Émission Libre à vous ! sur Cause Commune du 30 janvier 2024

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 30 janvier 2024 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : - Élise à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 30 janvier 2024

Durée : 1 h 30 min

[URL Podcast PROVISOIRE]

[URL Page de présentation de l'émission]

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Jeux de rôle libres, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi sur « Comprendre le numérique », première conférence du triptyque de Louis Derrac et aussi la chronique « À cœur vaillant, la voix est libre » de Laurent et Lorette Costy sur le thème « Ecballium, cucurbitacine et Firefox ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 30 janvier 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, Magali Garnero, alias Bookynette. Salut Booky.

Magali Garnero : Salut Isa.

Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi - « Comprendre le numérique », première conférence du triptyque de Louis Derrac

Isabella Vanni : Les choix, voire les coups de cœur de Marie-Odile Morandi, qui met en valeur des transcriptions dont elle conseille la lecture, c’est la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions de l’April. C’est une chronique écrite par Marie-Odile et mise en voix par Laure-Élise Déniel, bénévole à l’April, qui est aussi la voix des jingles de Libre à vous!.
Le thème du jour : « Comprendre le numérique », première conférence du triptyque de Louis Derrac.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, avec la voix de Laure-Élise Déniel :Bonjour, chers auditeurs et auditrices de l’émission Libre à vous !, de ses podcasts, vous qui fréquentez peut-être aussi le site Libre à lire !

Louis Derrac se présente comme un acteur indépendant et militant de l’éducation au numérique. Il a tenu, en ligne, un cycle de trois conférences, au printemps 2023. Il souhaite, par ce modeste exercice de vulgarisation, dit-il, affirmant qu’il n’est ni expert ni conférencier professionnel, former les citoyens d’une société numérique à un sujet, le numérique, qui, selon lui, est aujourd’hui beaucoup trop mal compris et pas du tout assez politisé, afin d’envisager des pistes pour le faire évoluer à divers niveaux.
La progression est logique : pour transformer le numérique et aller vers autre chose, il faut pouvoir le critiquer, que la critique soit positive ou négative et, pour critiquer le numérique, il faut le comprendre.
Je souhaitais donc présenter ces trois conférences respectivement intitulées « Comprendre le numérique », « Critiquer le numérique », « Transformer le numérique », soulignant que tout ce qui concerne ces conférences est partagé sous licence libre sur le site de Louis Derrac.

Aujourd’hui, la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » portera sur la première conférence « Comprendre le numérique ».

À la base, le mot numérique était un adjectif qui permettait de qualifier tout objet, toute chose qui relevait des nombres. On parle de calcul numérique : on calcule sur des nombres.
L’adjectif numérique est ensuite devenu un terme technique. Il a fini par qualifier des objets techniques qui diffusent de l’information sous forme de nombres.
Cet adjectif s’est étendu pour parler de choses diverses : économie, société, transformation, dépassant ainsi les questions techniques.
Et, phénomène marquant, en tout cas dans la langue française, cet adjectif s’est substantivé, c’est-à-dire qu’il est devenu le propre sujet. On parle maintenant « du numérique », mais il est très compliqué de dire « le numérique » quand on parle de choses aussi différentes qu’un réseau social comme Facebook, d’une plateforme comme Wikipédia, d’un ordinateur ou d’une intelligence artificielle. Ce numérique est présent à tous les moments de notre vie, si bien que l’on parle parfois de « fait social total ».

Au cours de cette conférence, « Comprendre le numérique », Louis revient de façon détaillée sur l’histoire de l’ordinateur partant de l’énorme supercalculateur de 1945 dont la seule fonction, au départ, était de calculer. Petit à petit, les progrès techniques ont permis une miniaturisation des éléments, accompagnée d’une baisse des coûts, si bien que dans les années 80, les ordinateurs se commercialisent auprès du grand public. L’arrivée de l’iPhone, en 2007, appelé ordiphone par certains, permet de démocratiser et de massifier cet ordinateur, petit par la taille et désormais dans presque toutes les poches.
Aujourd’hui, on se retrouve tous connectés les uns aux autres grâce au réseau Internet, avec à disposition le Web, opportunité pour toutes et tous de créer du contenu dans tous les domaines – écriture, musique, vidéo – et de le partager, participant ainsi à une augmentation et à une diversification de l’offre culturelle. D’ailleurs, Louis nous demande de voir cette conférence comme une invitation à la curiosité, à la sérendipité, cette manière de naviguer de site en site grâce aux hyperliens caractéristiques du Web.

Le numérique, ce sont des objets proches de nous – smartphones, tablettes, enceintes connectées, routeurs wifi, télés connectées –, mais aussi des câbles sous-marins, des antennes, toutes les infrastructures réseau et les centres de données. À ce sujet, Louis rappelle que le cloud n’existe pas, c’est toujours l’ordinateur de quelqu’un d’autre, donc, bien matériel lui aussi.
Il mentionne les logiciels, systèmes d’exploitation et applications, soulignant que la plupart de nos usages se font désormais par l’intermédiaire du navigateur.
Cet ensemble de révolutions techniques et de technologies auxquelles nous avons un accès pratiquement illimité, partout et tout le temps, a permis une augmentation du pouvoir d’agir individuel, une capacité à publier et à partager de l’information très largement, une capacité aussi à s’organiser collectivement sans limites spatio-temporelles. Être équipé, c’est être connecté et, être connecté, c’est être sociabilisé, particulièrement sur les réseaux sociaux.

Les propos d’Aaron Swartz, en 2012, militant des libertés numériques et martyr de cette cause, sont rappelés pour nous questionner : «Tout le monde a un droit de parole, mais qui doit être entendu ? Est-ce que tout le monde mérite d’être entendu de la même façon ? ». En effet, à qui donne-t-on la parole et en fonction de quoi ?

Louis ne manque pas de citer la célèbre expression, liberté, égalité, fraternité, notre devise, par laquelle Richard Stallman résumait la philosophie du logiciel libre, et qui fait écho à la non moins célèbre expression de Lawrence Lessig, Code is law, « le code fait la loi ». Aujourd’hui, quand on utilise un logiciel, quand on est sur une plateforme, on se soumet aux décisions de quelqu’un d’autre, c’est-à-dire les programmeurs et les programmeuses qui ont pensé, conçu et développé ce logiciel. À partir du moment où les logiciels qu’on utilise façonnent autant notre vision du monde, n’est-il pas impensable qu’on n’ait pas plus de liberté sur ce code : la liberté de le lire, de le comprendre, certes, pas forcément chacun d’entre nous, mais les développeurs et programmeurs de la communauté du Libre, cette belle image de fraternité.
Le message est clair : il faut vraiment questionner le contrôle démocratique des gens qui font le code, qui programment, parce que ce sont elles et eux qui font aujourd’hui la loi.

Louis fait référence à Isabelle Collet, chère à l’April : « Les personnes qui développent sont essentiellement des hommes blancs, de milieux socioprofessionnels favorisés, donc, logiquement, ils ont développé un numérique non inclusif », ajoutant que ce sont souvent des Américains, avec un système de valeurs américain, forcément ! Le numérique qu’ils ont développé n’est certes pas inclusif, il est biaisé par leur vécu, par leur genre, par leur rapport au monde. Ce n’est donc pas du tout un numérique qui convient à l’entièreté de la population.

En conclusion de cette première conférence, « Comprendre le numérique », Louis rappelle que le numérique est une somme d’inventions techniques qui sont le fruit de leur époque et il insiste : « c’est très matériel ». Le numérique n’est pas neutre, c’est un objet politique porteur de nombreux enjeux économiques, sociaux et philosophiques, mais aussi des enjeux d’urgence environnementale et de justice sociale prégnants dans nos sociétés. Ces thèmes sont développés dans les conférences suivantes, « Critiquer le numérique » et « Transformer le numérique », dont nous traiterons dans les prochaines chroniques. N’hésitez pas à lire, voire relire, la transcription de cette première conférence de Louis Derrac. Tous les liens sont à votre disposition sur la page de l’émission d’aujourd’hui, sur le site libreavous.org.

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Il s’agissait, bien entendu, d’une chronique préenregistrée.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous parlerons de jeux de rôle libres, le sujet principal de l’émission d’aujourd’hui.
Nous allons écouter, pour l’instant, Hitman’s Lovesong feat Paola Graziano par The Freak Fandango Orchestra. On se retrouve dans environ 3 minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Hitman’s Lovesong feat Paola Graziano par The Freak Fandango Orchestra.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Hitman’s Lovesong feat Paola Graziano par The Freak Fandango Orchestra, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

[Jingle]

Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Jeux de rôle libres, avec Amaury Bouchard du site autour des jeux de rôle libres Rolis.net, Sébastien Célerin de XII Singes & For The Story, éditeur de jeux de rôle, et Ludovic Schurr, juriste spécialisé dans le droit et les stratégies open source et rôliste

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd'hui sur les jeux de rôle libres.
N'hésitez pas participez à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l'émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Ce sujet a été préparé et sera animé par Luk. Avant de laisser la parole que j'ai une annonce importante à faire. Comme ailleurs, la domination masculine est un problème dans le monde informatique et dans les communautés libristes. Pour ne pas entretenir ce statu-quo, l'équipe éditoriale de Libre à vous !, dont je fais partie, a une politique explicite, inscrite dans sa charte éditoriale, visant à favoriser l'intervention, donc la valorisation des femmes présentes dans le monde du Libre. Cela veut dire, concrètement, prendre le temps de chercher des femmes compétentes sur un sujet et de les encourager à intervenir, le cas échéant.
Lors de la préparation de cette émission, j'étais convaincue d'avoir demandé à Luk de trouver au moins une personne femme à inviter pour parler des jeux de rôle libres. Je me suis rendu compte seulement il y a quelques jours, donc trop tard, que j'avais oublié de lui transmettre cette consigne. Je présente mes excuses pour cette erreur auprès de notre public.
Passons maintenant au sujet principal de l'émission d'aujourd'hui : jeux de rôle libres. Àtoi la parole Luk. Salut.

Luk : Merci et bonjour.
On va parler aujourd'hui de jeux drôles et de licences libres. Avant de présenter nos invités, je vais cadrer un petit peu le sujet.
Nous parlons de jeux de rôle sur table ou jeux de rôle papier crayon, c'est-à-dire une activité ludique qui se déroule autour d'une table avec un meneur de jeu, des joueurs, des dés la plupart du temps, et ce genre de choses. Le jeu de rôles est édité, il y a donc des auteurs qui vont écrire des jeux de rôle, les publier et certains d'entre eux vont faire le choix de les publier sous licence libre, parfois sous des licences pas tout à fait libres. C'est de cela dont nous allons parler aujourd'hui.
Autour de la table, nous avons Sébastien Célerin qui est éditeur de jeux de rôle, sa maison d'édition s'appelle XII Singes et For The Story, qui est une autre activité d'édition dont il va nous parler un peu plus en détail.
Nous avons également Amaury Bouchard qui tient le site rolis.net, ce site propose beaucoup de choses, notamment une bibliothèque de jeux rôle sous licence libre et sous licence libre moins libre, en tout cas de jeux de rôle légalement téléchargeables gratuitement, des scénarios multijoueurs sous licence libre qu’il édite lui-même, pour lesquels il va chercher des auteurs et également un magazine papier qui s’appelle <em<Rolis Mag et un logiciel de rédaction de scénarios multijoueurs.

Amaury Bouchard : Tout à fait.

Luk : Nous avons également Ludovic Schurr, alias Xyrop, qui est juriste spécialiste dans le droit et les stratégies open source, rôliste, évidemment, et blogueur.
Merci à vous trois d'être venus aujourd'hui pour parler de tout cela. Je voulais commencer par un petit panorama : qu'est-ce qui existe dans le domaine du jeu de rôle et des licences libres ? Amaury, j'ai regardé ton site. J'ai trouvé 71 jeux dans ton annuaire de jeux de rôle libres et j'en ai vu à peu près 14, après il y a des doubles licences donc c’est difficile de compter, mais j'en ai compté une bonne quinzaine sous licence réellement libre.

Amaury Bouchard : Oui, il y a quand même une majorité de jeux qui sont sous licence de libre diffusion, souvent du Creative Commons qui interdit soit la modification soit la commercialisation.
Il y a de grands exemples de l'utilisation des licences libres. Ça a commencé avec l'informatique, c’est là, d'où viennent les licences libres, et le deuxième grand exemple ce sont les jeux de rôle.
En France, on a commencé avec SimulacreS, qui a commencé avec une licence plus ou moins libre à une époque où personne ne savait que ça existait. Ensuite, Donjons et Dragons est arrivé, qui a popularisé la notion de licence libre.

Luk : SimulacreS, ça devait être fin des années 90. C’est ça ?

Amaury Bouchard : Fin des années 80, début 90, porté par le magazine Casus Belli. En tout cas, ça a commencé, on pourrait dire petitement, mais, l’air de rien, ça a eu un gros impact en France. Le fait que Donjons et Dragons soit passé à une licence libre a popularisé la notion auprès des rôlistes et c'est cela qui est intéressant parce que les licences libres s'adaptent extrêmement bien à ce qu'est le jeu de rôle, c'est-à-dire qu’à la base, quand on fait du jeu de rôle, on prend des œuvres, on les modifie, on les adapte, c'est polymorphe et ça convient extrêmement bien aux licences libres ; les deux matchent très très bien ensemble.

Luk : Tu as cité Donjons et Dragons qui a une licence spécifique, on va revenir en détail dessus.
Sébastien, tu as publié et tu publies des jeux de rôle et des jeux sous licence libre et moins libre.

Sébastien Célerin : En fait, quand je rencontre un auteur, nous avons une discussion sur ce qu'il souhaite faire. C’est vrai que le métier d'éditeur c’est de mettre en page, d'illustrer, de commercialiser, de diffuser et de faire la promotion. Des auteurs vous disent qu’ils souhaitent absolument que vous vous occupiez de tout, ils sont dans une relation de confiance ou ils sont dans un parti pris parce que ce qu’ils cherchent c'est l'édition. Et puis vous en avez qui vous disent « j'aimerais aussi que l'œuvre reste accessible de telle ou telle manière », donc on adapte les contrats.
Par exemple, sur les jeux de société inspirés du jeu de rôle, puisqu'il n’y a pas de meneur de jeu sur ce qu’on publie chez For The Story, en fait l'œuvre est une série de questions et des énoncés qui sont sur des cartes. Ces jeux sont d'abord proposés sur une interface de navigation sur un site web, c'est d'ailleurs comme ça que moi, en tant qu'éditeur je les trouve. Et quand on en fait un produit, c’est-à-dire qu’on met le texte sur les cartes, on les illustre, on choisit des moyens de production, on met en boîte, en fait on laisse l'œuvre sur le site, gratuitement à l'usage, comme c'était au départ, parce que c'est la volonté des auteurs qui sont dans cette mouvance-là. Par ailleurs, comme souvent dans le jeu, quand on fait ce genre de chose, ça a aussi une vertu pour l'éditeur. Je pense que si vous essayez via ce biais-là, et que ça vous plaît, si l'incarnation produite par l’éditeur vous plaît, vous irez, si elle ne vous plaît pas, vous continuerez à partager votre passion pour ce jeu et le bouche-à-oreille fera le reste.

Luk : On entend souvent une objection par rapport aux licences libres disant « si tout le monde peut le reprendre, le modifier, même le republier, alors je peux me faire dépouiller à n'importe quel moment ». En tant qu'éditeur, cela ne te pose pas de cas de conscience ?

Sébastien Célerin : En fait, la question n'est pas tellement si ça me pose un cas de conscience à moi, parce que, de toute façon, en tant qu'éditeur, je dis souvent que l'esprit du droit français c'est que l'éditeur travaille pour l'auteur. Le but de relation avec l'auteur c'est de trouver la forme adéquate pour lui faire rencontrer un public par rapport à ce qu'est l'image de ma société. Si lui, après, a des ambitions autres sur d'autres supports, même sur des supports similaires et qu’il veut d'autres débouchés, eh bien j'ai envie de dire que si je n'ai pas envie de m'associer à cette démarche-là, il ne faut pas que je lui propose un contrat. C’est donc assez simple.
Ensuite, tout le monde va revenir dessus. Le jeu de rôle c'est une activité de cocréation, c'est-à-dire qu’on prend un jeu, on y joue et très rapidement, dès les premières minutes en fait, on est amené à prendre des décisions, à avoir des arbitrages sur le déroulement de la partie parce que ce sont des jeux autogérés. Donc, en fin de compte, on est dans la création, dans la cocréation, dans la transformation immédiatement. Je pense que les gens qui ont choisi ce loisir-là sont, peut-être, plus ouverts, plus sensibles à cette démarche-là que les autres, même s'il y en a qui sont qui tiennent absolument à avoir des contrats très rigoureux, qui leur donnent beaucoup de gages sans qu'ils voient qu’ils leur donnent aussi beaucoup d'obligations.
Je pense que nous sommes une communauté qui de toute façon, dès le départ, a le goût du partage, ne vit que pour ça.

Luk : Ludovic, tu voulais réagir.

Ludovic Schurr : Je voulais réagir sur un point : cette question basée sur le fait de se faire dépouiller, déposséder en tant qu’éditeur, en tant qu'auteur, de ce qu'on a écrit. Il y a quand même un aspect important dans le jeu de rôle. Pour ceux qui nous écoutent et qui sont plutôt des libristes, qui sont, je pense, plus habitués aux logiciels qu'aux jeux de rôle, j'aimerais juste faire un point rapidement.
Le logiciel et jeu de rôle c'est un peu la même chose. Ce sont deux œuvres protégées par l'ordinateur, sur lesquelles il peut y avoir des licences, et qui proposent une mécanique, des algorithmiques qui sont, par elles-mêmes, non protégeables – sauf aux États-unis avec des brevets, et on en reparlera peut-être -, qui peuvent donc être protégées par l'auteur par des licences. Il n'y a pas de dépossession du jeu de rôle puisque, à partir du moment où on met une licence libre, en tout cas une licence un peu permissive qui permet de réutiliser le jeu de rôle, celui-ci va pouvoir être exploité par d'autres, d’autres éditeurs, d'autres auteurs. Ce qui va constituer une barrière à cette reprise c'est l'existence, ou pas, d'un SRD, d’un document de référence du système numérique. C’est-à-dire que si j'ai fait un jeu de rôle sur papier, avec une licence, mais qu’il n'existe aucune version physique, la barrière à l'entrée, pour recréer le jeu, va être de reprendre de texte, parce que je reprendrai le texte selon les conditions de la licence, et pour cela il faut que je le réécrive à la main ou je fasse un OCR et que je corrige tout. C'est un peu de travail, il y a une barrière matérielle à l'entrée.

Luk : D'accord. Aujourd'hui, pour vous, est-ce que le jeu de rôle sous licence libre est quelque chose qui vit vraiment,est un domaine qui a un peu son mouvement propre au sein du jeu de rôle ou est-ce que c'est quelque chose qui reste anecdotique ?

Amaury Bouchard : De ma vision, c'est souvent quelque chose de vu comme opportuniste. On va sûrement reparler du cas de Donjons et Dragons. Des initiatives sont prises, des auteurs comprennent les licences libres et mettent leurs œuvres sous licence libre, qui, parfois par chance, voient leurs œuvres qui intéresse d'autres personnes, soit les règles, soit la philosophie. Par exemple, les jeux Powered By The Apocalypse, ce ne sont pas des règles, ce n’est pas un système générique, en tout cas beaucoup de jeux se sont inspirés d'un même système et quand ça marche, on voit qu’il y a une communauté, ça fait parler. Donc des jeux qui, initialement peut-être, étaient sur une niche, se sont fait connaître grâce à la communauté que ça a généré, mais ça, on ne le sait jamais à l'avance.
Et sur la question tu posais juste avant, comment faire en sorte que les auteurs n'aient pas peur de se faire déposséder ou qu’un auteur ou un éditeur n'ait pas peur de vendre moins de livres de jeux de rôle parce que d'autres personnes pourront réutiliser soit ses règles soit son système complet ou même son univers ? Quand j'en parle avec des auteurs, je les pousse à ne pas mettre que le système, ne pas juste faire un SRD, mais vraiment essayer de mettre plus de choses sous licence libre. Si tu as une communauté de joueurs mais aussi une communauté de créateurs qui va enrichir ton jeu, enrichir ton univers, l'idée ce n'est pas de vouloir avoir toutes les parts de gâteau pour toi, c'est d'avoir un gâteau plus gros et c'est souvent un argument que les gens peuvent finir par comprendre.

Luk : Sébastien, peut-être.

Sébastien Célerin : Je pense qu'il y a des démarches de création qui sont très différentes. Vous avez des gens qui ont une œuvre qui leur est très personnelle, que ce soit un système de jeu, que ce soit un univers, même, des fois, des réflexions sur le dispositif. Tu disais en introduction, et c'est vrai que traditionnellement, dans les origines du jeu de rôle, il y a un meneur de jeu qui arrive avec ses règles, ses propositions de scénariser, les autres ont des personnages et, dans le dialogue, une fiction se construit. Mais, aujourd'hui, il n'y a pas de meneur de jeu, il y a des jeux de rôle où on n'est pas forcément des personnages, on a de grands concepts dans un monde ou dans un type de fiction.
Tous ces gens-là en fait, n’ont pas la même relation à leurs testeurs, à leurs premiers lecteurs et à leur public futur. C'est vrai que quand vous êtes dans une logique de cocréation, assez rapidement il y a des bonnes idées qui ne viennent pas de vous et ces licences libres permettent aussi de rassurer les contributeurs extérieurs du fait qu’il ne va pas y avoir de querelles sur ce qu'on fait ensemble.
Je pense que c’est très différent, que ça peut exister de cette manière et ça n’empêche pas un contrat d'édition. Encore une fois, dans le contrat d'édition, les auteurs disent à un éditeur « on vous cède le droit de faire de cette œuvre un objet physique ou un objet incarné, reconnu par le monde économique, commercial, dans un périmètre donné et où attend à la fois une belle incarnation – maquette, illustration –, mais aussi une mise sur le marché par rapport à des points de vente ». Donc l'œuvre peut très bien être en Creative Commons et ils peuvent très bien céder les droits à un éditeur, ils peuvent céder les droits pour un territoire, pour un périmètre différent, ils peuvent garder certains droits pour certains supports. Ces démarches sont donc très diverses en fait.

Luk : Très bien. Merci.
On a une question sur le scandale avec Wizard of the Coast et mon plan est extrêmement bien fait parce que c'était un peu le sujet que je voulais aborder maintenant. On a évoqué Donjons et Dragons qui est le jeu de rôle écrasant dans le domaine du jeu de rôle, en termes de pratiques, de ventes, etc. On pourrait faire une émission entière là-dessus parce qu’il y a il y a eu toute une affaire.
Ludovic, est- ce que tu peux nous nous nous parler un peu de toute cette histoire, dans un temps bref, ce qui est donc un défi à la mesure de ton talent ?

Ludovic Schurr : C'est un véritable défi, car il y a tellement à dire sur le scandale Wizard of the Coast/Hasbro, un scandale lié à Donjons et Dragons, qui va faire sourire beaucoup de libristes qui connaissent bien les problématiques du, on va dire le mot, freemium.
On a vu rapidement le panorama des jeux de rôle. Amaury l'a souligné, il encourage les auteurs à faire une libération totale, à utiliser les Creative Commons et, idéalement, pas forcément une Creative Commons qui n'est pas libre. On le sait les Creative Commons Non Commercial ou les Creative Commons Sans Modification ne sont pas des licences libres, ce sont des licences de libre diffusion, mais pas des licences vraiment libres au sens de la Free Software Foundation.
Je le donne en mille, Wizard of the Coast, en 2000, a choisi la licence OGL qui est une licence freemium, qui utilise des mécanismes de copyleft en même temps qu'elle les fusionne avec des mécanismes clairement de licence privatrice – pardon j'ai dit un terme stallmanien –, de licence propriétaire – Richard ne va pas aimer non plus –, on va dire de licence non libre qui va donc, globalement, faire une distinction entre ce qui relève de l'identité du produit, en clair les choses liées au monde de Donjons et Dragons, les royaumes oubliés, les noms des personnages, et ce qui est plus générique des univers d'heroic fantasy et ce qui concerne les règles. Les règles ne sont pas protégées par le droit d’auteur en tant qu'elles sont une algorithmique de règles de gestion, mais elles sont protégées par droit d'auteur à partir elles sont matérialisées sous une forme particulière.
Pourquoi est-ce que Wizard a fait ça en 2000 ? Wizard a fait ça parce qu’il avait racheté TSR, ancien éditeur de Donjons et Dragons, et son objectif était d'avoir une pénétration du marché extrêmement forte. On voit bien que lorsqu'on crée un logiciel libre, dans le monde informatique, il y a une pénétration très forte.
Cette mécanique de freemium, de freemiumisation de Donjons et Dragons, a très bien fonctionné. Il y avait, globalement, un système en trois étapes, trois étages de la fusée, n'importe quel éditeur ou auteur pouvait récupérer le système de règles et créer quelque chose dessus. S'il voulait avoir un peu plus de règles, un peu plus d'éléments venant de Donjons et Dragons, il devait passer un peu sous les fourches caudines de Wizard of the Coast qui voulait dire redonner une partie de ses bénéfices et de ses revenus à Wizard of the Coast, voire s’il voulait avoir le tampon Donjons et Dragons, il devait payer plus.
Le scandale dont on va parler vient juste après.

Luk : Je suppose qu’il devait payer plus et, en plus, qu’il ne pouvait pas mettre n'importe quoi dans son jeu, il fallait que ça reste dans les limites du raisonnable pour vendre et avoir un produit avec une image.

Ludovic Schurr : Exactement. Donc que se passe-t-il ? Wizard of the Coast a longtemps parié sur le fait que, comme ils n'ont pas tout mis en licence libre, ils ont tout mis en licence copyleft, aucun éditeur ne se lancerait dans le travail qui consiste à compléter tous les bouts qui manquent. Or, je ne sais plus à quelle date, 2006 je crois, Wizard of the Coast se fait racheter par Hasbro, ils ont une prolifération d'éléments.

Sébastien Célerin : C’est en 1996, désolé, je te coupe. La licence OGL est sortie en 2000, avec DD 3

Ludovic Schurr : Il y a une version 3.5, parce que Wizard of the Coast veut virer la prolifération des suppléments de mauvaise qualité. Ils font donc une nouvelle version, ils font un fork de leur propre partie libre du système – les libristes qui nous écoutent sauront de quoi il s'agit –, et ce fork aboutit à ce que la communauté va les suivre. Cela prouve que quelqu'un peut faire un fork de Donjons et Dragons, même si là c'était Wizard of the Coast, quelqu'un peut faire un fork du système et la communauté va suivre si c’est mieux-disant technique. Pareil, ça va beaucoup parler aux gens qui connaissent le monde du logiciel.
Que se passe-t-il maintenant, il y a un an ? Wizard of the Coast est revenu, a fait une version 4 de Donjons et Dragons dont nous ne parlerons pas, qui était sous une licence complètement propriétaire, qui n’a pas du tout marché, peut-être pour cette raison-là, et qui a poussé beaucoup de gens vers le fork qui avait fonctionné. C’est un éditeur, Paizo, qui a fait ce fork en fait très fort et très complet de Donjons et Dragons 3.5 et ça a poussé les gens vers Paizo.
Pour reprendre le contrôle, également pour prendre en compte des éléments qui n'existaient pas au moment où Donjons et Dragons 3 et 3.5 sont sortis que sont la monétisation des vidéos de parties sur Internet, sur des plateformes de vidéo. On voit de plus en plus de contenus monétisables basés sur Donjons et Dragons, des gens qui sont en train de jouer à Donjons et Dragons. À titre personnel, je ne vois pas l'intérêt, mais il y a des gens à qui ça rapporte de l'argent, et puis il y a des versions de Donjons et Dragons, des jeux vidéo et ainsi de suite.
Pour faire cela, il y a une nouvelle licence, la OGL 1.1 qui est sortie, qui a vraiment déclenché un tollé puisqu'elle avait deux particularités : elle était limitée complètement aux œuvres dérivées textuelles et illustratives, on oublie donc la partie vidéo, jeux vidéo, parties en ligne, et surtout, elle mettait non plus une distinction sur ce qui est copyleft ou pas copyleft, elle mettait une distinction entre le commercial et non-commercial. Et,globalement, à peu près tout était commercial, ce qui fait que dès qu'il y avait le moindre début de commencement de centimes de revenus, on passait dans le domaine commercial. On n'avait pas forcément à payer à Wizard of the Coast, en revanche les droits de toute œuvre dérivée de Donjons et Dragons étaient automatiquement cédés, de manière non exclusive, mais quand même concédés à Wizard of the Coast, qui pouvait donc contrôler les revenus – il y avait aussi une clause de contrôle des revenus –, contrôler les revenus des éventuels forks, d'éventuels éditeurs ou auteurs qui voudraient faire une version de Donjons et Dragons, contrôler l'essor de leurs ventes et puis aussi, tout simplement, contrôler le contenu, le reprendre, l’intégrer à nouveau dans Donjons et Dragons et étouffer dans l’œuf tout concurrent potentiel. C’était vraiment la licence anti-Paizo. Ça fait un tollé, ils ont énormément rétropédalé, mais le mal était fait.

Luk : Il y a donc vraiment une logique hégémonique dans cette évolution.
À l'époque, quand il y avait eu l’OGL au début, mon sentiment c'est que déjà il y avait un peu cette volonté d'écraser tout ce qu'il y avait autour. Sébastien, est-ce que tu valides mon hypothèse ?

Sébastien Célerin : Il faut revenir un peu en amont sur ce cas-là. En fait, dans l'histoire de Donjons et Dragons, plusieurs entreprises l'ont produit, contrôlé, maîtrisé. Dans le les éditions précédentes, il y a eu des querelles entre les propriétaires de l'entreprise, les éditeurs du jeu, les éditeurs de certaines versions du jeu. Ces querelles sont passées dans le domaine public. Le jeu de rôle étant une activité de bavardage, le bavardage ne s'arrête pas à la table de jeu et, très vite, les choses filtrent. Le jeu drôle est un milieu où on a des ???[35 min 50] avant même que le mot existe. Il y avait donc, dans la communauté, et même chez les gens qui étaient amenés à proposer des contenus d’heroic fantaisy cette idée que, de toute façon, dès qu'on commence à toucher de près ou de loin à ce qui ressemble à Donjons et Dragons, les propriétaires de ce jeu nous attaquent et nous font des procès avec le droit américain. Par exemple ils disent « on est basé Seattle, vous devrez venir à Seattle pour vous défendre et on va organiser la procédure de sorte que vous choisirez pas à quel moment vous devrez venir. Vous recevrez régulièrement des injonctions pour produire une documentation et, en fait, ça va vous générer des frais d'avocat qui fot que c'est perdu d'avance. »
Quand Wizard of the Coast prend le contrôle de Donjons et Dragons, ils ont cette idée que c’est préjudiciable, qu’il faut mettre un terme à tout cela et qu’il faut envoyer un signal très fort sur le fait que c'est du passé et plus personne ne se comportera comme ça avec un ??? [36 min 40]. En même temps, ils sont un peu dans le creux de la vague, ce qui fait qu'une autre entreprise aussi florissante que Wizard of the Coast dans le jeu, aussi spécialisée, peut se payer Donjons et Dragons, alors que c'est le gros succès de jeu de rôle et de la littérature interactive imprimée dans monde anglo-saxon, c'est bien que cette entreprise avait des difficultés et qu'elle était achetable. Leur objectif c'est de se dire « il faut qu’on pérennise à nouveau ce loisir », parce que les gens de Wizard of the Coast, y compris Magic, viennent aussi de là, donc ils ont une relation affective qui est de se dire « rendons à  Donjons et Dragons sa gloire passée et faisons en sorte que ce qui nous colle aux baskets disparaisse, créons une opportunité pour que tout le monde ait envie de nous aider ». C’est en cela que l'idée licence libre va arriver parce que ça paraît être le bon outil pour se remettre bien copain avec tout le monde, mais en ayant une arrière-pensée. À ce moment-là, Wizard of the Coast sait déjà qu’ils sont en négociation pour vendre leur entreprise à un géant du jouet, ils ne savent pas encore qui, donc ils ont aussi le souci de s'assurer que, d'une certaine manière, Donjons et Dragons sera protégé de ses prochains propriétaires et que leurs liens avec la communauté resteront parce que c'est ça qui les préoccupe aussi beaucoup.
Je pense qu’il y a eu des intérêts, des objectifs pas forcément faciles à concilier et après ce sont des hommes comme les autres, les directions changent, les gens en responsabilité bougent, il y a des maladresses et puis, à un moment donné, Donjons et Dragons devient extrêmement fort, sous un nouveau propriétaire, au point que dans le contrôle de gestion il arrive à un niveau où ce sont d'autres gens du groupe qui regardent et qui trouvent que s'il y a eu cet effet de levier, on doit pouvoir monétiser encore plus fort et leur licence, qui n'est pas libre, ne leur permet pas en fait. Pendant ce temps-là les phénomènes digitaux se sont beaucoup développés et, effectivement, il y a des gens qui brassent des millions de vues, monnayent leur audience, font de la publicité, des produits dérivés avec leurs dérivés de dérivés de cette licence et les propriétaires de Donjons et Dragons se demandent « comment se fait-il qu'on ne touche pas notre part ? »

Luk : Tout à fait, Amaury, tu voulais réagir.

Amaury Bouchard : Pour compléter un petit peu, déjà en donnant des informations que j'ai glanées. Quand TSR éditait Donjons et Dragons avec Advanced Dungeons and Dragons, il y avait une gamme qui était pléthorique, avec plein d'univers et énormément de livres qui se cannibalisaient entre eux : il n'y a pas plus de joueurs, mais les joueurs acheter les livres, ça coûtait très cher à maintenir. La réflexion de se dire « ce qu'on veut vendre c'est le triptyque guide du joueur, guide du maître et bestiaire monstrueux qui est ce qui nous rapporte de l'argent. Par contre, un jeu comme Donjons et Dragons doit avoir des univers, faisons en sorte que ce soit les autres qui prennent le risque financier d’éditer les univers et tout le monde sera content ». C'est effectivement ce qui s'est passé et ça a très bien marché. N'empêche que le redémarrage du jeu de rôle, dans les années 2000, là où dans les années 90 ça c'était quand même cassé la gueule, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, ça a été grâce à ça. On peut dire que c'est un peu artificiel mais c'est quand même grâce à ça.
Je reproche qu’ils aient créé une licence qui s'appelle l'Open Game License, qui semble dire que c'est une licence libre faite pour les jeux en général, alors que c'est vraiment fait très spécifiquement pour les besoins de Donjons et Dragons. Si on fait une avance rapide, Hasbro, qui avait racheté Wizard of the Coast, a eu des problèmes financiers, a quand même licencié 1000 personnes, à une vache près, il y a un an, donc, forcément, on peut imaginer qu’il y a sûrement des financiers qui sont entrés dans la boucle et, comme ça a été dit, on se rend compte que c’est quand même Paizo, le gros, qui a réussi à tirer les marrons du feu et ils ont dû se dire « l'argent qu'il gagne c'est l'argent qui devait nous revenir, donc on va changer des choses ».

Luk : C’est le mécanisme de merdification. Je ne sais pas si vous connaissez, c'est un sujet de Cory Doctorow.
Ludovic, veux-tu dire quelque chose ? On va bientôt faire une pause musicale, mais si tu veux, rapidement.

Ludovic Schurr : J’entends bien, je partage complètement les points de vue de mes compagnons. Le point que j'aimerais préciser c'est qu'une erreur a été faite, je pense, à un moment, par un juriste quelque part en écrivant la licence OGL 1.0, qui a vécu plusieurs versions, qui est liée au droit américain. Est-ce une erreur ou pas ? C’est une grande question. Sébastien a raison : on voit bien que les gens qui ont créé Donjons et Dragons troisième édition, 3.5, quand ils ont créé la licence OGL, ils ont dit l'import c’est qu'elle soit perpétuelle, que les gens puissent continuer de le freeser. Qu'est-ce qui prouve ? Il y a un article, l'article 9 de la licence OGL, qui dit que dans le cas de la mise à jour de la licence, Wizard of the Coast et ses agents désignés peuvent publier des versions de mise à jour cette licence et on peut utiliser n'importe quelle version de cette licence pour copier, modifier, distribuer tout contenu qui soit ouvert, distribué à l'origine sous n'importe quelle version de cette licence. Ça veut dire, théoriquement, que la licence OGL soit en version 2, version 3, version 99 ou version 2055, de toute manière n'importe qui peut prendre n'importe quoi. C'est un juriste de Hasbro qui est revenu en arrière, qui a déclenché ce scandale, en disant « il y a un mot important, c'est version « autorisée » de la licence. On va dés-autoriser la licence pour éviter cette compatibilité ascendante et descendante de toutes les licences et de tous les contenus entre eux et, en faisant ça, on va pouvoir imposer une nouvelle licence ». On a vu que ça n'a pas fonctionné.

Luk : Très bien. On ne l'a pas mentionné : aux États-Unis beaucoup d'argent circule dans le jeu de rôle, ce qui n'est pas le cas en France, donc, évidemment, les enjeux ne sont pas les mêmes.
On va faire une petite pause musicale. Vous allez souffrir parce que le titre de la chanson est en allemand et ça fait très longtemps que je n’ai pas parlé allemand.
Nous allons écouter Die gro​ß​e Liebe, le grand amour, par Die Leere im Kern deiner Hoffnung, sous licence CC By SA 3.0.

Pause musicale : Die gro​ß​e Liebe par Die Leere im Kern deiner Hoffnung.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter, c’est Luk qui va le dire.

Luk : Tu ne veux pas essayer ? Tant pis ! Die gro​ß​e Liebe par Die Leere im Kern deiner Hoffnung, désolé pour les germanophones, disponible sous licence libre Creative Commons.
Nous sommes sur Cause Commune, ce que je n’ai pas mentionné tout à l’heure.

[Jingle]

Deuxième partie 46’ 10

Luk : Nous sommes de retour