Cloud, vie privée et surveillance de masse - Tristan Nitot

De April MediaWiki
Révision datée du 3 août 2015 à 09:25 par Morandim (discussion | contributions) (Page créée avec « Catégorie:Transcriptions '''Titre :''' Cloud, vie privée et surveillance de masse '''Intervenant :''' Tristan Nitot '''Lieu :''' 8ème Rencontre Nationale des Dir... »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigationAller à la recherche


Titre : Cloud, vie privée et surveillance de masse

Intervenant : Tristan Nitot

Lieu : 8ème Rencontre Nationale des Directeurs de l’Innovation

Date : Juin 2015

Durée : 47 min 15

Lien vers la vidéo


00' transcrit MO

Je vais me présenter très brièvement, je m'appelle Tristan Nitot, j'ai quarante-huit ans, je suis un citoyen français, je suis Chief Product Officer chez Cozy Cloud, une startup française, je suis membre du Conseil National du Numérique, et je travaille sur un livre que je publie, au fur et à mesure, sur mon blog, sur la problématique de vie privée, surveillance de masse et la problématique du cloud. Donc, en gros, vous allez avoir accès, en partie, à ce contenu, à ce livre, sachant que, normalement, en septembre, si tout se passe bien, il existera en version papier.

Comme c'était, quand même, une longue journée, on va commencer par un tout petit peu d’exercice, et je vais demander aux utilisateurs de Facebook, de Google Search, les recherches Google, ou d'un service Yahoo de se lever. Donc si vous utilisez un de ces services, merci de vous lever. C'est bienvenu un peu d'exercice ! Restez debout ! Hou là là, attendez, l'exercice n'est pas terminé. Je vois qu'il y a des personnes qui n'ont pas compris les instructions, ou qui n'écoutent pas, il y a un monsieur qui est au téléphone, que je dérange beaucoup visiblement, là. Restez debout. Maintenant, ceux qui utilisent ces services sans payer, peuvent se rasseoir, sans payer. Si vous ne payez pas pour ces services, rasseyez-vous. Voilà. D'accord donc il y a quand même, monsieur hésite, est-ce qu'il a payé ? Vous avez envoyé votre chèque à Facebook le mois dernier ou pas ? Non, finalement il se rassoit. Bon d'accord ! Il y en a quatre qui n'ont pas compris les instructions, même pas. Donc tout le monde peut se rasseoir maintenant. Non, mais il y a un monsieur qui a compris les instructions, mais il veut rester debout. Voilà.

Cet exercice est intéressant, c'est qu'on utilise tous ces services, peut-être qu'il y a une exception, sans payer, c'est-à-dire que Google Search vous ne payez pas, Facebook vous ne payez pas, Yahoo vous ne payez pas. Il y a un adage qui dit « si c'est gratuit, c'est vous le produit ». Effectivement. Donc vous voyez, là c'est une ferme industrielle de cochons, et on ne comprend pas toujours très bien, mais le cochon, je vous le dis tout de suite, le cochon n'est pas le client du fermier. Il y a un moment où il faut revenir sur la base. C'est-à-dire que le cochon, il est nourri gratuitement, mais aucun de nous d'ailleurs, nous ne sommes pas des cochons, donc on peut avoir une certaine distance vis-à-vis du sujet, nous savons, indéniablement, que le cochon n'est pas le client du fermier. Le client c'est celui qui mange le saucisson. Il y a un parallèle intéressant, d'ailleurs, entre le cochon et nous, utilisateurs du numérique, je n'ai pas dit clients du numérique, mais utilisateurs du numérique, c'est que, finalement, on va peut-être finir en saucissons.

Pourquoi, au-delà de cet exemple qui est un peu amusant, il y a une problématique à comprendre, c'est que les données c'est le pétrole du 21e siècle. Ça c'est Los Angeles en 1908, et, au milieu des pavillons, c'est bourré de derricks. Pourquoi il y a ces derricks qui pompent du pétrole comme on le faisait il y a presque cent dix ans en Californie ? EH bien, je vais vous donner un exemple, ça c'est l'application de Facebook qui j'ai commencée à installer sur mon téléphone Android. Finalement, je n'ai pas accepté, parce que ce n'est pas acceptable, d'après moi, que Facebook, pour que je puisse m'en servir et lui donner mes données, il me demande d'avoir accès à tous mes SMS, mes photos, ma position par GPS, la liste de tous mes contacts, mon agenda, et l'historique de l'appareil des applications que j'utilise, autres que Facebook. Donc ça, vous voyez, ça c'est un derrick dans ma poche. En fait, les sociétés, les grandes sociétés du numérique aujourd'hui, Google, Facebook, Yahoo, etc, et Microsoft, ce sont des gens qui viennent mettre des derricks dans nos jardins, c'est-à-dire qu'ils viennent pomper nos données.

Alors, là on va dire « il a une dent contre Facebook ». Non, pas du tout ! Enfin si, mais pas seulement. Ça, ce sont des informations que j'ai trouvées sur un serveur de Google. Un serveur de Google, donc ce n’était pas dans mon ordinateur. C'est un serveur de Google. Si vous utilisez Google Maps, et que vous avez, comme tout le monde, lu les conditions générales d’utilisation, je ne vous fais pas lever, tout le monde les a lues les conditions générales d'utilisation de Google Maps, je ne vais pas vous faire cet affront, évidemment. Je lisais d'ailleurs récemment que, en fait, si on lisait toutes les conditions générales d’utilisation de tous les services en ligne qu'on utilise, il faudrait des dizaines d'années, à raison de huit heures par jour pour les lire et les analyser, vous voyez, donc on ne le fait pas, forcément. Eh bien donc, en utilisant Google Maps, Google Maps collecte des données sur mes déplacements. Et c'est ainsi qu'on voit que le 2 décembre 2014, je me suis promené, je suis allé faire un tour dans le 16e, je suis allé faire un tour du côté du canal Saint Martin, et du côté du boulevard Montmartre. Et quand ça fait des lignes droites, c'est que je prends le métro et il ne peut pas me repérer par GPS. Et ça, ces données, elles sont envoyées automatiquement à Google. Alors, du coup, je me suis dis, je vais désactiver le GPS et la géolocalisation. Et là, il me dit, vous pouvez désactiver le GPS et la géolocalisation, et le wifi, mais sachez quand même qu'on va détecter les bornes wifi autour de vous, et on va les stocker pour plus tard. Vous pouvez aller, c'est très compliqué, les chercher dans les préférences, l'endroit où vous pouvez désactiver ça, et puis, forcément, votre téléphone marche beaucoup moins bien après, donc, non, on ne le fait pas. Donc c'est ça, c'est « je pompe tes données ou tu crèves », quoi, ou, en tout cas, ça ne marche.

Donc voilà pour Facebook, voilà pour Google. Je ne vous les fais pas tous, je crois qu'on a compris le système. Et, évidemment, les grands services nous disent « ah non, mais ne vous en faites pas, les utilisateurs sont extrêmement conscients de ça, ils sont ravis d'échanger des données personnelles contre des services gratuits. Ils ont des services de relations presse et relations publiques, qui expliquent ça, à longueur de journée, comme quoi c'est un très bon accord.

Moi, en fait, ça m'évoque plutôt l'accord, où c'est comme quand qu'on achetait des esclaves contre des verroteries. Vous voyez, c'est un bon accord. On allait en Afrique, on donnait des verroteries et on embarquait des esclaves. Et les gens étaient contents, regardez des verroteries. C'est vrai que des verroteries, quand vous vous étiez en Afrique occidentale, vous n'en voyiez pas beaucoup, il y a deux siècles, et on était content de faire des échanges. C'était quand même une arnaque. Ou, des Indiens d'Amérique, à qui on achetait des terres en échange de verroteries, parce que pour eux le notion même de propriété de la terre leur était impossible, et on les arnaquait de la même manière. Donc c'est exactement le même genre d’arnaque, et je pense que, dans quelques dizaines d’années, on regardera la période d'aujourd'hui avec effroi, en disant « mais comment les gens ont-ils pu donner des données personnelles en échange de services aussi bon marché ».

Parce que j'ai fait le calcul si vous regardez les comptes, la comptabilité de Facebook, qui est en partie publique, parce que, évidemment, ils sont cotés en bourse, vous regardez que un utilisateur Facebook, pendant un an, ça coûte cinq euros, pour faire fonctionner Facebook pour une personne, cinq euros. Donc, en fait, vous échangez toutes vos données dans Facebook pour un service qui vaut cinq euros, en gros pour le prix de deux expressos au comptoir, vous avez donné toutes vos données personnelles. J'aime beaucoup le café, mais à ce prix-là, je préférerais payer directement Facebook, que avoir cet échange de dupes. D'ailleurs ça a commencé à se voir. Il y a un rapport qui est sorti, il y a une dizaine de jours, qui s'appelle The Tradeoff Fallacy, qui explique que, en gros, il y a l'immense majorité, plus des deux tiers des gens, trouvent que c'est une arnaque, c’est-à-dire que les sociétés internet en savent trop sur nos données, mais, de toutes façons, comme on ne peut absolument rien faire genre Google Maps, genre Facebook, autant en tirer un service gratuit. Donc, bon an, mal an, un peu déçus par ce procédé pas très loyal, tant qu'à se faire pomper les données, autant avoir un service gratuit en échange.

Si vous permettez, je vais chercher une petite bouteille. Excusez-moi pour cet intermède

09' 22

Après, il y a une problématique aussi,