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'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
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<b>Arthur Messaud : </b>Ce qui va se passer d’abord c’est que vos données, certaines de vos données vont être probablement supprimées au bout de quelque temps. D’autres données ne seront pas du tout supprimées : toutes vos données publiques, tous les commentaires que vous avez laissés sur des pages publiques, Facebook, dans ses CGU prétend ne pas les supprimer ; il y a cette partie-là, et ensuite il y a toutes les autres données.
 
<b>Arthur Messaud : </b>Ce qui va se passer d’abord c’est que vos données, certaines de vos données vont être probablement supprimées au bout de quelque temps. D’autres données ne seront pas du tout supprimées : toutes vos données publiques, tous les commentaires que vous avez laissés sur des pages publiques, Facebook, dans ses CGU prétend ne pas les supprimer ; il y a cette partie-là, et ensuite il y a toutes les autres données.
  
<b>Matthieu : </b>CGU pardon, conditions générales d’utilisation.
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<b>Matthieu Belliard : </b>CGU pardon, conditions générales d’utilisation.
  
 
<b>Arthur Messaud : </b>Merci beaucoup. Dès que vous allez sur un site Internet en dehors de Facebook, par exemple Le Monde, Le Figaro, même RMC, vous pouvez avoir des boutons « Like » ou des boutons « Partage Facebook », et dès qu’il y a ça, Facebook sait que vous êtes ici. Et même si vous n’avez pas de compte, Facebook va vous créer un compte fantôme et va suivre toutes vos activités pour établir des profils psychologiques sur ce que vous consommez sur Internet, essayer de deviner qui vous êtes, pourquoi vous êtes ceci, etc. Ça on ne peut pas l’empêcher.
 
<b>Arthur Messaud : </b>Merci beaucoup. Dès que vous allez sur un site Internet en dehors de Facebook, par exemple Le Monde, Le Figaro, même RMC, vous pouvez avoir des boutons « Like » ou des boutons « Partage Facebook », et dès qu’il y a ça, Facebook sait que vous êtes ici. Et même si vous n’avez pas de compte, Facebook va vous créer un compte fantôme et va suivre toutes vos activités pour établir des profils psychologiques sur ce que vous consommez sur Internet, essayer de deviner qui vous êtes, pourquoi vous êtes ceci, etc. Ça on ne peut pas l’empêcher.
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<b>Jean-Jacques Bourdin : </b>Vous avez quitté Facebook depuis deux ans.
 
<b>Jean-Jacques Bourdin : </b>Vous avez quitté Facebook depuis deux ans.
  
<b>Patrick : </b>C’est ça, oui. Pour plusieurs raisons. La première raison c’était effectivement la difficulté et le temps passé à gérer, on va dire, les filtres pour limiter la divulgation de mes données personnelles, mais aussi parce que pour moi tous les réseaux sociaux que ce soit Facebook, Twitter, etc., ne sont pas vraiment des réseaux sociaux de communication. Je me rends compte qu’au final plus on utilise les réseaux sociaux moins on communique avec ses voisins, ses amis, sa famille, etc. Et je me suis rendu compte en quittant Facebook qu’il y avait une pression sociale énorme, sociale et familiale. J’ai cinq enfants et depuis que j’ai quitté Facebook, surtout au début, ça a été l’horreur ; c’est-à-dire mais pourquoi tu as arrêté Facebook ? Pourquoi tu ne communiques plus sur Facebook ? Et en fait j’essaye d’expliquer depuis deux ans qu’on peut bien communiquer avec les gens sans justement prendre de risques, en leur parlant, en leur téléphonant. On ne fonctionne plus maintenant que par les réseaux sociaux et c’est insupla conférenceportable ! Et après moi quand je vois effectivement le temps que ça demande, le temps et les connaissances parce que j’ai 55 ans donc je travaille avec des ordinateurs depuis longtemps, mais malgré tout il faut un peu de connaissances pour aller chercher tous les filtres, pour limiter la divulgation des informations personnelles et je dois dire que c’est chronophage et ça n’a, au final, pas grand intérêt.
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<b>Patrick : </b>C’est ça, oui. Pour plusieurs raisons. La première raison c’était effectivement la difficulté et le temps passé à gérer, on va dire, les filtres pour limiter la divulgation de mes données personnelles, mais aussi parce que pour moi tous les réseaux sociaux que ce soit Facebook, Twitter, etc., ne sont pas vraiment des réseaux sociaux de communication. Je me rends compte qu’au final plus on utilise les réseaux sociaux moins on communique avec ses voisins, ses amis, sa famille, etc. Et je me suis rendu compte en quittant Facebook qu’il y avait une pression sociale énorme, sociale et familiale. J’ai cinq enfants et depuis que j’ai quitté Facebook, surtout au début, ça a été l’horreur ; c’est-à-dire mais pourquoi tu as arrêté Facebook ? Pourquoi tu ne communiques plus sur Facebook ? Et en fait j’essaye d’expliquer depuis deux ans qu’on peut bien communiquer avec les gens sans justement prendre de risques, en leur parlant, en leur téléphonant. On ne fonctionne plus maintenant que par les réseaux sociaux et c’est insupportable ! Et après moi quand je vois effectivement le temps que ça demande, le temps et les connaissances parce que j’ai 55 ans donc je travaille avec des ordinateurs depuis longtemps, mais malgré tout il faut un peu de connaissances pour aller chercher tous les filtres, pour limiter la divulgation des informations personnelles et je dois dire que c’est chronophage et ça n’a, au final, pas grand intérêt.
  
 
<b>Arthur Messaud : </b>Bien sûr c’est chronophage, vous avez totalement raison, mais c’est extrêmement compliqué, même pour un technicien qui passerait ses journées.
 
<b>Arthur Messaud : </b>Bien sûr c’est chronophage, vous avez totalement raison, mais c’est extrêmement compliqué, même pour un technicien qui passerait ses journées.
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<b>Jean-Jacques Bourdin : </b>Oui.  
 
<b>Jean-Jacques Bourdin : </b>Oui.  
  
<b>Matthieu : </b>J’aimerais juste qu’on soit bien précis pour tous ceux qui nous écoutent parce qu’effectivement, Facebook c’est aussi très pratique : on a de la famille à distance, on envoie des photos, on a des nouvelles, bon bref ! La réalité c’est que peu de gens savent que le modèle économique de Facebook ce n’est pas d’être une messagerie ou du <em>microblogging</em>. Le modèle économique de Facebook et c’est bizarrement ça que vous attaquez, enfin bizarrement je ne sais pas, vous attaquez leur modèle économique.
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<b>Matthieu Belliard : </b>J’aimerais juste qu’on soit bien précis pour tous ceux qui nous écoutent parce qu’effectivement, Facebook c’est aussi très pratique : on a de la famille à distance, on envoie des photos, on a des nouvelles, bon bref ! La réalité c’est que peu de gens savent que le modèle économique de Facebook ce n’est pas d’être une messagerie ou du <em>microblogging</em>. Le modèle économique de Facebook et c’est bizarrement ça que vous attaquez, enfin bizarrement je ne sais pas, vous attaquez leur modèle économique.
  
 
<b>Arthur Messaud : </b>Ah non, ce n’est pas bizarrement ! Heureusement. Leur modèle économique c’est la seule chose qu’il faut attaquer.
 
<b>Arthur Messaud : </b>Ah non, ce n’est pas bizarrement ! Heureusement. Leur modèle économique c’est la seule chose qu’il faut attaquer.
  
<b>Matthieu : </b>Leur boulot c’est de vendre des données.
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<b>Matthieu Belliard : </b>Leur boulot c’est de vendre des données.
  
 
<b>Arthur Messaud : </b>Oui. C’est la seule chose qu’il faut attaquer sinon toute attaque sera à court terme et pas de grande échelle, ça ne suffira pas. Il faut s’attaquer à ce modèle économique qui est illicite.  
 
<b>Arthur Messaud : </b>Oui. C’est la seule chose qu’il faut attaquer sinon toute attaque sera à court terme et pas de grande échelle, ça ne suffira pas. Il faut s’attaquer à ce modèle économique qui est illicite.  
  
<b>Matthieu : </b>Ce que je veux dire par là c’est que s’ils ne vendent pas de données, Facebook n’a aucune existence entrepreneuriale.
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<b>Matthieu Belliard : </b>Ce que je veux dire par là c’est que s’ils ne vendent pas de données, Facebook n’a aucune existence entrepreneuriale.
  
 
<b>Arthur Messaud : </b>C’est possible et pourquoi pas. L’idée, on verra à terme comment ça se développe, l’idée c’est que dans le droit, c’est clair aujourd’hui, un service ne peut pas être rémunéré contre des données, parce que les données ce sont des libertés, des libertés fondamentales qu’elles viennent protéger. Les libertés dans une démocratie, comme je l’ai dit, on ne peut pas les vendre. Sinon n’importe qui braderait ses libertés immédiatement, dès que l’occasion se présente et seuls les riches garderaient leur droit de vote, leur liberté d’expression, leur liberté de disposer de leur corps. Et heureusement, le droit des données personnelles a fini par interdire la revente de données personnelles.
 
<b>Arthur Messaud : </b>C’est possible et pourquoi pas. L’idée, on verra à terme comment ça se développe, l’idée c’est que dans le droit, c’est clair aujourd’hui, un service ne peut pas être rémunéré contre des données, parce que les données ce sont des libertés, des libertés fondamentales qu’elles viennent protéger. Les libertés dans une démocratie, comme je l’ai dit, on ne peut pas les vendre. Sinon n’importe qui braderait ses libertés immédiatement, dès que l’occasion se présente et seuls les riches garderaient leur droit de vote, leur liberté d’expression, leur liberté de disposer de leur corps. Et heureusement, le droit des données personnelles a fini par interdire la revente de données personnelles.

Version du 29 mars 2018 à 20:00


Titre : Arthur de LQDN sur RMC (Bourdin Direct)

Intervenant : Arthur Messaud - Jean-Jacques Bourdin - Matthieu Belliard

Lieu : RMC - Bourdin Direct

Date : mars 2018

Durée : 29 min 28

Écouter le podcast

Écouter l'extrait

Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Jean-Jacques Bourdin : Nous avons choisi, parallèlement à ces moments forts, de vous proposer deux bureaux de vote un peu plus légers pour pouvoir aussi nous permettre parfois de nous évader. En revanche, nous évader, mais les réseaux sociaux nous tiennent prisonniers. Oui, ils nous tiennent prisonniers et ces réseaux sociaux non seulement nous tiennent prisonniers mais aussi se servent de nos coordonnées, se servent de ce que nous sommes ; je dis bien se servent de ce que nous sommes. Et c’est là où c’est intéressant, c’est-à-dire que c’est notre identité. C’est notre identité !Vous me direz il n’y a qu’à ne pas y aller sur les réseaux sociaux, ça c’est sûr ! Mais on ne sait pas avant d’y aller ce que nous risquons, c’est le problème, l’un des problèmes. Nous allons en parler dans un instant avec Arthur Messaud qui est juriste à l’association La Quadrature du Net. Matthieu quel est ce premier bureau de vote ?

Matthieu : On vous consulte : seriez-vous prêt à renoncer aux réseaux sociaux ? Vous nous le dites par SMS, oui ou non, au 6 10 71 et au-delà de ça vous allez témoigner ce matin et nous dire sur rmc.fr ou le Facebook bourdindirect si vous n’avez pas quitté Facebook, si vous avez, par exemple, fait le test d’aller voir les données personnelles que Facebook détient sur vous, ça se fait beaucoup ces derniers jours. Certains ont carrément succombé, le hashtag #deletefacebook, désabonnez-vous, quittez-vous Facebook, qui a été lancé. Est-ce que vous avez quitté Facebook ? Dites-le-nous 3216, rmc.fr.

Jean-Jacques Bourdin : Eh bien moi je dois vous dire que je réfléchis à quitter Facebook, à quitter Twitter, à quitter tous les réseaux sociaux parce que les insultes ça devient, au bout d’un moment, assez pénible, je dois dire. Et finalement on vit très bien sans. On vit très bien sans ! On n’a peut-être pas besoin de réseaux sociaux pour exister, aussi. Malheureusement aujourd’hui beaucoup existent en partie à travers les réseaux sociaux. Arthur Messaud bonjour. Merci, attendez, il faut ouvrir le micro.

Arthur Messaud : Bonjour.

Jean-Jacques Bourdin : Juriste à l’association La Quadrature du Net. Est-il vrai que vous lancez dans quelques jours une action de groupe contre les grands, les GAFA, les fameux GAFA, Google, Apple, Facebook, Amazon, pour dénoncer la marchandisation de nos données personnelles ?

Arthur Messaud : Pas seulement pour les dénoncer, mais pour y mettre fin

Jean-Jacques Bourdin : Pour y mettre fin.

Arthur Messaud : Dès le 9 avril chaque personne située en France qui utilise un service Facebook, Gmail, YouTube, Amazon, ou même un appareil qui a Apple ou Android, toutes ces personnes pourront confier à La Quadrature du Net leur droit de porter plainte devant la CNIL. C’est une plainte qu’on fait : c’est du droit. C’est à la justice qu’on va demander parce qu’il se trouve que dans toute cette histoire on reviendra dans le détail, l’activité de Facebook, le modèle économique des GAFAM, des géants, est profondément illicite et antidémocratique.

Jean-Jacques Bourdin : Donc action de groupe.

Arthur Messaud : Action de groupe.

Jean-Jacques Bourdin : Action de groupe. Je regardais hier la CNIL a épinglé Direct Energie et ses compteurs Linky pour avoir collecté — en fait ce ne sont pas les compteurs qui sont en faute, enfin ils permettent la connexion — du coup Direct Energie en a profité pour collecter des informations personnelles sur ses clients.

Arthur Messaud : En fait ces deux affaires sont liées. Pour ce qui est des Linky ce qui a condamné la CNIL, ou en mis en demeure en tout cas certains changements, c’est le fait que les personnes ont consenti à ce que des données personnelles extrêmement intimes sur leur consommation et donc leur usage, ces personnes ont consenti à ça en étant forcées ou en tout cas en étant trompées en tout cas par cette entreprise.

Jean-Jacques Bourdin : Trompées par Direct Energie entre autres.

Arthur Messaud : Ils leur faisaient croire que pour utiliser le compteur, pour l’activer, elles étaient obligées d’accepter à ce que leur consommation soit surveillée de façon constante, extrêmement précise. En fait, elles n’étaient pas du tout obligées, elles ont été trompées.

Sur Facebook, sur Google, c’est la même chose. Ces services vous font croire que pour utiliser leurs services, en tout ils vous forcent, vous êtes obligé d’être surveillé, d’être soumis à une surveillance constante. Cette surveillance, en fait, c’est votre liberté qui est complètement vendue. Ils vous forcent à payer leurs services avec vos libertés : la vie privée, la liberté de ne pas se soumettre à un conditionnement politique, économique et social de masse et constant, et cette liberté-là on ne peut pas la vendre en démocratie. Les libertés sont en dehors du commerce.

Jean-Jacques Bourdin : Ça veut dire quoi ? Ça veut dire si je suis sur Facebook, si je suis sur Twitter, si je suis sur les réseaux sociaux, Instagram, je suis à la merci de ces grandes entreprises ?

Arthur Messaud : Vous êtes à la merci, pas que vous.

Jean-Jacques Bourdin : Que savent-ils de moi ?

Arthur Messaud : On a vu dans le scandale qui a éclaté sur Facebook, on a vu qu’une entreprise tierce, qui avait accès à une partie infime des données auxquelles a accès Facebook, se vantait d’avoir accès à des détails extrêmement précis.

Jean-Jacques Bourdin : Mais quelles données est-ce que je donne ? Quelles données ?

Arthur Messaud : En fait juste les like, les pages que vous likez, les pages que vous aimez, les personnes que vous suivez, ça, quand on peut analyser des dizaines de millions personnes leurs like quotidiens et leur psychologie, rien que ça, ça suffit à savoir votre psychologie : si vous êtes plutôt sympa, plutôt agressif, si vous vous levez tôt le matin, si vous êtes une bonne personne pour travailler en équipe. Tous ces genres de choses-là sont, en fait, extrêmement faciles à révéler à partir d’information que nous on ne réalise pas partagées. Et des informations aussi politiques, extrêmement politiques. Dans l’affaire Cambridge Analytica, ce sont des caractères politiques, des positions qu’ils ont cherchées à savoir.

Jean-Jacques Bourdin : Donc nous sommes devenus des cibles commerciales ou des cibles politiques ?

Arthur Messaud : Oui. En acceptant de livrer, enfin de laisser accès au moindre des traits de notre psychologie, on se livre pieds et poings liés à un conditionnement de masse et on abandonne toute liberté de conscience ou d’esprit.

Jean-Jacques Bourdin : On peut quitter les réseaux sociaux, mais ce n’est pas facile !

Arthur Messaud : Le problème c’est qu’on ne peut pas partir des réseaux sociaux. On peut se désinscrire des réseaux sociaux.

Jean-Jacques Bourdin : On est prisonniers.

Arthur Messaud : On peut se désinscrire.

Jean-Jacques Bourdin : Si je me désinscris de Facebook, que se passe-t-il ?

Arthur Messaud : Ce qui va se passer d’abord c’est que vos données, certaines de vos données vont être probablement supprimées au bout de quelque temps. D’autres données ne seront pas du tout supprimées : toutes vos données publiques, tous les commentaires que vous avez laissés sur des pages publiques, Facebook, dans ses CGU prétend ne pas les supprimer ; il y a cette partie-là, et ensuite il y a toutes les autres données.

Matthieu Belliard : CGU pardon, conditions générales d’utilisation.

Arthur Messaud : Merci beaucoup. Dès que vous allez sur un site Internet en dehors de Facebook, par exemple Le Monde, Le Figaro, même RMC, vous pouvez avoir des boutons « Like » ou des boutons « Partage Facebook », et dès qu’il y a ça, Facebook sait que vous êtes ici. Et même si vous n’avez pas de compte, Facebook va vous créer un compte fantôme et va suivre toutes vos activités pour établir des profils psychologiques sur ce que vous consommez sur Internet, essayer de deviner qui vous êtes, pourquoi vous êtes ceci, etc. Ça on ne peut pas l’empêcher.

Jean-Jacques Bourdin : C’est dément. On va prendre Patrick qui est infirmier à Toulon. Bonjour Patrick.

Patrick : Bonjour.

Jean-Jacques Bourdin : Vous avez quitté Facebook depuis deux ans.

Patrick : C’est ça, oui. Pour plusieurs raisons. La première raison c’était effectivement la difficulté et le temps passé à gérer, on va dire, les filtres pour limiter la divulgation de mes données personnelles, mais aussi parce que pour moi tous les réseaux sociaux que ce soit Facebook, Twitter, etc., ne sont pas vraiment des réseaux sociaux de communication. Je me rends compte qu’au final plus on utilise les réseaux sociaux moins on communique avec ses voisins, ses amis, sa famille, etc. Et je me suis rendu compte en quittant Facebook qu’il y avait une pression sociale énorme, sociale et familiale. J’ai cinq enfants et depuis que j’ai quitté Facebook, surtout au début, ça a été l’horreur ; c’est-à-dire mais pourquoi tu as arrêté Facebook ? Pourquoi tu ne communiques plus sur Facebook ? Et en fait j’essaye d’expliquer depuis deux ans qu’on peut bien communiquer avec les gens sans justement prendre de risques, en leur parlant, en leur téléphonant. On ne fonctionne plus maintenant que par les réseaux sociaux et c’est insupportable ! Et après moi quand je vois effectivement le temps que ça demande, le temps et les connaissances parce que j’ai 55 ans donc je travaille avec des ordinateurs depuis longtemps, mais malgré tout il faut un peu de connaissances pour aller chercher tous les filtres, pour limiter la divulgation des informations personnelles et je dois dire que c’est chronophage et ça n’a, au final, pas grand intérêt.

Arthur Messaud : Bien sûr c’est chronophage, vous avez totalement raison, mais c’est extrêmement compliqué, même pour un technicien qui passerait ses journées.

Jean-Jacques Bourdin : Vous avez un compte Facebook ?

Arthur Messaud : Moi j’ai un compte Facebook, justement je vais y revenir. Quand on parle de pression sociale, comme disait Patrick, c’est très juste. Il y a énormément de gens qui ne peuvent pas partir de Facebook pour des raisons familiales, comme c’est évoqué, des raisons professionnelles, des raisons d’éloignement géographique, il y a plein de raisons qui font qu’il y a des gens qui vont rester sur Facebook. Aujourd’hui partir de Facebook et laisser ces gens derrière, c’est un peu lâche et c’est peut-être égoïste. Moi je reste sur Facebook pour voir ce que se passe, pour continuer à diffuser l’information qu’il faut agir collectivement et pas individuellement, pour mettre à mal leur modèle économique, pour affaiblir leur puissance.

Jean-Jacques Bourdin : Vous êtes sur Instagram ? Vous êtes sur Twitter ?

Arthur Messaud : Je ne suis pas sur Instagram. Sur Twitter oui, bien sûr. Il ne faut partir, claquer la porte comme un prince en disant on laisse tout le monde crever derrière et nous on va se libérer. Non, non ! On pourra se libérer vraiment, comme je vous l’ai dit, que collectivement, en attaquant leur modèle économique, en les affaiblissant. Et après, à long terme, on pourra tous partir vers l’Internet libre et décentralisé.

Jean-Jacques Bourdin : Oui.

Matthieu Belliard : J’aimerais juste qu’on soit bien précis pour tous ceux qui nous écoutent parce qu’effectivement, Facebook c’est aussi très pratique : on a de la famille à distance, on envoie des photos, on a des nouvelles, bon bref ! La réalité c’est que peu de gens savent que le modèle économique de Facebook ce n’est pas d’être une messagerie ou du microblogging. Le modèle économique de Facebook et c’est bizarrement ça que vous attaquez, enfin bizarrement je ne sais pas, vous attaquez leur modèle économique.

Arthur Messaud : Ah non, ce n’est pas bizarrement ! Heureusement. Leur modèle économique c’est la seule chose qu’il faut attaquer.

Matthieu Belliard : Leur boulot c’est de vendre des données.

Arthur Messaud : Oui. C’est la seule chose qu’il faut attaquer sinon toute attaque sera à court terme et pas de grande échelle, ça ne suffira pas. Il faut s’attaquer à ce modèle économique qui est illicite.

Matthieu Belliard : Ce que je veux dire par là c’est que s’ils ne vendent pas de données, Facebook n’a aucune existence entrepreneuriale.

Arthur Messaud : C’est possible et pourquoi pas. L’idée, on verra à terme comment ça se développe, l’idée c’est que dans le droit, c’est clair aujourd’hui, un service ne peut pas être rémunéré contre des données, parce que les données ce sont des libertés, des libertés fondamentales qu’elles viennent protéger. Les libertés dans une démocratie, comme je l’ai dit, on ne peut pas les vendre. Sinon n’importe qui braderait ses libertés immédiatement, dès que l’occasion se présente et seuls les riches garderaient leur droit de vote, leur liberté d’expression, leur liberté de disposer de leur corps. Et heureusement, le droit des données personnelles a fini par interdire la revente de données personnelles.

10’ 11

Jean-Jacques Bourdin : Bien ! Marie-Laure, vous êtes à Portiragnes, c’est dans l’Hérault, Marie-Laure.