Associations du Libre, combat quotidien

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Titre : Les associations du Libre, un combat quotidien.

Intervenant : Patrice Bertrand, Tristan Nitot, Pierre-Yves Gosset, Frédéric Couchet (remplacé par Jeanne Tadeusz), François Élie, Laurent Seguin (remplacé par Tangui Morlier), Nicolas Vérité

Lieu : Open World Forum 2014

Date : Octobre 2014

Durée : 34 min 36

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Présentateur : Pour conclure cette journée d’interventions et avant la Student Demo Cup de tout à l'heure, j'invite à me rejoindre sur scène Thierry Noisette qui va animer cette table ronde. J'invite également à me rejoindre sur scène Patrice Bertrand, Tristan Nitot, Pierre-Yves Gosset, Frédéric Couchet (remplacé par Jeanne Tadeusz), François Élie, Laurent Seguin (remplacé par Tangui Morlier) et Nicolas Vérité. Ça fait du monde.

Thierry Noisette : Bonsoir. Merci pour ceux qui sont encore là après cette longue journée. On va parler non plus business, non plus technologie, mais aussi le monde du Libre ça n'est pas que ses aspects d'affaires ou ses affaires de technique, c'est aussi une question d'engagement, une question de militantisme, il faut bien dire, avec certaines associations. Et ce soir nous avons, je crois, on peut dire, la crème de la crème des associations libristes françaises qui vont nous parler de leurs actions, de leur vision, de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire, chacun dans leur domaine d'action spécifique. Comme on est extrêmement nombreux, comme vous pouvez le voir, pour un temps en théorie très court, trente à quarante minutes, on va avoir d'abord quatre interventions de cinq minutes, à peu près chacun maximum, s'il vous plaît, et ensuite on sera dans un question-réponses. Je ne suis pas sûr, excusez-moi mais s'il est possible d'avoir un peu moins de lumière sur la scène parce qu'on ne voit absolument pas la salle, s'il est possible, peut-être, d'avoir quelques questions de la salle et sinon, entre nous, je pense qu'on aura matière à discuter, sachant qu'on doit rendre l'antenne dans, je vais dire, environ quarante minutes. C'est extrêmement court. On va commencer par parler collectivités territoriales et administrations avec François Élie pour l'Adullact.

François Élie: Bonjour à tous. Je vais présenter l'Adullact en deux mots : c'est l'Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales. Il a été question tout à l'heure de la circulaire Ayrault de septembre 2012, nous la circulaire nous mentionne comme mutualisant pour les collectivités depuis, eh bien simplement dix ans. Ça fait dix ans qu'on dit qu'il ne faut pas simplement utiliser le Logiciel Libre, mais le développer, et le développer sur fonds publics, sur les segments métiers pour épargner l'argent public qui ne doit payer qu'une fois. Et ça tombe bien le Logiciel Libre, une fois qu'il a été payé, il est gratuit, enfin, du moins on n'a plus qu'à payer le service. Alors cette idée de développer on l'a mise en œuvre pour les collectivités de manière relativement discrète. Les choses avancent bien. Je trouve qu'on a de beaux jours devant nous puisque quand on est pauvre on devient intelligent et, apparemment, on devient de plus en plus intelligent. Deuxième chose à dire, simplement pour se projeter, quel écosystème me semble le plus vertueux ? Je rêve d'un monde où les clients, avant de réfléchir à leurs besoins, réfléchissent en se demandant « qui a les mêmes besoins que moi pour mutualiser et se coaliser ? », pour faire le club utilisateurs avant que la solution n'existe. Et je rêve d'un monde où les faiseurs, où les producteurs, où les intégrateurs, soient moins frileux devant la concurrence et soient un peu moins propriétaires de leur Libre. Et, pour terminer parce qu’il faut faire très court, j'ai deux inquiétudes : dans ce monde il y a beaucoup trop de travail non payé. Il y a des gens qui sont des contributeurs et la rétribution ne va pas toujours aux contributeurs, suivez mon regard. Il y a une lutte entre Open Source et Logiciel Libre, ça recouvre un petit peu ce genre de choses. Et puis la deuxième inquiétude, elle est sur le modèle économique. Le code produit beaucoup de service, le service produit très très peu de code. Merci.

Applaudissements

Thierry Noisette : Merci François, c'est magnifique, cinq minutes sont devenues deux. Je crois qu'on va tenir cette table ronde. Quand on dit associatif et on dit militantisme, on pense forcément à l'association qui peut-être est la plus politique, me semble t-il, d'entre vous toutes, militante de longue date, à savoir l'April et, illustration de la diversité dans le Libre, l'unique femme et on a failli ne pas en avoir du tout. Donc merci Jeanne Tadeusz de prendre la parole pour l'April et de nous exposer quelle est la vision de l'April et ses récents grands chantiers.

Jeanne Tadeusz : Merci. Je vais rester aussi dans le très court autant que possible. On dit quatre minutes donc c'est parfait. Alors qu'est-ce qu'on a appris ces derniers temps ? On a eu notamment les révélations Snowden, on a eu un certain nombre de scandales qui nous ont mis en évidence l'importance de reprendre en main et de reprendre le contrôle, ce qui est d'ailleurs le thème de cet Open World Forum, reprendre le contrôle sur son informatique. Reprendre le contrôle c'est, tout d’abord, savoir quels sont les logiciels qu'on utilise, savoir ce que font les logiciels qu'on utilise. Donc c'est utiliser du Logiciel libre, utiliser en priorité du Logiciel Libre. C'est quelque chose qui est valide tant pour les administrations, pour le politique, que pour les citoyens. Pour les politiques, pour les administrations, donner la priorité au Logiciel Libre, c'est ce qu'ils ont fini par faire après de nombreuses batailles législatives, au moins pour l'enseignement supérieur et la recherche en 2013, quand ils ont choisi, dans la loi, de donner la priorité au Logiciel Libre pour le service public de l’enseignement supérieur. Donc là on voit des progrès, effectivement, qui sont réjouissants, qui ont été finalement une victoire après des combats qu'on mène, nous, depuis dix-huit ans maintenant ; donc un premier début, maintenant on n'est encore que sur l'enseignement supérieur et la recherche. Le travail ça va être, aujourd'hui, de donner la priorité au Logiciel libre dans toutes les administrations partout en politique. On voit que c'est possible. On voit que pour la gendarmerie ça fonctionne, pourquoi pas pour les autres ? Mais aussi donner la priorité au Logiciel libre c'est quelque chose qui nous implique tous en tant que citoyens, en tant qu'individus, et donner la priorité au Logiciel libre dans nos choix techniques personnels, pour maintenir la propriété de ses données, maintenir la propriété de sa propre informatique. Ça passe par des actions notamment de sensibilisation, ce qu'on cherche à faire par exemple en éditant des guides comme le catalogue du Libre ou le Guide Libre Association. En tout cas le combat continue, il progresse. C'est sûr qu'on a vu des évolutions là-dessus, mais aujourd'hui il reste crucial de prendre déjà tous conscience de l'importance de donner la priorité au Logiciel libre dans tous nos choix techniques, et aussi de le faire donc à la fois au niveau individuel et collectif.

Applaudissements

Thierry Noisette : Merci. Je pense aussi. En fait, on s'est tous parlé un peu avant cette table ronde et je pense que j'ai tellement insisté sur les cinq minutes chacun que je vous ai tous traumatisés. Je vois que vous êtes tous à du deux, trois minutes, c'est formidable. On parlait de rapport avec les politiques et de pression. Parfois cette pression peut passer sur les politiques en tant que tels, et on a beaucoup parlé, depuis notamment l’affaire Cahuzac, de transparence des hommes politiques, enfin des personnages politiques, puisqu’il y a aussi quelques femmes. C'est parfois un peu à contrecœur qu'ils acceptent d'ouvrir leurs données. Quand on parle d'open data c'est parfois sous forme de documents relativement inexploitables et c'est là qu'intervient une association comme Regards Citoyens. Tangui Morlier qui, par ailleurs, est un ancien de l'April, donc on reste dans ce petit monde du Libre mais avec différentes facettes, un même combat : Regards Citoyens, quelles actions et quels objectifs pour les prochains mois ?

Tangui Morlier : Alors, oui effectivement, j’ai été très investi à l'April et il me semble que quand on s’investit dans le Logiciel Libre on a une valeur en commun. C'est d'ailleurs ce que dit Stallman, il reprend les valeurs de la République et on a la démocratie comme une valeur importante. Donc, assez naturellement, on s'est penché sur le fonctionnement démocratique et particulièrement le Parlement, donc on a créé nosdéputés.fr. Et on s'est aperçu que la démocratie, si elle fonctionnait très bien avec du papier, on a le Journal Officiel tous les jours, on peut accéder au code de lois, etc, à l'heure du numérique, il y avait quelques petits freins. Il y avait des freins qu'en tant que libristes, on utilise des outils comme Git qui nous permettent très facilement de savoir qui est à l'origine d'un bug. Lorsqu’on a un bug dans un projet de loi, eh bien on a beaucoup de difficultés à savoir qui en est à l'origine.

Donc on a créé un certain nombre d'outils, je parlais de nosdéputés.fr. On a la même chose pour les sénateurs. On a récemment créé un site qui s'appelle « la Fabrique de la Loi » qui essaye de mieux vulgariser le processus parlementaire. Et on s'est amusé à faire un petit rêve personnel qui est de mettre les projets de loi dans Git pour essayer de savoir quel parlementaire est à l'origine de telle disposition, et donc de mieux comprendre comment la loi est construite, et donc c'est le projet Git Law qu'on a rendu public au printemps dernier. Il se trouve qu'avec cette expertise et du numérique et de notre capacité à traiter de l'information et créer des outils qui soient utiles pour tous les citoyens et pas seulement pour le geeks comme nous, eh bien on nous a demandé notre avis. Et on nous a demandé effectivement notre avis sur le projet de loi Cahuzac. On a commencé à faire du lobbying et on assume totalement le fait de faire du lobbying parce qu'on ne peut pas interdire le lobbying. Donc pour contrer le lobbying des GAFAM que, par exemple Framasoft essaye d’amoindrir, eh bien il faut que plus de citoyens fassent du lobbying et plus de citoyens utilisent des outils pour parler à leurs représentants.

Donc voilà, on a suivi le projet de loi Cahuzac et on a réussi, de haute lutte, à obtenir l'open data sur les déclarations d’intérêt, ce qui nous semblait extrêmement important pour pouvoir juger de la pertinence des prises de position de nos élus. Il se trouve que ça été compliqué de convaincre les parlementaires, on y a réussi. Il y a eu une petite bagarre interne, parce que la CNIL n’était pas très fan de l'open data, donc elle avait essayé de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement qui a, heureusement, gardé le cap. Et il se trouve que pour des raisons techniques, effectivement, comme ce sont des documents juridiques, il fallait qu'il y ait la signature du parlementaire, et donc ils ont libéré ces données, sous la forme, malheureusement, pas de données mais de documents, des PDF, écrits de manière manuscrite, et donc en gros, eh bien c’était totalement inexploitable et on ne pouvait pas vraiment faire d’analyse sur combien gagnent, en plus de leur rémunération de parlementaire, les parlementaires, etc. Donc on a fait une application de crowdsourcing, qui est un logiciel libre, où on a appelé les citoyens à numériser ces informations pour nous aider à mettre en application ce que voulait le législateur, c'est-à-dire avoir de l'open data sur ces déclarations d’intérêt. Et grâce à huit mille personnes on a réussi à atteindre cet objectif-là. Donc voilà une des petites expériences. Il se trouve que, grâce à Mozilla, la semaine prochaine, on fête chez eux nos cinq ans pour remercier toutes ces personnes qui nous ont aidé durant nos cinq ans.

11' 15

Thierry Noisette : Si j'ai bonne mémoire, en plus, cette opération de crowdssourcing