Émission Libre à vous ! sur Cause Commune du 16 janvier 2024

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 16 janvier 2024 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Jean-Christophe Becquet - Anca Luca - Gee - Magali Garnero - Frédéric Couchet - Julie Chaumard à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 16 janvier 2024

Durée : 1 h 30 min

[URL Podcast PROVISOIRE]

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous dans Libre à vous !.
C'est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d'informations et d'échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.

Première émission de l'année 2024, l'occasion de vous souhaiter une belle année et nos meilleurs vœux de santé, bonheur, succès, solidarité et liberté pour vous et vos proches.
L'occasion, également, de remercier les personnes qui ont participé à la campagne de financement participatif de la radio Cause Commune fin 2023. Un grand merci pour votre soutien. L'objectif initial a été atteint et même un peu dépassé cela permet ainsi d'augmenter le budget de la radio au-delà du minimum vital et de respirer encore un peu mieux. Cela fait vraiment plaisir et c'est aussi un encouragement à continuer à proposer des émissions sur radio Cause Commune, la voix des possibles. La gestion des contreparties va être organisée dans les semaines qui viennent, ne vous inquiétez pas.

Passons au programme de l'émission.
« Parcours libriste » avec Anca Luca, l'occasion d'en savoir plus sur une personne très active dans le monde du logiciel libre et des données ouvertes, ce sera le sujet principal de l'émission du jour. Avec également au programme la chronique de Gee sur Mickey dans le domaine public, en fin d'émission, et aussi la chronique de Jean-Christophe Becquet sur Markdown & vous

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.

Nous sommes mardi 16 janvier 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, Julie Chaumard. Bonjour Julie.

Julie Chaumard : Bonjour depuis la régie.

Frédéric Couchet : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet - Markdown & vous

Frédéric Couchet : Nous allons commencer




Parcours libriste avec Anca Luca

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal intitulé « Parcours libriste » qui doit être, de mémoire, le quatrième. L'idée étant d'inviter une seule personne pour parler avec elle de son parcours personnel et professionnel, un parcours individuel, mais qui va, bien sûr, être l'occasion de partager messages, suggestions et autres.
Notre invitée du jour est Anca Luca, directrice technique de l'équipe service client de la société XWiki, présidente bénévole d’Open Food Facts, on rentrera, bien sûr, un peu plus en détail tout à l'heure dans l'émission, et l'interview va être menée par la présidente de l'April, Magali Garnero.
Je vous laisse la parole. C’est à vous.

Magali Garnero : Salut Fred. Salut Anca.

Anca Luca : Salut Magali. Salut Fred. Salut tout le monde.

Magali Garnero : Ça me fait super plaisir de t'avoir avec, parce qu’on a discuté, avant l'émission et on s’est rendu compte qu'on se connaît depuis plus de dix ans, c'est rare !

Anca Luca : C'est bien. C'est normal de connaître les gens depuis longtemps.

Magali Garnero : Je vais faire ma petite vieille. Nous nous étions rencontrées lors des Soirées de contribution au Libre, organisées par Parinux et, à l'époque, ça se passait à la FPH, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès humain. À l’époque, j'étais trésorière de Parinux, j'organisais ces Soirées de contribution. Tous les jeudis soir, on se réunissait à plusieurs geeks et on faisait de la contribution sur plusieurs logiciels. Moi c'était plutôt pour faire des trucs de l'April. Toi, tu es venue une fois et c'était pour Open Food Facts. C’est quoi Open Food Facts et comment es-tu venue à ça ?

Anca Luca : Tout à fait. Open Food Facts est un projet de créer une base de données libre des données alimentaires, des informations alimentaires, c'est-à-dire tout ce qu'on retrouve sur les étiquettes des produits alimentaires dans les supermarchés et partout où ça se vend. On recueille tout ça, on scanne tout ça et on le met dans une énorme base de données libre. C'est important que ce genre de données soit libre parce que, en réalité, ça appartient à tout le monde, il y a plein de lois qui légifèrent sur ce qui doit être écrit sur les étiquettes pour informer le public. Par contre, le traitement, on va dire massif, de ces données ne peut pas se faire produit par produit, donc c'est très important d'avoir une base de données de la totalité et c'est extrêmement important que cette base de données soit libre parce que c'est, en réalité, un bien commun. C'est ça le projet Open Food Facts.
Je l'ai découvert parce que j'aime la nourriture.

Magali Garnero : Nous aussi on aime la nourriture, la bonne nourriture.

Anca Luca : Non seulement j'aime la nourriture, manger, mais la diversité, les goûts, les goûts différents, ce que les gens mangent là-bas, le fait que la nourriture c'est, en réalité, un moment de partage parce qu'on mange avec d'autres gens et on discute avec eux, on mange en famille ou on mange avec des gens qu'on ne connaît pas les plats de leur pays, par exemple de leur culture, et on découvre pas mal de choses. C’est donc cette diversité qui est dans la nourriture me plaît.
J'avais découvert ce projet-là dans des salons du Libre. Stéphane Gigandet, le fondateur de la base de données, venait sur les salons. Il y avait toujours de la bouffe sur les stands. Je pense que la première fois j’y suis allée pour voir les fraises Tagada et j'ai découvert ce projet. Je l'ai croisé plusieurs fois avant de rentrer dans le projet, on va dire, et, à un moment, donné quelqu'un m'a ajoutée sur un chat

Magali Garnero : Est-ce qu'on peut dénoncer ?

Anca Luca : On va dénoncer, parce que ce n'est pas une dénonciation – plein de mots anglais me viennent, je vais essayer de trouver les mots français qui correspondent –, c’est plutôt un hommage à Pierre Slamich et à son travail pour construire des communautés, trouver des gens, ajouter des gens, inclure des gens dans des projets. C'est assez spectaculaire de voir comment ça se passe, ça passe par plusieurs méthodes, plusieurs techniques, et il arrive à trouver pas mal de gens, il arrive à les inclure dans les projets. Ça doit être lui qui m'a ajoutée sur un chat du groupe et sur ce chat j'ai découvert qu’il était annoncé « il y aura une contribution à la FPH », c'était plutôt sous forme de spam ! Il se trouve qu’à un moment donné, un soir de novembre, j'ai décidé d'y aller, j'ai décidé d'aller rencontrer les gens qui faisaient l'application. J'avais déjà un compte, je contribuais déjà à des produits, je scannais déjà des produits. La manière dont ça se passe c'est qu'on scanne les codes-barres des produits alimentaires avec son téléphone mobile, on retrouve les informations et, s'il y a des informations manquantes, on les copie des étiquettes des produits. À l'époque on les copiait, aujourd'hui on sait faire mieux, on prend des photos, on laisse le robot faire parce que la technologie est passée à une autre époque depuis dix ans.

Magali Garnero : C’est merveilleux !

Anca Luca : Je suis allée aux soirées de contribution, je pense que je n'ai pas écrit une ligne de code de contribution. À cette occasion, j'ai également découvert qu’écrire du code sur un coin de table, ce n'est pas mon super pouvoir, pas sur un coin de table !

Magali Garnero : Directement sur le clavier avec un ordinateur.

Anca Luca : J'écris du code pour la prod, direct, j'ai envie de dire.

Magali Garnero : Tu ne testes pas, tu as confiance !

Frédéric Couchet : Peux-tu expliquer ce qu’est la prod ?

Anca Luca : La prod c'est ce qu'on appelle la production, c'est le serveur de production, c'est-à-dire directement ce qui va être utilisé par les gens. Il n'y a pas de prototype, il n'y a pas de test : c'est un petit essai, on verra si ça marche ou pas ; la prod c'est le truc qui doit tenir debout. En fait je teste, je ne mets pas en prod de code que je ne teste pas, mais justement, parce que je teste, on ne peut pas le faire sur un coin de table, on ne peut pas le faire en 30 minutes. Ça va prendre trois heures parce qu'il y aura toutes les vérifications nécessaires, plus trois couches supplémentaires de vérifications de la vérification.

Magali Garnero : Les soirées de contribution ne duraient pas trois heures !

Anca Luca : Exactement, c'était bien le problème.
À cette occasion-là, j'ai découvert que mon super pouvoir n'est pas celui-là, du code écrit vite, un prototype, etc. Par contre, le projet me plaisait beaucoup, j'ai fait des présentations du projet, de la communication autour du projet, j'ai tenu des stands. Nous sommes allées ensemble au Village associatif à Beauvais, je ne me rappelle plus ce que c'était.

Magali Garnero : C'étaient Les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, à Beauvais.

Anca Luca : Les Rencontres Mondiales ? C'est possible. Je ne me souviens plus quel événement c’était.

Magali Garnero : Ça dépend si les bonbons c'étaient des Tagada ou des bananes ou des…

Anca Luca : J'ai tenu beaucoup de stands, j'ai fait des présentations, je suis restée proche du projet. À la base, je voulais contribuer du code, des fonctionnalités autres que ce que je faisais au travail, on va en parler plus tard, potentiellement, et c'est devenu plutôt de l'activité beaucoup plus de communication qu'autre chose.

Magali Garnero : C'est vrai que pendant les Soirées de contribution on passait une heure à discuter en mangeant et puis on passait une heure à discuter sans manger.

Anca Luca : On passait dix minutes à scanner tous les produits que les gens apportaient.

Magali Garnero : Tu venais avec tes courses.

Anca Luca : On venait avec un petit goûter, on scannait tout et après on mangeait.

Magali Garnero : On mangeait avant, après. C’est vrai que j'ai goûté des choses assez originales, y compris des produits qui ne venaient pas de France puisque la base de données était assez vaste. Je me souviens de bonbons infects, je me souviens de petits gâteaux, avec inscriptions sur les boîtes en langue étrangère. C'est mémorable.

Anca Luca : OK. On ne va pas nommer de pays, on ne va pas insulter la cuisine d'autres pays.

Magali Garnero : Dans combien de pays cette base de données existe-t-elle ?

Anca Luca : Tous les pays. Je ne connais pas le nombre de produits dans chaque pays. Le principe du projet c'est d’être un projet international et mondial. Il n’y a pas besoin de faire quelque chose de spécifique pour que ça soit applicable dans un autre pays : on scanne un produit, on dit qu'on l'a acheté là-bas et ça devient le premier produit de là-bas.
Il y a une carte. Je me souviens d’une carte qu’il y avait sur le site, avec les pays en couleur en fonction du nombre de produits dans chaque pays. Effectivement, la France était en bleu le plus foncé qu'on avait, mais je pense qu'il n'y a pas d'endroits blancs, peut-être la Corée du Nord, uniquement, je ne sais pas si quelqu'un a scanné des choses de Corée du Nord. Je ne sais pas s’il y a un truc à scanner, si ça se trouve ils n'ont pas de code-barres, je ne sais pas comment ça marche.

Magali Garnero : On ne sait pas. Si quelqu'un sait, qu'il n'hésite pas nous le dire sur le chat de l'émission, comme ça on pourra apporter cette information à tout le monde.
Tu dis que tu ne faisais pas de code, que tu faisais beaucoup de communication, mais j'ai cru voir, dernièrement, que tu fais plus que de la communication, que tu as un poste assez enviable.

Anca Luca : Oui. Il s'est passé des choses, d'ailleurs c'est assez beau comme histoire. Entre-temps, le projet Open Food Facts, qui une association loi 1901 pour raconter un peu le la structure juridique, a eu des financements, des projets financés, des sous pour financer le développement de ce projet qui, à la base, au début, était complètement 100 % bénévole. Il y avait zéro revenu, tout était collecté par les contributeurs qui installaient l'application, qui scannaient les produits et qui remplissaient la base de données de produits d'Open Food Facts.
On a eu des financements, donc on a eu un peu de budget. Une des premières questions qu'on s'est posées c'était d’essayer d’avoir une équipe permanente, plutôt dans le sens de rémunérer les gens qui passaient déjà tout leur temps à faire ça. Il y avait déjà des gens, dans le projet, qui n'avaient pas vraiment d'autre activité ou qui avaient peu d'autres activités en dehors d'Open Food Facts donc qui passaient beaucoup de leur temps quotidien à travailler pour ce projet, à mettre leur énergie dans ce projet, et qui n'étaient pas rémunérés par le projet. On s’est dit que cela restait quand même un peu fragile : si jamais ces gens-là ont besoin de manger, comme tout le monde, ils vont devoir prendre un job, ils vont avoir moins de temps, etc. Donc, si on peut les rémunérer pour créer un commun et cela fait partie de mes convictions : pour moi il n'y a pas de commun, il n'y a pas d'open source, il y a pas de Libre qui puisse se matérialiser avec de l'eau claire, ça ne peut pas marcher ce n'est pas sustainable ! Beaucoup de risques sont associés au fait qu'on laisse les communs être produits par des gens qui font ça sur leur temps libre.

Magali Garnero : D’accord. Du coup, vous avez embauché des salariés ?

Anca Luca : On s'est posé la question d'avoir une équipe permanente et, dans les statuts de l'association, le président ne peut pas être rémunéré, donc Stéphane dû laisser son poste de président. Le prochain sur la liste, bien placé parce que très actif dans l'association à l'époque, était Pierre, il était aussi sur la liste des personnes à embaucher, donc pas lui non plus comme président. Il y avait besoin d'un président, donc je me suis présentée aux élections et je suis présidente d'Open Food Facts depuis, je ne me souviens vraiment pas, ça doit être 2017/2018.

Magali Garnero : Avant le Covid.

Anca Luca : Avant le Covid ! Oui ! Carrément !

Magali Garnero : D'accord. Du coup tu deviens présidente pour que Stéphane et Pierre soient embauchés. Vous avez d'autres salariés depuis ?

Anca Luca : On a beaucoup d'autres salariés depuis parce qu'on a aussi beaucoup d'autres financements. On a eu un très gros financement de la part d'un acteur qui fait partie des GAFAM, dont on ne va pas prononcer le nom, par son programme de financement des communs. En fait, ce n’est même pas un programme, on va prononcer quand même le nom, Google.org Impact Challenge, c’est un projet qui vise à financer des associations qui ont un impact sur le monde.

Magali Garnero : Qui vont changer le monde !

Anca Luca : Exactement, qui changent le monde, qui rendent le monde meilleur. C'est un peu grand comme ça, mais ça correspond au personnage, on va dire à sa vision. On a donc eu un financement, ce n'était pas notre premier financement. Par exemple Santé publique France était avec nous, c'est un de nos premiers financeurs avec lesquel on a travaillé quasi depuis le début. On avait donc déjà des acteurs en France qui nous faisaient confiance. Ce financement par Google.org Impact Challenge a été assez spectaculaire et nous a permis d'avoir une équipe permanente assez intéressante et, aujourd'hui, ils font un travail extraordinaire à Open Food Facts. Je dis « ils font » parce que je suis présidente, mais que ce soit très clair, à part signer des papiers, je ne bosse pas, ce sont les permanents qui font la plupart du travail, les permanents et les contributeurs. Donc, tout ce que vous voyez comme résultats sur Open Food Facts, c'est le travail des permanents d'un côté et des contributeurs bénévoles qui contribuent dans la data sur leur temps libre, qui corrigent de la data, de la donnée.

Frédéric Couchet : Je vais faire un peu de bruit, je vais me lever pour mettre le chauffage. Le directeur d'antenne de la radio me rappelle qu'on peut allumer chauffage.

Magali Garnero : Est-ce que tu aurais une idée du nombre d'employés et de contributeurs/contributrices qui participent à ce projet ?

Anca Luca : Non, je n'ai pas préparé le sujet, je suis désolée.
En termes d'employés, je pense qu'on doit être à 7/8/10, quelque chose comme ça. Il y a des CDI, des CDD. On essaye de voir comment on transforme tout ça en CDI, de préférence. Le financement d'un tel projet c'est un sujet, d'ailleurs c'est un des sujets qui m'intéresse beaucoup, le financement du Libre, de l'open source et des communs. C’est une sorte de justice qui doit être restaurée dans le monde : mettre de l'ordre dans les choses et dans les valeurs du monde doit être fait par le financement du Libre et des communs. On va peut-être en parler plus tard. Le fait que l'open source soit gratuit ou que le Libre soit gratuit…

Magali Garnero : C’est indispensable !

Anca Luca : C'est peut-être indispensable, mais c'est aussi un piège. La gratuité veut dire que, potentiellement, on ne reconnaît pas le fait qu'il y a des gens qui bossent pour faire ça, pour rendre ça possible. Comme il y a des gens qui travaillent pour rendre ça possible, si on dit que ces gens-là vont travailler sur leur temps libre pour rendre ça possible, qu'ils ne sont pas rémunérés, que c'est gratuit, ça enlève de la valeur, ça enlève fondamentalement de la valeur à ces choses-là, à ce travail-là, pourtant il y a probablement bien plus de valeur dans ce travail-là que dans un travail très rémunéré qui n’est pas Libre ou qui est dans un autre contexte. Pour moi, c'est important d’établir cette relation entre le financement et le résultat qui est le code libre, qu'il y ait une chaîne entre les deux et que cette chaîne fonctionne pour, justement, reconnaître la valeur de ce qui est produit.

Magali Garnero : La valeur du travail, en fait.

Anca Luca : Oui. C'est philosophique ! Du travail ou de ce qui est produit.

Magali Garnero : On dit que le mot « travail » vient de « souffrir », effectivement ce qui est produit.

Anca Luca : C'est une bonne question, c'est-à-dire que si les gens mettent de l'énergie, mais n'arrivent pas à un résultat tangible ou ils mettent de l'énergie dans l’exploration d'une nouvelle idée qui ne mène nulle part, est-ce que cette énergie-là mérite rémunération ou pas vu qu'il n'y a pas de résultat ? Probablement oui, parce qu'il y a quand même un résultat quelque part, il y a un effort, il y a une énergie ; quelqu'un a mis son être pour essayer de produire quelque chose.

Magali Garnero : Je me pose souvent cette question : toi, jeune femme, dans les années 2010, tu viens dans cette communauté libriste pour rencontrer les gens d'Open Food Facts, qu’avais-tu comme bagage scolaire, diplômes et compagnie pour avoir ce courage-là ?

Anca Luca : Le courage ! Hou !
Je viens de Roumanie, je suis roumaine, d'ailleurs j'aime bien dire que je suis roumaine plutôt que je viens de Roumanie. Je considère que je suis roumaine ou française ou autre chose à partir du moment où je n'ai pas besoin qu'on m'explique la culture de ce pays-là, la culture et la société. J'ai vécu en Roumanie jusqu'à 26 ans, donc je n’ai pas besoin qu'on m'explique quoi que ce soit. Je comprends, je sais, j'ai les références, j'ai les blagues j'ai la langue, j'ai tout ça.
J'ai fait toutes mes études là-bas, j'ai fait des études à l'université – le système est complètement différent, d'ailleurs je ne comprends pas le système français des études et tout ça, les écoles, les universités, les trucs, c’est compliqué ! J'ai donc fait des études d'informatique à l'université, en Roumanie, quatre ans, puisque ce n'était pas aligné avec le système européen, donc j'ai fait quatre plus deux années de master. Lors de ma deuxième année de master, j'ai fait un échange Erasmus. Erasmus c'est génial ! J’ai fait un échange Erasmus à l'Université de Strasbourg, donc j'ai eu ce contact avec la France, mais, même avant ça, j'avais commencé à travailler pour une boîte française, on va peut-être parler de ça après, donc j'avais des contacts avec la culture française.
J'ai fait cet échange Erasmus à Strasbourg, j'ai fini mes études en Roumanie, j'étais assistante travaux pratiques à l'université, en Roumanie, dans ma fac, sur les sujets de technologie web.
Mes études ce sont ces études d’informatique. C'est une informatique très logicielset théorique. On n’a jamais soudé deux circuits ensemble. Pas de matériel du tout, on a fait plutôt maths, algorithmique et logiciels.

Magali Garnero : D'accord. Donc tu développes des logiciels ? Tu maintiens des logiciels ? Pour les noobs, pour les gens qui savent connaissent rien en informatique, que fais-tu exactement ?

Anca Luca : Je suis développeuse, à la base, c’est mon métier. Je développe des logiciels et après, de ce métier-là, on évolue dans différentes directions en fonction de son travail, de son poste, de la situation et de ce qui plaît, finalement. Donc mon métier, aujourd'hui, c'est architecte de solutions chez XWiki SAS. On va peut-être en parler après.

Magali Garnero : Après la pause musicale. Je ne sais pas dans combien de temps tu veux lancer la pause musicale.

FrédéReic Couchet : Tout dépend si vous voulez une pause ou pas.

Magali Garnero : On fait une pause musicale.

FrédéReic Couchet : Dans cinq/six minutes.

Magali Garnero : D’accord. Du coup on parlera de XWiki après. Je reviens sur Open Food Facts, est-ce que vos employés continuent à biper des codes-barres ou à photographier des paquets de produits alimentaires ?

Anca Luca : Les employés et les contributeurs également : on bipe, on photographie, on fait toutes ces choses-là. Depuis quelques années, on a aussi créé une plateforme producteurs sur laquelle les producteurs de l'alimentaire peuvent venir contribuer à leurs données parce que, eux, ont déjà les données, la liste des ingrédients de tous les produits qui sont produits par une marque de jambon, par exemple. On a voulu la mettre en place et on l’a mise en place. D'ailleurs, c'était un financement de projet par un de nos partenaires, je me demande si ce n'était pas Santé publique France, j'espère je ne me trompe pas, pour construire cette plateforme producteurs sur laquelle les producteurs peuvent venir et contribuer directement leur base de données. On a donc réussi à convaincre les producteurs à venir contribuer à une base de données libre.

Magali Garnero : C'est génial ça !

Anca Luca : C'est génial. Le projet Open Food Facts, pas uniquement, il y a d'autres projets, dont je vais pas prononcer le nom, qui ont contribué à ce changement du regard sur l'alimentation. On a insisté, on a toujours tenu à ce côté libre et à ce côté fact finalement. On peut faire plein de choses avec la donnée, ce qui est important c'est de l'avoir et de l’avoir en Libre avec le droit de l'utiliser et le droit de faire des choses avec. C'est cela qu'on a construit. Plein de changements sont liés à toutes ces discussions autour de l'alimentation qu'on a eues ces dernières dix années et Open Food Facts a contribué à ça, a contribué à ce changement de regard, surtout par le Libre : la donnée appartient à tous, on a tous le droit de l'utiliser, il faut qu'elle existe sous une forme qui permet à tout le monde de l'utiliser. Et les producteurs viennent, contribuent et ils enrichissent la base de données.

Magali Garnero : Est-ce que vous savez combien de personnes utilisent votre base de données libre ? Est-ce qu’il y a un moyen de savoir ? Est-ce que des gens s'en vantent ? Des gens pas bien qui l'ont fait ?

Anca Luca : Utiliser la base ? Des applications ont utilisé la base, par exemple l'application Yuka qui est connue un peu partout, qui a été très connue, il y a eu plein de téléchargements, plein d'installations, plein de présence dans la presse et dans les médias. À la base, cette application a été construite sur notre base de données libre. Comme la licence de la base de données libre dit qu’à partir du moment où on construit des données, où on ajoute des données par-dessus des données libres, ces données qu'on ajoute par-dessus doivent également être libres, ça a permis d’enrichir la base de données. Donc la licence libre, la licence ODbL nous a aidés ou a aidé, on va dire, les communs à être enrichis par tout utilisateur potentiel de la base de données. C'est pour cela que c'est intéressant d'avoir une bonne licence.

Magali Garnero : Effectivement.

Frédéric Couchet : Avant la pause musicale, on va juste préciser : ODbL, Open Database License, donc licence de données ouvertes. Voulez-vous ajouter quelque chose avant la pause musicale ? Tu es la cheffe, Magali.

Magali Garnero : Je sais Fred ! Tu peux lancer la musique.

Frédéric Couchet : OK. Juste avant la musique, avant que j'oublie, si vous voulez en savoir encore plus sur Open Food Facts, je vous renvoie l'émission 44 de <em<Libre à vous ! avec, déjà, Anca Luca et Pierre Slamich, c'était en 2019, c'est sur libreavous.org/44.
En attendant on va faire une pause musicale. Nous allons écouter I Did the Thing I Said I’d Never Do par Chris Zabriskie. On se retrouve dans deux minutes dix. Belle journée à l'écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : I Did the Thing I Said I’d Never Do par Chris Zabriskie.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter I Did the Thing I Said I’d Never Do par Chris Zabriskie, disponible sous licence libre Creative Commons Atttribution, CC By 4.0

[Jingle]

Deuxième partie 39’ 50

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre