainsi un ensemble d’éléments qui restent toujours libres et, on a vu tout à l’heure, que les idées en elles-mêmes ne sont pas protégées. Même quand elles sont incorporées dans des œuvres, notamment par exemple dans des textes, les idées peuvent être remobilisées, elles peuvent être extraites des œuvres, librement, pour tout un ensemble d’usages qui vont rester disponibles. Par exemple, quand vous avez un texte, vous avez le droit de faire des résumés de ce texte, en extrayant les idées principales et en les reformulant. Si vous faites ça, vous ne violez pas le droit d’auteur et notamment, si vous reformulez les idées avec vos propres mots, vous ne fera pas de violation du droit d’auteur parce que vous utilisez seulement les idées qui sont contenues dans le texte.

De la même manière, quand on a un article, on peut l’indexer, c’est-à-dire mettre des mots- clefs associés à cet article. Cette opération résulte de l’extraction des idées principales du texte et ce n’est pas une violation du droit d’auteur, c’est un acte qui reste toujours libre.

Les conditions de protection et l'appartenance du droit d'auteur

Visionner la vidéo 4 min 21

Nous allons voir à présent comment s’acquiert la protection du droit d’auteur et à qui elle bénéficie.

Le Code nous dit que le droit exclusif appartient à l’auteur du seul fait de la création de l’œuvre. Ça c’est un point qui fait vraiment une différence très importante par rapport à la propriété industrielle, notamment les brevets ou les marques, où, pour bénéficier de la protection, il est indispensable de faire un dépôt ou un enregistrement auprès d’un organisme qui, en France, est par exemple l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle. Ce dépôt implique des formalités, il est payant et l’INPI, ensuite, délivre un titre de propriété à la personne qui satisfait aux conditions pour l’obtenir, qu’elle va vérifier.

En matière de droit d’auteur, on n’a pas ce type de mécanisme de dépôt, d’enregistrement. Le droit d’auteur naît directement au bénéfice du créateur dès qu’il a produit son œuvre. Il en résulte, par exemple, qu’une œuvre n’a pas besoin d’être publiée pour être protégée. Même une œuvre non divulguée, par exemple on peut penser au brouillon d’un roman, on peut penser, notamment, à des photographies dans l’appareil du photographe, elles sont directement protégeables, indépendamment de leur publication. Le Code précise aussi qu’une œuvre n’a pas besoin d’être achevée pour bénéficier de la protection. Le simple fait d’avoir commencé à la créer, d’avoir commencé à la mettre en forme permet de bénéficier de la protection. Par contre, pour pouvoir opposer le droit d’auteur à un tiers, notamment en justice, il faut disposer de la preuve de la date de la création, ce qui entraîne parfois les créateurs à faire tout de même des dépôts pour pouvoir bénéficier d’une preuve qu’ils pourront ensuite opposer à quelqu’un qui aurait réutilisé leur œuvre, notamment dans les affaires de contrefaçon.

Une fois qu’on a acquis le bénéfice d’une protection, à qui profite-t-elle exactement ?

En France, le grand principe, c’est que les droits naissent au bénéfice du créateur, en tant que personne physique individuelle. C’est notamment une des grandes différences avec le système du copyright américain qui, lui, admet beaucoup plus facilement que des personnes morales, notamment des employeurs, des entreprises, puissent bénéficier directement des droits. Aux États-Unis, quand on est employé et qu’on crée des œuvres dans le cadre de son travail, c’est l’employeur qui bénéficie directement des droits.

En France, ce n’est pas le principe. Un salarié bénéficiera des droits sur ses créations, qu’il aura créées dans le cadre de son emploi, et si l’employeur veut bénéficier des droits, il faut qu’il se les fasse céder par le biais soit de clauses dans le contrat de travail ou de mentions dans les conventions collectives qui régissent la profession. Il y a tout de même des exceptions à ce principe dans la loi française, notamment par exemple pour les logiciels. Les logiciels créés par un employé sur son temps de travail, les droits bénéficient à l’employeur. Les journalistes, aussi, ont une clause particulière et les agents publics, également, ont un régime particulier.

Pour les agents publics, lorsqu’ils créent des œuvres dans le cadre de leur mission de service public, ils ont la titularité du droit d’auteur, mais les droits d’exploitation de l’œuvre sont immédiatement transférés à leur employeur, c’est notamment la personne de droit public qui les emploie. La seule chose qu’ils gardent c’est un droit très limité à la paternité de l’œuvre, c’est-à-dire à être cités comme auteurs en cas d’utilisation. L’employeur exerce beaucoup des branches du droit d’auteur : il peut décider, par exemple, de divulguer ou non la création de l’agent public. Il peut aussi imposer à l’agent public de faire des modifications, ou demander à un autre agent de faire des modifications sur cette création. Ce régime des œuvres des agents publics a lui-même une exception qui bénéficie aux professeurs d’université, aux enseignants-chercheurs. C’est la seule catégorie d’agents publics qui garde un droit complet sur ses productions, même lorsqu’elles sont produites dans le cadre de leur mission de service public. Ça veut dire que les cours faits par les enseignants-chercheurs, les articles produits, les rapports de recherche, tous les droits sur ce type de production restent aux universitaires et ce sont eux qui exercent pleinement et qui font les décisions pour la diffusion et l’exploitation de ces œuvres.

C’est la même chose qui s’applique pour les étudiants et les élèves qui ne sont pas considérés comme des agents publics, même lorsqu’ils suivent ces formations, et ils restent pleinement titulaires des droits sur leurs productions, que ce soit des copies, des rapports ou des mémoires.

Le fonctionnement du droit d'auteur

Les différentes branches du droit d'auteur

Visionner la vidéo 4 min 05

Nous allons voir à présent quelles sont les différentes composantes du droit d’auteur. Jusqu’à présent nous avons parlé du droit d’auteur quelque chose d’unifié, mais en fait le droit d’auteur se découpe en plusieurs prérogatives qui bénéficient aux titulaires de droits.

Les deux grandes branches principales du droit d’auteur sont le droit moral et les droits patrimoniaux.

La première branche, droit moral, consiste en un droit de faire respecter l’œuvre et la personne du créateur. C’est une des marques du droit français. Dans notre législation, c’est un aspect qui est très protégé et qui constitue, un petit peu, l’identité du droit français en matière de droit d’auteur.

Ce droit moral se découpe lui-même en quatre éléments.

Le premier est le droit à la paternité. C’est le droit à ce que la qualité d’auteur du créateur soit reconnue et à ce que son nom, notamment, soit toujours cité lorsque l’œuvre est utilisée. Si vous mettez votre nom à la place de celui créateur, vous violez le droit de paternité et, dans le langage courant, c’est ce qu’on appelle souvent un plagiat, mais précisément, du point de vue juridique, c’est une violation du droit de paternité de l’auteur et, notamment, de son droit moral.

Le deuxième droit rattachable au droit moral est celui de divulgation. Quand l’œuvre a été créée, seul son créateur peut décider de la porter à la connaissance du public et il a tout à fait le droit de ne pas vouloir qu’une de ses créations soit révélée. C’est le cas, par exemple, du brouillon d’un roman, d’un tableau que le créateur voudrait ne pas exposer. Et il peut s’opposer à ce qu’une œuvre qu’il a créée soit portée à la connaissance du public.

Le troisième élément c’est le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. Lorsque le créateur a fait sa création, on dit qu’il a arrêté une forme donnée et cette forme, il a le droit de s’opposer à ce qu’on la modifie. Si on prend le cas d’une photo, par exemple, le recadrage de la photo, sa colorisation, le fait de l’inverser, toutes ces actions, en fait, peuvent être considérées comme des atteintes à l’intégrité de l’œuvre, que le créateur peut vouloir empêcher. Et pour ça, il faut qu’il montre que ces modifications ont dénaturé sa création et qu’elles ont porté atteinte à l’esprit de ce qu’il voulait faire.

La quatrième composante du droit moral, c’est le droit de retrait ou de repentir, qui est plus rarement mis en œuvre car plus complexe. C’est l’idée que lorsque le créateur a accepté la diffusion de son œuvre, il a le droit de changer d’avis et de demander à ce que son œuvre ne soit plus diffusée. Mais en fait, cette capacité est assez rarement mise en œuvre, parce que pour ça il doit indemniser tous les intermédiaires qui ont participé à la diffusion. On peut penser, par exemple, à un éditeur qui aurait commencé à diffuser un roman et, de ce fait, il y a assez peu d’auteurs qui revendiquent l’application de ce droit de retrait ou de repentir.

Ça c’était la première branche du droit moral. Il y en a une seconde qui est celle du droit patrimonial ou des droits patrimoniaux, qui ont trait à l’exploitation de l’œuvre. C’est souvent, d’ailleurs, ce qu’on a en tête quand on parle de droit d’auteur.

Dans les droits patrimoniaux, nous avons notamment le droit de reproduction. C’est-à-dire celui de faire des copies ou de fixer l’œuvre sur un support. Si on prend le cas d’un tableau, encore une fois, la possibilité d’utiliser l’image de cette œuvre dans un livre, la possibilité d’en faire des cartes postales, la possibilité de le numériser et de l’afficher sur un site internet, tout ça va résulter en des formes de reproduction qui relèvent de ce droit patrimonial.

Nous avons ensuite un droit de représentation, dit aussi droit de communication au public, qui est né, principalement d’abord, dans le monde du théâtre. Quand vous jouez une pièce de théâtre, il n’y a pas de reproduction de l’œuvre, il n’y a pas de copie, mais il y a bien une forme d’exploitation de l’œuvre qui, au fil du temps, a fini par être reconnue comme un des modes d’exploitation que peut contrôler le créateur.

Ensuite, au fil de l’évolution des technologies, il y a eu tout un tas de procédés permettant de diffuser les œuvres qui ont été raccrochés à cette représentation. On pense notamment à la radio, on pense au cinéma, qui sont considérés comme des formes de communication publique des œuvres, et aujourd’hui, toutes les communications numériques sont aussi assimilées à des formes de représentation qui peuvent être soumises au droit d’auteur. Le fait de diffuser sur Internet une œuvre est une forme de communication au public.

Indépendamment de la reproduction et de la représentation, il y a aussi la possibilité d’adapter les œuvres, le droit d’adaptation, qui relève du droit patrimonial. Là on pense, notamment, à des choses comme le fait de prendre un roman et de l’adapter en pièce de théâtre ou de l’adapter au cinéma, d’en faire un jeu vidéo. Tout ça, ce sont ce sont des formes d’adaptation qui relèvent aussi du droit patrimonial. Dans le droit d’adaptation, on a aussi, par exemple, la traduction qui est aussi considérée comme relevant du droit patrimonial.

Un point d’attention à avoir, c’est que ce droit s’appelle droit patrimonial, droit d’exploitation, mais il s’applique aussi en cas d’usage non commercial. Quand vous faites une reproduction d’une œuvre, par exemple pour l’afficher sur un site internet, vous êtes quand même soumis à ce droit de reproduction, même si vous n’avez pas d’intention lucrative ou de faire un acte commercial.

Pourquoi cette distinction entre le droit moral et le droit patrimonial est importante ? Parce qu’en fait, ces deux branches du droit d’auteur ne fonctionnent pas de la même manière.

Le droit moral, par exemple, ne peut pas être cédé par contrat, par l’auteur, à un intermédiaire comme un éditeur ou un producteur. On dit qu’il est inaliénable. C’est une façon de protéger les auteurs et d’empêcher que des intermédiaires s’attribuent ces prérogatives-là. Le droit est dit inaliénable parce que l’auteur pourra toujours revenir sur sa décision et considérer que le contrat est nul si un éditeur lui a demandé de céder le droit de paternité, le droit de divulgation ou le droit au respect de l’intégrité de son œuvre.

Le droit moral est aussi perpétuel dans le temps, c’est-à-dire qu’il va durer toute la vie de l’auteur et ensuite, il va se transmettre à ses descendants qui vont pouvoir l’exercer, indéfiniment, sans limite dans le temps.

Le droit patrimonial, de son côté, a un fonctionnement différent. Par définition, il est cessible par contrat, c’est-à-dire que l’auteur peut céder tout ou partie des droits patrimoniaux à des intermédiaires comme des producteurs ou des éditeurs. Dans ces cas-là, la cession va entraîner le transfert du droit au profit de ces agents et, en général, l’auteur va exiger une rémunération en échange et c’est de cette manière-là, par cession du droit patrimonial, que les créateurs peuvent bénéficier d’une rémunération pour leurs créations.

Le droit patrimonial n’est pas perpétuel. Il est limité dans le temps. En principe il dure 70 ans après la mort de l’auteur et, à ce moment-là, les différentes branches du droit patrimonial, c’est-à-dire la reproduction, la représentation et l’adaptation deviennent libres : n’importe qui peut les effectuer sans avoir à demander d’autorisation à l’auteur, ni à le rémunérer. Par contre, le droit moral persiste et donc là, il faudra demander l’autorisation aux descendants de l’auteur qui continuent à l’exercer.

La violation du droit d'auteur et les sanctions associées

Visionner la vidéo 4 min 18

Nous allons voir à présent la question de la violation du droit d’auteur et les sanctions qui y sont associées.

On a vu les différentes branches qui composent le droit d’auteur. Toute atteinte, tout acte commis sans autorisation de l’auteur, raccrochable à une de ces branches constitue ce qu’on appelle une contrefaçon. C’est le terme qui désigne le délit associé à la violation du droit d’auteur. Contrairement à l’expression un peu courante, la contrefaçon, dans ce domaine-là, elle n’est pas limitée à la question de fabriquer des imitations de sacs ou de médicaments. La contrefaçon c’est beaucoup plus large, ça concerne la violation des droits de propriété intellectuelle et, en matière de droit d’auteur, ce sera de reproduire une œuvre sans autorisation, de la représenter sans autorisation ou même, de violer une des composantes du droit moral sans l’accord de l’auteur.

La contrefaçon, en tant que délit, est punie actuellement de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. C’est donc quelque chose qui peut être poursuivi au pénal, comme peut l’être le vol, par exemple, et avec un niveau de sanction qui est relativement élevé : trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, ça fait partie des délits lourdement sanctionnés. Sachant qu’à côté de ça, une personne qui subit une violation du droit d’auteur peut aussi agir au civil pour demander des dommages et intérêts, en fonction du préjudice qui lui aura été causé. Dans la pratique d’ailleurs, on constate que les poursuites au pénal sont très rares. Elles concernent, en général, des violations très importantes du droit d’auteur, notamment avec une intention commerciale derrière, une intention lucrative. Et il est très rare que de simples internautes, par exemple, soient poursuivis au pénal. Par contre, les poursuites au civil sont plus fréquentes.

Dans la pratique, ce qu’on constate quand même, c’est que, en cas de violation du droit d’auteur, ce qui se produit le plus fréquemment, c’est que le titulaire de droits va adresser une demande à celui qui a violé le droit d’auteur, de cesser ou de retirer, par exemple, un contenu qu’il aura mis en ligne. Et lorsqu’on s’exécute, en général, ça clôt le litige et on peut en rester là. Il faut savoir quand même que dans ce cas-là, le titulaire de droits a toute latitude pour demander une indemnisation, qu’il va fixer de son propre chef, et en indiquant que si on ne paye pas cette rémunération, eh bien il y aura des poursuites au tribunal qui seront effectuées. Pour donner un exemple, il est assez fréquent qu’une agence de photos comme Getty Images, repère que certaines de ses photographies ont été publiées sur Internet et, par le biais de ses avocats, envoie une demande de retrait assortie de montants qui peuvent dépasser plusieurs centaines d’euros, sous peine d’aller au tribunal.

Donc les risques associés à la violation du droit d’auteur, il faut considérer qu’ils sont réels, sans aller systématiquement à des choses comme trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, il y a des risques, notamment pour les usages sur Internet où il y a une visibilité liée à la rediffusion.

Il y a des secteurs, aussi, qui sont plus sensibles que d’autres. C’est notamment le cas de la photographie où beaucoup de photographes professionnels sont particulièrement sensibles au respect de leurs droits, notamment dû aux conditions de l’exercice de leur profession et peuvent être plus portés à faire valoir leurs droits en cas de réutilisation non autorisée.

À côté de ça, on le verra dans d’autres vidéos, il faut se rendre compte que lorsqu’on n’est pas sûr de pouvoir réutiliser ou non un contenu protégé, il faut chercher à contacter le titulaire de droits lorsqu’on en a la possibilité, envoyer un simple mail, par exemple. Si on indique, de manière assez précise, ce que l’on veut faire avec l’œuvre que l’on veut réutiliser, peut valoir, en fait, l’équivalent d’une licence. Si on indique vraiment précisément les types d’usage, ça vaudra autorisation qui sera valable d’un point de vue juridique parce qu’on a un écrit formalisé. Et donc du coup, ça vaut toujours le coup d’essayer de contacter un auteur ou un éditeur, sachant qu’en cas d’utilisation non commerciale, ce genre de titulaire de droits est, en général, porté à accorder des autorisations.

Il y a d’autres façons d’utiliser légalement des contenus sur Internet du point de vue du droit d’auteur. Notamment, on peut réutiliser des œuvres qui sont dans le domaine public et elles sont faites pour ça. Le domaine public est fait pour donner des libertés de réutilisation. On peut réutiliser des œuvres qui sont dans le domaine public, sachant qu’il faut bien s’assurer que l’œuvre en question est dans le domaine public mais aussi que son support le soit. Ça peut, parfois, être assez complexe, notamment en ce qui concerne les musiques et les vidéos, de bien déterminer qu’on a à faire à un objet qui est dans le domaine public complètement.

Et sinon, on peut se tourner vers les œuvres placées sous licence libre. On verra dans une autre vidéo, en détail, ce que sont les licences libres. Le principe en est que le titulaire de droits, en général l’auteur, va accorder une autorisation générale à tous les utilisateurs de réutiliser sa production, par le biais d’un contrat, qui s’appelle une licence libre où, au lieu de poser des restrictions à l’usage, il va donner des libertés de réutilisation. Elles peuvent être plus ou moins ouvertes selon les options que le créateur aura choisies, mais ces licences offrent de très larges latitudes de réutilisation et on compte, aujourd’hui, des centaines de milliers, voire de millions d’œuvres disponibles sur Internet sous licence libre, qui peuvent être mobilisées pour toutes sortes d’usages.

Le mode de fonctionnement du droit d'auteur et les contrats

Visionner la vidéo 4 min 05

Nous allons voir maintenant le fonctionnement concret du droit d’auteur et notamment la manière dont il s’exprime dans des contrats.

Si on reprend les éléments qu’on a vus jusqu’à présent, quand une œuvre est protégée, l’auteur bénéficie d’un droit exclusif. Aux États-Unis, on dit souvent « copyright – tous droits réservés ». Le principe s’applique aussi ici en France. Quand l’œuvre est protégée, tous les droits sont, en principe, réservés à l’auteur, ce qui signifie que vous allez devoir lui demander une autorisation préalable. C’est-à-dire avant de faire l’usage, vous devez aller voir l’auteur ou le titulaire des droits et lui demander une autorisation pour pouvoir utiliser sa création.

Ce principe n’a pas une valeur absolue parce que la loi a listé une série d’exceptions, qui sont des cas spécifiques dans lesquels on n’aura pas à demander une autorisation à l’auteur. Un de ces cas qui est listé dans la loi, qui est peut-être le plus connu, est celui de la citation. Pour faire une citation d’un texte, on n’a pas besoin de demander l’autorisation à l’auteur, ni de payer, parce qu’il y a une exception, spécialement formulée dans le Code, qui nous dispense de cette autorisation préalable. Nous verrons tout à l’heure quelles sont ces exceptions, quelle est leur portée.

Mais pour l’instant, si on reste dans le cas où une autorisation est nécessaire à demander à l’auteur ou au titulaire de droits, il va falloir qu’elle s’exprime par un contrat, qui est un acte juridique nécessairement écrit, en droit français, qui va formaliser l’accord de l’auteur et le délimiter. Le contrat, c’est la manière dont les créateurs vont autoriser des intermédiaires à exploiter leurs œuvres et le public à les réutiliser. Et en droit français, ces contrats doivent être rédigés d’une manière précise pour qu’ils soient valables. On dit que le droit a établi un formalisme particulier des contrats d’auteurs. Le Code dit, notamment, que la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue, sa destination, le lieu et la durée. Ça, ça signifie que quand vous faites un contrat d’auteur, il va falloir que vous listiez précisément tous les usages que vous voulez faire de l’œuvre, que vous vous fixiez un lieu d’exploitation et une durée d’exploitation. Les contrats qui seraient rédigés d’une manière trop floue, trop vague, sont considérés comme non valables, et l’auteur n’est pas lié par ce type d’engagement. C’est une mesure de protection des auteurs, qui évite qu’un intermédiaire leur demande une cession des droits en bloc et les dépossède, d’une certaine manière, de leurs droits d’auteur.

Dans les contrats, en fait, il y a deux catégories bien distinctes. Un intermédiaire, par exemple comme un éditeur, peut exiger une cession à titre exclusif de droits. Ça signifie que l’auteur lui consent un usage que lui seul pourra faire ensuite du droit d’exploitation. Ces cessions-là sont puissantes, on va dire. Elles organisent un transfert du droit de l’auteur à l’éditeur et, en général, en principe, elles sont réalisées à titre onéreux, c’est-à-dire en échange d’une rémunération et le Code nous dit que cette rémunération doit être, en principe aussi, proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé par l’agent économique. Mais toutes les autorisations ne sont pas exclusives. Si vous avez besoin d’une autorisation, par exemple simplement pour afficher une photo sur un site internet, vous n’avez pas besoin de demander une exclusivité au photographe. Dans ces cas-là, on dit que le photographe concède une licence, simplement, et ces actes-là sont plus simples à formuler, ces contrats-à sont plus simples à exprimer.

Dans le Code de propriété intellectuelle, il y a un certain nombre de contrats, plus importants, qui bénéficient d’une définition et de tout un régime qui est établi. Si on prend un exemple, le contrat d’édition fait l’objet d’une partie dans le Code et il est relativement formalisé. C’est celui qui permet, notamment, l’édition des livres par les éditeurs. Dans ces cas-là, en fait, le contrat organise un équilibre entre l’auteur et l’éditeur. L’auteur consent à une cession du droit, notamment de reproduction contre une rémunération, pour que l’éditeur puisse fabriquer des exemplaires de l’ouvrage. L’éditeur est tenu, par le contrat, de faire cette fabrication et il est tenu ensuite de publier le livre et de l’exploiter commercialement. Si l’une des deux parties ne satisfait à ces conditions, eh bien le contrat tombe et, notamment par exemple, si l’éditeur n’exploite pas effectivement le droit de reproduction, eh bien ce droit retourne à l’auteur.

Et, en contrepartie, l’auteur va toucher une rémunération proportionnelle qui est établie, en fait, sur le chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur. C’est lui qui prend le risque dans l’opération d’édition et, dans le droit français, la possibilité de payer un auteur au forfait est assez encadrée. Elle est limitée à certains cas précis, notamment par exemple des illustrations ou des traductions, mais en principe, un auteur doit être rémunéré de manière proportionnelle. C’est là aussi une manière de protéger l’auteur et de lui assurer d’avoir une rémunération au niveau de la popularité ou de la diffusion que l’œuvre aura atteintes. Un intermédiaire économique ne peut pas, en principe, payer une somme fixe à un auteur en échange de la cession des droits.

Le cas particulier des publications scientifiques

Visionner la vidéo 5 min 15

Nous allons voir à présent le cas particulier des productions scientifiques et notamment des articles scientifiques produits par les chercheurs.

Dans ce domaine, on a vu précédemment que les chercheurs restent titulaires des droits sur leurs productions, y compris lorsqu’ils les produisent dans le cadre de leur mission de service public. Donc toutes les productions des chercheurs et des enseignants-chercheurs, qu’il s’agisse de cours, d’articles, d’ouvrages, de parties d’ouvrages ou de ressources pédagogiques, les droits restent aux chercheurs et ce sont eux qui décident de la diffusion et des conditions de la réutilisation de ce qu’ils produisent.

Dans le domaine particulier de la diffusion des résultats de la recherche, les chercheurs, en général, diffusent leurs productions par le biais d’éditeurs scientifiques, qui vont conclure avec eux des contrats, qui sont en réalité des contrats d’édition, notamment pour la diffusion des articles qui paraissent dans les revues scientifiques. Au moment de la conclusion de ce contrat d’édition, les chercheurs sont amenés à céder leurs productions, les droits sur leurs productions, au profit de l’éditeur et, en fonction de l’étendue de la cession, ils pourront effectuer certains usages ou, au contraire, se voir interdire d’exercer ces droits.

Dans le cas qui est relativement fréquent, l’éditeur va demander une cession exclusive pour l’ensemble des droits de reproduction et de représentation sur l’article. Si le chercheur accepte ce type de contrat, à ce moment-là ces droits-là sont transférés au profit de l’éditeur scientifique et le chercheur ne pourra plus utiliser lui-même son article, notamment pour le publier en dehors de la revue, sur un site personnel ou sur un site institutionnel. Cette situation a conduit, en fait, à ce que les éditeurs scientifiques concentrent une grande partie des droits sur la production des résultats de la recherche et les revendent sous forme d’abonnements aux universités qui sont amenées à devoir racheter les droits d’accès à la production des chercheurs.

Cette situation a pu être contestée, elle est génératrice, aussi, de très lourdes dépenses pour les universités, ce qui a amené, en réaction, à un mouvement du libre accès aux articles scientifiques, ou de l’open access, qui incite les chercheurs à poster sur Internet, en accès libre et gratuit, soit sur leur site personnel, soit sur des sites d’archives institutionnelles, leurs articles. Pour faire ça juridiquement, il faut que le chercheur, au moment où il conclut le contrat d’édition avec l’éditeur, prenne la précaution de ne pas céder l’intégralité de ses droits patrimoniaux, mais conserve suffisamment de droits pour pouvoir, lui-même, faire un auto archivage ensuite sur Internet. Et pour ça, en fait, il faut négocier des clauses ou proposer des modèles de clauses, qui réservent au minimum au chercheur une possibilité de diffusion non commerciale de son propre article.

Au fil du temps, des éditeurs ont accepté une coexistence avec cette dynamique du libre accès ou de l’open access et permettent, notamment, l’auto archivage de la version auteur, c’est-à-dire du manuscrit qui aura été soumis par l’auteur à l’éditeur, et qui va pouvoir être mis en ligne. En général, les éditeurs n’acceptent pas, par contre, la diffusion de la version de l’article incorporant leurs propres apports, c’est-à-dire notamment la mise en page, la pagination, la maquette de la revue qui là, va rester sous droits exclusifs.

Les éditeurs peuvent aussi fixer des durées, qu’on appelle d’embargo, qui vont constituer un certain laps de temps pendant lequel le chercheur ne devra pas diffuser en archive ouverte ou sur une archive institutionnelle son article, pour réserver une période d’exploitation commerciale exclusive à l’éditeur. Ces durées peuvent varier. Elles varient beaucoup selon les disciplines et selon les éditeurs, mais la loi française va changer et va uniformiser ces durées et va toujours permettre, dorénavant, à l’auteur de faire la diffusion en accès libre de son article, six mois après la publication dans la revue pour les sciences exactes et un an pour les sciences humaines et sociales. Dans ces conditions-là, l’auteur n’aura plus à négocier les contrats, c’est la loi qui lui donnera cette possibilité, en passant par-dessus les contrats d’édition qu’il pourrait signer.

La gestion du droit d'auteur et des droits voisins

Les droits voisins

Visionner la vidéo 5 min 35

Nous allons à présent parler de la question des droits voisins. Jusqu’à présent nous avons passé en revue les différents éléments liés au droit d’auteur. Mais il y a d’autres types de droits qui peuvent bénéficier à des personnes qui ne sont pas auteurs au sens propre, mais qui participent à la création. On dit qu’elles sont des auxiliaires de la création et, au fil du temps, le législateur a considéré qu’il fallait aussi faire bénéficier à ces agents de droits pour leur accorder une meilleure protection. Ça s’est passé dans les années 80, en 1985 exactement en France, où la loi a donné une protection spécifique, par exemple aux interprètes. Les personnes qui sont chanteurs, acteurs ou musiciens, qui ne sont pas auteurs des œuvres qu’elles interprètent mais qui bénéficient, tout de même, d’une protection au titre de ce qu’on appelle un droit voisin du droit d’auteur, qui fonctionne d’une manière très similaire au droit d’auteur, au moins dans ses branches. C’est aussi un droit qui porte sur la reproduction et la représentation de l’œuvre.

Pour les interprètes type acteurs ou musiciens, il y a aussi une dimension du droit moral qui s’applique. Par contre, ce droit-là est différent dans sa durée : au lieu de durer 70 ans après la mort de l’interprète, il va durer 70 ans à partir du moment où l’interprétation sera réalisée. Donc si je prends le cas d’un chanteur, au moment où il effectue son interprétation, il bénéficie d’une protection de 70 ans, ce qui peut amener cette protection à s’éteindre, dans le cas d’une personne qui vit longtemps, du vivant du créateur lui-même, ce qui n’arrive jamais pour le droit d’auteur.

Ces droits qui bénéficient aux interprètes, ils ont aussi été étendus à d’autres d’agents, qui sont plus des agents économiques, qui sont notamment les producteurs. Donc les producteurs ce sont ceux qui prennent l’initiative et qui investissent pour fixer l’œuvre sur un support. À la base, ça a été fait pour les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, donc ceux qui faisaient des enregistrements de vinyles, de CD, de cassettes et, aujourd’hui, qui investissent pour la production des œuvres sous forme numérique. Ils bénéficient, eux aussi, d’un droit voisin qui là va durer 50 ans après la fixation de l’œuvre sur le support.

Les entreprises de communication audiovisuelle, donc les chaînes de télévision et les radios, ont aussi un droit voisin sur les émissions qu’elles diffusent.

Si on prend le cas d’une musique, par exemple, ça va aboutir à un schéma des différents types de droits qui vont bénéficier sur cette musique. Dans une musique, vous pouvez avoir des auteurs qui sont le compositeur de la mélodie, le parolier qui aura écrit les paroles, l’arrangeur. Eux ont la qualité d’auteur et ils bénéficient des droits que nous avons passés en revue et notamment des droits de reproduction, de représentation, 70 ans après leur mort.

On a ensuite les interprètes qui jouent la musique, donc les membres d’un groupe, par exemple, qui vont jouer la musique, eux ont un droit voisin d’interprète. Une personne peut être auteur-compositeur-interprète, c’est-à-dire cumuler à la fois la qualité d’auteur et d’interprète, elle bénéficiera alors des deux droits, droit d’auteur et droit voisin, qui peuvent aussi être séparés. Le producteur lui donc qui prend l’initiative de produire cette musique et de la diffuser, il a un droit voisin. Et on a un autre agent qui peut intervenir dans le cas de la musique, c’est ce qu’on appelle l’éditeur qui va gérer la partition. Les éditeurs de musique, eux, agissent comme des éditeurs de livres. Ils se font céder les droits par les auteurs et ils obtiennent le droit de reproduction, notamment pour diffuser la partition de la musique.

Ensuite, si on prend maintenant le cas d’une œuvre audiovisuelle, on va dire un film, un reportage, on a un schéma qui est relativement similaire. Vous avez des auteurs et la loi liste des personnes qui peuvent avoir la qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle – ça va être, par exemple, le scénariste, le dialoguiste, le réalisateur et le compositeur de la musique – eux, ils sont auteurs au sens propre et ils ont donc ce droit de reproduction, de représentation, 70 ans après leur mort. Il y a toute une catégorie d’interprètes qui sont notamment les comédiens, les acteurs, mais aussi les danseurs, chanteurs, musiciens, qui pourraient intervenir dans le film. Le producteur, c’est celui qui prend à sa charge de réaliser cette œuvre audiovisuelle et qui investit pour qu’elle soit possible, eh bien il a un droit voisin, et toute la musique du film, en fait, est gérée avec un système aussi de droits d’auteur et de droits voisins qui se superposent à l’ensemble.

Donc vous voyez qu’on peut aboutir à un schéma qui est beaucoup plus complexe que celui d’un simple auteur de roman qui va être seul pour créer son œuvre. Dans le cas de la musique et des films, on est dans le cas d’œuvres de collaboration qui font intervenir plusieurs types d’acteurs, et ça entraîne une superposition des droits à plusieurs niveaux qui, ensuite, va nécessiter des mécanismes pour pouvoir gérer ces droits et notamment gérer l’exploitation dans les différentes filières de diffusion.

La gestion collective des droits

Visionner la vidéo 4 min 34

Nous allons à présent voir les mécanismes de gestion collective des droits.

Jusqu’à présent, on s’est surtout placés dans l’hypothèse où un créateur individuel, seul, avait créé une œuvre et où des utilisateurs allaient lui demander l’autorisation pour pouvoir l’utiliser.

En fait, très rapidement, ce mécanisme de gestion individuelle des droits a montré ses limites. Parce qu’un auteur qui acquiert une certaine notoriété, s’il devait entièrement gérer ses droits à titre individuel, serait sans cesse, en fait, sollicité et cette gestion à son niveau, deviendrait bien trop complexe et bien trop chronophage. Ce qui fait que les auteurs ont rapidement éprouvé le besoin de se regrouper en sociétés pour développer ce qu’on appelle la gestion collective des droits. Cette gestion collective est ancienne : la première société qui s’est créée l’a été dans le courant du 19e siècle, s’appelle la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, qui s’est rassemblée autour de Beaumarchais pour gérer les droits des auteurs, notamment dans le théâtre. Par la suite d’autres société sont nées, comme la SACEM, Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, qui gère les droits des auteurs dans le secteur de la musique.

En France, actuellement, on a un ensemble de 27 sociétés de gestion collective qui interviennent pour faciliter, en fait, la gestion des droits dans les différentes branches. Le principe dans ces cas-là, c’est que les auteurs conservent leur droit moral, on a vu qu’il était inaliénable, donc ils gardent l’exercice du droit moral, mais ils vont adhérer à ces sociétés et leur donner un mandat, pour qu’elles puissent exercer, à leur place, les droits d’exploitation. Et ces sociétés mettent en place des tarifs et des barèmes qui leur permettent d’accorder des autorisations, de percevoir des redevances et, ensuite, de les repartir selon leurs différents membres, pour leur assurer une rémunération. Ces sociétés sont établies par la loi, ce sont des sociétés privées, mais elles reçoivent un agrément ministériel pour devenir sociétés de perception et de répartition des droits, et elles sont soumises à un certain nombre de contrôles sur leur gestion pour vérifier leur bon fonctionnement.

Le schéma est relativement complexe, néanmoins, en France. On a vu qu’il y avait 27 sociétés de gestion. Les auteurs ne sont pas les seuls à s’être rassemblés en sociétés de gestion collective. On a aussi, par exemple, les interprètes qui le sont, les producteurs aussi, dans une certaine mesure, se sont rassemblés en sociétés et, selon les domaines, la gestion collective est plus ou moins développée. Elle l’est beaucoup dans le domaine de la musique. Elle peut l’être aussi beaucoup dans le domaine de l’audiovisuel, par contre, elle l’est beaucoup moins dans le domaine, notamment des œuvres écrites, où la gestion individuelle reste la plus développée.

Articulé à ce système de gestion collective, la loi est parfois intervenue pour simplifier les usages et notamment, mettre en place ce qu’on appelle des mécanismes de licence légale ou de gestion collective obligatoire.

Première à être instaurée, c’est une licence légale pour la diffusion publique de musique enregistrée. C’est un mécanisme qui est né avec les évolutions technologiques, notamment la radio. Si les chaînes de radio étaient obligées de demander une autorisation ponctuelle chaque fois qu’elles veulent diffuser un morceau, le système serait beaucoup trop complexe. Donc le législateur est intervenu pour donner une autorisation générale de diffusion publique de la musique enregistrée, notamment au titre des droits voisins des producteurs et des interprètes. Et elle a institué une société de gestion collective, qui est la Sacem, qui s’assure de percevoir toutes les redevances versées par les chaînes de radio et les reverse aux différents acteurs : les auteurs, les producteurs et les interprètes. Du coup, les radios n’ont plus à demander d’autorisations ponctuelles. Elles tiennent simplement une liste de ce qui est diffusé et les droits sont ensuite répartis en fonction des diffusions.

C’est aussi cette licence légale qui permet de sonoriser les espaces : quand vous voulez diffuser de la musique dans un magasin ou dans un espace public, comme une bibliothèque par exemple, vous pouvez obtenir des licences auprès de la Sacem qui, ensuite, répartit les droits.

Ce mécanisme a aussi été appliqué pour certains actes de reproduction. C’est notamment ce qui permet de faire fonctionner ce qu’on appelle la reprographie, les photocopieurs. Là aussi, la loi a considéré que c’était trop complexe de maintenir l’autorisation préalable chaque fois qu’on réalisait une photocopie. Donc elle a mis en place un système dit de gestion collective obligatoire, et on a un organisme qui est le Centre français du droit d’exploitation du droit de copie, CFC, qui exerce le droit sur la reprographie. Toute personne qui veut mettre à disposition des photocopieurs va devoir conclure une licence, un contrat, avec le CFC, qui va percevoir des sommes en fonction de son volume d’activité ou de la population desservie et qui va reverser aux auteurs et aux éditeurs.

Il y a une dernière licence légale qui est importante et qui a été votée dans les années 2000, c’est celle qui permet d’organiser le prêt en bibliothèque. Là aussi, il paraîtrait complexe qu’on demande l’autorisation à chaque auteur et à chaque éditeur pour que les bibliothèques puissent prêter des livres. C’est la loi qui s’est substituée dans ce cas-là. Les auteurs et les éditeurs ont perdu le droit d’autoriser ou d’interdire le prêt en bibliothèque, c’est la loi qui donne l’autorisation et, en contrepartie, il y a un droit de prêt qui est versé par l’État et par les collectivités locales, qui est collecté par une société qui s’appelle la Sofia, qui reverse aux auteurs et aux éditeurs.

Ces mécanismes-là sont importants. Ils aboutissent, parfois, à faire perdre aux auteurs l’exercice de leurs droits, la faculté d’autoriser/interdire, mais ils leur assurent aussi des rémunérations complémentaires.

Limitations et exceptions au droit d'auteur

La durée du droit d'auteur et le domaine public

Visionner la vidéo 5 min 28