Combat contre la vente forcée - Laurent Costy à 56 Kast

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Titre : L'impossible combat contre la vente forcée

Intervenant : Laurent Coaty - Camille Gévaudan

Lieu : Émission 56kast - #75

Date : Mai 2016

Durée : 24 min

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Présentation

Notre invité Laurent Costy raconte les cinq ans de procès qui l’ont opposé à Hewlett-Packard. Il cherchait simplement à se faire rembourser le système d’exploitation livré d’office sur son ordinateur...

00' Transcription MO

Quartier libre

05' 31

Camille : Et maintenant on va passer au quartier libre. Donc notre invité du jour, je le répète est Laurent Costy qui milite à l'April. Tu es administrateur de l'April, mais c'est en tant que citoyen que tu t'es attaqué à Hewlett Packard.

Laurent Costy : Alors je ne me suis pas attaqué à Hewlett Packard. J'ai d'abord voulu acheter un ordinateur

Camille : Tout simplement.

Laurent : Tout simplement, et c'est un peu eux qui ont contre-attaqué, on va dire ça comme ça. Moi je cherchais un ordinateur portable, avec effectivement des spécifications un peu précises, je voulais qu'il soit léger, je voulais telle capacité au niveau du processeur, etc., et surtout évidemment, je ne voulais pas qu'il y ait un système d'exploitation pré-installé. Parce que j'avais l'habitude d'utiliser des systèmes GNU/Linux, des systèmes libres depuis plusieurs années. Donc voilà ! Je cherchais quand même un ordinateur assez précis et, malgré mes recherches, je n'ai pas trouvé d'ordinateur qui me convenait sans ce système d’exploitation. Donc j'ai fait le choix d'acheter l'ordinateur qui me convenait techniquement et de demander le remboursement à Hewlett Packard du système d'exploitation que je n'utilisais pas. Ce qui semble normal à tout un chacun à priori.

Camille : Disons que tu les as un peu cherchés non ?

Laurent : J'ai un peu cherché. Enfin je ne sais pas. Quand vous achetez quelque chose et qu'on vous fourgue quelque chose que ne vous n'utilisez pas, en général votre premier réflexe c'est de demander au moins le remboursement de la chose que vous n’utilisez pas. On va peut-être prendre une analogie assez simple. C'est comme si à partir d'aujourd'hui quand vous achetez une voiture, on vous oblige à prendre un assureur donné. Vous n'avez pas le choix de l'assureur et en plus le coût de l'assurance est compris dans la voiture et on ne vous donnera pas le prix. On ne vous donnera pas non plus le contenu du contrat d'assurance. Vous n’avez pas à savoir. On s'occupe de tout, ne vous inquiétez pas ! Moi effectivement, j’étais parti sur cette logique-là.

Camille : On ne s'en rend pas compte mais le système d'exploitation et l'ordinateur sont deux choses totalement différentes, qui vraiment sont vendues ensemble.

Laurent : On essaye de nous faire passer le système d'exploitation pour le moteur, mais ce n'est pas du tout le moteur. C'est plutôt l'analogie du contrat d'assurance. Il faut vraiment séparer les choses.

Camille : C'est ce qu'on appelle la vente liée ?

Laurent : La vente même forcée, c'est même de la vente forcée. On peut même aller jusque-là quoi ! C'est vrai que j'ai demandé le remboursement à Hewlett Packard et Hewlett Packard a refusé. Voilà. Pour un coût, je le précise qui oscillait, estimé entre 50 euros et 120 euros. Il y avait à la fois le système d'exploitation et puis quelques logiciels complémentaires. Ça se monte à cette somme-là.

Camille : Toutes leurs merdouilles d'antivirus.

Laurent : Voilà, c'est ça les choses, dans un premier, qu'on vous présente comme gratuites et puis au final, trois mois après, il va falloir quand même payer l'antivirus, etc.

Camille : J'ai été voir sur le site Racketiciels, qui a été fait par....

Laurent : L'AFUL

Camille : Voilà. Ça c'est ce qu'on appelle les Racketiciels, c'est le petit surnom des logiciels qu'on nous force à payer.

Laurent : Exactement.

Camille : Sur l'AFUL, l'Association française des utilisateurs de logiciels libres, je crois que c'est ça ?

Laurent : C'est ça.

Camille : Ils ont un schéma qui dit que 10 à 30 % du prix d'un ordinateur, en fait, ce sont les logiciels qui sont préinstallés dessus.

Laurent : Voilà ! Donc on le paye, sans le savoir, et c'est ça qui est tout à fait scandaleux, moi je trouve, surtout quand on ne souhaite pas l'utiliser. Donc du coup, effectivement, suite au refus de Hewlett Packard de me rembourser, eh bien j'ai été dans l'obligation de prendre un avocat pour essayer de faire valoir mes droits. Voilà. Et c'est toute une aventure : cinq ans et demi de procès. Le litige 50 à 120 euros, je l'ai dit tout à l'heure. C'est complètement démesuré par rapport à la problématique.

Camille : Pour un logiciel quoi !

Laurent : Pour un logiciel, pour un simple logiciel et quelque chose que je n'utilise pas. Qui, dans le commerce traditionnel, n'aurait posé aucun problème à personne.

Camille : Comment on fait, donc concrètement, quand on a un système d'exploitation et qu'on le refuse ? L'ordinateur s'allume et comment on signale son refus ?

Laurent : Il faut refuser, il faut refuser le contrat exploitation. Toute la procédure, finalement, est sur le site qu'on a évoqué tout à l'heure, racketiciels .Info.

Camille : Ils ont un guide.

Laurent : Voilà, il y a tout un guide et il faut suivre cette procédure-là. Ceci étant c'est quelque chose qui a été renvoyé dans le cours en disant : « Oui, mais de toutes façons vous avez utilisé cette procédure-là, c'est que vous vouliez nous embêter, etc. Ils retournent systématiquement les arguments qui sont proposés sur le site. Donc ça se retourne aussi un peu contre l'utilisateur. C'est un peu dur, un peu fort de café quand même quelque part, pour quelque chose qu'on ne souhaite pas utiliser. Et puis, effectivement, par rapport aux moyens qui sont déployés par Hewlett Packard pour ne pas, finalement, débourser 50 euros, c'est absolument démesuré quoi !

Camille : Oui. Parce qu'ils auraient réglé l'affaire en un seul courrier, en acceptant de rembourser le logiciel.

Laurent : Tout à fait.

Camille : Mais eux, ils acceptent de le faire.

Laurent : Ils sont allés jusqu'au bout. C'est inquiétant parce que ça veut dire que aller jusqu'au bout pour eux, soit c'est de la mesquinerie. Mais je ne crois pas qu'une entreprise de cette taille-là elle a le loisir de faire de la mesquinerie. Soit effectivement ça sous-entend qu'il y a des accords avec Microsoft qui font qu'à aucun moment ils ne doivent lâcher l'affaire. Donc ils mettent tous les moyens.

Camille : Pour ne pas qu'il y ait une brèche et que les autres fassent pareil, éventuellement. C'est ça ?

Laurent : Sans doute. C'est une hypothèse, on n'a pas de preuves évidemment. Mais je n'arrive pas à m'expliquer autrement cet état des choses.

Camille : Comment tu t'es organisé ? Tu as fait ça avec le soutien d'une association ou vraiment tout seul ?

Laurent : Non. À l'époque l'AFUL soutenait certains utilisateurs et puis là ce n’était plus le cas. Donc j'ai engagé des fonds personnels dans le procès. J'ai dû payer mon avocat, pour des coûts bien supérieurs évidemment aux 50 et 120 euros qui sont évoqués là. Et puis surtout, prendre mon mal en patience. Parce que finalement pour, encore une fois, un litige de 50 à 120 euros, on a enquiquiné un juge pendant cinq ans et demi, quoi ! On a quand même d'autres problèmes en France, à régler, que ce genre de choses, me semble-t-il ! Et c'est ça qui m'a presque le plus abattu par rapport à tout ça.

Camille : Et alors pourquoi c'était si long ? C'était quoi les étapes d'avant ? Il y a eu des échanges de courriers un peu polis ?

Laurent : Oui. Alors après ce sont toutes les procédures juridiques. Quand on n'est pas du milieu on n'y comprend pas grand-chose. On a évidemment l'avocat qui est spécialiste qui s’occupe de tout ça. On essaie de raccrocher, de comprendre un peu tout ce qui se passe. Il y a sans cesse des renvois parce que le juge estime qu'il n'est pas compétent, qu'il n'a pas toutes les pièces. Il y a toute une logique à suivre dans le procès pour évidemment qu'il ne soit pas renvoyé pour vice de forme. Donc on suit les épisodes de renvois et hop c'est re-décalé de six mois, etc. Après l'autre répond. Enfin voilà c'est très, très long.

Camille : Les arguments de Hewlett Packard pour ne pas rembourser, c'est quoi ?

Laurent : Ils ont tout essayé. Déjà c'est une bonne leçon pour ceux qui pensent qu'on n'a rien à cacher sur Internet. Il faut savoir qu'ils ont balayé Internet pour me connaître, moi, jusqu'à ma naissance quoi !

Camille : Ils t'ont stalké

Laurent : Ah oui, carrément. Ils ont tout fait, ils ont tout regardé. Évidemment j'étais déjà intervenu pour défendre le logiciel libre, puisque je suis militant du logiciel libre. Alors je suis devenu après, ça c'est la petite parenthèse que je voulais faire. Effectivement au départ, ils expliquaient que j'étais le faux-nez de l'association April qui attaquait Hewlett Packard, ce qui n'était pas le cas. Par contre, ça m'a motivé pour intégrer le conseil d'administration de l'April.

Camille : Maintenant c'est fait !

Laurent : Voilà. Je suis devenu administrateur à cause de ça. Merci Hewlett Packard et merci, ça sert l'April. Ils ont donc effectivement passé ma vie en revue. Ils ont sorti toutes les vidées montrant que je défendais le logiciel libre, que j'étais un méchant, que j'étais un mauvais citoyen, que je ne voulais pas consommer comme eux le voulaient. Enfin voilà, c'est tout ce qu'ils ont déroulé pendant le procès.

Camille : Ta démarche n’était pas honnête, en fait !

Laurent : Ouais ! J'étais le vilain. Et c'étaient eux les bons qui étaient dans leur bon droit de faire consommer les gens comme eux l'entendaient. Voilà. C'est extrêmement dur à vivre parce que finalement moi je faisais ça parce que j'estime être dans mon bon droit. Je n'utilise pas quelque chose et on me le fait payer. Ça partait vraiment de cet état d'esprit-là. Et puis effectivement, défendre le logiciel libre qui est quelque chose, quand même, d'un peu plus éthique que ces programmes privateurs qui empêchent les gens d’être autonomes sur leur informatique et libres dans leur informatique.

Camille : Et comment ça s'est terminé ?

Laurent : Alors ça c’est terminé ! Ce n'est pas tout à fait terminé parce qu'en fait il y a eu un jugement sur le tribunal de proximité, mais un jugement défavorable pour moi et il faudrait que je me pourvoie en cassation.

Camille : D’accord !

Laurent : Sauf que là il faut des moyens financiers que j'estime ne plus avoir. Donc quelque part ils ont gagné parce qu'ils avaient de l'argent. Mais sur le fond ça n'a pas été jugé. Mon avocat m'a aussi déconseillé de poursuivre parce que devrait survenir, durant le cours de l'année 2016, un jugement européen.

Camille : D'accord !

Laurent : On espère qu'il sera favorable, mais rien ne le dit puisque, de toutes façons, il y quand même une force de lobbies extrêmement importante. Il faut savoir qu'il y a eu deux jugements un peu similaires qui ont été portés en 2015. Un favorable et un défavorable à une semaine d’intervalle.

Camille : Ah oui ! C'est le bordel complet !

Laurent : C'est le bordel complet ! Ça veut dire qu'il y a des pressions, il y a des coups de fil qui se passent. Ça ne peut pas être autre chose ! Par le même juge quoi ! Donc voilà. C'est ça qui n'est pas très sain quand même.

Camille : D'accord. Donc c'est vraiment partagé entre favorable, défavorable ? Il n'y a pas une majorité de cas qui passent ou pas ?

Laurent : En fait ça dépend des périodes. Il y a des fois des jugements favorables qui passent et après il y a des constructeurs qui arrivent à faire pression pour que, finalement, ça s’arrête de passer. C'est plutôt par périodes et par lobbies que ça fonctionne.

14' 40

Camille : Il y a une loi là-dessus ?