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<b>Antonin Cois : </b>Merci d'être là pour cette petite table ronde, un petit peu décalée, on en a bien conscience, par rapport au programme des JDLL. C'est aussi parce que c'est ma première participation et que j'avais envie d'y proposer tout de suite quelque chose.<br/>
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Bonjour. Je m'appelle Antonin Cois, je suis adjoint au maire de Villejuif, en région parisienne, dans le 94, et je coordonne un groupe de travail au sein d'une association qui est l’Association des maires ville et banlieue de France, groupe de travail autour des enjeux numériques et accès aux droits.<br/>
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J'ai réfléchi à cette table ronde en me disant qu’il me semblait assez paradoxal que, d'une part, le numérique soit un fait social total – je vous la fais pas parce que vous la connaissez par cœur – au sens où il impacte nos vies dans toutes leurs dimensions et qu'en même temps il ait pénétré aussi marginalement le débat public et politique, qu’il intéresse aussi marginalement les sphères du débat ou alors dans des sphères extrêmement spécialisées.<br/>
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Il y a des tables rondes où on cherche la confrontation. Je dois vous avouer que là ce ne sera pas forcément le cas. On a, autour de la table, des acteurs et pas des actrices, je vais y revenir dans quelques instants quand même parce que j'ai envie de m'en expliquer, qui partagent nos convictions.<br/>
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La première c'est ce que je viens de vous dire, avec cette interrogation, cet étonnement, une erreur fondamentale qui empêche de penser l'évolution technologique de nos modes de vie, qui sont, en fait, la résultante de choix humains et économiques, donc, à ce titre, pleinement perfectibles, pleinement évitables, pleinement critiquables, c'est-à-dire pleinement politiques.<br/>
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Deuxième, c'est que les acteurs publics peuvent avoir un rôle moteur pour accompagner le développement d'un autre numérique et pour accompagner la prise de conscience de sa possibilité et sa désirabilité. Les leviers qui sont à disposition des acteurs publics – en l'occurrence on va parler des municipalités, vous l'avez compris – sont nombreux : la commande publique, l'éducation populaire, l'action sociale, l'action culturelle, la mobilisation des acteurs associatifs par exemple.<br/>
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D'où la question : Et si l'action de nos communes pouvait contribuer à un monde plus libre ?
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Pour en parler, autour de la table, on a donc Loïc Dayot qui est DSI de Villejuif, membre du conseil d'administration de l'April. Bonjour Loïc.<br/>
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On a Nicolas Vivant, à ses côtés, qui est directeur de la stratégie numérique d'une autre ville, Échirolles. Au départ il devait y avoir Aurélien Farge, qui est l'adjoint au numérique et qui est heureux papa récemment, donc merci à Nicolas d'être avec nous aujourd'hui.<br/>
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Et Louis Derrac, qui est consultant indépendant, cofondateur d'une association qui s'appelle Resnumerica et auteur, enseignant, c'est vrai pour tout ça, mais tu fais plein de choses
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<b>Louis Derrac : </b>Blogueur
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<b>Antonin Cois : </b>Auteur blogueur, c’est un peu un synonyme.<br/>
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Je disais que j’allais m'en expliquer, quand même, parce qu’il n’y a que des hommes et pas de femmes à cette table ronde. Ça ne veut pas dire que je me dégage de toute responsabilité, mais j'ai invité, au départ, le même nombre de femmes que d'hommes, il se trouve juste que je n'ai eu que des refus d'un côté et que des acceptations de l'autre et ça nous emmène à cette table-ronde particulière, mais sans complètement me dédouaner de toute responsabilité. En tout cas, c’est un sujet dont je ne me fous pas et qui n'est pas lié à une absence de prise en compte.
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Ceci étant dit, je voudrais poser une première question introductive à mes invités. La politique municipale, c'est l'échelon le plus en proximité de la population, plus que d'autres échelons de politiques publiques en contact direct avec les gens. Donc, vous qui êtes en lien, ou en lien indirect avec les collectivités, ou au quotidien dans des collectivités territoriales, si vous deviez identifier un élément qui vous semble central, pour lequel la vie quotidienne a été bouleversée pour le meilleur ou pour le pire et sur lequel la politique municipale pourrait réagir, à votre sens lequel serait-il ? Loïc.
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<b>Loïc Dayot : </b>Il faut nommer pour savoir qui commence.
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<b>Antonin Cois : </b>Je regarde les regards pour savoir qui a envie de commencer.
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<b>Loïc Dayot : </b>Je vais être extrêmement pragmatique, presque terre-à-terre en fait. Je pense que la première chose qui pourrait être faite par une ville, s’il n’y en avait qu’une à faire, ça serait au minimum de donner l'accès et l'accompagnement, c'est-à-dire qu’il y a un numérique qui est subi : on n'a pas trop le choix pour prendre un rendez-vous médical ou pour faire n'importe quelle démarche administrative. Dans ce cadre-là, la première chose que doivent faire les villes qui sont effectivement à un échelon de proximité fort, c'est justement cet accompagnement pour pouvoir exercer des droits de citoyens, des droits d'administrés, c'est donc la première chose à faire.<br/>
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En gros, ce qui, avant, pouvait être fait par un écrivain public du temps où les difficultés n'étaient qu’administratives – écrit, langue ce qui est déjà énorme, culturel, etc. – maintenant l'écrivain devient écrivain public numérique. Première chose.
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<b>Nicolas Vivant : </b>Finalement ma réponse va être assez proche. I y a effectivement un certain nombre de décisions qui sont prises, d'évolutions qu'on note et qui ne sont pas de notre fait et, en tant que collectivité, qu’on est obligé de suivre.<br/>
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Notre erreur serait de dire : il y a un problème lié au numérique parce que tout est dématérialisé et que les gens ne savent pas s’en sortir, donc on va travailler sur le numérique. C'est inclure le numérique comme un objet politique dans un cadre beaucoup plus global : si on a des difficultés avec le numérique, il est bien rare que l'on n’ait des difficultés qu'avec le numérique. En général, au départ, il y a soit des difficultés économiques, soit des difficultés sociales, soit des difficultés de genre, soit des difficultés linguistiques. Bref ! Et si on ne gère que la partie numérique, nous collectivités, eh bien on fait une sorte de pansement sur une jambe de bois, on n'est même pas sûr que ce pansement-là fonctionne, simplement parce qu'on n'aura pas pris en compte l'ensemble de la problématique.<br/>
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Puisqu'on est aux JDLL, je vais rester côté numérique, si on a une responsabilité, c'est de comprendre que le numérique est un objet politique – Facebook, Google et tout, l'ont compris depuis longtemps –, que c'est à nous de nous en emparer comme d'un objet politique et l'intégrer dans une politique cohérente à l'échelle de la ville pour être efficaces y compris sur cet aspect-là et pas seulement sur cet aspect-là.
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<b>Louis Derrac : </b>Je suis tout à fait d'accord. Comme on le disait, je pense qu'on sera assez souvent d'accord et plutôt à chercher du complément. Je suis d'accord avec ce que tu disais, Nicolas, sur le fait que, en général, la question n'est pas uniquement numérique, mais il se trouve que c'est notre sujet. Je pense que les villes peuvent et doivent être un lieu d'agora et de débat permanent sur les questions liées, en l'occurrence, au numérique, mais pas que ! Pour le coup, ce sont effectivement les espaces de vie proches des citoyens et des citoyennes, ce que ne sont pas d'autres organes qui sont plus lointains, on peut penser juste au Conseil départemental ou au Conseil régional et encore plus, finalement, à l'État. Donc, pour le coup, la ville peut être ce lieu d'agora, on pourrait imaginer qu'il y ait des organisations permanentes de débats sur telle nouvelle technologie, ChatGPT. Pourquoi pas ? Avoir des villes qui organisent, de manière assez dynamique, un mercredi soir, une fois par mois, un débat pour aborder un sujet technologique qui peut ne pas être que numérique.<br/>
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Pour répondre à ta première question, Antonin, j’irai sur ce côté-là : agora et débats permanents entre citoyens et pas en se limitant aux compétences de la ville – on y reviendra un petit peu après. La ville n’est pas du tout responsable de tout, elle peut faire des choses. Par contre, est peut être ce lieu d'organisation parce qu'elle a des lieux, elle peut trouver des associations ou des acteurs qui font ce travail d'animation de débats, de vulgarisation quand il faut, etc.
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<b>Antonin Cois : </b>On va progressivement faire un petit focus sur les compétences de la ville en allant du général au particulier dans la table ronde.<br/>
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Je viens d'entendre que vous êtes tous d'accord pour dire qu’il faut que ça soit un objet politique et c'est vrai : quand on préparait la table ronde on se disait que le fait de ne pas le poser comme tel, ce qui est souvent le cas, c'est-à-dire de se contenter de se dire que le sujet numérique est une affaire d'abord technique, ce qui peut être encore la réalité dans un certain nombre de collectivités – une réponse technique à des besoins techniques –, ça renvoie à des impensés et, en réalité, à des imaginaires politiques qui sont, en fait, très forts et qui empêchent complètement de se saisir de l'importance du sujet. On en avait identifié trois quand on avait discuté ensemble :<br/>
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le premier, c'est l'imaginaire de l'outil numérique neutre. Avec un marteau on peut faire une maison, on peut tuer quelqu'un ; l'informatique ce serait la même chose, donc le sujet ne serait pas tant l'outil en tant que tel que son usage, là on oublie de parler de logiciel libre, forcément ;<br/>
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deuxième imaginaire, celui de la flèche du progrès : le monde va vers un progrès technologique constant qui est aussi un progrès moral constant, donc ce qui est nouveau est mieux. Là on ne se pose pas la question de la manière dont l'évolution de la société et l'évolution technologique de la société impacte la société elle-même ;<br/>
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à l'autre bout du spectre il y a des imaginaires extrêmement négatifs, du type imaginaires complotistes et autres qui, s’ils ne sont pas interrogés de la même manière, peuvent conduire à des réponses qui sont complètement en décalage avec le réel.<br/>
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Donc, dans ce contexte, on s'était dit qu'il fallait effectivement une volonté, un discours politique, d'abord pour une collectivité, pour agir pour un numérique plus désirable.<br/>
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De votre point de vue d'acteurs, toujours, à votre sens quels sont les objectifs politiques, les choix politiques principaux sur lesquels une municipalité doit pouvoir s'interroger, doit pouvoir se positionner en tant que telle, pour pouvoir faire rentrer, justement, le numérique dans le débat public comme objet du débat public permanent ? Qui veut commencer ? On n'est pas obligé de faire toujours le même ordre, c’est comme vous voulez. Loïc.
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<b>Loïc Dayot : </b>Pas tellement comme acteur mais déjà comme citoyen, je pense que faire quelque chose ou, d'ailleurs, choisir de ne rien faire, donc laisser faire, c'est déjà politique. On peut choisir d'y réfléchir et de construire quelque chose, ce n’est pas une réponse mais une volonté politique, ou de ne pas en faire, c'est déjà un choix.<br/>
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Il n'y a rien de spécifique au numérique par rapport à d'autres questions qui pourraient être l'urbanisme ou le social ou je ne sais quoi. En fait, ça va correspondre à des valeurs, à la mise en œuvre de valeurs sur un sujet qui est le numérique en l'occurrence. Les valeurs, qui vont guider justement les choix politiques, vont dépendre de l'opinion politique ou des tendances politiques des uns et des autres.<br/>
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Pour illustrer, d'une manière générale, si je reprends, par exemple, la devise de la France <em>Liberté, égalité, fraternité</em>, on sent bien que si on les reprend simplement, dans la liberté on pourrait se poser la question de savoir si le numérique enferme ou s’il émancipe. Ce n’est pas si évident que ça. Si on laisse faire peut-être que !<br/>
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L'égalité, bien sûr les mesures contre l'exclusion, mais aussi le choix ou l'explication des algorithmes qui vont guider la vie des gens au travers du numérique. Éventuellement le choix de socialiser, socialiser n'est pas forcément nationaliser, mais ça pourrait, ça pourrait aussi faire devenir coopératifs ou associatifs un certain nombre de services qui sont privés mais qui deviennent d'intérêt public, on peut donc se poser la question. À une époque, les chemins de fer étaient publics, c'était d’intérêt public. On peut se poser la question pour le numérique, même s’il ne vient pas du public au départ.<br/>
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Et puis, pour l'aspect fraternité, je pense à des politiques qui vont encourager la coopération et je pense aussi à l'aspect fraternité entre les générations, donc l'aspect développement durable pour les générations futures.
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Pour illustrer pour Villejuif, en fait les élus ont choisi trois orientations politiques d'une manière générale pour la collectivité, pour l'ensemble de la politique pour le mandat, qui sont assez classiques de nos jours, mais quand même, ils le déploient après : l'aspect social, l'aspect citoyenneté et l'aspect développement durable et environnemental. Il y a une feuille de route du numérique qui a été définie, beaucoup par l'élu au numérique, avec quelques élus, je ne dirais pas que c'est partagé par l'ensemble de l'exécutif qui a pourtant voté, bien sûr, pour. Il manquerait que ce soit un peu plus approprié et que ça arrive bien dans l'ensemble de l'administration et des partenaires. La traduction, en fait, se traduit en souveraineté numérique, en interopérabilité, l'aspect interopérabilité est un aspect assez fort.<br/>
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Donc le côté durable, la citoyenneté numérique et l'inclusion numérique. On verra sur l'exclusion/inclusion ; Louis aura des choses à dire là-dessus, je ne suis pas assez spécialiste.<br/>
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Pour ce qui nous rassemble sur ce week-end, la traduction de ces éléments-là c'est que, effectivement, il y a une vraie préférence pour le logiciel libre, que ce soit pour l'apporter vers le public ou dans le choix de ce qui va être proposé à l'intérieur de la collectivité.
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<b>Antonin Cois : </b>Pour le coup,

Version du 12 janvier 2024 à 15:55


Titre : Comment nos villes peuvent-elles contribuer à un monde plus libre ? - COIS Antonin - JdLL2023

Intervenants : Loïc Dayot - Nicolas vivant - Louis Derrac - Antonin Cois

Lieu : Lyon - JDLL 2023

Date : 3 avril 2023

Durée : 3 avril 2023

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Explorons ensemble les enjeux et leviers de politiques publiques en faveur d'un autre numérique.
Fait social total au sens où il impacte nos vies dans toutes ses dimensions, le numérique n'a paradoxalement pénétré que marginalement le débat public comme objet politique. Au contraire, il reste bien souvent cantonné à n'être identifié que dans ses enjeux techniques et technologiques, sur un mode tour à tour enthousiasmant ou inquiétant. Et si l'action de nos communes favorisait l'émergence d'un monde plus libre ?

Transcription

Antonin Cois : Merci d'être là pour cette petite table ronde, un petit peu décalée, on en a bien conscience, par rapport au programme des JDLL. C'est aussi parce que c'est ma première participation et que j'avais envie d'y proposer tout de suite quelque chose.
Bonjour. Je m'appelle Antonin Cois, je suis adjoint au maire de Villejuif, en région parisienne, dans le 94, et je coordonne un groupe de travail au sein d'une association qui est l’Association des maires ville et banlieue de France, groupe de travail autour des enjeux numériques et accès aux droits.
J'ai réfléchi à cette table ronde en me disant qu’il me semblait assez paradoxal que, d'une part, le numérique soit un fait social total – je vous la fais pas parce que vous la connaissez par cœur – au sens où il impacte nos vies dans toutes leurs dimensions et qu'en même temps il ait pénétré aussi marginalement le débat public et politique, qu’il intéresse aussi marginalement les sphères du débat ou alors dans des sphères extrêmement spécialisées.
Il y a des tables rondes où on cherche la confrontation. Je dois vous avouer que là ce ne sera pas forcément le cas. On a, autour de la table, des acteurs et pas des actrices, je vais y revenir dans quelques instants quand même parce que j'ai envie de m'en expliquer, qui partagent nos convictions.
La première c'est ce que je viens de vous dire, avec cette interrogation, cet étonnement, une erreur fondamentale qui empêche de penser l'évolution technologique de nos modes de vie, qui sont, en fait, la résultante de choix humains et économiques, donc, à ce titre, pleinement perfectibles, pleinement évitables, pleinement critiquables, c'est-à-dire pleinement politiques.
Deuxième, c'est que les acteurs publics peuvent avoir un rôle moteur pour accompagner le développement d'un autre numérique et pour accompagner la prise de conscience de sa possibilité et sa désirabilité. Les leviers qui sont à disposition des acteurs publics – en l'occurrence on va parler des municipalités, vous l'avez compris – sont nombreux : la commande publique, l'éducation populaire, l'action sociale, l'action culturelle, la mobilisation des acteurs associatifs par exemple.
D'où la question : Et si l'action de nos communes pouvait contribuer à un monde plus libre ?

Pour en parler, autour de la table, on a donc Loïc Dayot qui est DSI de Villejuif, membre du conseil d'administration de l'April. Bonjour Loïc.
On a Nicolas Vivant, à ses côtés, qui est directeur de la stratégie numérique d'une autre ville, Échirolles. Au départ il devait y avoir Aurélien Farge, qui est l'adjoint au numérique et qui est heureux papa récemment, donc merci à Nicolas d'être avec nous aujourd'hui.
Et Louis Derrac, qui est consultant indépendant, cofondateur d'une association qui s'appelle Resnumerica et auteur, enseignant, c'est vrai pour tout ça, mais tu fais plein de choses

Louis Derrac : Blogueur

Antonin Cois : Auteur blogueur, c’est un peu un synonyme.
Je disais que j’allais m'en expliquer, quand même, parce qu’il n’y a que des hommes et pas de femmes à cette table ronde. Ça ne veut pas dire que je me dégage de toute responsabilité, mais j'ai invité, au départ, le même nombre de femmes que d'hommes, il se trouve juste que je n'ai eu que des refus d'un côté et que des acceptations de l'autre et ça nous emmène à cette table-ronde particulière, mais sans complètement me dédouaner de toute responsabilité. En tout cas, c’est un sujet dont je ne me fous pas et qui n'est pas lié à une absence de prise en compte.

Ceci étant dit, je voudrais poser une première question introductive à mes invités. La politique municipale, c'est l'échelon le plus en proximité de la population, plus que d'autres échelons de politiques publiques en contact direct avec les gens. Donc, vous qui êtes en lien, ou en lien indirect avec les collectivités, ou au quotidien dans des collectivités territoriales, si vous deviez identifier un élément qui vous semble central, pour lequel la vie quotidienne a été bouleversée pour le meilleur ou pour le pire et sur lequel la politique municipale pourrait réagir, à votre sens lequel serait-il ? Loïc.

Loïc Dayot : Il faut nommer pour savoir qui commence.

Antonin Cois : Je regarde les regards pour savoir qui a envie de commencer.

Loïc Dayot : Je vais être extrêmement pragmatique, presque terre-à-terre en fait. Je pense que la première chose qui pourrait être faite par une ville, s’il n’y en avait qu’une à faire, ça serait au minimum de donner l'accès et l'accompagnement, c'est-à-dire qu’il y a un numérique qui est subi : on n'a pas trop le choix pour prendre un rendez-vous médical ou pour faire n'importe quelle démarche administrative. Dans ce cadre-là, la première chose que doivent faire les villes qui sont effectivement à un échelon de proximité fort, c'est justement cet accompagnement pour pouvoir exercer des droits de citoyens, des droits d'administrés, c'est donc la première chose à faire.
En gros, ce qui, avant, pouvait être fait par un écrivain public du temps où les difficultés n'étaient qu’administratives – écrit, langue ce qui est déjà énorme, culturel, etc. – maintenant l'écrivain devient écrivain public numérique. Première chose.

Nicolas Vivant : Finalement ma réponse va être assez proche. I y a effectivement un certain nombre de décisions qui sont prises, d'évolutions qu'on note et qui ne sont pas de notre fait et, en tant que collectivité, qu’on est obligé de suivre.
Notre erreur serait de dire : il y a un problème lié au numérique parce que tout est dématérialisé et que les gens ne savent pas s’en sortir, donc on va travailler sur le numérique. C'est inclure le numérique comme un objet politique dans un cadre beaucoup plus global : si on a des difficultés avec le numérique, il est bien rare que l'on n’ait des difficultés qu'avec le numérique. En général, au départ, il y a soit des difficultés économiques, soit des difficultés sociales, soit des difficultés de genre, soit des difficultés linguistiques. Bref ! Et si on ne gère que la partie numérique, nous collectivités, eh bien on fait une sorte de pansement sur une jambe de bois, on n'est même pas sûr que ce pansement-là fonctionne, simplement parce qu'on n'aura pas pris en compte l'ensemble de la problématique.
Puisqu'on est aux JDLL, je vais rester côté numérique, si on a une responsabilité, c'est de comprendre que le numérique est un objet politique – Facebook, Google et tout, l'ont compris depuis longtemps –, que c'est à nous de nous en emparer comme d'un objet politique et l'intégrer dans une politique cohérente à l'échelle de la ville pour être efficaces y compris sur cet aspect-là et pas seulement sur cet aspect-là.

Louis Derrac : Je suis tout à fait d'accord. Comme on le disait, je pense qu'on sera assez souvent d'accord et plutôt à chercher du complément. Je suis d'accord avec ce que tu disais, Nicolas, sur le fait que, en général, la question n'est pas uniquement numérique, mais il se trouve que c'est notre sujet. Je pense que les villes peuvent et doivent être un lieu d'agora et de débat permanent sur les questions liées, en l'occurrence, au numérique, mais pas que ! Pour le coup, ce sont effectivement les espaces de vie proches des citoyens et des citoyennes, ce que ne sont pas d'autres organes qui sont plus lointains, on peut penser juste au Conseil départemental ou au Conseil régional et encore plus, finalement, à l'État. Donc, pour le coup, la ville peut être ce lieu d'agora, on pourrait imaginer qu'il y ait des organisations permanentes de débats sur telle nouvelle technologie, ChatGPT. Pourquoi pas ? Avoir des villes qui organisent, de manière assez dynamique, un mercredi soir, une fois par mois, un débat pour aborder un sujet technologique qui peut ne pas être que numérique.
Pour répondre à ta première question, Antonin, j’irai sur ce côté-là : agora et débats permanents entre citoyens et pas en se limitant aux compétences de la ville – on y reviendra un petit peu après. La ville n’est pas du tout responsable de tout, elle peut faire des choses. Par contre, est peut être ce lieu d'organisation parce qu'elle a des lieux, elle peut trouver des associations ou des acteurs qui font ce travail d'animation de débats, de vulgarisation quand il faut, etc.

Antonin Cois : On va progressivement faire un petit focus sur les compétences de la ville en allant du général au particulier dans la table ronde.
Je viens d'entendre que vous êtes tous d'accord pour dire qu’il faut que ça soit un objet politique et c'est vrai : quand on préparait la table ronde on se disait que le fait de ne pas le poser comme tel, ce qui est souvent le cas, c'est-à-dire de se contenter de se dire que le sujet numérique est une affaire d'abord technique, ce qui peut être encore la réalité dans un certain nombre de collectivités – une réponse technique à des besoins techniques –, ça renvoie à des impensés et, en réalité, à des imaginaires politiques qui sont, en fait, très forts et qui empêchent complètement de se saisir de l'importance du sujet. On en avait identifié trois quand on avait discuté ensemble :
le premier, c'est l'imaginaire de l'outil numérique neutre. Avec un marteau on peut faire une maison, on peut tuer quelqu'un ; l'informatique ce serait la même chose, donc le sujet ne serait pas tant l'outil en tant que tel que son usage, là on oublie de parler de logiciel libre, forcément ;
deuxième imaginaire, celui de la flèche du progrès : le monde va vers un progrès technologique constant qui est aussi un progrès moral constant, donc ce qui est nouveau est mieux. Là on ne se pose pas la question de la manière dont l'évolution de la société et l'évolution technologique de la société impacte la société elle-même ;
à l'autre bout du spectre il y a des imaginaires extrêmement négatifs, du type imaginaires complotistes et autres qui, s’ils ne sont pas interrogés de la même manière, peuvent conduire à des réponses qui sont complètement en décalage avec le réel.
Donc, dans ce contexte, on s'était dit qu'il fallait effectivement une volonté, un discours politique, d'abord pour une collectivité, pour agir pour un numérique plus désirable.
De votre point de vue d'acteurs, toujours, à votre sens quels sont les objectifs politiques, les choix politiques principaux sur lesquels une municipalité doit pouvoir s'interroger, doit pouvoir se positionner en tant que telle, pour pouvoir faire rentrer, justement, le numérique dans le débat public comme objet du débat public permanent ? Qui veut commencer ? On n'est pas obligé de faire toujours le même ordre, c’est comme vous voulez. Loïc.

Loïc Dayot : Pas tellement comme acteur mais déjà comme citoyen, je pense que faire quelque chose ou, d'ailleurs, choisir de ne rien faire, donc laisser faire, c'est déjà politique. On peut choisir d'y réfléchir et de construire quelque chose, ce n’est pas une réponse mais une volonté politique, ou de ne pas en faire, c'est déjà un choix.
Il n'y a rien de spécifique au numérique par rapport à d'autres questions qui pourraient être l'urbanisme ou le social ou je ne sais quoi. En fait, ça va correspondre à des valeurs, à la mise en œuvre de valeurs sur un sujet qui est le numérique en l'occurrence. Les valeurs, qui vont guider justement les choix politiques, vont dépendre de l'opinion politique ou des tendances politiques des uns et des autres.
Pour illustrer, d'une manière générale, si je reprends, par exemple, la devise de la France Liberté, égalité, fraternité, on sent bien que si on les reprend simplement, dans la liberté on pourrait se poser la question de savoir si le numérique enferme ou s’il émancipe. Ce n’est pas si évident que ça. Si on laisse faire peut-être que !
L'égalité, bien sûr les mesures contre l'exclusion, mais aussi le choix ou l'explication des algorithmes qui vont guider la vie des gens au travers du numérique. Éventuellement le choix de socialiser, socialiser n'est pas forcément nationaliser, mais ça pourrait, ça pourrait aussi faire devenir coopératifs ou associatifs un certain nombre de services qui sont privés mais qui deviennent d'intérêt public, on peut donc se poser la question. À une époque, les chemins de fer étaient publics, c'était d’intérêt public. On peut se poser la question pour le numérique, même s’il ne vient pas du public au départ.
Et puis, pour l'aspect fraternité, je pense à des politiques qui vont encourager la coopération et je pense aussi à l'aspect fraternité entre les générations, donc l'aspect développement durable pour les générations futures.

Pour illustrer pour Villejuif, en fait les élus ont choisi trois orientations politiques d'une manière générale pour la collectivité, pour l'ensemble de la politique pour le mandat, qui sont assez classiques de nos jours, mais quand même, ils le déploient après : l'aspect social, l'aspect citoyenneté et l'aspect développement durable et environnemental. Il y a une feuille de route du numérique qui a été définie, beaucoup par l'élu au numérique, avec quelques élus, je ne dirais pas que c'est partagé par l'ensemble de l'exécutif qui a pourtant voté, bien sûr, pour. Il manquerait que ce soit un peu plus approprié et que ça arrive bien dans l'ensemble de l'administration et des partenaires. La traduction, en fait, se traduit en souveraineté numérique, en interopérabilité, l'aspect interopérabilité est un aspect assez fort.
Donc le côté durable, la citoyenneté numérique et l'inclusion numérique. On verra sur l'exclusion/inclusion ; Louis aura des choses à dire là-dessus, je ne suis pas assez spécialiste.
Pour ce qui nous rassemble sur ce week-end, la traduction de ces éléments-là c'est que, effectivement, il y a une vraie préférence pour le logiciel libre, que ce soit pour l'apporter vers le public ou dans le choix de ce qui va être proposé à l'intérieur de la collectivité.

15’ 11

Antonin Cois : Pour le coup,