Différences entre les versions de « Cahier MTP/DRM »

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
Ligne 211 : Ligne 211 :
 
Autre disposition problématique, l'alinéa 4 de l'article L331-5 CPI qui dispose que ''" Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur "''<ref>http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E4EA6C7946664C8362B1A1BC84EA8A89.tpdjo13v_3?idArticle=LEGIARTI000021212283&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111031</ref>. Les auteurs de MTP doivent donc faciliter ce que l’ancienne Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT fusionnée aujourd’hui dans l’HADOPI) nomme ''« l’interopérabilité des mesures techniques »'' qui permet ''« l’échange entre systèmes hétérogènes de contenus protégés, dans le respect des droits des créateurs » et qui passe par « une interopérabilité des métadonnées (données structurées qui décrivent et identifient le contenu auquel elles sont associées) associées au contenu et par un respect des conditions de protection et des niveaux de sécurisation établis par les titulaires de droits »''<ref> ARMT- rapport annuel 2008 p. 28 http://www.numerama.com/magazine/11577-l-armt-constate-son-inutilite-avant-de-devenir-l-hadopi-maj.html</ref>.  
 
Autre disposition problématique, l'alinéa 4 de l'article L331-5 CPI qui dispose que ''" Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur "''<ref>http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E4EA6C7946664C8362B1A1BC84EA8A89.tpdjo13v_3?idArticle=LEGIARTI000021212283&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111031</ref>. Les auteurs de MTP doivent donc faciliter ce que l’ancienne Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT fusionnée aujourd’hui dans l’HADOPI) nomme ''« l’interopérabilité des mesures techniques »'' qui permet ''« l’échange entre systèmes hétérogènes de contenus protégés, dans le respect des droits des créateurs » et qui passe par « une interopérabilité des métadonnées (données structurées qui décrivent et identifient le contenu auquel elles sont associées) associées au contenu et par un respect des conditions de protection et des niveaux de sécurisation établis par les titulaires de droits »''<ref> ARMT- rapport annuel 2008 p. 28 http://www.numerama.com/magazine/11577-l-armt-constate-son-inutilite-avant-de-devenir-l-hadopi-maj.html</ref>.  
  
Le principe d'un DRM interopérable, n'a, nous l'avons vu, pas de sens, car le principe des mesures techniques de protection
+
Le principe d'un DRM interopérable, n'a, nous l'avons vu, pas de sens, car le principe même des mesures techniques de protection est d'accorder un monopole de gestion et d'accès aux contenus et non de garantir ''" la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées "''<ref>Directive ç1/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:HTML</ref>
  
 
===Un corpus juridique contraire aux exigences d'interopérabilité===
 
===Un corpus juridique contraire aux exigences d'interopérabilité===

Version du 31 octobre 2011 à 16:06

Questionnaire candidats.fr Cahier n°4 : MTP/DRM

En bref...

Préambule : le droit d'auteur n'est pas remis en question

Les auteurs de ce document et les soutiens de l'initiative EUCD.info[1], croient fermement que les droits moraux et les intérêts économiques des auteurs doivent être préservés dans l'environnement numérique. Il n'est pas dans leurs intentions de légitimer des pratiques illicites ni de léser les intérêts économiques des auteurs. Bien au contraire. D'un point de vue légal, ils pensent qu'il est socialement dommageable de criminaliser les pratiques honnêtes et légitimes de toute une population sous pretexte de punir une minorité de contrevenants. D'un point de vue économique, ils défendent fermement une saine concurrence et une rémunération équitable des auteurs mais sont hostiles aux monopoles, aux abus de position dominante et aux ententes illicites.

Définition et historique

Les DRM sont des dispositifs qui ont pour but de contrôler l'accès aux œuvres numériques et l'usage qui en est fait, notamment en limitant la copie. C'est un système de gestion des droits numériques. En d'autres termes, un DRM est un dispositif de contrôle d'usage, des menottes numériques qui enferment les utilisateurs. Face à l'inévitable inefficacité des dispositifs de contrôle d'usage, une législation a été élaborée pour interdire toute tentative de contournement des DRM.

Analyse critique des mesures techniques de protection

La mise en place de DRM a pour fondement la préservation des droits sur l’œuvre. Or, des études démontrent que, plutôt que d'éradiquer le piratage, les DRM découragent les usages légaux, en raison des contraintes pesant sur l'utilisateur. De nouvelles références liées à la problématique des DRM pourraient être ajoutées chaque jour. L'actualité relative aux effets des mesures techniques et de la protection juridique associée est en effet très riche, et largement relayée dans les médias. Nous invitons le lecteur à taper, par exemple, "DRM problème" dans un moteur de recherche pour s'en convaincre.

Analyse critique de la protection juridique des mesures techniques

Le 3 août 2006, la loi dite DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) était promulguée[2]. La loi DADVSI transpose en droit français la directive 2001/29CE[3] sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information. Cette directive adoptée en mai 2001 doit permettre à l'Europe de se conformer aux obligations prévues dans les traités WCT et WPPT rédigés en 1996 sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Ces dispositions, instaurant un dispositif de répression, sacralise les DRM au mépris de l'intérêt général. Les textes à venir, tel que le projet ACTA,loin de revenir sur la protection juridique des DRM, tendent à en étendre son champ d'application.

Questions

Principe des mesures techniques et de la protection juridique associée

Question 4a : Depuis 1995, la Commission Européenne encourage l'utilisation des mesures techniques de protection comme facteur de développement d'une économie de la culture à l'ère du numérique. Pensez-vous que cette stratégie soit pertinente ?

Question 4b : En signant les traités WCT et WPPT en 1996, l'Europe a fait il y a 10 ans le choix de la protection juridique des mesures techniques de protection. Pensez-vous que ce choix était judicieux ?

Directive 2001/29CE et loi DADVSI

Question 7a : Partagez-vous le constat que la directive 2001/29CE pose plus de problèmes qu'elle n'en résout ? Si oui, quelle solution proposer à nos partenaires pour sortir de l'ornière ?

Question 7b : Pensez-vous que, quoi qu'il en soit, il faut abroger rapidement le titre Ier de la loi DADVSI ? Si oui, au regard des termes actuels du débat, quels seraient selon vous les axes majeurs qui devraient guider une nouvelle transposition ? Partagez-vous notamment l'idée que les dispositions existantes en droit français avant la loi DADVSI, telles que celles relatives à la contrefaçon, à la fraude informatique, à la concurrence déloyale et au parasitisme, offrait déjà un arsenal répressif suffisant et conforme aux obligations fixées par la directive[4] ?

Question 7c : Pensez-vous qu'il faille abroger les articles issus des amendements dits Vivendi qui n'étaient pas requis par la directive et ne plus y revenir ?

Informatique dite "de confiance"

Question 11 : De plus en plus, l'abandon du contrôle de son ordinateur personnel, et notamment de son droit au contrôle de l'accès à ses données personnelles, devient un pré-requis pour pouvoir accéder à des données numériques protégées par le droit d'auteur. Un tel principe est-il selon vous acceptable et quelle doit être la réponse du législateur face à cette "tendance du marché" ?

Développements

« Le livre, comme livre, appartient à l'auteur, mais comme pensée, il appartient - le mot n'est pas trop vaste - au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l'un des deux droits, le droit de l'écrivain et le droit de l'esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l'écrivain, car l'intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous. » Victor Hugo, 1878 – Discours d'ouverture du congrès littéraire international.

Préambule : le droit d'auteur n'est pas remis en question

Les auteurs de ce document et les soutiens de l'initiative EUCD.info[5], croient fermement que les droits moraux et les intérêts économiques des auteurs doivent être préservés dans l'environnement numérique. Il n'est pas dans leurs intentions de légitimer des pratiques illicites ni de léser les intérêts économiques des auteurs. Bien au contraire. D'un point de vue légal, ils pensent qu'il est socialement dommageable de criminaliser les pratiques honnêtes et légitimes de toute une population sous pretexte de punir une minorité de contrevenants. D'un point de vue économique, ils défendent fermement une saine concurrence et une rémunération équitable des auteurs mais sont hostiles aux monopoles, aux abus de position dominante et aux ententes illicites.

Définition

Les DRM[6] sont des dispositifs qui ont pour but de contrôler l'accès aux œuvres numériques et l'usage qui en est fait, notamment en limitant la copie. C'est un système de gestion des droits numériques. En d'autres termes, un DRM est un dispositif de contrôle d'usage, des menottes numériques qui enferment les utilisateurs.

Menottes numériques

Par exemple, les DRM peuvent imposer :

- des restrictions de la lecture du support à une zone géographique ;

- des restrictions ou l'interdiction de la copie privée ;

- des restrictions ou le verrouillage de certaines fonctions de lecture du support ;

- l'identification ou le tatouage numérique des œuvres, équipements de lecture ou d'enregistrement ;

- des limitations d'impression du document, de citation/copier-coller, d'annotation, de synthèse vocale pour les malvoyants, etc.

Les DRM peuvent concerner tout type d'œuvre numérique (musique, vidéo/film, livre, jeu vidéo, logiciel en général, etc.) sur tout type d'équipement (ordinateur, téléphone mobile, baladeur numérique, station multimédia, etc.).

Les DRM sont présentés comme des mesures visant à empêcher que des copies soient échangées, par exemple sur Internet, et à « sécuriser » les modes de diffusion des œuvres numériques (achat de contenus en ligne, location, etc.). Cette limitation de la diffusion est en réalité faible et repose sur le secret ; elle peut donc être facilement contournée. C'est pourquoi les promoteurs des mesures de contrôle d'usage se sont assurés de l'interdiction par la loi de tout contournement en leur appliquant des sanctions pénales.

Dangers

Il y a donc une différence importante entre l'objectif affiché — le contrôle des copies — et les conséquences des moyens utilisés — un contrôle de plus en plus fin et complet des usages. Ces contrôles présentent donc de multiples dangers :

- un danger technique, car les DRM sont intrusifs. Leur fonctionnement, lié à un format fermé et propriétaire, menace la pérennité des œuvres numériques. Leur opacité conduit également à affaiblir le niveau de sécurité des systèmes[7] ;

- un danger économique, car ils favorisent la constitution de monopoles dans le cadre desquels on constate des abus de position dominante et le développement de la vente liée. Ils perturbent également le marché de l'occasion et sont particulièrement couteux ;

- un danger sociétal, car ils induisent la perte de contrôle par l'utilisateur de son propre équipement et de ses données personnelles, menacent le domaine public, interdisent des usages légaux ;

- un danger culturel, car ils déséquilibrent le droit d'auteur, dépossédant les auteurs de leurs droits sur leurs œuvres au profit des éditeurs de DRM, empêchant ou limitant divers actes créatifs (citation, remix, etc.) et opposant le public aux œuvres et donc aux auteurs via une expérience utilisateur désastreuse ;

- un danger patrimonial, car les DRM font courir des risques à la conservation des œuvres numériques pour les générations futures.

Le leurre du DRM " interopérable " ou " libre "

Le mode de fonctionnement et la reconnaissance des DRM accordent un monopole de gestion et d'accès aux contenus à certaines entreprises. Les DRM sont gérés par un ensemble de logiciels souvent fournis par un seul et même éditeur. Celui-ci est chargé de verrouiller les contenus et de proposer son lecteur de fichiers numériques. Étant à l'origine de son format fermé, il est souvent le seul capable a priori de lire les fichiers comportant un DRM. Les clients sont donc fortement incités à utiliser le lecteur de l'éditeur au détriment de la concurrence, de leurs propres droits et de leur liberté de choix. L'idée même d'un « DRM interopérable » est donc un leurre, malgré les nombreuses annonces faites à ce sujet.[8]

De plus, les DRM imposent à l'utilisateur un contrôle contraire à la philosophie du Logiciel Libre : l'idée même de l'existence d'un « DRM libre » est une impasse. En particulier, la protection juridique des DRM a précisément été mise en place pour interdire la publication de code source, cette publication rendant le verrou trivial à supprimer. Le Logiciel Libre publiant par définition son code source, l'idée d'un « DRM libre » est un oxymore, à la fois sur le plan technique et sur le plan ontologique. La raison d'être du Logiciel Libre étant de donner le maximum de contrôle à l'utilisateur.

Illustration

Sur les supports traditionnels des œuvres de l'esprit — un livre par exemple — il n'y a pas de restriction d'usage : je peux lire mon livre n'importe où, ne lire que certains passages, le relire autant de fois que je veux, faire des annotations dans la marge, le prêter à qui je veux et autant de fois que je le veux et le revendre[9] ; je suis donc libre de l'usage de mon livre.

Pour une œuvre DRMisée en revanche, bien souvent je ne peux faire aucune de ces actions : les outils de lecture me sont imposés (lecteur, voire matériel particulier), je ne peux pas le prêter, je peux me voir retirer mon droit de lecture à n'importe quel moment[10] et je ne peux pas le revendre. On peut même exiger que je j'utilise des outils particuliers pour pouvoir lire l'œuvre que j'ai pourtant achetée : par exemple, on pourrait exiger que j'achète une certaine marque de lunettes de déchiffrement pour lire mon livre, et tant pis pour moi si je ne peux pas les porter en même temps que mes lunettes de vue ! Et si ces lunettes de décryptage ne sont plus produites, je n'ai plus qu'à jeter tous mes livres et abandonner toutes les annotations que j'y ai fait, et à racheter les mêmes œuvres – en espérant qu'elles existent dans le nouveau format...[11]

Historique de la protection des DRM

Face à l'inévitable inefficacité des dispositifs de contrôle d'usage, une législation a été élaborée pour interdire toute tentative de contournement des DRM.

Des traités de l'OMPI à la directive EUCD

Au milieu des années 90, le gouvernement américain a proposé d'intégrer une protection juridique des mesures techniques de protection aux projets de traités WCT et WPPT[12] sur le droit d'auteur et les droits voisins, alors en cours de rédaction à l'OMPI.L'idée, fondée sur la pratique, était qu'aucune mesure technique de protection ne résiste au génie humain, et que toutes seront donc contournées. Par conséquent, pour le gouvernement américain, les actes de contournement devaient être interdits juridiquement, ainsi que les outils conçus ou spécialement adaptés pour réaliser de tels actes.

Cette proposition des États-Unis fut retenue et intégrée en 1996 aux traités WCT (traité sur le droit d'auteur) et WPPT (traité sur les droits des producteurs), bien que de nombreux États aient exprimé leurs craintes de voir de telles dispositions entrer en conflit avec certaines dispositions protégeant les droits du public ou la libre concurrence.

Un engagement des États et de l'Union européenne est pris pour sanctionner les actes de contournement des mesures techniques et les activités préparatoires dans leur droit national. Pour atteindre cet objectif, une directive européenne – la directive 2001/29CE ( surnommée EUCD pour European Union Copyright Directive )[13] - a été rédigée et adoptée en 2001[14]. Le 14 décembre 2009, l'Union européenne a ratifié les deux traités de l'OMPI[15].

Cette directive est obsolète car elle se base sur des traités rédigés en 1996, à une époque où l'Internet grand public n'en était encore qu'à ses balbutiements. Mais le législateur d'aujourd'hui vit dans un monde radicalement différent et ne peut l'ignorer. il est alors indispensable de remettre en question la pertinence de dispositions législatives dont les fondements économiques sont d'une autre époque.

Loi DADVSI

Une loi adoptée dans l'urgence et en l'absence de concertation

En 2006, la loi de transposition, dite loi DADVSI (droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information)[16], est promulguée.

La rédaction et l'adoption de loi DADVSI ont été difficiles, sans doute car le texte transpose une directive dont beaucoup constatent qu'elle est obsolète et n'atteint pas son objectif d'harmonisation.

Le projet de loi a par ailleurs été examiné dans le cadre d'une procédure d'urgence fin 2005, mais aucun travail de concertation préalable, pourtant indispensable, n'avait été mené par le ministère de la culture et le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA). Les dysfonctionnements du CSPLA – tenu par une poignée de représentants d'industriels ne s'intéressant qu'à leurs seuls interêts – et leur pouvoir d'orientation de la politique gouvernementale, sont d'ailleurs apparus au grand jour à l'occasion de ce débat.

Tout comme le gouvernement et l'opinion publique, des députés ont donc découvert les effets du texte pour les citoyens et certains acteurs – notamment pour les acteurs du logiciel libre, les personnes handicapées et les bibliothécaires – le jour de l'ouverture des débats, dans la presse ou quand certains de leurs collègues, sensibilisés, sont montés à la tribune (et ce alors même que des associations alertaient le ministère de la culture et le CSPLA depuis plus de trois ans). Résultat : le texte initial de transposition, rédigé par le CSPLA et proposé par le gouvernement, a été rejeté par une coalition de députés de tous bords qui l'ont jugé trop répressif et contraire à l'interêt général. Le gouvernement et les parlementaires ont alors exploré différentes voies, pour tenter de limiter les effets indésirables connus des mesures techniques et de la protection juridique associée, tout en se conformant aux obligations communautaires et internationales de la France.

L'absence de navette parlementaire, les conditions d'examen de certains amendements, et les pressions évidentes exercées sur les élus de la majorité pour introduire des dispositions n'ayant fait l'objet d'aucune étude d'impact ou de concertation, comme les amendements Vivendi, n'ont cependant pas permis d'aboutir à un texte équilibré. Bien au contraire. La décision du Conseil Constitutionnel a encore aggravé la situation en supprimant des exceptions[17].

La nécessité d'une révision des dispositions

Nombreux sont aujourd'hui les responsables politiques, les juristes, les représentants d'artistes, d'auteurs, de consommateurs, d'industriels, qui déclarent qu'il faut revoir cette loi.

Les principales critiques reposent sur le fait que la loi ne crée pas les conditions de mise en oeuvre des principes qu'elle pose ; que le nombre d'exceptions au contournement est trop restreint ; que la sécurité de développement du logiciel libre n'est pas garantie ; et que, plus largement, en lieu et place de règles claires, justes et équilibrées, inscrites dans la loi et permettant à chacun de connaître et de faire valoir ses droits devant l'autorité judiciaire, le législateur a rédigé un texte inintelligible, et créé une usine à gaz administrative pour l'interpréter et le faire appliquer.

Ainsi, L'ARMT ( Autorité de régulation des mesures techniques ), crée dans le cadre de la loi DADVSI pour la régulation du domaine des mesures techniques de protection, et fusionnée avec l'Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet ) en 2009[18], n'a jamais été saisie, la procédure étant des plus floues. A titre d'illustration, il y a une réelle incertitude quant à la portée de la possibilité pour le titulaire des droits sur la mesure technique d'imposer au bénéficiaire d'informations essentielles de renoncer à la publication du code source et de la documentation technique de son logiciel indépendant et interopérant en cas de preuve d'un risque d' atteinte grave à la sécurité et à l'efficacité de la mesure technique en question[19].

Analyse critique des mesures techniques de protection

La mise en place de DRM a pour fondement la préservation des droits sur l’œuvre. Or, des études démontrent que, plutôt que d'éradiquer le piratage, les DRM découragent les usages légaux, en raison des contraintes pensant sur l'utilisateur[20][21]. De nouvelles références liées à la problématique des DRM pourraient être ajoutées chaque jour. L'actualité relative aux effets des mesures techniques et de la protection juridique associée est en effet très riche, et largement relayée dans les média. Nous invitons le lecteur à taper, par exemple, "DRM problème" dans un moteur de recherche pour s'en convaincre.

Non-interopérabilité et atteinte à la pérennité de l’œuvre

L'interopérabilité étant définie comme « la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées »[22], les DRM, par leur fonction de contrôle de l'accès, ne peuvent être interopérables. Affirmer que les DRM ou MTP ne devraient « pas avoir pour effet d'empêcher la mise en œuvre effective de l'interopérabilité dans le respect du droit d'auteur »[23] n'a donc pas de sens.

Les DRM, en contrôlant l'accès à l’œuvre, créent souvent une incompatibilité des fichiers protégés avec certains systèmes, logiciels ou matériels. Ainsi, un fichier en WMA protégé par DRM n'est pas lisible sur un ipod. Inversement, un fichier AAC protégé par DRM Apple n'est pas lisible sur un lecteur étranger à la marque. En conséquence, les DRM constituent une atteinte à la liberté des utilisateurs par leur mise sous dépendance technologique.

De plus, Les DRM ne permettent pas d'assurer la pérennité de l’œuvre protégée. En effet, rien ne garantit qu'une œuvre, protégée par les DRM développés par une entreprise déterminée, demeure accessible si la dite entreprise venait à disparaître. A titre d'illustration, rien ne garantit que les fichiers disponibles sur itunes et protégés par des DRM Apple soient encore accessibles si l'entreprise Apple disparaît. Seul l'usage de standards ouverts et interopérables sont à même de garantir la pérennité d'une œuvre numérique.

Inefficacité dans la lutte contre le piratage

Les majors de l'industrie de la musique disent que leurs difficultés économiques sont dues aux téléchargements (via le peer to peer notamment) et ont fortement influencé la rédaction du traité OMPI et de l'EUCD. Cependant les faits leurs donnent tort et leurs difficultés sont dues à une conjoncture difficile. S'il est exact de dire que les ventes des œuvres sur support physique sont en baisse, il est en revanche erroné d'affirmer que les revenus des majors sont en chute libre. Ainsi, les reversements des droits sont en hausse[24] :

" Mais non, tous les autres clignotants ne sont pas dans le rouge, et sont - étrangement - moins mis en avant. Car le marché de la musique ne comprend pas que la vente de disques, qui est désormais passée derrière le spectacle vivant, qui, lui, progresse régulièrement...(...) Les droits reversés aux auteurs-compositeurs (Sacem), aux artistes interprètes (Adami et Spedidam) et aux producteurs (SCPP et SPPF) ont tous largement augmenté depuis 2000. Certes, tous ont été impactés par l'effondrement des ventes de disques, lesquelles sont, par exemple, passées de 21 % à 12 % des recettes de la Sacem depuis 2003. Si le total des droits engrangés a continué à augmenter, c'est que l'essentiel vient d'ailleurs : des concerts, de la diffusion de musique (radio, télévision, lieux publics...), et aussi de la taxe pour la copie privée (prélevée sur les ventes de supports vierges comme les DVD, clés USB, cartes mémoires, etc)."

Les DRM ont un impact négatif sur les utilisateurs légaux car ils sont les seuls à souffrir des restrictions imposées par les DRM. Afin de se simplifier la gestion de musiques ou de films (transferts, sauvegardes ...) par exemple, les utilisateurs se tournent vers des œuvres non protégés par des DRM. Les DRM sont en réalité l'une des causes du piratage, décourageant les usages légaux et ne dissuadant pas ceux qui ont décidé de pirater. Ainsi, en 2010, certains utilisateurs légaux n'ont pu lire le Blu-Ray d'Avatar en raison de la surcouche de DRM bloquant certains lecteurs[25] poussant au téléchargement illégal du film.

Une étude de deux universités américaines, Rice et Duke[26][27] affirme clairement que :

« en fait, supprimer les DRM peut être plus efficace pour diminuer le piratage que mettre en place des DRM plus sévère. »

Non-sens économique

Les distributeurs de contenus culturels reconnaissent progressivement le non-sens économique des DRM[28] :

« Très critiqués, notamment par les associations de consommateurs, les DRM ont notamment le défaut de bloquer l'interopérabilité entre différents appareils. Certains CD équipés de verrous anticopies ne peuvent par exemple être lus sur ordinateur ou dans certains autoradios. Depuis plusieurs années, l'industrie musicale a d'ailleurs cessé progressivement d'utiliser des DRM sur les disques en Europe, constatant que l'impact sur le téléchargement illégal était très relatif tandis que ces protections mécontentaient les acheteurs. »[29]

Partant de ce constat, les fabricants de matériels se sont engagés à supprimer progressivement les DRM par les les Accords Élysée du 23 novembre 2007[30]. Cependant, beaucoup de chemin reste encore à accomplir, particulièrement dans les domaines des jeux vidéos[31], des films ou encore des livres numériques[32].

Les entreprises n'ont pas renoncé aux menottes numériques et élaborent de nouveaux DRM, comme Ultraviolet[33], permettant la lecture sur divers supports mais davantage attentatoires à la liberté des utilisateurs, contraints de s'enregistrer sur un service "en nuages".

L'abandon de ces restrictions permettrait pourtant accroître la concurrence et abaisser les prix d'acquisition de l’œuvre, une baisse autrement plus efficace pour encourager les usages légaux.Ainsi, dans le cas des livres numériques, la suppression des DRM représenterait une économie non négligeable pour les distributeurs ne pouvant développer leur propre solution de marquage et recourant aux services d'une entreprise comme Adobe.

« Le coût d’un tel marquage est de 0,40€ par exemplaire à l’heure actuelle, un coût fixe qui a une influence non négligeable pour des livres proposés à des prix réduits (3% sur un prix de vente à 12€ par exemple). Ce coût est assumé par les distributeurs de livres numériques et fait l’objet d’une refacturation aux éditeurs. A noter également qu’Adobe demande un droit d’entrée à ces mêmes distributeurs de 75 000$/annuel pour disposer de cette solution. C’est un ticket d’entrée inaccessible à des distributeurs petits ou moyens.»[34]

Impact négatif du verrouillage des œuvres sur la concurrence

encouragement des ententes illicites, des monopoles et des abus de position dominante

Les titulaires de droits et les auteurs de mesures techniques peuvent passer entre eux des accords. Si l'ensemble de ces acteurs ont un monopole, il peut s'agir d'entente illicite. Un acteur indépendant qui voudrait s'affranchir de ces accords tout en continuant à utiliser la même mesure technique serait en situation de contrefaçon.

L'ajout d'une mesure technique dans un logiciel étant suffisant pour obtenir un monopole de fait, la concurrence ne régule pas les prix en fonction de l'offre et de la demande. Le fournisseur du logiciel aura donc naturellement tendance à le proposer à un prix supérieur à sa valeur théorique en situation de concurrence. De plus, l'ajout d'une mesure technique sur une œuvre est utilisé pour empêcher l'apparition de concurrents. Un concurrent potentiel ne peut distribuer ou concevoir un produit de substitution compatible car pour ce faire il doit nécessairement contourner la mesure technique. S'agissant des formats de fichier, il suffit à l'auteur d'un format de fichier d'inclure dans celui-ci une mesure technique pour détenir un monopole de fait sur l'exploitation de ce format.

encadrement de certaines professions

Les dangers liés au verrouillage des œuvres ne se limitent pas à l'impact sur les particuliers. Il peut même être encore plus fort dans le cadre de certaines professions, au premier rang desquelles les industries de l'image et de la musique. Ainsi, le passage au film numérique dans les salles de cinéma s'accompagne de mesures de contrôle et de verrouillage inédites : les majors du secteur, sous prétexte d'interopérabilité, s'assurent d'un contrôle quasi-absolu sur les œuvres.

Ainsi, le Digital Cinema Initiative (Initiative pour le cinéma numérique, ou DCI)[35] qui regroupe les principales majors de l'industrie du cinéma américain[36] s'affiche en héraut de l'interopérabilité, mais intègre dans ses schémas explicatifs des dispositifs de contrôle d'usage qu'il souhaite voir pour imposés à toutes les œuvres.

Ces verrous permettent notamment de choisir les fenêtres de projection, d'imposer la projection de messages ou de publicités avant le film ou de limiter le nombre de projections. En d'autres termes, les majors peuvent décider de tout, et les salles de cinémas deviennent de simples lieux de projection dépersonnalisés et sans aucun contrôle de leur propre offre. Pire encore, les salles sont contraintes d'accepter ces restrictions de leur liberté : bientôt, la plupart des films seront exclusivement proposés sous cette forme. À terme, c'est donc la fin d'une liberté de choix et de gestion qui est programmée, avec des DRM qui permettent de donner le contrôle à quelques grandes entreprises sur la totalité des œuvres diffusées. S'ajoutent une complexité du système ingérable pour les petites salles et un coût du matériel très important, ce qui ne permet qu'aux plus grosses structures de tirer leur épingle du jeu[37]

Atteinte à la vie privée des utilisateurs par les éditeurs des DRM

Alors que la diffusion et l'épanouissement de la culture numérique reposent sur la liberté des usages, les menottes numériques la réduisent à néant en la transformant en un simple droit d'utilisation limité, révocable, dans un contexte déterminé et soumis aux aléas que pourrait rencontrer l'éditeur et à ses décisions.

Comme pour tout droit d'utilisation, l'avenir de ces contenus est soumis au bon vouloir d'une société privée et à sa capacité technique de préservation et de conversion de l'œuvre vers les nouveaux supports matériels et les nouveaux logiciels dans les décennies suivant la création d'un système de DRM. Or l'expérience montre l'obsolescence de tels systèmes en quelques années maximum[38]. De plus, certains DRM nécessitent un accès distant, ce qui implique le maintien du service en ligne – l'accès aux œuvres est donc tributaire de la bonne santé d'une entreprise privée ainsi que de sa bonne gestion du contenu.

Ces DRM exigent que le logiciel demande la permission à un serveur distant pour lire les fichiers protégés. Cela se traduit par l'envoi, par un logiciel propriétaire — c'est-à-dire une boite noire — de données de l'équipement de l'utilisateur vers les serveurs du gestionnaire de DRM. Le tout est fait sans aucun contrôle possible par l'utilisateur du type et de la quantité d'informations envoyées.

Au mépris du respect de la vie privée des utilisateurs, certains DRM font courir le risque d'un contrôle à distance de leurs équipements par un soi-disant « tiers de confiance », en réalité une société privée qui n'aura à cœur que ses propres intérêts. Par ailleurs ce type de DRM est discriminant et pénalise ceux qui n'ont pas un accès facile à Internet, ainsi que les usages nomades en dehors du réseau, tout en posant la question de la pérennité du service.

Si les utilisateurs souhaitent éviter le traçage de leurs usages ou que les DRM rendent l'œuvre illisible ou inutilisable, il n'est pas possible pour autant de s'en débarrasser pour profiter de son achat, la loi sanctionnant par des mesures pénales le contournement.

Analyse critique de la protection juridique des mesures techniques

Le 3 août 2006, la loi dite DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) était promulguée[39]. La loi DADVSI transpose en droit français la directive 2001/29CE[40] sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information. Cette directive adoptée en mai 2001 doit permettre à l'Europe de se conformer aux obligations prévues dans les traités WCT et WPPT rédigés en 1996 sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Ces dispositions, instaurant un dispositif de répression, sacralise les DRM au mépris de l'intérêt général. Les textes à venir, tel que le projet ACTA, loin de revenir sur la protection juridique des DRM, tendent à en étendre son champ d'application.

Un corpus juridique aux termes imprécis

Le contournement d'une mesure technique efficace

L'article 6 de la directive EUCD[41] dispose que : " les États membres prévoient une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu'elle poursuit cet objectif ".

Il est difficile de déterminer quel logiciel est diffusé en violation des dispositions sanctionnant le contournement de MTP car un flou existe quant à la définition des termes " mesure technique ", " efficace " ou encore " contournement ". L'imprécision de ces termes fait que l'objectif de la directive EUCD, l'harmonisation des législations des États membres, ne peut être pleinement atteint.

La mise en œuvre effective de l'interopérabilité dans le respect du droit d'auteur

Autre disposition problématique, l'alinéa 4 de l'article L331-5 CPI qui dispose que " Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur "[42]. Les auteurs de MTP doivent donc faciliter ce que l’ancienne Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT fusionnée aujourd’hui dans l’HADOPI) nomme « l’interopérabilité des mesures techniques » qui permet « l’échange entre systèmes hétérogènes de contenus protégés, dans le respect des droits des créateurs » et qui passe par « une interopérabilité des métadonnées (données structurées qui décrivent et identifient le contenu auquel elles sont associées) associées au contenu et par un respect des conditions de protection et des niveaux de sécurisation établis par les titulaires de droits »[43].

Le principe d'un DRM interopérable, n'a, nous l'avons vu, pas de sens, car le principe même des mesures techniques de protection est d'accorder un monopole de gestion et d'accès aux contenus et non de garantir " la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées "[44]

Un corpus juridique contraire aux exigences d'interopérabilité

Pour utiliser un contenu sous DRM, mettre en œuvre la plupart des formats fermés ou interopérer avec un logiciel propriétaire, les auteurs de logiciels libres procèdent à des travaux de décompilation et d'ingénierie inverse qui font l'objet d'une exception au droit d'auteur à des fins d'interopérabilité[45]. Pour lire un contenu DRMisé, les auteurs ou éditeurs de logiciels libres sont contraints de contourner la mesure technique car ils ne disposent généralement pas des informations nécessaires à l'interopérabilité. Permettre cette dernière implique donc des travaux très complexes de rétro-ingénierie.

Les dispositions issues de la loi DADVSI[46] et de son décret d'application[47], contraires au droit de divulgation d'un logiciel par son auteur, interdisent cependant le contournement des mesures techniques de protection. Le contournement des DRM est ainsi un délit punissable d'une amende de quatrième classe pouvant aller jusqu'à 750 €. La création, la distribution, ou l'incitation à l'usage d'un outil manifestement destiné au contournement des mesures de contrôle d'usage font encourir une peine d'un maximum de 6 mois d'emprisonnement et 30 000€ d'amende.

Pourtant, le législateur, au moment de la transposition de la directive de 2001, avait souhaité que les actes de contournement des DRM accomplis aux fins d'interopérabilité soient exonérés de responsabilité pénale, ce que le Conseil constitutionnel[48] a refusé pour violation du principe de légalité des délits et des peines en raison de l'absence de définition précise de la notion d' " interopérabilité ".

En interdisant le contournement des DRM, le législateur a menacé d'une part la mise en œuvre de l'interopérabilité et d'autre part l'exception de décompilation et la sécurité juridique des auteurs et utilisateurs de logiciels libres.

Face à cette menace, l'April a déposé une requête en annulation[49] devant le Conseil d'État du décret du 23 novembre 2006, qui précisait les mesures applicables au contournement de DRM protégés par la loi, et menaçait donc d'interdire l'utilisation d'un Logiciel Libre pour lire des contenus sous DRM. Le Conseil d'État n'a pas annulé le décret en question, il en a précisé le sens, en affirmant qu'un Logiciel Libre peut lire un contenu sous DRM sans être considéré comme un moyen « spécialement conçu ou adapté pour contourner une mesure technique »,[50] ce qui a permis de sécuriser juridiquement les auteurs et utilisateurs de logiciels libres sur ce point précis[51].

Cette sécurisation juridique partielle ne rend pas pour autant la loi DADVSI plus acceptable : elle instaure un régime d'exception inapproprié pour les dispositifs logiciels que sont les DRM, et elle a introduit en droit français la possibilité inédite d'interdire la publication du code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique[52]. Une première décision relative au contournement des DRM[53], par les confusions qu'elle opère, démontre l'inadéquation du corpus protecteur des DRM aux exigences d'interopérabilité.

Un corpus juridique contraire aux droits et libertés des individus

violation de la privée

Une protection légale est accordée à toutes les mesures techniques "efficaces"[54]. Si l'efficacité d'une mesure technique repose sur la collecte de données personnelles, une personne divulguant des informations fausses pourrait être accusée de contourner une mesure technique. Or, l'efficacité d'une mesure technique sur les réseaux dépend de la collecte de données personnelles. Il en découle que, sur les réseaux, les mesures techniques sont soit inefficaces, soit contreviennent aux dispositions réglementaires concernant la protection de la vie privée.

Des affaires comme celles du root-kit Sony[55] ont mis en évidence le fait que la frontière entre mesures techniques et logiciels espions est poreuse, et que leur déploiement sur des marchés de masse présente des risques significatifs tant pour la souveraineté de l'État que pour la vie privé des utilisateurs

Le spectre de l'informatique dite « de confiance »

L'informatique dite «de confiance», composante de l'informatique déloyale, permet de bloquer le fonctionnement des programmes qui ne sont pas autorisés par le fabricant de l'ordinateur sous prétexte de sécurité informatique et de la lutte contre les virus. L'informatique de confiance est vendue par ses promoteurs comme un moyen de sécurisation, par le contrôle à chaque démarrage de l'ensemble des processus et/ou matériels présents. Cela permet la neutralisation de ce qui n'est pas considéré comme étant « de confiance ». Les DRM sont l'un de ses moyens de neutralisation.

En plus de l'obtention des droits sur une oeuvre numérique protégée par une mesure technique, la personne qui souhaite en jouir doit faire l'acquisition d'un logiciel autorisé par le titulaire des droits sur la mesure technique qui protège l’œuvre. Par exemple, une personne loue un film sur DVD. Pour regarder ce film, elle est obligée d'utiliser les logiciels qui ont été autorisés par l'auteur de la mesure technique qui protège le film (CSS) à l'exclusion de ceux qui seraient basés, par exemple, sur DeCSS qui est un logiciel qui contourne la mesure technique. Ce système d'informatique de confiance force donc les ventes liées d’œuvres et de logiciels.

Par le recours aux DRM, est alors établi un contrôle à distance de l'usage de chaque ordinateur, par exemple pour taxer la simple écoute d'une chanson, ou même la lecture d'un texte. Cependant, ces technologies peuvent aussi être conçues pour supprimer la liberté de chacun de choisir ses logiciels, en particulier en interdisant d'adopter des logiciels libres, car seuls les logiciels considérés comme "de confiance" par le titulaire des droits sur le DRM, pourront être utilisés. Des conséquences bien plus sombres sont malheureusement aussi possibles comme la censure politique et des menaces sur les libertés individuelles.

En réponse à ces problématiques, des députés, en mars 2006, ont proposé un amendement à la loi DADVSI imposant aux distributeurs de « mesures techniques permettant le contrôle à distance direct ou indirect d’une ou plusieurs fonctionnalités, ou l’accès à des données personnelles » de fournir au Secrétariat Général de la Défense Nationale les éléments permettant de s'assurer « que la gestion de droits d’auteur ne compromette de facto la sécurité des utilisateurs individuels, des entreprises, des administrations » (amendement 273). L'objectif de cet amendement dit « SGDN » était de prendre en compte le fait que les mesures techniques nouvelle génération utilisent des technologies présentant des risques pour la sécurité économique nationale et la vie privée des utilisateurs, comme l'ont relevé plusieurs rapports parlementaires.

Extrait du rapport du député Pierre Lasbordes (UMP) sur la sécurité des systèmes d'information : [56]

« Pour certains ces limitations d'usage sont justifiées par le développement du commerce électronique et la gestion sûre des droits de propriété intellectuelle. Mais en restreignant les droits des utilisateurs, NGSCB [Next Generation Secure Computing Base], donne un droit de regard aux constructeurs de matériels et de logiciels, de l'usage fait des ordinateurs personnels. Cette émergence d'une informatique de confiance conduirait un nombre très limité de sociétés à imposer leur modèle de sécurité à la planète, en autorisant ou non, par la délivrance de certificats numériques, des applications à s'executer sur des PC donnés. Il en résulterait une mise en cause de l'autonomie des individus et des organisations (restriction des droits de l'utilisateur sur sa propre machine). Cela constitue une menace évidente à la souveraineté des États. »

Cet amendement a été adopté[57] après de vives discussions car il instaure une reconnaissance de la validité des MTP, malgré une dangerosité avérée. En effet, au lieu d'interdire des technologies qui permettent l'accès à distance aux informations des utilisateurs, le législateur les a soumis à un régime de déclaration préalable. En d'autres termes, est reconnu le danger que représente les DRM mais une simple déclaration suffit pour la balayer au mépris de la sécurité des données des utilisateurs.

La menace Acta

L'ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement/Accord Commercial Anti-Contrefaçon) est un accord international négocié depuis 2007 dans l'obscurité la plus totale, avec la Commission européenne qui négocie au nom de tous les états membres de l'Europe. L'accord proposé au vote maintient la sacralisation des DRM dans le droit international. Le texte mentionne en effet dans un paragraphe non contraignant que le contournement de ces « menottes numériques » doit être interdit par la loi, alors même que ce contournement peut s'avérer nécessaire pour assurer l'interopérabilité et donc la capacité des logiciels à échanger des informations et à utiliser mutuellement les informations échangées.

L'insécurité juridique que l'ACTA fait peser sur le Logiciel Libre et plus globalement sur le monde de l'informatique aura des conséquences très néfastes en matière d'innovation dans ce domaine, l'écosystème du Logiciel Libre étant particulièrement fragile face à ces risques juridiques. Une adoption de cet accord par les institutions européennes ne pourra qu'handicaper l'émergence des prochaines révolutions technologiques en Europe et défavorisera les entreprises et l'économie européennes sur le marché global. Le logiciel libre constitue un potentiel de croissance important dans l'information : en France, 90% des entreprises innovant dans ce domaine l'ont fait en utilisant des logiciels libres[58].

Mais le plus grand danger du texte est qu'il institue un comité ACTA. Celui-ci pourra, une fois le texte signé, le modifier librement avec l'accord des exécutifs, sans se soumettre à un vote législatif ni à un débat public. La mise en place de ce comité est opaque et antidémocratique ; elle pourrait permettre à quelques uns de dicter le droit international de façon discrétionnaire, sans respecter les droits des citoyens à connaître les lois et à les faire voter la loi par leurs représentants.

La version finale du texte a été publiée en décembre 2010, et les signatures ont débuté le 1er octobre 2011[59]. Concernant la France et l'Europe, le texte doit être approuvé par le parlement européen avant toute signature. La préservation de l'innovation et des libertés passe nécessairement par un rejet de cet accord.

Références

  1. http://eucd.info/
  2. http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MCCX0300082L
  3. http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32001L0029:FR:HTML
  4. http://eucd.info/documents/transposition-eucd-2003-06-20.pdf
  5. http://eucd.info/
  6. Littéralement « Digital Rights Management », aussi appelé MTP « Mesures Techniques de Protection » ou «  Digital Restrictions Management »
  7. Voir notamment le Rapport parlementaire de Pierre Lasbordes sur la sécurité des systèmes d'information remis au Premier Ministre (page 80) : http://www.lasbordes.fr/IMG/pdf/26_novembre_doc_definitif.pdf%20.
  8. Voir par exemple les promesses du rapport Olivennes sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000726/index.shtml, ou l'échec du logiciel DReaM de Sun promettant un DRM universel sur https://dream.dev.java.net/. Ce logiciel n'a jamais été réalisé, malgré de nombreux effets d'annonces (ce type de logiciel est appelé vaporware ou fumiciel).
  9. À ce sujet, voir notamment Les droits imprescriptibles du lecteur de Daniel Pennac : http://fr.wikipedia.org/wiki/Comme_un_roman#Le_qu.27en-lira-t-on_.28ou_les_droits_imprescriptibles_du_lecteur.29
  10. Le cas s'est déjà produit pour les livres électroniques, notamment avec le Kindle d'Amazon, exemple : http://www.numerama.com/magazine/13484-kindle-amazon-efface-a-distance-des-centaines-de-livres-achetes-legalement-maj.html.
  11. A titre d'illustration : http://bradcolbow.com/archive/view/the_brads_why_drm_doesnt_work/
  12. voir infra : « Analyse critique des mesures techniques et de la protection juridique associée »
  13. http://europa.eu/legislation_summaries/information_society/data_protection/l26053_fr.htm
  14. Pour une chronologie complète (jusqu'en juin 2005) avec références, lire « Petite histoire de la protection juridique des mesures techniques et des informations électroniques » http://eucd.info/documents/petite-histoire.pdf
  15. http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/1916&type=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en
  16. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000266350
  17. http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2006/2006540/2006540dc.htm
  18. Loi n°2009-1311 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, art L331-31 et suivants Code de propriété intellectuelle
  19. art. L331-32 al.3 CPI http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=27CAA15334E43B81F37A56DEA116279D.tpdjo14v_2?idSectionTA=LEGISCTA000020740341&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111026
  20. http://www.rue89.com/2011/10/10/musique-moins-de-contraintes-sur-le-telechargement-legal-moins-de-pirates-225422
  21. http://mktsci.journal.informs.org/search?fulltext=drm&submit=yes&x=21&y=10/
  22. ↑ Directive 01/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:HTML
  23. Art. L331-5 CPI http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=67627D45600A35DA40A197CF740CA444.tpdjo11v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006179045&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111014
  24. http://www.latribune.fr/technos-medias/medias/20110622trib000631344/musique-les-bons-chiffres-que-cache-la-chute-des-ventes-de-cd.html
  25. http://www.numerama.com/magazine/15582-avatar-en-blu-ray-illisible-sur-certains-lecteurs-a-cause-des-drm.html
  26. http://www.rue89.com/2011/10/10/musique-moins-de-contraintes-sur-le-telechargement-legal-moins-de-pirates-225422
  27. http://www.clubic.com/antivirus-securite-informatique/actualite-451724-etude-suppression-drm-baisser-piratage.html
  28. http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1066885,0.html
  29. http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/07/21/cinema-musique-jeux-bientot-des-verrous-numeriques-communs_1390785_651865.html
  30. http://www.senat.fr/rap/l08-053/l08-0536.html#fnref35
  31. Pour exemple : http://www.numerama.com/magazine/15224-drm-sur-assassin-s-creed-2-ubisoft-n-a-rien-appris-du-passe-en-fait.html
  32. Le problème des DRM : frein aux usages et incitation au piratage - Joël Faucilhon, http://www.dailymotion.com/video/xikgl1_le-probleme-des-drm-frein-aux-usages-et-incitation-au-piratage-joel-faucilhon-responsable-de-la-stru_school
  33. http://www.pcinpact.com/actu/news/58417-drm-ultraviolet-interoperable-cloud-consortium-dece.htm
  34. « Combien coûte un livre numérique», étude du MOTif, p. 29 http://www.lemotif.fr/fr/etudes-et-analyses/etudes-du-motif/cout-d-un-livre-numerique/
  35. http://www.dcimovies.com/
  36. Selon leur site, prennent notamment part au projet Disney, Fox, MGM, Paramount, Sony, Universal et Warner Bros.
  37. Les cinémas Utopia ont souligné ces difficultés notamment lors d'une conférence aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre 2010 http://2010.rmll.info/Le-logiciel-libre-au-secours-de-la-diversite-culturelle.html.
  38. Voir par exemple l'ATRAC de Sony, http://www.zdnet.fr/actualites/musique-sony-abandonne-son-format-atrac-pour-le-mp3-wma-et-aac-39372539.htm.
  39. http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MCCX0300082L
  40. http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32001L0029:FR:HTML
  41. http://europa.eu/legislation_summaries/information_society/data_protection/l26053_fr.htm
  42. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E4EA6C7946664C8362B1A1BC84EA8A89.tpdjo13v_3?idArticle=LEGIARTI000021212283&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111031
  43. ARMT- rapport annuel 2008 p. 28 http://www.numerama.com/magazine/11577-l-armt-constate-son-inutilite-avant-de-devenir-l-hadopi-maj.html
  44. Directive ç1/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:HTML
  45. Article L122–6-1 du code de la propriété intellectuelle : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006278920.
  46. art. L331-5 et suivants CPI http://www.legifrance.gouv./affichCode.do;jsessionid=B411E9E8D4FF4B39897076FE6F7C7C96.tpdjo14v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006179045&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111026
  47. Décret 2006-1763 du 23 décembre 2006, relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d'auteur et aux droits voisins http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000817096&fastPos=1&fastReqId=1940515751&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte
  48. Conseil constitutionnel, 27 juillet 2006, décision 2006-540 DC loi relative au droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2006/2006-540-dc/decision-n-2006-540-dc-du-27-juillet-2006.1011.html
  49. http://www.april.org/fr/articles/communiques/pr-20070221.html
  50. Pour plus d'informations, voir l'analyse de l'arrêt du Conseil d'État par l'April : http://www.april.org/fr/groupes/dadvsi/analyse-arret-conseil-etat-decret-dadvsi.html%20.
  51. Sur ce point, on peut citer l'exemple de VideoLan, qui a lancé récemment un projet pour comprendre le fonctionnement de l'AACS (disponible sur http://www.videolan.org/developers/libaacs.html%20). Un tel projet s'inscrit pleinement dans les exceptions de recherche et dans le droit à l'interopérabilité
  52. Article L331-32 du code de la propriété intellectuelle
  53. CA Paris Pole 5, chambre 12, 26 septembre 2011 http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=3238
  54. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=CEFB976B2FB4E3B5225B686A330148F0.tpdjo07v_2?idArticle=LEGIARTI000021212283&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111028
  55. http://en.wikipedia.org/wiki/2005_Sony_BMG_CD_copy_protection_scandal
  56. http://www.lasbordes.fr/IMG/pdf/26_novembre_doc_definitif.pdf
  57. Art. 15 Loi n° 2006-961 du 1 août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information ( DADVSI ) http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000266350&fastPos=1&fastReqId=2016417894&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte
  58. http://www.april.org/fr/innovation-90-des-entreprises-innovantes-francaises-utilisent-du-logiciel-libre
  59. http://www.laquadrature.net/fr/ACTA