Différences entre les versions de « 1984, société de surveillance et Libre - V. Bonnet - L. Fievet »

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Titre : 1984, Foucault, société de surveillance et Libre
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transcription publiée : https://www.april.org/1984-societe-de-surveillance-et-libre-v-bonnet-l-fievet
Intervenants : Véronique Bonnet - Luc Fievet
 
Date : mai 2015
 
Durée : 43 min 58
 
 
 
Lien vers la vidéo : [http://media.april.org/video/1984/1984.webm]
 
 
 
 
 
 
 
==00' ''transcrit MO''==
 
 
 
'''Luc Fievet :''' Cette conférence sur la surveillance et le Libre, autour de 1984, va évoquer toute une série d'acteurs, en tout cas de références, qui tournent toutes autour de 1984 qui est une date bien pratique. On a, bien entendu, Orwell et le roman, bien connu, « 1984 » » ;  nous avons Michel Foucault qui est mort en 1984. Nous avons, également, dans cette période-là Edward Snowden  et Richard Stallman.
 
 
 
'''Véronique Bonnet :''' Est-ce que tu dirais de ces quatre figures qu'elles font intervenir une alerte ? Est-ce que ce sont des lanceurs d'alerte ? Est-ce que, par exemple, on pourrait dire que le projet GNU de Richard Stallman, c'est comme l’antidote d'une montée en puissance à la fois de contraintes, de surveillances, de barrières à l'autonomie ? Que, par exemple, les concepts de Foucault auraient pu concevoir, éventuellement dissiper, dont Snowden aurait manifesté la réalité, Orwell fournissant la trame, fictive, permettant d’appréhender cette douleur infligée aux individus qui veulent décider, par eux-mêmes, de ce qu'ils font ?
 
 
 
'''Luc Fievet :''' Effectivement, on peut avoir ces quatre visions, cette notion de lanceur d'alerte, tu l'as reprise un peu à rebrousse-poil. Ce que je retiens, également, c'est qu'on en a deux dont on pourrait dire qu’ils annoncent, en gros, des catastrophes, que ce soit Orwell ou Foucault, chacun à leur manière, Orwell pour la partie totalitaire, Foucault pour cette question du pouvoir, du micro pouvoir, du dur pouvoir en fonction des différentes subtilités de la notion. Et on a, comme ça, deux alternatives. On a Snowden, qui est un héros ; il a risqué sa vie pour faire ce qu'il a fait, il la risque encore, et Stallman avec le Logiciel Libre, qui a ouvert une voie, un antidote, ce que tu appelles un antidote, donc quelque chose qui serait son autre voie, une alternative à la figure de domination. On va commencer avec « 1984 » par Orwell, parce que, finalement, c'est un bon point de départ, et c'est quelque chose qui a marqué les imaginaires.
 
 
 
Notre première étape, c'est « 984 » d'Orwell. Pourquoi commencer par là ? Parce que c'est un roman qui a vraiment marqué les esprits. C'est une référence qui est très souvent citée dès qu'on commence à parler de liberté et notamment de liberté numérique. Dans « 1984 », ça nous dépeint une dystopie, c’est-à-dire un autre univers qui aurait mal tourné. Un État, un système totalitaire, mais de chez nous, ça se passe notamment en Angleterre, donc dans le monde occidental et qui a tourné sur un système totalitaire. Le roman met en œuvre, le roman met en scène un personnage, qui s’appelle Winston, dont le travail consiste à réécrire l'histoire, en quelque sorte, dans la presse, à droite à gauche, puisqu'un des principes de ce pouvoir c'est d'évaporer des gens, c'est-à-dire de faire disparaître des individus, suite à des purges, par exemple, les faire disparaître complètement, c'est-à-dire comme s’ils n'avaient jamais existé. Pour cela il faut réécrire les articles de presse, les livres, et ce genre de choses. C'est également la même chose sur les évolutions des alliances et des choses comme ça. La mémoire doit correspondre à la fiction qui a été dictée parle le pouvoir. « 1984 » c'est également le télécran, qui est quelque chose qui a vraiment beaucoup marqué les esprits, c'est cette télévision qui va passer la voix de Big Brother. Big Brother c'est le pouvoir, donc amener toute cette propagande dans les foyers, mais qui, également, va espionner, donc écouter ce qui se passe à l’intérieur des maisons. Donc, c'est à la fois la voix et l’œil qui surveille. L'autre élément qui a retenu, qui a marqué les esprits, c'est la fameuse novlangue, donc une langue simplifiée, contrôlée et qui permet, finalement, de limiter la pensée, en limitant le vocabulaire et l’usage qu'on peut avoir de la langue. Donc Winston, là-dedans, lui va finalement s'écarter de ce modèle-là, en décidant, un jour, de faire quelque chose d'illégal.
 
 
 
'''Véronique Bonnet :''' Il va tenter, effectivement, quelque chose d’inouï, de décisif, il utilise ce terme-là. Il va essayer d'écrire un journal intime, ce qui, évidemment, est totalement saugrenu dans cette société qui est lisse, qui fait disparaître la moindre aspérité, comme tu l'as dit, à la fois en réécrivant la langue même qui décrit les existences, et en réécrivant, à partir de cette langue, l'histoire de chacun des individus lorsqu'ils s'écartent de la droite qui leur est tracée, à savoir ne pas s'interroger, ne rien voir et se laisser voir sans du tout enquêter. Ce qui a été, malheureusement, tenté par Winston, qui, après une scène de torture finale, va rentrer dans les clous, très exactement.
 
 
 
'''Luc Fievet :''' Voilà. Donc, en fait, il pense pendant un temps avoir pris contact avec une sorte de résistance, on peut dire, de gens qui sont contre le pouvoir. Il s'avère que cette cellule de résistance est l’œuvre même du pouvoir et lui permet de récupérer les brebis galeuses. Et, à la fin du livre, il est longuement torturé pour le convaincre que 2 + 2 = 5, c'est -à-dire le faire rentrer dans sa réalité, faire rentrer le fantasme dans la réalité, ce qui est le propre d'un système totalitaire, c'est que le fantasme du dictateur doit devenir la réalité.
 
 
 
'''Véronique Bonnet :''' Là on est bien dans un conditionnement puisque les esprits finissent par suivre les mouvements qui sont impulsés aux corps eux-mêmes, et on est peut-être, dans ce qu'on appellera la « gouvernementalité », ce terme est de Foucault qui est, également, l'un de nos repères. Définition de la « gouvernementalité », essayer par le soft power, par la technologie douce, d'amener les populations où on veut qu'elles aillent, sans aucune discussion, sans aucune prise de recul, étant donné qu'on ne se montre pas comme gouvernant, soit par le hard power, par la contrainte, on laisse faire les machines. Peut-être deux citations de « 1984 », qui disent à quel point l'audace de Winston est inouïe : « Faire un trait sur le papier était un acte décisif. En petites lettres maladroites, il écrivit 4 avril 1984. Il se redressa, un sentiment de complète impuissance s’était emparé de lui. Pour commencer il n'y avait aucune certitude que ce fut vraiment 1984, on devait être aux alentours de cette date, car il était sûr d'avoir trente-neuf ans, et il croyait être né en 1944, ou en 1945, mais par les temps qui couraient il n'était possible de fixer une date qu'à un ou deux ans près ». Une citation qui dit à quel point cette omniprésence de la surveillance donne au corps lui-même quelque chose comme un malaise, un malaise, un vertige spatio-temporel : « Le corps de Winston s'était brusquement recouvert d'une ondée de sueur chaude, mais son visage demeura absolument impassible : ne jamais montrer d’épouvante, ne jamais montrer de ressentiment, un seul frémissement des yeux peut vous trahir ».
 
 
 
==08'24==
 
 
 
'''Luc Fievet :''' Voilà. Donc « 1984 », plein d'enseignements, bien sûr.
 

Dernière version du 9 juillet 2015 à 00:46