Comprendre les enjeux du vote électronique - Chantal Enguehard.

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Titre : Comprendre les enjeux du vote électronique

Intervenante : Chantal Enguehard

Lieu : Café Citoyen - Restaurant L’Atelier - La Chapelle sur Erdre

Date : mai 2019 2020

Durée : 1 h 11 min 14

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Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Description

Alors que nous rentrons dans des périodes électorales il vous est proposé de mieux connaître les mécanismes du vote électronique et les enjeux démocratiques afférents.
En France, lors des élections politiques, des dispositifs de vote électronique sont utilisés depuis plus de 15 ans. Des entreprises, et même l’État, organisent des élections professionnelles par Internet. Des pays étrangers fournissent aussi des exemples instructifs.
Il s’agit d’évaluer la pertinence de cette évolution au regard des qualités attendues d’une élection démocratique : secret du vote, transparence, sincérité des résultats.
En France, certaines organisations tentent de promouvoir le vote électronique. Lors de l’élection présidentielle de 2007, huit des douze candidats ont pris position pour un moratoire sur le vote électronique. Trois n’ont pas pris position et un seul a soutenu le vote électronique : Nicolas Sarkozy.
Plusieurs partis politiques émettent des doutes sur l’utilisation de ces machines. En 2007, certains d’entre eux voyaient un risque dans les machines à voter. Depuis, il semble que beaucoup aient changé d’avis, du moins pour les scrutins organisés au niveau de leur structure politique.
Voilà donc autant d’éléments qui devraient susciter le débat, après avoir pris connaissance des réalités du vote électronique grâce à Chantal Enguehard.

Transcription

Mon idée c’est de vous donner des connaissances que vous allez rassembler vous-mêmes pour comprendre qu’il y a des problèmes pour le vote électronique.
Voici à peu près le plan.
C’est un problème pluridisciplinaire, ce qui explique qu’il est mal compris, puisque chacun dans sa discipline n’arrive pas à comprendre.
Je donnerai quelques exemples d’usage. Les concepts qu’il est très important de bien comprendre ; ce sont ces concepts qui, mis ensemble, font une impossibilité. Une petite typologie parce qu’il y a plein de sortes de systèmes de vote électronique et puis la grosse partie ça va être en fait qu’est-ce qui se passe quand on passe du vote papier au voté électronique. Ensuite on va redescendre vers d’autres détails c’est-à-dire le bulletin de vote, puisque la dématérialisation pose des problèmes on s’est dit on va rematérialiser, donc finalement les recherches qui se développent en ce moment, les futurs systèmes de vote électronique et puis quelques textes qui tordent les concepts, c’est pour ça que j’ai appelé cela « opacifier la transparence » et quelques observations si on a le temps. En arriver là déjà ce ne sera pas mal.

Pluridisciplinarité

D’abord les élections c’est l’affaire des sciences politiques. Les sciences politiques, je ne suis pas politiste, je suis informaticienne, ingénieur en informatique, donc très ignorante, mais j’ai fini par apprendre un peu ces choses.là.
Les sciences politiques s’intéressent entre autres aux formes du pouvoir et une des formes du pouvoir c’est d’élire des représentants par les élections. Ce que nous apprennent les sciences politiques c’est que les élections c’est un moyen de prendre une décision qui n’est pas consensuelle sans se taper dessus. Imaginez si on devait choisir le prochain président de la République à la dispute, on ne s’en sortirait jamais. Alors que quand on fait des élections en une journée c’est plié, quelques semaines si vous voulez. Il y a une campagne et puis à la fin c’est plié. Et surtout, ce qui est important, c’est qu’il faut voir ça comme un dispositif de maintien de la paix au sens où les gens qui ont perdu l’élection, leur candidat a perdu l’élection, eh bien ils acceptent la défaite. Une élection ratée c’est une élection où les gens se battent dans la rue, c’est une élection où il y a des désordres publics, c’est-à-dire qu’il y a des soupçons de fraude, etc., des soupçons de triche, les gens n’acceptent pas la défaite. Donc une élection réussie c’est une élection où tout le monde accepte le résultat de l’élection.
Pour que les gens acceptent le résultat des élections il faut qu’ils aient des indices comme quoi ils peuvent avoir confiance dans la décision qui a été prise, dans le résultat électoral qui a été pris. Il faut qu’ils adhèrent au processus. Il faut qu’ils aient profondément conscience et confiance dans le fait que la personne qui a été désignée comme gagnante est effectivement celle qui a eu le plus de résultats, le plus de suffrages. Dans les pays où il y a des soupçons de fraude, il y a des émeutes dans la rue.

Ensuite on a une deuxième composante qui est le droit. Quand il y a des élections des fois il y a des fraudes, des fois il y a des gens qui rentrent avec des armes dans des bureaux de vote, des fois il y a des gens qui forcent les autres qu’ils ne passent pas par l’isoloir - je veux être sûr que tu vas voter pour machin ou machin. Dans ces cas-là c’est le droit qui va agir, c’est-à-dire qu’il va y avoir un contentieux électoral, une contestation du résultat électoral. Donc le droit agit. Il va y avoir des preuves, des témoignages. On va aller voir monsieur le juge, on dira « Monsieur le juge j’ai vu, dans tel bureau de vote il s’est passé ceci cela, etc. » Le juge peut annuler l’élection ou bien annuler quelques bureaux de vote. En général le juge évite parce que ça coûte cher d’organiser des élections. Il ne va pas annuler l’élection s’il y a eu une fraude sur dix enveloppes, sauf si la différence entre le candidat gagnant et son suivant est de moins de dix votes. Si vous avez une différence de 1500 voix entre deux candidats, soit vous apportez des témoignages disant qu’il y a a 2000 voix qui ont été fraudées et à ce moment-là il y a des chances que le juge annule ; si vous apportez des témoignages disant qu’il y a 200 voix - moi j’ai vu, ils ont rajout deux grosses enveloppes de 100 voix dans le dépouillement - eh bien 200 voix ça ne change pas l’élection, le juge ne touche rien même s’il y a eu faute, parce que des élections ça coûte cher, etc. C’est quand même le bon candidat qui a gagné, les 200 voix litigieuses n’auraient rien changé. En gros ça se règle comme ça, le juge fait bien ce qu’il veut.

Avec le vote électronique arrive une troisième discipline qui est l’informatique. Ni le politique ??? ni le droit ne comprennent rien à l’informatique et les informaticiens ne connaissent pas grand-chose au droit et aux sciences politiques non plus.
Ce qui est intéressant aussi c’est qu’avec l’informatique arrive le thème de la sécurité. Quand on parle de vote électronique, on parle tout le temps de sécurité. On n’en parle pas avec les autres élections. Vous voyez bien qu’avec les élections papier il n’y a pas le thème de la sécurité. On sait qu’il peut y avoir des fraudes et on sait comment les traiter : n recueille des preuves, on recueille des témoignages, on passe devant le juge ; on sait qu’il peut y avoir des trous de sécurité. Avec l’informatique on va nier le fait qu’il y a des trous de sécurité.
Comment un informaticien voit la question du vote ? Il dit « voilà un système, on a une fonction F, on a des entrées qui sont des votes, on a des résultats qui sont des résultats électoraux, on va collecter, on va additionner tous les votes et puis voilà, il faut se débrouiller pour qu’on respecte bien, qu’on compte bien, qu’on additionne bien ce qu’il faut ». Un informaticien dit « voilà, ça marche comme ça, c’est facile, on va compter les votes ». Il ne voit pas le problème.
Pourquoi il y a un problème ? C’est ce que je vais essayer de vous expliquer maintenant.

Les usages

Les usages, histoire de dépiler ça, parce que moi je le sais et vous vous ne savez pas et je sais que ça va vous interpeller tout le temps.
En France il y a des machines à voter qui sont utilisées pour à peu près un petit plus d’un million d’électeurs dans la région qui est la vôtre, il y en a Orvault, il y en a à Pornichet, il y en a à Coueron, il y en a à Blain en pleine campagne.
Il y a aussi du vote par Internet qui a été autorisé par le service civil pour les Français de l’étranger, pour les élections législatives, sachant que pour des problèmes de sécurité elles n’ont pas été autorisées aux dernières élections.
Et en revanche, pour les élections professionnelles, le vote par Internet est autorisé et de plus en plus utilisé dans l’indifférence générale, on peut le dire.
Après, on peut regarder un petit peu à l’international.
En Inde et au Brésil il y a des machines à voter depuis très longtemps.
Au Venezuela il y a des machines à voter dites vérifiables, j’en parlerai à la fin, avec émargement ??? c’est-à-dire que pour émarger on met son doigt, ça me pose question je me dis « tiens, on a recueilli les empreintes digitales de toute la population » !
En Estonie il y a du vote par Internet mais c’est optionnel, on peut choisir de voter papier. En revanche il y a un lien qui est gardé entre le vote électeur puisqu’on peut annuler son vote.
En Allemagne ils ont interdit les machines à voter.
En Hollande c’est le pays le plus avancé au monde, ils ont voté pendant 15 ans quasiment dans tout le pays avec des machines à voter et ils ont arrêté du jour au lendemain.
En Belgique ils sont en train de diminuer et après ça commence à gagner aussi en Afrique. Au RDC Congo, les dernières élections se sont faites avec des machines à voter qui ont été utilisées uniquement, enfin officiellement, pour imprimer les bulletins de vote, les choix des électeurs sur les bulletins de vote.

Les concepts

Je reviens maintenant sur les concepts.
Voici quelques principes qui sont associés à des élections qu’on va dire démocratiques, ce n’est probablement pas un mot qui conviendrait à des ???, mais tant pis.

D’abord l’unicité. L’unicité c’est une personne une voix. Là je vais expliquer par rapport au vote papier qu’on connaît tous bien, là c’est ??? par la liste d’émargement, une personne ne peut pas voter deux fois. Il y a d’autres pays où c’est ???, etc.

La confidentialité c’est le fait qu’on vote en secret. On voit bien qu’elle ne peut pas être respectée pour le vote à distance, quand on vote par correspondance à la maison personne ne peut s’assurer que vous êtes tout seul au moment où vous votez ; d’ailleurs on ne peut même pas s’assurer que c’est vous qui votez. Quand on est dans un bureau de vote, il y a l’isoloir qui va permettre de choisir votre bulletin tranquillement, il y a une enveloppe, on ne voit pas ce que vous avez choisi, et puis il y a environnement contrôlé. Le contrôle ce sont les membres du bureau de vote, c’est-à-dire que si jamais il y a quelqu’un qui vient vous embêter dans l’isoloir normalement il y a quelqu’un du bureau de vote qui va intervenir et qui va dire « non, vous n’avez pas le droit. »
Normalement, si deux personnes en âge de savoir ??? vont ensemble dans l’isoloir, les gens du bureau de vote vont intervenir en disant « non, vous n’avez pas le droit ». Dans les faits ce n’est pas toujours le fait. J’ai discuté avec des présidents de bureau de vote ils disent que quand il y a des gens très âgés qui viennent voter, qui sont aidés, c’est délicat, il y a des situations humaines qui sont compliquées. Bref ! Il y a la réalité.

L’anonymat c’est la rupture du lien entre l’électeur et le choix qu’il a exprimé. Par exemple dans un bureau de vote, quand on brasse les enveloppes, même si vous avez bien regardé l’enveloppe qu’a mise votre épouse dans l’urne pour savoir ce qu’elle vient de voter, ça va être dur de garder votre œil dessus jusqu’au dépouillement final. Je ne dis pas que c’est impossible, mais ce n’est pas gagné !

La sincérité, c’est un terme technique, je le dis, ça veut dire que c’est le bon candidat qui est déclaré gagnant. Ça ne veut pas dire que les comptes sont justes pile-poil, ça veut dire que c’est le bon qui est déclaré gagnant. La sincérité est assurée par le fait que le dépouillement est public et que les gens sont vigilants : on va faire attention à l’urne, on ne va pas laisser l’urne sans surveillance, on ne va autoriser que l’urne soit transportée pour être dépouillée ailleurs par exemple, ou bien il y a des ???, il y a des gens autour. Si vous n’avez jamais dépouillé, je vous encourage à le faire.

Et puis la transparence. C’est un terme intéressant parce qu’il n’est défini nulle part, il n’apparaît pas dans le code électoral, en fait c’est ce qui va permettre de faire les constats que les principes d’avant ne sont pas respectés. C’est grâce à la transparence qu’on va pouvoir voir que quelqu’un a glissé des enveloppes dans l’urne au moment du dépouillement. C’est la transparence qui va faire que j’ai vu donc je vais en apporter témoignage. Ou « Monsieur le président, il y a une porte qui a claqué et c’est bizarre, plein d’enveloppes dans l’urne n’étaient plus pareilles avant et après ». Depuis qu’il y a des urnes transparentes on ne fait plus la fraude qui consistait à échanger des urnes, qui était une fraude bien rodée.
C’est grâce à la transparence qu’on va pouvoir constater les atteintes aux principes et en apporter des preuves ou des témoignages.
C’est grâce à la transparence qu’on peut faire un contentieux électoral parce qu’un juge juge sur des témoignages ou des preuves. Il ne juge pas sur des statistiques ou quoi que ce soit ; il faut lui apporter du grain à moudre.
C’est grâce à la transparence que les électeurs vont avoir confiance dans le fait que c’est la bonne personne qui est déclarée gagnante à la fin de la journée. Tout le monde en est convaincu, on ne se bat pas dans les rues. On est sûr - on est déçu parfois – mais in est sûr que c’est elle qui a gagné et que les autres qui ont voté comme des cons ! Je suis filmée, pas dire ça !
Et cette confiance est absolument importante parce que c’est le fondement de la légitimité des élus. Quand il n’y a pas de confiance, quand les élections sont remises en cause, quand on pense qu’il y a eu fraude non seulement il y a des désordres dans la rue et des gens qui se battent, mais ensuite quand la personne élue veut pas gouverner on lui dit « mais toi tu n’as rien à faire là. Tu n’a pas été correctement élue, je ne te reconnais comme décideur ou comme mon directeur ou comme je ne sais pas qui ». Donc la personne n’est pas reconnue comme représentante de la volonté des électeurs, donc n’est pas légitime pour gouverner, et sans arrêt sa légitimité va être remise en cause, elle ne pourra pas travailler. Or il y a du boulot à faire ! La gestion d’un pays ou d’une organisation c’est du boulot.

Donc ce lien entre transparence, confiance et légitimité des élus est absolument fondamental pour les élections.

13’07

La transparence j’y reviens encore. Ça c’est une urne transparente.
La transparence c’est un continuum, ce n’est noir ou blanc. Là on a une belle urne transparente. D­epuis 1980 seulement on a des urnes transparentes en France.
Voilà une urne en bois, ce n’est pas mal une urne en bois mais c’est moins bien qu’une urne transparente, parce que si je veux être sûre qu’elle est vide, eh bien il faut que je l’ouvre et en plus il peut y avoir un double fond. Donc si c’est une urne en bois mais qu’on m’interdit de la toucher, je ne suis pas sûre qu’elle est vide ; ça c’est fait des urnes en bois avec double fond, c’est pour ça qu’on est passé aux urnes transparentes d’ailleurs.
Déjà on a perdu. Vous voyez, je ne peux pas toucher, donc je suis privée d’un des sens dont je dispose.
Il y a un troisième niveau, on vous dit « non, ce n’est pas vous qui allez voir. Il y a quelqu’un du bureau de vote qui va aller voir pour vous ». Vous allez demander à quelqu’un du bureau de vote le matin, avant le début de l’élection si l’urne est bien vide. Il va ouvrir l’urne, il va dire « oui, c’est bon », mais vous, vous n’avez pas vu. Vous voyez bien que ça commence à se dégrader.
Après il y a un ordinateur. Vous voyez que dans le troisième cas on a un intermédiaire qui est un intermédiaire humain et dans le quatrième cas on a un intermédiaire qui est un intermédiaire logiciel et matériel.
C’est ça la notion de transparence directe ou indirecte. Vos allez voir que le mot transparence est évidemment tordu pour lui faire dire autre chose.
Quand je parle de transparence c’est évidemment la transparence directe, celle qui s’exerce à l’aide de nos sens sans aucun intermédiaire matériel logiciel ou humain. Quand on va dans un bureau de vote on peut soi-même constater les choses, chaque électeur peut constater.
Et puis à l’intérieur c’est comme ça : à l’intérieur ce sont des circuits électroniques avec des électrons qui se déplacent et les électrons c’est tout petit et c’est très fragile.

Maintenant la notion de dématérialisation. On est dans un monde de plus en plus numérique et malheureusement c’est une notion qui n’est pas comprise.
Il y a ce tableau de Magritte Ceci n’est pas une pipe. Quand je l’ai vu enfant je ne comprenais pas. Je voyais bien que c’était une pipe ! Pourquoi c’est écrit Ceci n’est pas une pipe. En fait, je ne peux pas fumer de tabac avec ce tableau. En revanche je peux le rouler, je ne pourrais rouler une pipe, si je roule une pipe elle va être cassée.
Et puis les images de feu, je n’ai même pas peur, je ne me brûle pas, ce n’est pas un feu, c’est une image d’un feu. D’ailleurs je ne peux pas cuire des aliments avec. C’est une représentation d’un feu. Et là c’est une représentation d’une pipe.
D’ailleurs le tableau de Magritte s’appelle La trahison des images, il y a le mot trahison dedans, une représentation ça trahit quelque chose. Qu’est-ce que ça trahit ? Ça trahit qu’on a des propriétés physiques différentes. Avec une pipe je peux fumer du tabac , avec une représentation d’une pipe je ne peux pas fumer de tabac mais je peux la rouler et la photocopier, c’est juste pas la même chose, c’est autre chose.
Avec le vote électronique, on a la même chose : on a une représentation des objets du vote, avec des propriétés différentes qui vont poser des problèmes.
La difficulté qu’on a c’est que ni les juristes, ni les législateurs n’ont compris ce fondement de ce qu’est la dématérialisation. Donc la réalité ce n’est pas la représentation. C’est étonnant d’avoir à expliquer des choses comme ça en 2019, que les images ne sont pas des choses. C’est très étonnant !

Typologie

Voici une typologie assez rapide du vote électronique pour vous montrer qu’en fait il y a une myriade de dispositifs puisque ce sont des objets qui sont fabriqués par des industriels et chacun fait bien ce qu’il veut.
J’ai quand même mis trois axes.
Environnement contrôlé, c’est en bureau de vote.
Il y a le vote à distance. On peut faire du vote à distance par téléphone, par SMS, par Internet.
Vote hybride c’est quand on vote sur une carte qui va être dépouillée automatiquement par un scanner. Vous avez peut-être déjà voté comme ça dans le cadre professionnel ou pour des assurances.
Après il y a le cas où les bulletins de vote sont dématérialisés ou matérialisés. Par exemple stylo numérique ça c’est fait une fois mais on peut en parler quand même. Dans la plupart des pays on vote en cochant des cases sur un bulletin, la France est vraiment une exception avec le fait qu’on ait plusieurs bulletins, ça s’appelle du ???, je ne sais plus pourquoi, donc on coche des cases.
Quand on vote avec un stylo numérique, en fait dans le stylo il y a une caméra, il y a des repères, il y a des feuilles avec des repères, et à la fin ce sont les images de la caméra qui sont dépouillés qui vont permettre de savoir quelle case vous avez coché. Donc là vous avez un bulletin qui est matérialisé puisque vous avez coché une case. Par exemple le scanner aussi, le scanner sait que vous avez coché avec un stylo ??? et puis c’est dépouillé par scanner automatiquement. Il y a beaucoup ça aux États-Unis.

Ça c’est le deuxième axe et le troisième axe, le cercle, on a des systèmes qui vont gérer ou pas des émargements. Quand on vote par exemple dans un bureau de vote à Orvault où il y a des machines à voter, la machine à voter ne gère pas l’émargement, on émarge à côté : on rentre dans le bureau comme d’habitude, on va voter pas comme d’habitude sur sa machine à voter et ensuite on va signer le cahier comme d’habitude, donc c’est géré à part, c’est indépendant.
En revanche, quand on vote par Internet ou par téléphone, il faut d’abord se faire reconnaître de l’application, on a reçu au préalable identifiant et mot de passe et ensuite on vote. Donc on a l’application qui va gérer en même temps l’émargement, c’est-à-dire une fois que votre vote est enregistré, vous ne pourrez pas voter une deuxième fois avec le même mot de passe et ’identifiant. Maintenant si vous en avez reçu un du voisin… mais il ne faut pas le faire.

De vote en vote Électronique

Qu’est-ce qui se passe quand on passe du vote au vote électronique.
Tout à l’heure je vous ai expliqué que la transparence directe fonde la confiance. Bon ! La transparence directe c’est fini. Il n’y a plus de transparence avec le vote électronique ; ce sont des électrons, on ne peut pas les voir se déplacer il n’y a rien à faire. Donc c’est remplacé par des expertises.
On vous dit il n’y a pas de problème, il y a des experts, ils ont vérifié que tout va bien. Les experts, évidemment, ne peuvent pas tout vérifier, je reviendrai un petit peu là-dessus plus loin, et puis ce n’est pas direct puisque ce sont des experts. Par ailleurs, les expertises sont évidemment secrètes, partielles, partiales, etc. En tout cas il n’y a plus de transparence directe.
La deuxième conséquence. Je vais parler maintenant plus spécifiquement des machines à voter ou du vote par Internet, c’est ce qu’on a en France, on n’a plus de bulletin papier, on a une représentation numérique. Une représentation numérique, c’est quelque chose de très fugace et qui est transformé à plusieurs reprises, c’est ça qui est important. Quand on vote avec un bulletin papier, vous avez choisi votre bulletin papier, si tant est que l’urne a été bien surveillée, que, etc., que les membres du bureau de vote ont fait leur boulot, le bulletin qui est compté le soir au dépouillement c’est exactement le même que celui que vous avez mis dans l’enveloppe. Et à priori les bulletins sont payés par les candidats donc l’encre qui est dessus ne va pas bouger pour écrire le nom d’un autre candidat.
Il y a des propriétés physiques des bulletins papier. Ces propriétés ne sont pas reprises ou n’existent pas en ce qui concerne les représentations numériques. C’est le fameux truc du passage à la représentation.
Quand on vote sur une machine à voter ou par Internet, on fait un geste - soit appuie sur un bouton soit on clique -, ce geste est transformé en un petite impulsion électrique, cette impulsion électrique est transformée en un codage informatique ; ce codage va être lui-même transformé à de multiples reprises et à la fin on nous donne les résultats électoraux, mais ces transformations ne sont pas observables. Elles ne sont pas observables parce que si on les observait de bout en bout - on pourrait imaginer faire ça, il y a des usines où on fabrique des produits de haute technologie ou des médicaments par exemple où tout est tracé du début à la fin parce qu’il ne faut pas qu’il y ait de bugs, on peut tuer les gens - si on traçait du début à la fin on saurait qui a voté quoi. Donc le problème du vote est vraiment spécifique, c’est qu’en plus le vote doit être anonyme. On doit protéger le secret du vote. Donc on ne peut pas tracer. On a ce problème.
Quand on a dématérialisation et anonymat, ou dématérialisation et secret du vote, disons, eh bien on a forcément des résultats qui ne peuvent pas être vérifiés. Donc on est obligé d’accepter les résultats énoncés par le dispositif électronique sans être en mesure de les vérifier. Or, en tant qu’informaticien, on sait qu’il y a des bugs, je ne parle même pas de la fraude, en plus sur des défauts, parce que les élections ça se fraude il y a des enjeux. Mais les bugs suffisent.

23’ 12

On se dit qu’on ne peut pas vérifier,