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Mon idée c’est de vous donner des connaissances que vous allez rassembler vous-mêmes pour comprendre qu’il y a des problèmes pour le vote électronique.<br/>
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Voici à peu près le plan.<br/>
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C’est un problème pluridisciplinaire, ce qui explique qu’il est mal compris, puisque chacun dans sa discipline n’arrive pas à comprendre.<br/>
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Je donnerai quelques exemples d’usage. Les concepts qu’il est très important de bien comprendre ; ce sont ces concepts qui, mis ensemble, font une impossibilité. Une petite typologie parce qu’il y a plein de sortes de systèmes de vote électronique et puis la grosse partie ça va être en fait qu’est-ce qui se passe quand on passe du vote papier au voté électronique. Ensuite on va redescendre vers d’autres détails c’est-à-dire le bulletin de vote, puisque la dématérialisation pose des problèmes on s’est dit on va rematérialiser, donc finalement les recherches qui se développent en ce moment, les futurs systèmes de vote électronique et puis quelques textes qui tordent les concepts, c’est pour ça que j’ai appelé cela « opacifier la transparence » et quelques observations si on a le temps. En arriver là déjà ce ne sera pas mal.
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===Pluridisciplinarité===
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D’abord les élections c’est l’affaire des sciences politiques. Les sciences politiques, je ne suis pas politiste, je suis informaticienne, ingénieur en informatique, donc très ignorante, mais j’ai fini par apprendre un peu ces choses.là.<br/>
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Les sciences politiques s’intéressent entre autres aux formes du pouvoir et une des formes du pouvoir c’est d’élire des représentants par les élections. Ce que nous apprennent les sciences politiques c’est que les élections c’est un moyen de prendre une décision qui n’est pas consensuelle sans se taper dessus. Imaginez si on devait choisir le prochain président de la République à la dispute, on ne s’en sortirait jamais. Alors que quand on fait des élections en une journée c’est plié, quelques semaines si vous voulez. Il y a une campagne et puis à la fin c’est plié. Et surtout, ce qui est important, c’est qu’il faut voir ça comme un dispositif de maintien de la paix au sens où les gens qui ont perdu l’élection, leur candidat a perdu l’élection, eh bien ils acceptent la défaite. Une élection ratée c’est une élection où les gens se battent dans la rue, c’est une élection où il y a des désordres publics, c’est-à-dire qu’il y a des soupçons de fraude, etc., des soupçons de triche, les gens n’acceptent pas la défaite. Donc une élection réussie c’est une élection où tout le monde accepte le résultat de l’élection.<br/>
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Pour que les gens acceptent le résultat des élections il faut qu’ils aient des indices comme quoi ils peuvent avoir confiance dans la décision qui a été prise, dans le résultat électoral qui a été pris. Il faut qu’ils adhèrent au processus. Il faut qu’ils aient profondément conscience et confiance dans le fait que la personne qui a été désignée comme gagnante est effectivement celle qui a eu le plus de résultats, le plus de suffrages. Dans les pays où il y a des soupçons de fraude, il y a des émeutes dans la rue.
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Ensuite on a une deuxième composante qui est le droit. Quand il y a des élections des fois il y a des fraudes, des fois il y a des gens qui rentrent avec des armes dans des bureaux de vote, des fois il y a des gens qui forcent les autres qu’ils ne passent pas par l’isoloir - je veux être sûr que tu vas voter pour machin ou machin. Dans ces cas-là c’est le droit qui va agir, c’est-à-dire qu’il va y avoir un contentieux électoral, une contestation du résultat électoral. Donc le droit agit. Il va y avoir des preuves, des témoignages. On va aller voir monsieur le juge, on dira « Monsieur le juge j’ai vu, dans tel bureau de vote il s’est passé ceci cela, etc. » Le juge peut annuler l’élection ou bien annuler quelques bureaux de vote. En général le juge évite parce que ça coûte cher d’organiser des élections. Il ne va pas annuler l’élection s’il y a eu une fraude sur dix enveloppes, sauf si la différence entre le candidat gagnant et son suivant est de moins de dix votes. Si vous avez une différence de 1500 voix entre deux candidats, soit vous apportez des témoignages disant qu’il y a a 2000 voix qui ont été fraudées et à ce moment-là il y a des chances que le juge annule ; si vous apportez des témoignages disant qu’il y a 200 voix - moi j’ai vu, ils ont rajout deux grosses enveloppes de 100 voix dans le dépouillement - eh bien 200 voix ça ne change pas l’élection, le juge ne touche rien même s’il y a eu faute, parce que des élections ça coûte cher, etc. C’est quand même le bon candidat qui a gagné, les 200 voix litigieuses n’auraient rien changé. En gros ça se règle comme ça, le juge fait bien ce qu’il veut.
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Avec le vote électronique arrive une troisième discipline qui est l’informatique. Ni le politique ??? ni le droit ne comprennent rien à l’informatique et les informaticiens ne connaissent pas grand-chose au droit et aux sciences politiques non plus.<br/>
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Ce qui est intéressant aussi c’est qu’avec l’informatique arrive le thème de la sécurité. Quand on parle de vote électronique, on parle tout le temps de sécurité. On n’en parle pas avec les autres élections. Vous voyez bien qu’avec les élections papier il n’y a pas le thème de la sécurité. On sait qu’il peut y avoir des fraudes et on sait comment les traiter : n recueille des preuves, on recueille des témoignages, on passe devant le juge ; on sait qu’il peut y avoir des trous de sécurité. Avec l’informatique on va nier le fait qu’il y a des trous de sécurité.<br/>
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Comment un informaticien voit la question du vote ? Il dit « voilà un système, on a une fonction F, on a des entrées qui sont des votes, on a des résultats qui sont des résultats électoraux, on va collecter, on va additionner tous les votes et puis voilà, il faut se débrouiller pour qu’on respecte bien, qu’on compte bien, qu’on additionne bien ce qu’il faut ». Un informaticien dit « voilà, ça marche comme ça, c’est facile, on va compter les votes ». Il ne voit pas le problème.<br/>
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Pourquoi il y a un problème ? C’est ce que je vais essayer de vous expliquer maintenant.
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===Les usages===
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Les usages, histoire de dépiler ça, parce que moi je le sais et vous vous ne savez pas et je sais que ça va vous interpeller tout le temps.<br/>
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En France il y a des machines à voter qui sont utilisées pour à peu près un petit plus d’un million d’électeurs dans la région qui est la vôtre, il y en a Orvault, il y en a à Pornichet, il y en a à Coueron, il y en a à Blain en pleine campagne.<br/>
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Il y a aussi du vote par Internet qui a été autorisé par le service civil pour les Français de l’étranger, pour les élections législatives, sachant que pour des problèmes de sécurité elles n’ont pas été autorisées aux dernières élections.<br/>
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Et en revanche, pour les élections professionnelles, le vote par Internet est autorisé et de plus en plus utilisé dans l’indifférence générale, on peut le dire.<br/>
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Après, on peut regarder un petit peu à l’international.<br/>
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En Inde et au Brésil il y a des machines à voter depuis très longtemps.<br/>
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Au Venezuela il y a des machines à voter dites vérifiables, j’en parlerai à la fin, avec émargement ??? c’est-à-dire que pour émarger on met son doigt, ça me pose question je me dis « tiens, on a recueilli les empreintes digitales de toute la population » !<br/>
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En Estonie il y a du vote par Internet mais c’est optionnel, on peut choisir de voter papier. En revanche il y a un lien qui est gardé entre le vote électeur puisqu’on peut annuler son vote.<br/>
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En Allemagne ils ont interdit les machines à voter.<br/>
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En Hollande c’est le pays le plus avancé au monde, ils ont voté pendant 15 ans quasiment dans tout le pays avec des machines à voter et ils ont arrêté du jour au lendemain.<br/>
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En Belgique ils sont en train de diminuer et après ça commence à gagner aussi en Afrique. Au RDC Congo, les dernières élections se sont faites avec des machines à voter qui ont été utilisées uniquement, enfin officiellement, pour imprimer les bulletins de vote, les choix des électeurs sur les bulletins de vote.
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===Les concepts===
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Je reviens maintenant sur les concepts.<br/>
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Voici quelques principes qui sont associés à des élections qu’on va dire démocratiques, ce n’est probablement pas un mot qui conviendrait à des ???, mais tant pis.
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D’abord l’unicité. L’unicité c’est une personne une voix. Là je vais expliquer par rapport au vote papier qu’on connaît tous bien, là c’est ??? par la liste d’émargement, une personne ne peut pas voter deux fois. Il y a d’autres pays où c’est ???, etc.
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La confidentialité c’est le fait qu’on vote en secret. On voit bien qu’elle ne peut pas être respectée pour le vote à distance, quand on vote par correspondance à la maison personne ne peut s’assurer que vous êtes tout seul au moment où vous votez ; d’ailleurs on ne peut même pas s’assurer que c’est vous qui votez. Quand on est dans un bureau de vote, il y a l’isoloir qui va permettre de choisir votre bulletin tranquillement, il y a une enveloppe, on ne voit pas ce que vous avez choisi, et puis il y a environnement contrôlé. Le contrôle ce sont les membres du bureau de vote, c’est-à-dire que si jamais il y a quelqu’un qui vient vous embêter dans l’isoloir normalement il y a quelqu’un du bureau de vote qui va intervenir et qui va dire « non, vous n’avez pas le droit. »<br/>
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Normalement, si deux personnes en âge de savoir ??? vont ensemble dans l’isoloir, les gens du bureau de vote vont intervenir en disant « non, vous n’avez pas le droit ». Dans les faits ce n’est pas toujours le fait. J’ai discuté avec des présidents de bureau de vote ils disent que quand il y a des gens très âgés qui viennent voter, qui sont aidés, c’est délicat, il y a des situations humaines qui sont compliquées. Bref ! Il y a la réalité.
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L’anonymat c’est la rupture du lien entre l’électeur et le choix qu’il a exprimé. Par exemple dans un bureau de vote, quand on brasse les enveloppes, même si vous avez bien regardé l’enveloppe qu’a mise votre épouse dans l’urne pour savoir ce qu’elle vient de voter, ça va être dur de garder votre œil dessus jusqu’au dépouillement final. Je ne dis pas que c’est impossible, mais ce n’est pas gagné !
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La sincérité, c’est un terme technique, je le dis, ça veut dire que c’est le bon candidat qui est déclaré gagnant. Ça ne veut pas dire que les comptes sont justes pile-poil, ça veut dire que c’est le bon qui est déclaré gagnant. La sincérité est assurée par le fait que le dépouillement est public et que les gens sont vigilants : on va faire attention à l’urne, on ne va pas laisser l’urne sans surveillance, on ne va autoriser que l’urne soit transportée pour être dépouillée ailleurs par exemple, ou bien il y a des ???, il y a des gens autour. Si vous n’avez jamais dépouillé,  je vous encourage à le faire.
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Et puis la transparence. C’est un terme intéressant parce qu’il n’est défini nulle part, il n’apparaît pas dans le code électoral, en fait c’est ce qui va permettre de faire les constats que les principes d’avant ne sont pas respectés. C’est grâce à la transparence qu’on va pouvoir voir que quelqu’un a glissé des enveloppes dans l’urne au moment du dépouillement. C’est la transparence qui va faire que j’ai vu donc je vais en apporter témoignage. Ou « Monsieur le président, il y a une porte qui a claqué et c’est bizarre, plein d’enveloppes dans l’urne n’étaient plus pareilles avant et après ». Depuis qu’il y a des urnes transparentes on ne fait plus la fraude qui consistait à échanger des urnes, qui était une fraude bien rodée.<br/>
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C’est grâce à la transparence qu’on va pouvoir constater les atteintes aux principes et en apporter des preuves ou des témoignages.<br/>
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C’est grâce à la transparence qu’on peut faire un contentieux électoral parce qu’un juge juge sur des témoignages ou des preuves. Il ne juge pas sur des statistiques ou quoi que ce soit ; il faut lui apporter du grain à moudre.<br/>
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C’est grâce à la transparence que les électeurs vont avoir confiance dans le fait que c’est la bonne personne qui est déclarée gagnante à la fin de la journée. Tout le monde en est convaincu, on ne se bat pas dans les rues. On est sûr - on est déçu parfois – mais in est sûr que c’est elle qui a gagné et que les autres qui ont voté comme des cons ! Je suis filmée, pas dire ça !<br/>
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Et cette confiance est absolument importante parce que c’est le fondement de la légitimité des élus. Quand il n’y a pas de confiance, quand les élections sont remises en cause, quand on pense qu’il y a eu fraude non seulement il y a des désordres dans la rue et des gens qui se battent, mais ensuite quand la personne élue veut pas gouverner on lui dit « mais toi tu n’as rien à faire là. Tu n’a pas été correctement élue, je ne te reconnais comme décideur ou comme mon directeur ou comme je ne sais pas qui ». Donc la personne n’est pas reconnue comme représentante de la volonté des électeurs, donc n’est pas légitime pour gouverner, et sans arrêt sa légitimité va être remise en cause, elle ne pourra pas travailler. Or il y a du boulot à faire ! La gestion d’un pays ou d’une organisation c’est du boulot.
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Donc ce lien entre transparence, confiance et légitimité des élus est absolument fondamental pour les élections.
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==13’07==
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La transparence j’y reviens encore. Ça c’est une urne transparente.

Version du 17 août 2020 à 09:18


Titre : Comprendre les enjeux du vote électronique

Intervenante : Chantal Enguehard

Lieu : Café Citoyen - Restaurant L’Atelier - La Chapelle sur Erdre

Date : mai 2019 2020

Durée : 1 h 11 min 14

Écouter ou enregistrer le podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Description

Alors que nous rentrons dans des périodes électorales il vous est proposé de mieux connaître les mécanismes du vote électronique et les enjeux démocratiques afférents.
En France, lors des élections politiques, des dispositifs de vote électronique sont utilisés depuis plus de 15 ans. Des entreprises, et même l’État, organisent des élections professionnelles par Internet. Des pays étrangers fournissent aussi des exemples instructifs.
Il s’agit d’évaluer la pertinence de cette évolution au regard des qualités attendues d’une élection démocratique : secret du vote, transparence, sincérité des résultats.
En France, certaines organisations tentent de promouvoir le vote électronique. Lors de l’élection présidentielle de 2007, huit des douze candidats ont pris position pour un moratoire sur le vote électronique. Trois n’ont pas pris position et un seul a soutenu le vote électronique : Nicolas Sarkozy.
Plusieurs partis politiques émettent des doutes sur l’utilisation de ces machines. En 2007, certains d’entre eux voyaient un risque dans les machines à voter. Depuis, il semble que beaucoup aient changé d’avis, du moins pour les scrutins organisés au niveau de leur structure politique.
Voilà donc autant d’éléments qui devraient susciter le débat, après avoir pris connaissance des réalités du vote électronique grâce à Chantal Enguehard.

Transcription

Mon idée c’est de vous donner des connaissances que vous allez rassembler vous-mêmes pour comprendre qu’il y a des problèmes pour le vote électronique.
Voici à peu près le plan.
C’est un problème pluridisciplinaire, ce qui explique qu’il est mal compris, puisque chacun dans sa discipline n’arrive pas à comprendre.
Je donnerai quelques exemples d’usage. Les concepts qu’il est très important de bien comprendre ; ce sont ces concepts qui, mis ensemble, font une impossibilité. Une petite typologie parce qu’il y a plein de sortes de systèmes de vote électronique et puis la grosse partie ça va être en fait qu’est-ce qui se passe quand on passe du vote papier au voté électronique. Ensuite on va redescendre vers d’autres détails c’est-à-dire le bulletin de vote, puisque la dématérialisation pose des problèmes on s’est dit on va rematérialiser, donc finalement les recherches qui se développent en ce moment, les futurs systèmes de vote électronique et puis quelques textes qui tordent les concepts, c’est pour ça que j’ai appelé cela « opacifier la transparence » et quelques observations si on a le temps. En arriver là déjà ce ne sera pas mal.

Pluridisciplinarité

D’abord les élections c’est l’affaire des sciences politiques. Les sciences politiques, je ne suis pas politiste, je suis informaticienne, ingénieur en informatique, donc très ignorante, mais j’ai fini par apprendre un peu ces choses.là.
Les sciences politiques s’intéressent entre autres aux formes du pouvoir et une des formes du pouvoir c’est d’élire des représentants par les élections. Ce que nous apprennent les sciences politiques c’est que les élections c’est un moyen de prendre une décision qui n’est pas consensuelle sans se taper dessus. Imaginez si on devait choisir le prochain président de la République à la dispute, on ne s’en sortirait jamais. Alors que quand on fait des élections en une journée c’est plié, quelques semaines si vous voulez. Il y a une campagne et puis à la fin c’est plié. Et surtout, ce qui est important, c’est qu’il faut voir ça comme un dispositif de maintien de la paix au sens où les gens qui ont perdu l’élection, leur candidat a perdu l’élection, eh bien ils acceptent la défaite. Une élection ratée c’est une élection où les gens se battent dans la rue, c’est une élection où il y a des désordres publics, c’est-à-dire qu’il y a des soupçons de fraude, etc., des soupçons de triche, les gens n’acceptent pas la défaite. Donc une élection réussie c’est une élection où tout le monde accepte le résultat de l’élection.
Pour que les gens acceptent le résultat des élections il faut qu’ils aient des indices comme quoi ils peuvent avoir confiance dans la décision qui a été prise, dans le résultat électoral qui a été pris. Il faut qu’ils adhèrent au processus. Il faut qu’ils aient profondément conscience et confiance dans le fait que la personne qui a été désignée comme gagnante est effectivement celle qui a eu le plus de résultats, le plus de suffrages. Dans les pays où il y a des soupçons de fraude, il y a des émeutes dans la rue.

Ensuite on a une deuxième composante qui est le droit. Quand il y a des élections des fois il y a des fraudes, des fois il y a des gens qui rentrent avec des armes dans des bureaux de vote, des fois il y a des gens qui forcent les autres qu’ils ne passent pas par l’isoloir - je veux être sûr que tu vas voter pour machin ou machin. Dans ces cas-là c’est le droit qui va agir, c’est-à-dire qu’il va y avoir un contentieux électoral, une contestation du résultat électoral. Donc le droit agit. Il va y avoir des preuves, des témoignages. On va aller voir monsieur le juge, on dira « Monsieur le juge j’ai vu, dans tel bureau de vote il s’est passé ceci cela, etc. » Le juge peut annuler l’élection ou bien annuler quelques bureaux de vote. En général le juge évite parce que ça coûte cher d’organiser des élections. Il ne va pas annuler l’élection s’il y a eu une fraude sur dix enveloppes, sauf si la différence entre le candidat gagnant et son suivant est de moins de dix votes. Si vous avez une différence de 1500 voix entre deux candidats, soit vous apportez des témoignages disant qu’il y a a 2000 voix qui ont été fraudées et à ce moment-là il y a des chances que le juge annule ; si vous apportez des témoignages disant qu’il y a 200 voix - moi j’ai vu, ils ont rajout deux grosses enveloppes de 100 voix dans le dépouillement - eh bien 200 voix ça ne change pas l’élection, le juge ne touche rien même s’il y a eu faute, parce que des élections ça coûte cher, etc. C’est quand même le bon candidat qui a gagné, les 200 voix litigieuses n’auraient rien changé. En gros ça se règle comme ça, le juge fait bien ce qu’il veut.

Avec le vote électronique arrive une troisième discipline qui est l’informatique. Ni le politique ??? ni le droit ne comprennent rien à l’informatique et les informaticiens ne connaissent pas grand-chose au droit et aux sciences politiques non plus.
Ce qui est intéressant aussi c’est qu’avec l’informatique arrive le thème de la sécurité. Quand on parle de vote électronique, on parle tout le temps de sécurité. On n’en parle pas avec les autres élections. Vous voyez bien qu’avec les élections papier il n’y a pas le thème de la sécurité. On sait qu’il peut y avoir des fraudes et on sait comment les traiter : n recueille des preuves, on recueille des témoignages, on passe devant le juge ; on sait qu’il peut y avoir des trous de sécurité. Avec l’informatique on va nier le fait qu’il y a des trous de sécurité.
Comment un informaticien voit la question du vote ? Il dit « voilà un système, on a une fonction F, on a des entrées qui sont des votes, on a des résultats qui sont des résultats électoraux, on va collecter, on va additionner tous les votes et puis voilà, il faut se débrouiller pour qu’on respecte bien, qu’on compte bien, qu’on additionne bien ce qu’il faut ». Un informaticien dit « voilà, ça marche comme ça, c’est facile, on va compter les votes ». Il ne voit pas le problème.
Pourquoi il y a un problème ? C’est ce que je vais essayer de vous expliquer maintenant.

Les usages

Les usages, histoire de dépiler ça, parce que moi je le sais et vous vous ne savez pas et je sais que ça va vous interpeller tout le temps.
En France il y a des machines à voter qui sont utilisées pour à peu près un petit plus d’un million d’électeurs dans la région qui est la vôtre, il y en a Orvault, il y en a à Pornichet, il y en a à Coueron, il y en a à Blain en pleine campagne.
Il y a aussi du vote par Internet qui a été autorisé par le service civil pour les Français de l’étranger, pour les élections législatives, sachant que pour des problèmes de sécurité elles n’ont pas été autorisées aux dernières élections.
Et en revanche, pour les élections professionnelles, le vote par Internet est autorisé et de plus en plus utilisé dans l’indifférence générale, on peut le dire.
Après, on peut regarder un petit peu à l’international.
En Inde et au Brésil il y a des machines à voter depuis très longtemps.
Au Venezuela il y a des machines à voter dites vérifiables, j’en parlerai à la fin, avec émargement ??? c’est-à-dire que pour émarger on met son doigt, ça me pose question je me dis « tiens, on a recueilli les empreintes digitales de toute la population » !
En Estonie il y a du vote par Internet mais c’est optionnel, on peut choisir de voter papier. En revanche il y a un lien qui est gardé entre le vote électeur puisqu’on peut annuler son vote.
En Allemagne ils ont interdit les machines à voter.
En Hollande c’est le pays le plus avancé au monde, ils ont voté pendant 15 ans quasiment dans tout le pays avec des machines à voter et ils ont arrêté du jour au lendemain.
En Belgique ils sont en train de diminuer et après ça commence à gagner aussi en Afrique. Au RDC Congo, les dernières élections se sont faites avec des machines à voter qui ont été utilisées uniquement, enfin officiellement, pour imprimer les bulletins de vote, les choix des électeurs sur les bulletins de vote.

Les concepts

Je reviens maintenant sur les concepts.
Voici quelques principes qui sont associés à des élections qu’on va dire démocratiques, ce n’est probablement pas un mot qui conviendrait à des ???, mais tant pis.

D’abord l’unicité. L’unicité c’est une personne une voix. Là je vais expliquer par rapport au vote papier qu’on connaît tous bien, là c’est ??? par la liste d’émargement, une personne ne peut pas voter deux fois. Il y a d’autres pays où c’est ???, etc.

La confidentialité c’est le fait qu’on vote en secret. On voit bien qu’elle ne peut pas être respectée pour le vote à distance, quand on vote par correspondance à la maison personne ne peut s’assurer que vous êtes tout seul au moment où vous votez ; d’ailleurs on ne peut même pas s’assurer que c’est vous qui votez. Quand on est dans un bureau de vote, il y a l’isoloir qui va permettre de choisir votre bulletin tranquillement, il y a une enveloppe, on ne voit pas ce que vous avez choisi, et puis il y a environnement contrôlé. Le contrôle ce sont les membres du bureau de vote, c’est-à-dire que si jamais il y a quelqu’un qui vient vous embêter dans l’isoloir normalement il y a quelqu’un du bureau de vote qui va intervenir et qui va dire « non, vous n’avez pas le droit. »
Normalement, si deux personnes en âge de savoir ??? vont ensemble dans l’isoloir, les gens du bureau de vote vont intervenir en disant « non, vous n’avez pas le droit ». Dans les faits ce n’est pas toujours le fait. J’ai discuté avec des présidents de bureau de vote ils disent que quand il y a des gens très âgés qui viennent voter, qui sont aidés, c’est délicat, il y a des situations humaines qui sont compliquées. Bref ! Il y a la réalité.

L’anonymat c’est la rupture du lien entre l’électeur et le choix qu’il a exprimé. Par exemple dans un bureau de vote, quand on brasse les enveloppes, même si vous avez bien regardé l’enveloppe qu’a mise votre épouse dans l’urne pour savoir ce qu’elle vient de voter, ça va être dur de garder votre œil dessus jusqu’au dépouillement final. Je ne dis pas que c’est impossible, mais ce n’est pas gagné !

La sincérité, c’est un terme technique, je le dis, ça veut dire que c’est le bon candidat qui est déclaré gagnant. Ça ne veut pas dire que les comptes sont justes pile-poil, ça veut dire que c’est le bon qui est déclaré gagnant. La sincérité est assurée par le fait que le dépouillement est public et que les gens sont vigilants : on va faire attention à l’urne, on ne va pas laisser l’urne sans surveillance, on ne va autoriser que l’urne soit transportée pour être dépouillée ailleurs par exemple, ou bien il y a des ???, il y a des gens autour. Si vous n’avez jamais dépouillé, je vous encourage à le faire.

Et puis la transparence. C’est un terme intéressant parce qu’il n’est défini nulle part, il n’apparaît pas dans le code électoral, en fait c’est ce qui va permettre de faire les constats que les principes d’avant ne sont pas respectés. C’est grâce à la transparence qu’on va pouvoir voir que quelqu’un a glissé des enveloppes dans l’urne au moment du dépouillement. C’est la transparence qui va faire que j’ai vu donc je vais en apporter témoignage. Ou « Monsieur le président, il y a une porte qui a claqué et c’est bizarre, plein d’enveloppes dans l’urne n’étaient plus pareilles avant et après ». Depuis qu’il y a des urnes transparentes on ne fait plus la fraude qui consistait à échanger des urnes, qui était une fraude bien rodée.
C’est grâce à la transparence qu’on va pouvoir constater les atteintes aux principes et en apporter des preuves ou des témoignages.
C’est grâce à la transparence qu’on peut faire un contentieux électoral parce qu’un juge juge sur des témoignages ou des preuves. Il ne juge pas sur des statistiques ou quoi que ce soit ; il faut lui apporter du grain à moudre.
C’est grâce à la transparence que les électeurs vont avoir confiance dans le fait que c’est la bonne personne qui est déclarée gagnante à la fin de la journée. Tout le monde en est convaincu, on ne se bat pas dans les rues. On est sûr - on est déçu parfois – mais in est sûr que c’est elle qui a gagné et que les autres qui ont voté comme des cons ! Je suis filmée, pas dire ça !
Et cette confiance est absolument importante parce que c’est le fondement de la légitimité des élus. Quand il n’y a pas de confiance, quand les élections sont remises en cause, quand on pense qu’il y a eu fraude non seulement il y a des désordres dans la rue et des gens qui se battent, mais ensuite quand la personne élue veut pas gouverner on lui dit « mais toi tu n’as rien à faire là. Tu n’a pas été correctement élue, je ne te reconnais comme décideur ou comme mon directeur ou comme je ne sais pas qui ». Donc la personne n’est pas reconnue comme représentante de la volonté des électeurs, donc n’est pas légitime pour gouverner, et sans arrêt sa légitimité va être remise en cause, elle ne pourra pas travailler. Or il y a du boulot à faire ! La gestion d’un pays ou d’une organisation c’est du boulot.

Donc ce lien entre transparence, confiance et légitimité des élus est absolument fondamental pour les élections.

13’07

La transparence j’y reviens encore. Ça c’est une urne transparente.