Différences entre les versions de « Argent public ne doit payer que une fois Elie »

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Alors, voilà posé le cadre de ce que c'est que le libre. Maintenant je vaudrais m'attarder un instant sur les modèles économiques. Je suis professeur de philosophie et l'économie c'est un truc d'Aristote. Aristote pensait que l'économie c'était d'abord la question de la production. Aujourd'hui quand on parle d'économie on parle de marketing, on parle de commerce. Je ne suis pas en train de vous parler de parler de l'achat et de la vente de logiciels, mais de la production de logiciels. C'est ça l'économie, c'est la production. Après il faut distribuer, mais c'est autre chose.
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Alors, voilà posé le cadre de ce que c'est que le libre. Maintenant je voudrais m'attarder un instant sur les modèles économiques. Je suis professeur de philosophie et l'économie c'est un truc d'Aristote. Aristote pensait que l'économie c'était d'abord la question de la production. Aujourd'hui quand on parle d'économie on parle de marketing, on parle de commerce. Je ne suis pas en train de vous parler de l'achat et de la vente de logiciels, mais de la production de logiciels. C'est ça l'économie, c'est la production. Après il faut distribuer, mais c'est autre chose.
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Apparemment c'est un univers assez compliqué, extrêmement incohérent, on s'y entraide mais on est compétiteurs, tout à l'heure j'ai eu une question « est-ce que vous préférez ??? » Oui bien sûr c'est des forges dans tous les coins, c'est Gnome et KDE, c'est du gâchis, ce sont des gens qui s'entre-tuent. En même temps ce sont des gens qui donnent ce qu'ils ont. Mais en même temps c'est une affaire de méritocratie. Si on veut réussir dans ce monde là il faut être bon. Là l'image ne compte pas. Et puis ce qu'il faut retenir c'est cet effet de réseau qui produit un ordre émergent ce qui a surpris Éric Raymond c'est qu'on arrive dans notre bazar à produire des trucs qui tiennent la route. Étant entendu, j'y reviendrai, que la notion de communauté est une notion qui nous fait chaud au cœur, qui nous rassure, qui nous évoque le Larzac, c'est sympathique, mais la vie des communautés, c'est quand même une vie de solitude. Si vous allez voir sur la        granularité des projets sur source forge, la moyenne du cardinal d'une communauté est légèrement supérieure à 1. Une communauté c'est quelqu'un qui cherche quelqu’un. C'est ça une communauté. Une des plus puissantes communautés c'est la communauté Debian, je crois qu'ils ne sont pas 2000 sur la planète. C'est tout petit une communauté.
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Alors apparemment c'est une économie tellement paradoxale que certains voudraient y voir un nouveau paradigme, une économie de la gratuité et puis des alternatives au capitalisme, enfin que sais-je. C'est vrai que nous avons des objets qui sont des biens non rivaux. Comment est-ce qu'on pourrait faire une économie qui tiennent la route là-dessus ? Il y a un concept intéressant qui est la coopétition, jusqu'où coopérer et ensuite devenir concurrents ? En réalité on s'aperçoit que dans toutes les activités humaines, il y a de la coopétition, il y a un moment où on a intérêt à coopérer, il y a un moment où on n'a plus intérêt à coopérer. Et en tous les cas c'est l'intérêt qui prime. Il faudra chercher l’intérêt pour chercher des clefs en matière d'économie.
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Alors la réponse habituelle c'est que l'économie du logiciel libre c'est l'économie de service. C'est faux. C'est parfaitement faux et c'est même très très embêtant de le dire. C’est une menace de le dire sur le logiciel libre. Le code, il est vrai, produit beaucoup de services, mais le service ne produit pas de code. Autrement dit ce n'est pas du tout par le service que pour l'instant la roue tourne. La roue pour l'instant elle tourne toute seule. Mais cessons de dire que c'est une économie de service parce que sinon on va assécher le code et donc il y a des gens que ça inquiète. Il y a 2 ans il y a des gens du projet ??? qui sont venus me voir en me disant « il faut vraiment alerter plus personne ne dépose du code. » Vous avez des boîtes qui pompent du code, qui vendent du code qui ne déposent rien ! » C'est grave ! Alerte. Il faut re-déposer ; il faut apprendre aux gens non pas à utiliser le logiciel libre mais à déposer le code qu'ils ont déposé et qu'ils ont acheté pour leurs besoins à la boîte d'à côté parce que sinon ça ne marchera pas. Ça ne marchera pas parce qu'il y a un gros de souci. Les abeilles contribuent au logiciel libre. Elles fabriquent du miel. Mais le miel est vendu par les apiculteurs qu'il faut payer pour ça. Autrement dit la contribution ne rime pas avec la rétribution. Alors tant qu'on travaille pour le fun tout va bien. Seulement les étudiants vieillissement. Il y a quelques années quand je disais ça aux RMLL au tout début, les gens me disaient mais non ça n'est pas pour l'argent ! Les mêmes, à Genève, il n'y pas si longtemps étaient d'accord avec moi, finalement, ils avaient vieilli, ils avaient des enfants, ils avaient un loyer à payer, les pizzas à payer et apparemment ils avaient compris que le fun ne suffisait pas pour payer les pizzas.
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Donc il y a un premier problème, le service ne produit pas de code.
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Il y a un deuxième problème c'est il y a tout le travail non payé. Là encore je voudrais vous citer Marx « beaucoup de travail non payé » Et d'une certaine façon si Proudhon devait revenir aujourd'hui il se demanderait si le crowd sourcing n'était pas du vol, une forme de vol des temps zéro, partagez, et puis moi je passe à la caisse. Partagez vos amis, et puis moi je passe à la caisse. Partagez vos photos, et puis je file aux Galapagos. Dans ce monde là il va falloir faire très attention à la manière dont l'argent va fonctionner. Donc il y a une manière de produire qui produit de la valeur mais pas pour le producteur. Là encore un des problèmes qu'on a connu il y au 19ème siècle.
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Alors si je passe rapidement sur la manière d'acheter du logiciel, il y a eu tout un moment dont se souviennent les DSI. Le premier moment ils s'en souviennent avec terreur, c'est ce qu'ils appellent le moment du spécifique où chacun est dans son coin, il n'y a pas de réseau, il n'y a pas de progiciel, on réinvente la roue on prend des ingénieurs en régie et puis on fait notre informatique. Catastrophique ! Séparés les uns des autres. Arrivent des éditeurs de progiciels qui vont nous dire « mais c'est formidable, on va faire le boulot à votre place, on va répondre à vos besoins, pour vous, c'est une mutualisation par l'offre,  on va vous vendre des choses qu'il n'y aura plus qu'à paramétrer pour les adapter à vos besoins spécifiques. Vos besoins sont spécifiques, mais les logiciels sont génériques, ce sont des progiciels. » Ça c'est formidable jusqu'au moment où, phénomène de vendeur locking, dans des niches, on est pieds et poings liés à des vendeurs, à des marchands. On a beau être un club d'utilisateurs, on peut simplement pleurer ensemble en implorant l'éditeur de corriger les bugs et de ne pas trop en rajouter dans la version suivante. Bref le club des pleureuses, c'est ce qu'on appelle un club d'utilisateurs.
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Et puis le troisième moment, c'est celui dans lequel nous rentrons. C'est une inversion : la mutualisation par la demande. Les clients se parlent et se disent mais après tout, c'est nous qui payons ! On pourrait décider. Pourquoi l'éditeur décide t-il des fonctionnalités et de nos besoins ? On pourrait donc très bien devenir l'éditeur et le payer comme un informaticien. Lui il code, nous connaissons nos métiers.
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On inverse la charge et ce qui se passe avec le libre c'est simplement la révolte du club d'utilisateurs, du moins sur le segment de métiers.
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Alors je vais essayer de vous raconter l'histoire telle que je la vois. Et au passage on verra 3 communautés se dégager.

Version du 28 mai 2013 à 17:11


Lien vers la vidéo [1]

00' transcrit Marie-Odile

Alors je vais vous parler du sujet que je connais le mieux qui est la question du logiciel libre dans les administrations, les collectivités territoriales. Je suis président de l'association Adullact qui est née en 2002 pour développer, constituer, promouvoir un patrimoine de logiciels libres métiers payés sur fonds publics. A cette époque, comme je le disais tout à l’heure, il y a un peu plus de 10 ans, la conscience était assez mûre pour dire il faut faire quelque chose. Mais comme personne ne le faisait, on s'est dit avec quelques-uns, on va le faire.

Alors je vais partir de fondamentaux, faire un rapide panorama historique, mais j'irai vite parce que vous en savez sans doute plus que moi sur la plupart des choses que je vais dire sur la question historique. Ensuite me concentrer sur ce que j'ai écrit dans un petit ouvrage qui s’appelle « Économie du logiciel libre »,  et enfin revenir sur qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on peut faire avec l'argent public et comment on peut le faire ?

Tout à l'heure sur l'école je vous ai montré que le logiciel libre était peut-être un grand sujet. Si on regarde de manière générale on rentre dans la société de l'information, les logiciels traitent l’information. Donc le statut juridique, technique, le mode de production, la question qui produit ces logiciels devrait être un sujet extrêmement important. Ce qui est fâcheux c'est que tout le monde s'en fout ! Ce sont les sujets connexes, données publiques, alors maintenant ça s'appelle Open Data parce que c'est plus sexy, mais données publiques, espace public, standards ouverts, logiciels libres. Voilà ça ce sont les enjeux. Donc c'est un sujet énorme.

Alors je vais dire un mot sur le logiciel libre, regarder sur l'économie et regarder ensuite sur l'argent public.

Un logiciel je ne vais pas vous apprendre ce que c'est. C'est comme de la cuisine, l'analogie que fait Richard Stallman, il y a le code source, il y a le code exécutable, sauf que pour réaliser de la cuisine, tous les cuisiniers vous diront qu'il faut de bons produits et pour exploiter le code source d'un logiciel il suffit d'un compilateur ou d'un interpréteur, enfin il n'y a besoin de rien, il n'y a pas besoin d'ingrédients. Et la différence entre le code source et le code exécutable, c'est le rideau dans l'école de Pythagore qui séparait les Mathématiciens des Acousmaticiens. Et ceux qui s’imaginent qu'il n'y a que le code exécutable ne savent pas que l'on pourrait avoir le code source, et on pourrait le modifier, etc. J'y reviendrai tout à l'heure. C'est comme les mathématiques qui ont commencé à être propriétaires et aujourd’hui ce à quoi on assiste c'est à la libération de l’informatique, mais on a déjà vu ça, la libération des mathématiques.

Alors on parle de 4 libertés. Vous savez tous ça par cœur, ce n'est pas le logiciel qui est libre, c'est vous et vous avez la liberté d'utiliser le logiciel pour tous les usages, par exemple vous pouvez mettre un CD d'un OS propriétaire dans un cerisier pour empêcher les oiseux de venir, ça marche très bien mais vous n'avez pas le droit de le faire. Avec un logiciel libre, vous pouvez le faire, pour tous les usages.

Liberté de copier le logiciel, de l'étudier, de le modifier si vous le pouvez. C'est comme des mathématiques. Exactement les mêmes libertés que vous avez depuis 25 siècles sur les mathématiques. Il est très impoli de dire que c'est vous avez créé, imaginé la conjecture de Fermat ou le théorème de Pythagore, par contre cous pouvez l'utiliser, le redistribuer. Voila. Nous sommes aujourd’hui avec le numérique en train de quitter le monde platonicien. Je reviens à un peu de philosophie. On vivait dans un monde où l'original valait mieux que la copie. Nous entrons dans un monde où pour les objets numérisés, l'original est identique à la copie. Il n'y a aucun moyen de les distinguer. Et il y a un effet économique intéressant, c'est que la distribution de ces objets numériques se fait à coût marginal nul. Alors ce qui est intéressant c'est que les économistes fixent le prix d'un objet sur le coût marginal de distribution. Son prix est tendanciellement égal à 0. Alors le numérique une fois produit, devait être gratuit. La question après c'est comment on le produit.

Il y a 2 moyens de voir le numérique. Soit on reste dans le monde des choses, et on s'arrange pour que surtout ces objets numériques se vendent comme des choses, comme avant ; soit on ouvre et on exploite selon des modes de production qui soient adaptés à ce mode de distribution très particulier.

Au passage il y a un lien avec une autre question qui est la question du développement durable. Jean-Baptitste Say, un économiste français du 19ème siècle disait, il parlait des biens libres, vous savez l'eau, l'air, enfin l’eau on la paye déjà, l'air bientôt. Ces biens libres ne le sont plus ! Mais en même temps nous sommes capables de produire des biens libres numériques. C'est intéressant que cette conjonction historique fasse que nous avons les 2 problèmes en même temps. Nous pourrions produire autrement, nous pourrions consommer autrement. Et les deux problèmes sont des problèmes de changement. Ça c'est beaucoup plus cher.

Alors je passe un peu rapidement sur l'histoire. La naissance de l'informatique depuis les années 70, la naissance de l'informatique au sens de la science dont je parlais tout à l'heure, elle a déjà été imaginée cette science, mais la technologie naît à ce moment-là, les instruments pour la portabilité des logiciels, Unix, le langage C, l'idée des réseaux, on commence à dessiner les premiers réseaux, la miniaturisation, les idées de von Neumann viennent là, rentrer dans la technologie. Et puis je passe volontairement cet épisode lié aux années 80 où a déferlé le PC, on a cru que l'informatique était née parce qu'il y avait des PC partout. En fait avec 1996, en mars, lorsque le nombre de serveurs commence à doubler tous les mois, pour les joueurs d'échecs vous savez que quand ça double tous les mois, ça commence à devenir important, il se passe quelque chose. Donc la mise en réseau de la planète et qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai mis 2 points slash/../. C'est la victoire d'Unix. Les URL sont codés comme dans Unix. Pas avec l'anti slash débile de Windows. Donc c'est Unix qui gagne. Et qu'est-ce qui se passe ? Et bien le retour de l'informatique sérieuse contre l’informatique familiale. Je n'ai rien contre les OS propriétaires, mais c'est quand même de l'informatique familiale. Donc l'arrivée du logiciel libre, ce sont les gens qui vont donner, qui vont partager ce qu'ils font. Richard Stallman, Tim Berners-Lee avec HTTP, HTML, et puis Éric Raymond pour essayer de penser ce qui se passe. Vous n'avez qu'un article à lire, lisez « La cathédrale et le bazar ». Quelqu'un qui n'y croit pas. Qui se dit c'est impossible, enfin les logiciels ça se fait avec quelques gourous, des gens qui sont des dieux de l'informatique, qui font ça quelques-uns comme des grands cuisiniers. Alors l'idée de faire ça en réseau avec un merdier indescriptible. Comment on va gérer ce bazar ? Éric Raymond observe que, à sa propre surprise, il n'y croyait pas, ça marche ! Voila. On observe !

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Alors qu'est-ce que c'est que Linux ? On est en train de fêter Linux, c'est le retour d'Unix libre. C'est tout. C'est le retour de l’informatique sérieuse. Si il y a une chose à dire aux gens qui me demandent ce que c'est que le logiciel libre, je leur dis c'est tout le contraire que vous pensez. Ce n'est pas le petit pingouin que j'ai à la boutonnière qui vient mordre les bottes de géant de Windows, c'est simplement l'informatique sérieuse qui revient pour balayer l'informatique familiale. Alors les choses ont avancé assez vite, je vais parler de Bernard Lang tout à l'heure. 98 à la Mutualité, vous avez aussi avec des lunettes, Jean-Claude Guédon, c'est celui qui a inventé le mot courriel. Des gens qui ont compris qu'il y avait un enjeu économique sur le logiciel libre, très tôt. Continuons le petit patchwork historique. A cette table ronde, j'y étais et je me souviens très bien la gendarmerie nationale annonce en 2008 qu'en 2013, nous y sommes, la quasi totalité du parc de la gendarmerie nationale, 70 000 machines dans toutes les brigades sera sous Linux, avec un poste de travail complètement libre. La migration est quasiment achevée en ce moment.

Donc il y a des choses qui sont possibles et je m’arrête un instant sur la gendarmerie parce que c'est une migration fabuleuse. Les gendarmes sont des geeks, ils étaient passionnés de radio, ils étaient radio-amateurs, ils étaient informaticiens et puis pour faire des PV plus vite, c'est leur métier, ils avaient bidouillé des applications à quelques-uns de manière collaborative, la nuit pour leurs copains. Tout ça se savait, mais on les laissait faire parce que c'était efficace. Et lorsqu'il a fallu connecter toutes les brigades de gendarmerie à l'internet, on s'est dit, il va falloir blinder tout ça, il va falloir avoir beaucoup moins d’informatique grise. Et donc il y avait 2 choix ; soit on met tout au carré, on met tout d'équerre en disant fini les amateurs, on va les séparer des professionnels, on va vous faire un bureau verrouillé ; soit on dit aux amateurs connus de tous les gendarmes, ce que vous avez fait la nuit, vous allez le faire le jour et vous serez la dream team de la gendarmerie. C'est ce qu'ils ont fait et ça marche. C'est comme ça qu'il faut faire. Un jour j'ai un chef d'entreprise qui me dit « Tu ne connais pas un webmestre pour mon site ? » Je dis « Et bien t'as un concierge ! »  « Comment ça j'ai un concierge ? » « Oui ! Ton concierge il fait le site web de son équipe de foot ; c'est un super site web. » Bon il n'est plus concierge aujourd'hui. Voila on prend les ressources où elles sont, on se renseigne. Il ne de richesse que d'hommes. Les gens ne travaillent pas pour l'argent, ils travaillent pour la reconnaissance, avant tout. Et puis voilà je m’arrête là.

En 2010 Microsoft, la pub, avait un ??? « Optimisez la performance de vos serveurs ! Linux ! » Voilà. Vous connaissez la formule de Ghandi «  Ils vous ignorent, ils se moquent de vous, ils vous combattent et puis vous gagnez ! » On devrait ajouter juste avant, ils vous imitent, parce que ils y viendront. Ils sont en train d'étudier les forges, ils sont en train de s'apercevoir que ça marche mieux, ils le savent depuis 99. Ils savent qu'ils ont perdu. Même chose, Éric Raymond, vous regardez le rapport halloween, Bill Gates avait posé 2 questions à ses ingénieurs « Faut-il craindre l'open source ? » « Si oui, il pensait que la réponse serait oui, si oui que faut-il faire ? » La réponse a été oui, ils vont trop vite on ne peut rien faire, techniquement on est dépassés. Et ce qu'il faudrait et bien c'est se battre sur le terrain juridique. La bataille est juridique, elle n'est pas technique. Et le jour où ils auront échoué à nous empêcher de faire ce que nous faisons, et bien ils libéreront les code. Et le jour où l'action commence à descendre, vous verrez, le code sera libéré. Je suis absolument persuadé que c'est dans les cartons.

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Alors, voilà posé le cadre de ce que c'est que le libre. Maintenant je voudrais m'attarder un instant sur les modèles économiques. Je suis professeur de philosophie et l'économie c'est un truc d'Aristote. Aristote pensait que l'économie c'était d'abord la question de la production. Aujourd'hui quand on parle d'économie on parle de marketing, on parle de commerce. Je ne suis pas en train de vous parler de l'achat et de la vente de logiciels, mais de la production de logiciels. C'est ça l'économie, c'est la production. Après il faut distribuer, mais c'est autre chose.

Apparemment c'est un univers assez compliqué, extrêmement incohérent, on s'y entraide mais on est compétiteurs, tout à l'heure j'ai eu une question « est-ce que vous préférez ??? » Oui bien sûr c'est des forges dans tous les coins, c'est Gnome et KDE, c'est du gâchis, ce sont des gens qui s'entre-tuent. En même temps ce sont des gens qui donnent ce qu'ils ont. Mais en même temps c'est une affaire de méritocratie. Si on veut réussir dans ce monde là il faut être bon. Là l'image ne compte pas. Et puis ce qu'il faut retenir c'est cet effet de réseau qui produit un ordre émergent ce qui a surpris Éric Raymond c'est qu'on arrive dans notre bazar à produire des trucs qui tiennent la route. Étant entendu, j'y reviendrai, que la notion de communauté est une notion qui nous fait chaud au cœur, qui nous rassure, qui nous évoque le Larzac, c'est sympathique, mais la vie des communautés, c'est quand même une vie de solitude. Si vous allez voir sur la granularité des projets sur source forge, la moyenne du cardinal d'une communauté est légèrement supérieure à 1. Une communauté c'est quelqu'un qui cherche quelqu’un. C'est ça une communauté. Une des plus puissantes communautés c'est la communauté Debian, je crois qu'ils ne sont pas 2000 sur la planète. C'est tout petit une communauté.

Alors apparemment c'est une économie tellement paradoxale que certains voudraient y voir un nouveau paradigme, une économie de la gratuité et puis des alternatives au capitalisme, enfin que sais-je. C'est vrai que nous avons des objets qui sont des biens non rivaux. Comment est-ce qu'on pourrait faire une économie qui tiennent la route là-dessus ? Il y a un concept intéressant qui est la coopétition, jusqu'où coopérer et ensuite devenir concurrents ? En réalité on s'aperçoit que dans toutes les activités humaines, il y a de la coopétition, il y a un moment où on a intérêt à coopérer, il y a un moment où on n'a plus intérêt à coopérer. Et en tous les cas c'est l'intérêt qui prime. Il faudra chercher l’intérêt pour chercher des clefs en matière d'économie.

Alors la réponse habituelle c'est que l'économie du logiciel libre c'est l'économie de service. C'est faux. C'est parfaitement faux et c'est même très très embêtant de le dire. C’est une menace de le dire sur le logiciel libre. Le code, il est vrai, produit beaucoup de services, mais le service ne produit pas de code. Autrement dit ce n'est pas du tout par le service que pour l'instant la roue tourne. La roue pour l'instant elle tourne toute seule. Mais cessons de dire que c'est une économie de service parce que sinon on va assécher le code et donc il y a des gens que ça inquiète. Il y a 2 ans il y a des gens du projet ??? qui sont venus me voir en me disant « il faut vraiment alerter plus personne ne dépose du code. » Vous avez des boîtes qui pompent du code, qui vendent du code qui ne déposent rien ! » C'est grave ! Alerte. Il faut re-déposer ; il faut apprendre aux gens non pas à utiliser le logiciel libre mais à déposer le code qu'ils ont déposé et qu'ils ont acheté pour leurs besoins à la boîte d'à côté parce que sinon ça ne marchera pas. Ça ne marchera pas parce qu'il y a un gros de souci. Les abeilles contribuent au logiciel libre. Elles fabriquent du miel. Mais le miel est vendu par les apiculteurs qu'il faut payer pour ça. Autrement dit la contribution ne rime pas avec la rétribution. Alors tant qu'on travaille pour le fun tout va bien. Seulement les étudiants vieillissement. Il y a quelques années quand je disais ça aux RMLL au tout début, les gens me disaient mais non ça n'est pas pour l'argent ! Les mêmes, à Genève, il n'y pas si longtemps étaient d'accord avec moi, finalement, ils avaient vieilli, ils avaient des enfants, ils avaient un loyer à payer, les pizzas à payer et apparemment ils avaient compris que le fun ne suffisait pas pour payer les pizzas.

Donc il y a un premier problème, le service ne produit pas de code.

Il y a un deuxième problème c'est il y a tout le travail non payé. Là encore je voudrais vous citer Marx « beaucoup de travail non payé » Et d'une certaine façon si Proudhon devait revenir aujourd'hui il se demanderait si le crowd sourcing n'était pas du vol, une forme de vol des temps zéro, partagez, et puis moi je passe à la caisse. Partagez vos amis, et puis moi je passe à la caisse. Partagez vos photos, et puis je file aux Galapagos. Dans ce monde là il va falloir faire très attention à la manière dont l'argent va fonctionner. Donc il y a une manière de produire qui produit de la valeur mais pas pour le producteur. Là encore un des problèmes qu'on a connu il y au 19ème siècle.

Alors si je passe rapidement sur la manière d'acheter du logiciel, il y a eu tout un moment dont se souviennent les DSI. Le premier moment ils s'en souviennent avec terreur, c'est ce qu'ils appellent le moment du spécifique où chacun est dans son coin, il n'y a pas de réseau, il n'y a pas de progiciel, on réinvente la roue on prend des ingénieurs en régie et puis on fait notre informatique. Catastrophique ! Séparés les uns des autres. Arrivent des éditeurs de progiciels qui vont nous dire « mais c'est formidable, on va faire le boulot à votre place, on va répondre à vos besoins, pour vous, c'est une mutualisation par l'offre, on va vous vendre des choses qu'il n'y aura plus qu'à paramétrer pour les adapter à vos besoins spécifiques. Vos besoins sont spécifiques, mais les logiciels sont génériques, ce sont des progiciels. » Ça c'est formidable jusqu'au moment où, phénomène de vendeur locking, dans des niches, on est pieds et poings liés à des vendeurs, à des marchands. On a beau être un club d'utilisateurs, on peut simplement pleurer ensemble en implorant l'éditeur de corriger les bugs et de ne pas trop en rajouter dans la version suivante. Bref le club des pleureuses, c'est ce qu'on appelle un club d'utilisateurs. Et puis le troisième moment, c'est celui dans lequel nous rentrons. C'est une inversion : la mutualisation par la demande. Les clients se parlent et se disent mais après tout, c'est nous qui payons ! On pourrait décider. Pourquoi l'éditeur décide t-il des fonctionnalités et de nos besoins ? On pourrait donc très bien devenir l'éditeur et le payer comme un informaticien. Lui il code, nous connaissons nos métiers.

On inverse la charge et ce qui se passe avec le libre c'est simplement la révolte du club d'utilisateurs, du moins sur le segment de métiers.

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Alors je vais essayer de vous raconter l'histoire telle que je la vois. Et au passage on verra 3 communautés se dégager.