Différences entre les versions de « Émission Libre à vous ! du 9 mai 2023 »

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== Illustration du concept de « <em>low-tech</em> » par LOW←TECH MAGAZINE avec Marie Verdeil, designer chez LOW←TECH MAGAZINE (site web économe en énergie) et Killian Kemps cofondateur de l’hébergeur RésiLien et développeur Web aux CEMÉA==
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va être l’illustration du concept de <em>low-tech</em> pat LOW←TECH MAGAZINE.<br/>
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Pour ce sujet principal, je passe la parole à Laurent Costy chargé de mission Éducation et Communs numériques aux CEMÉA et vice-président de l’April.
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<b>Laurent Costy : </b>Bonjour Fred. Merci.<br/>
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Nous allons effectivement parler de <em>low-tech</em>. Je vais faire une très courte introduction et présenter nos deux intervenants.<br/>
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Donc Wikipédia, je trouve que c’est toujours une bonne entrée pour commencer et évidemment dans l’émission on va creuser un peu la définition, parce que là j’ai vraiment pris le chapô de la définition : « La ou les <em>low-tech</em>, littéralement basses technologies, désignent une catégorie de techniques durables, simples, appropriables et résilientes. » Au cours de cette émission nous allons approfondir cete définition et voir comment une logique <em>low-tech</em> peut se décliner.<br/>
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Pendant la majeure partie du temps de l’émission, nous allons échanger avec Marie Verdeil, venue spécialement de Bruxelles pour parler de LOW←TECH MAGAZINE, un site que j’ai découvert récemment, que j’ai trouvé assez extraordinaire, elle va vous en parler, vous allez voir, c’est assez étonnant.<br/>
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Killian Kemps nous rejoindra pour une dizaine de minutes, après la pause médiane, pour parler du chaton RésiLien qui, comme d’autres chatons, se pose des questions énergétiques. Il nous décrira la démarche qui est employée à RésiLien.<br/>
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Marie, je vais te passer la parole, je vais te laisser te présenter, tout simplement, et expliquer comment tu es arrivée à LOW←TECH MAGAZINE.
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<b>Marie Verdeil : </b>Bonjour. Merci de m’avoir invitée.<br/>
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Je m’appelle Marie Verdeil. Je suis diplômée d’une école de design aux Pays-Bas qui s’appelle la Design Academy Eindhoven et j’ai rencontré LOW←TECH MAGAZINE parce que j’ai fait un stage là-bas dans le cadre de mes études. Je pense que c’était une rencontre qui m’a un peu soulagée, parce que je pense que j’ai beaucoup d’éco-anxiété en général ; découvrir des personnes qui ont une pratique sincère et, on va dire, pas trop <em>green washée</em> par rapport à ce qu’on rencontre dans le design, en tout cas, pour moi, ce que fait  LOW←TECH MAGAZINE est une pratique design, ça a été un moment où je me suis dit « ah ». En fait, on y fait des choses avec des façons d’agir qui me parlent, dans lesquelles je peux m’investir et m’engager, alors que l’idée d’aller faire un stage à ce moment-là, aller dans un studio de design, aller designer des logos, ça ne me plaisait pas du tout.
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<b>Laurent Costy : </b>Tu as donc trouvé ta structure, quelque part, en rencontrant LOW←TECH MAGAZINE. Comment s’est faite cette rencontre avec LOW←TECH MAGAZINE ? Ils cherchaient des personnes ? Comment ça s’est fait ?
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<b>Marie Verdeil : </b>Il faut dire qu’à la base LOW←TECH MAGAZINE c’est surtout une personne, un journaliste qui s’appelle Kris De Decker, il est flamand, donc belge d’origine et il habite à Barcelone, ce qui fait beaucoup de liens avec le site dont on va parler plus tard. En fait, il collabore beaucoup avec des personnes, il a collaboré notamment avec une personne qui est aussi designer et un artiste pour faire le site solaire de LOW←TECH MAGAZINE et aussi avec d’autres gens au fur et à mesure de son parcours.<br/>
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Je l’ai contacté en lui disant « j’aime bien ce qui se passe, ce site solaire m’intéresse parce que je fais aussi du design, entre autres du web design. En ce moment je construis une cabane – ce qui était vrai, j’avais un projet un peu social de cabane à  ce moment-là. Peut-être que tu connais des gens, sinon on peut parler et on verra ». C‘est comme ça que c’est arrivé. Et, du coup, ça fait un an et demi qu’on travaille ensemble, au début je suis allée là-bas, etc., maintenant on est aussi à distance. Je travaille sur des questions de design. Quand j’étais là-bas on a construit un vélo générateur.
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<b>Laurent Costy : </b>On en parlera. Il y a un article extraordinaire sur le site.<br/>
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En introduction, j’ai donné une définition vraiment extrêmement simpliste du <em>low-tech</em>. Quelle est la manière de voir du LOW←TECH MAGAZINE. Qu’est-ce qui le différencie justement de ces très nombreux sites qui font <em>green washing</em>, qui surfent sur la vague ? Comment incarnez-vous la question <em>low-tech</em> à LOW←TECH MAGAZINE ?
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<b>Marie Verdeil : </b>C’est une question très intéressante. Je dirais qu’on est assez en désaccord avec cette définition française. Je pense qu’il y a vraiment une définition française qui est différente et je me demande si elle est liée, on va dire, à la transition de langage.<br/>
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C’est vrai que l’idée de définir les <em>low-tech</em> comme une série de technologies bien claires,  dire que celles-ci sont durables et résilientes, que d’autres ne le sont pas, je trouve que c’est très limité et en plus, on arrive très vite à des contradictions. Qu’est-ce que ça  veut dire ? Par exemple, le four solaire est une technologie <em>low-tech</em>, mais on ne peut pas penser un monde dans lequel tout le monde aura des fours solaires, de toute façon comment fait-on l’hiver ? Je trouve que c'est penser à ça comme une sorte de mode de vie, avec des technologies bien claires qui vont faire exister ce mode de vie, par exemple l’idée d’un four solaire ou tout ce qui est marmite norvégienne, je trouve que c’est très individualisé. Chacun a une sorte de vision individualiste de sa maison qui va être « <em>low-tech</em> », entre guillemets, et on arrive vite à des limites.<br/>
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On prend souvent cet exemple : on peut le dire que le dumphone, le téléphone à clapet, le Nokia 33.9, je ne sais plus comment il s’appelle, c’est le <em>low-tech</em> de l’iPhone.<br/>
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Je pense qu’il faut avoir une pensée de la <em>low-tech</em> plutôt comme un exercice, une approche critique de la technologie et du progrès technologique. Je pense que c’est un terme relatif. Pour moi, c’est plus un prisme de pensée, un exercice critique du progrès et de ce qu’il nous apporte « vraiment », entre guillemets, plutôt qu’une sorte de solution. Si on parle de <em>low-tech</em> comme de solutions on va dire durables, résilientes, on est aussi dans une sorte de techno-solutionnisme, du coup ça ne sera pas la voiture Tesla, la fusée ou la fusion nucléaire qui vont nous sauver, mais ça va être le four solaire et l’éolienne. Je crois qu’on est vraiment dans une même logique dans laquelle on va se confronter aux même limites que ce mode de pensée induit.
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<b>Laurent Costy : </b>Je pense que c’est important de souligner ça. C’est ce qui m’avait intéressé dans les lectures.<br/>
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Il y a un article sur les colibris qui ne suffiront pas, je n’ai pas le titre exact, je le remettrai dans la page des références, justement cette question de l’individuel. Notre société est évidemment faite pour qu’on se concentre sur ses actions, qu’on se focalise sur ses actions, qu’on nous rende coupable des actions qu’on ne ferait pas sur les questions écologiques, alors qu’en fait c’est beaucoup plus systémique, il faut regarder ça de manière beaucoup plus globale et je pense que c’est une question que vous soulevez systématiquement, c'est justement le cas de le dire.
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<b>Marie Verdeil : </b>Tout à fait. Je ne sais pas le titre en anglais, je pense qu’en anglais c’est différent.
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<b>Laurent Costy : </b>On va demander au <em>chat</em> de nous aider. J’avais noté dans le pad le titre en français. Ça va déjà nous aider : « Nous n’y arrêterons pas seuls : l’illusion du colibri », c’était le titre en français. J’avais pris une citation dans l’article, ça va éclairer mon propos ; il sera peut-être plus clair en lisant le texte : « Insister sur la responsabilité individuelle est typique du néolibéralisme et permet souvent de faire taire une critique systémique des configurations politiques, économiques et technologiques. ». C'est une phrase qui est forte parce qu’elle montre bien toutes les problématiques qu’on a quand on parle de technologie avec les techno-béats, techno-solutionnistes qui profitent de cette logique-là.
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<b>Marie Verdeil : </b>Tout à fait. Je pense qu’il faut tout à fait dépasser ce mode de pensée. Une question qu’on se pose beaucoup en ce moment : comment arriver à mettre aussi en place, même à travers, on va dire, de solutions, d’objets ou de projets qui vont peut-être ces messages de <em>low-tech</em>, des solutions très concrètes d’énergie ou de cuisson, des choses de la vie de tous les jours, mettre aussi en avant des choses qui permettent de dépasser l’individualité, donc plutôt comment penser à la fête, à la convivialité. Essayer aussi de dépasser l’idée que <em>low-tech</em> c’est forcément moins bien high-tech, que ça veut dire qu’on vient renoncer à beaucoup de choses et qu’en fait, finalement, l’idée de la décroissance c’est l’idée de retourner en arrière, c’est l’idée de redevenir des hommes de Cro-Magnon et où tout cela s’arrête-t-il ? Je pense qu’il faut arriver à se dire, à avoir un peu constamment cette façon de penser et se dire : est-ce que ça va vraiment nous rendre moins heureux de renoncer à certaines choses et de renoncer surtout à l’idée de confort. Pour moi c’est un mot très fort et très capitaliste qu’il faut arriver à défaire, qui est très difficile à défaire.<br/>
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On se pose des questions. En ce moment on a fait des expérimentations pour utiliser des panneaux solaires avec une énergie directe, donc sans batterie : on n’aura pas l’énergie à travers la batterie et, en plus, une batterie ce n’est pas chimiquement propre. Du coup, utiliser directement ça pour aller alimenter, par exemple, des tourne-disques, pour faire de la musique, faire des choses comme ça ; essayer un peu de penser. On peut dire que ça ne sert à rien parce que ça ne va pas faire cuire ton pain, en même temps je pense que c'est plus l’idée de se rassembler autour de ces choses, de ces idées de solutions, pour que ça ne soit pas pour survivre tout seul chez soi, mais l’idée de se dire que ce qui a vraiment de la valeur c’est la convivialité, le fait de faire ensemble et peut-être de retrouver cette manière de faire ensemble à travers, on va dire, ces solutions plus <em>low-tech</em>.
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<b>Laurent Costy : </b>Finalement, on lutte aussi contre la rupture sociale. Du coup, on recrée du commun. L’article sur le vélo, l’article justement sur cet appartement qu’on va essayer d’alimenter sans passer les 220/EDF, sans passer par les batteries, tout cela oblige à réfléchir, à se confronter, à penser de nouvelles choses. Je trouve que c’est extrêmement intéressant. On requestionne. Du coup, tu peux peut-être aussi nous parler aussi de LOW←TECH MAGAZINE, pourquoi il est né et un peu de ses objectifs. Par rapport, justement, à se réapproprier un peu toutes ces techniques, arrêter de penser que tout est magique et si ça ne marche pas il faut renvoyer ça à un constructeur. Il y a aussi tout cela dans LOW←TECH MAGAZINE. Peut-être peux-tu nous dire comment s’est créé LOW←TECH MAGAZINE, quels sont les objectifs, finalement, de ce site ?
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<b>Marie Verdeil : </b>Je peux en parler un petit peu, après ce n’est pas moi qui l’est fondé. C’est un magazine qui a été fondé en 2007. À la base c’était et c’est toujours un magazine en ligne, à la base c’était un blog  et maintenant  il y a aussi une version papier.<br/>
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Je pense que ce qui était intéressant, ce qui intéressait Kris, c’était d’avoir un média pour pouvoir être critique et un petit peu sceptique par rapport aux évolutions et, on va dire, au discours très important et le plus présent de techno-solutionnisme. Je pense que ce qui l’intéresse beaucoup c’est de faire des recherches historiques, notamment faire la recherche historique des technologies qui ont été un peu oubliées et de s’approprier certains savoirs, certaines façons de penser, qui vont permettre d’avoir une critique du techno-solutiononisme différente et aussi montrer qu’il y a un certain oubli historique, un révisionnisme qui a lieu pour nous assurer que oui ce qu’on a c’est vraiment le progrès le plus pointu, qu’on est dans la réalité crue.
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<b>Laurent Costy : </b>Quand on lit l’article sur Cove, qui a été un inventeur du début du 20e, siècle, qui avait trouvé un peu par hasard, ce qui est souvent le cas, une autre technologie pour les panneaux solaires. On voit bien tout ce qui peut se passer et, finalement, qu’il y a des dominations de grandes entreprises parce que fondamentalement la question reste poser dans l’article de savoir s’il n’a pas été volontairement écarté, alors que sa techno était extrêmement intéressante et, à priori, un peu moins polluante que les panneaux solaires de maintenant. Encore une fois, cet article est extrêmement éclairant, il questionne historiquement les questions de low-technologie. À l’époque, évidemment, ce n’était pas de la low-technologie, tu disais tout à l’heure que c’était relatif et là ça le montre aussi. Cet article illustre bien cette logique-là de technologies qui peuvent soit émerger soit finalement être étouffées parce qu’il y a des intérêts économiques, des intérêts politiques, etc. Je recommande aussi la lecture de cet article-là. Faites attention, on se dit « tiens, j’ai cinq minutes, je vais lire l’article » et au bout d’une demi-heure on est encore en train de lire tellement c’est passionnant historiquement, techniquement, il y a pas mal de recherche.<br/>
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Donc LOW←TECH MAGAZINE sur des questions, des recherches historiques, on va dire, techniques historiques. Qu’y avait-il comme autre objectif à la question de LOW←TECH MAGAZINE ?
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<b>Marie Verdeil : </b>Écoute, je ne sais pas trop !
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<b>Laurent Costy : </b>On en a un petit peu parlé dans la préparation, dans l’échange qu’on avait eu, il y avait la vision systémique, sociétale, individuelle, on en a un peu parlé ; ça fait partie des choses qui doivent être pointées, en tout cas qu’on retrouve dans la lecture de plusieurs articles. La vulgarisation scientifique : peut-être que tu peux parler de l’article auquel tu as beaucoup contribué sur le vélo générateur. Moi qui fais un tout petit peu de technique, mais, franchement, je ne me considère pas technicien, j’ai trouvé extraordinaire toute la documentation et la possibilité qu’on peut être pris par la main pour faire son propre vélo. Il faut certes un peu de connaissances de base, mais on ne retrouve pas une formalisation aussi avancée sur beaucoup de sites. Vas-y, raconte-nous un peu l’histoire du vélo.
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<b>Marie Verdeil : </b>Je pense que c’est vraiment intéressant comme angle de vue.<br/>
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On a décidé de construire un vélo, on ne l’a pas construit le vélo, on a utilisé un vélo d’appartement, d’exercice, <em>vintage</em>, qui a encore une roue, ça s’appelle un volant donc une roue lourde qu’on vient activer et c’est ça qui va nous permettre de faire de l’exercice, ce n’est pas un vélo électronique. On a utilisé ça pour en faire un vélo générateur. Pour faire une image, on a ajouté, en gros, une grosse dynamo, donc un moteur : quand on pédale, on active la roue, qui active la petite roue, qui fait tourner le moteur, du coup on produit de l’énergie.<br/>
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Après la question a été un, d’utiliser cette énergie, le tester, l’utiliser sur des appareils domestiques et de faire plusieurs circuits qui vont alimenter différemment, et deux, vraiment essayer de documenter au maximum ce processus et d’essayer de comprendre : en plus de le faire, que nous apprenait-il sur notre façon d’utiliser l’énergie et comment pouvait-on transmettre ce savoir ? Utiliser ça non pas pour  transmettre le savoir pour faire ce vélo générateur, mais essayer de transmettre plutôt un savoir très empirique de ce que nous avions appris alors que nous sommes pas du tout scientifiques à la base, ni lui ni moi, autour de ça. Les conclusions sont là, comme j’ai dit, empiriques.
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<b>Laurent Costy : </b>En fait c’est la démarche qui nous importe. Ce qui est extrêmement intéressant quand on lit c’est toute la démarche essais/erreurs. Là, on se trouve dans la démarche scientifique, ça me touche particulièrement. Ça montre bien que la technique c’est ça aussi, maintenant nous sommes des utilisateurs passifs d’ordinateurs ; ça ne marche pas, on envoie potentiellement un mail à quelqu’un qui est à l’autre bout de la planète. La technique ce n’est pas ça. Il faut se confronter à la technique pour, justement, pouvoir apprendre, pour pouvoir s’améliorer, comprendre et essayer de la réparer, la faire évoluer.<br/>
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J’ai trouvé cet article-là particulièrement intéressant aussi. Maintenant on peut recommander à chacun de fabriquer son propre vélo pour regarder Netflix, pour alimenter la télé. Ce qui m’a beaucoup étonné c’est qu’on était capable de faire tourner une machine à laver avec ce vélo en termes de puissance, en termes de représentation.
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<b>Marie Verdeil : </b>On n’a pas testé pour une machine à laver. Je pense qu’il faudrait le faire, dans ce cas-là, avec de l’énergie mécanique, ne pas utiliser l’électricité entre les deux. Des gens l’ont fait, notamment dans les Pyrénées, ils ont construit des machines à laver à vélo.<br/>
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L’idée n’est pas de dire aux gens, encore une fois, de construire un vélo.  L’idée n’est pas d’aller dans l’individualité, chacun va construire son petit vélo chez soi. C’est plus de penser ce que veut dire faire sa propre énergie, qu’est-ce qu’il est possible d’alimenter ou pas et, du coup, qu’est-ce que ça voudrait dire. Si on pense  vraiment à réduire considérablement l’énergie qu’on utilise, ça veut dire qu’est-ce que qu’on peut alimenter avec sa propre énergie et qu’est-ce qu’on ne peut pas. Du coup, est-ce que a pourrait être une façon de penser à ce qu’on est capable d’alimenter comme étant la limite de ce qu’on peut consommer ?<br/>
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Par exemple, ce qui est intéressant : un téléphone c’est très facile, on peut même mettre dix téléphones, après un frigo ça devient difficile, ou alors une bouilloire. C’est très intéressant on prend souvent cet exemple, Priscille l’a fait. On avait une petite bouilloire à 12 volts, une petite bouilloire qu’ils ont dans les camions par exemple, et on avait mis l’équivalent d’une tasse thé dedans pour essayer de la faire arriver à 60 degrés, une température de thé. Ça prend 30 minutes d’effort vraiment très intense, c’est comme une grosse côte, du coup, à la fin on a très chaud et plus du tout envie de boire du thé.<br/>
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D’ailleurs en français cet article s’appelle « Construire un vélo générateur pour la chaleur et l'électricité » : on produit de l’électricité, on produit aussi de la chaleur parce qu’on fait beaucoup d’efforts. C’est aussi une autre façon de penser.
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Encore une fois, pour moi ce sont des outils, l’idée de <em>low-tech</em> en général ce sont des outils pour arriver à penser de façon critique et à penser à se poser des questions : qu’est-ce qu ça veut vraiment dire réduire, comment on le fait et comment on le fait de façon qui ne soit pas dans la contrainte et dans la souffrance de se dire « on est en train de renoncer à plein de choses ». Pour moi c’est aussi un outil de médiation.<br>
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Le vélo est né à Barcelone. On l’a apporté dans une sorte de <em>fab lab</em>, de <em>workplace</em> qu’il y a à Barcelone. On a joué de la guitare électrique avec, plein de gens l’ont essayé. Je pense que ce sont aussi des façons de comprendre l’électricité. Moi j’ai compris l’électricité à ce moment-là, j’ai compris la différence entre les volts et les ampères, parce que vraiment tu rajoutes des ampères et tu descends dans les jambes parce que ça devient de plus en plus dur à pédaler. Je pense qu’il n’y a pas un cours de physique qui va te l’apprendre de cette manière-là. C’est ce qui est vraiment incroyable et c’est pareil avec le logiciel libre. La force c’est aussi se dire qu’on met la main à la pâte. La technique, c’est aussi quelque chose qu’il faut vraiment avoir expérimenté.
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<b>Laurent Costy : </b>À t’écouter, je prends aussi conscience que dans cette démarche-là on prend conscience, justement, des échelles, des échelles d’énergie potentielle pour faire telle ou telle chose. Ça me fait penser aussi aux problématiques qu’on peut avoir dans le numérique quand on essaye de faire comprendre aux gens ce que représente la donnée, ce que représente la consommation d’énergie. On n’arrête pas de nous dire de vider nos boites mails, vous allez économiser beaucoup d’énergie, etc. Alors que maintenant on le sait, ce n’était pas forcément le cas avant, on sait que c’est bien plus important de prolonger son appareil électrique. Ce type de démarche-là permet aussi justement de savoir quelles opérations vont prendre beaucoup d’énergie, moins d’énergie, on touche les choses. C’est ce que tu dis : finalement on touche les choses et on les appréhende beaucoup mieux que si on les lit sur papier ; entre la théorie et la pratique, on s’approprie un peu mieux les choses.
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<b>Marie Verdeil : </b>C’est ça. J’aime bien le site  LOW←TECH MAGAZINE et ce qui m’a directement parlé, c’est vraiment à la base un journaliste d’ailleurs qui écrivait, qui faisait de la revue, il me semble, de tout ce qui est veille technologique pour des magazines, vraiment une revue de high-tech, du coup il a cette approche de la technologie où il comprend beaucoup de choses et, en même temps, il n’a pas du tout une compréhension scientifique ou technique. Du coup il garde, et je trouve que c’est vachement intéressant, un petit peu de naïveté, ne pas essayer de tout comprendre pour arriver à encore être le lien entre les personnes qui ne comprennent pas du tout, qui sont très loin de ça, et les discours scientifiques. Sinon on a aussi un problème d’articulation de ces problèmes qui peuvent paraître très vite abstraits : parler d’énergie, de puissance, qu’est-ce que ça veut dire ?, ce n’est pas forcément évident. Je pense toujours à ma grand-mère qui était professeur de physique qui essayait de m’expliquer la différence entre la puissance et l’énergie et je n’ai pas compris ! Je pense qu’il faut vraiment essayer de s’approprier ces choses-là par le faire.
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<b>Laurent Costy : </b>C’est vrai qu’il y a des gens qui ont été vaccinés par les cours de physique. Marie-Odile nous dit, dans le <em>chat</em>, que toutes ces questions-là faisaient partie du programme des cours de Technologie en 6e et que c’est en train d’être supprimé, c’est bien dommage. Il y avait quand même cette question des travaux pratiques où on est censé appréhender ça. Des souvenirs que j’en ai c’est vrai que ça restait quand même très cadré, de plus en plus pauvre, et ça ne permettait pas d’expérimenter, de faire des essais/erreurs. Le fil des travaux pratiques était finalement très cadré, on ne sortait pas d’un chemin qui était tracé. C’est là que c’était peut-être un peu compliqué. Votre démarche est finalement complètement ouverte : à un moment donné vous dites quelle est cette problématique ? On va travailler sur ce sujet-là, on isole le problème, on avance et puis on résout ce problème-là et après on passe à un autre. On décompose en petits problèmes pour pouvoir les réassembler ensuite. C’est chouette de pouvoir  dérouler cette démarche-là. Quand on voit le résultat de l’article, je trouve que c’est extrêmement intéressant.
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<b>Marie Verdeil : </b>Je pense que c’est une approche pragmatique, on va dire, de thèmes qui parlent à beaucoup de gens. C’est vraiment essayer d’avoir une approche très large, qui va être systémique, qui va penser plein d’éléments, par exemple l’énergie, l’électricité, ??? [37 min 45] de l’électricité, tout ça mais avec des angles d’approche petits. Je pense que c’est vraiment hyper-nécessaire et je pense que dans le design c’est aussi une façon de faire ça : on a une approche pragmatique par les objets ou d'ailleurs d’autres choses, mais qui, après, permet d’aborder des thèmes  plus larges, sans les rendre complètement lointains.
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<b>Laurent Costy : </b>La technique est politique, on l’avait dû l’échanger dans le pad, je pense que c’est primordial, c’est clair que ça fait partie des éléments importants.<br/>
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Du coup on va rejoindre petit être un sujet qui me semble important dans l’émission : comment vois-tu la convergence entre logiciel libre et <em>low-tech</em> ? LOW←TECH MAGAZINE la voit comment ? Il y a un article, qu’on va signaler, qui parle d’une personne qui garde son ordinateur le plus longtemps possible ; je vous invite à le lire, ce sont des choses  qu’on connaît déjà à l’April. Là aussi c’est très descriptif, ça explique toute la démarche et pourquoi il en est arrivé à cette conclusion, ce qui n’était pas le cas au départ, il n’était pas forcément parti pour ça.
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<b>Marie Verdeil : </b>Oui. Je pense que le logiciel libre est déjà assez présent dans le travail-même  de LOW←TECH MAGAZINE. Krys, utilise GNU/Linux depuis très longtemps, il est sur GNU/Linux, il a de vieux ordinateurs. Il explique très bien dans cet article pourquoi pour lui et  pour plein de gens c’est mieux. Je parle qu’il parle vraiment très bien de la question de, on va dire, compatibilité et rétro-comptabilité, c’est-à-dire qu’on va avoir des logiciels libres qui vont fonctionner sur des vieilles machines.<br/>
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On a un site vraiment très simple, on l’a construit HTML, qui fonctionne sur de très vieilles machines. Il m’a donné un ThinkPad de 2006, je crois, il n’y a pas de souci avec le site, en plus il est très léger. Il y a cette idée-là dans le mode de travail.<br/>
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Après, il y a déjà  un peu ce côté, cette approche critique de la technologie évidemment, l’idée de communs, de mise en commun. On essaie aussi de partager notre savoir. C’est compliqué parce que, de toute façon la licence ce tout sur ce qui est les idées, par exemple sur le vélo générateur on a mis en ligne les plans et tout ce qu’on a trouvé. Je pense qu’on espère que ça va aussi créer des discussions, si les gens le font ils vont répéter ça, ça serait intéressant qu’on en discute.<br/>
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Comme tu le dis, il y a aussi la dimension politique. Comme je l’ai dit avant, je pense que les <em>low-tech</em>  ça ne doit pas s’arrêter à une sorte de mode de vie et je trouve que c’est un peu en train d’être comme ça  en France, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de choses qui sont sur comment on va acheter ce mode de vie <em>low-tech</em>, c’est-à-dire acheter un vélo cargo ou quelque chose comme ça. Il y a cette idée-là et je pense qu’il faut vraiment la dépasser pour penser que ce n’est pas que ça, que c’est vraiment aussi quelque chose de politique. À la fin c’est de la critique de notre société pour ne pas se laisser, on va dire, capitaliser ; il ne faut pas laisser les gens capitaliser sur cette idée.
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<b>Laurent Costy : </b>On est d’accord. Le logiciel libre est aussi quelque chose d’extrêmement politique, l’April est bien placée pour le savoir.<br/>
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Je vais repasser la parole à Fred.
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<b>Frédéric Couchet : </b>L’occasion de faire une petite pause musicale. Nous allons écouter <em>Sur la terre</em>  par Sucrepop. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>Sur la terre</em>  par Sucrepop.
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<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d'écouter <em>Sur la terre</em>  par Sucrepop disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.
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==Deuxième partie ==

Version du 10 mai 2023 à 15:56


Titre : Émission Libre à vous ! du 9 mai 2023

Intervenant·e·s : à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 9 mai 2023

Durée : 1 h 30 min

[ Podcast PROVISOIRE]

[ Page des références de l'émission]

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’information et d’échanges sur les libertés informatiques et également un peu de musique libre.

Le sujet principal du jour sera l’illustration du concept de low-tech par LOW←TECH MAGAZINE. Avec également au programme, en début d’émission, la chronique d’Antanak avec Isabelle Carrère qui nous parlera de « Numérique et services publics ». En fin d’émission, la chronique de Jean-Christophe Becquet qui nous parlera de Wiklou, le wiki francophone du vélo.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.

Nous sommes mardi 9 mai 2023. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission mon camarade Thierry Holleville. Bonjour Thierry.

Thierry : Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

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Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak sur le thème « Numérique et services publics »

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », c’est la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées et mises en actes et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes.
Le thème du jour « Numérique et services publics ». Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Bonjour. Merci Fred.








Frédéric Couchet : Bonne question. Quand ces permanences ont-elles lieu ?

Isabelle Carrère : On a ouvert deux soirs, lundi et jeudi, et trois matins, mercredi, jeudi, samedi, pour que les personnes puissent venir en dehors de leurs heures de travail.

Frédéric Couchet : Les personnes intéressées vont sur le site d’Antanak, antanak.com, je précise toujours avec un « k ». Vous êtes nos voisines et voisins au 18 rue Bernard Dimey dans le 18e. Si vous passez à Antanak, au 18, vous pouvez aussi passer au 22 pour voir le studio, Jérôme est assez souvent présent, Jérôme Sorrel qui anime l’émission Rayons Libres dont je parlerai en fin d’émission.
Sur le salon web de la radio, on t’envoie beaucoup de courage, notamment Marie-Odile qui te dit encore une fois « une excellente chronique ».

Isabelle Carrère : Merci.

Frédéric Couchet : Merci Isa. C’était Isabelle Carrère de l’association Antanak, une chronique « Numérique et services publics » qui sera disponible bientôt sur le site de la radio et sur le site de Libre à vous ! d’ici la semaine prochaine. Et nous nous retrouvons le mois prochain.

Isabelle Carrère: Absolument. À bientôt. Merci

Frédéric Couchet : Belle journée à toi.
Après la pause musicale nous allons parler du concept de low-tech. En attendant nous allons écouter Jack​-​O​-​Lanterns par Just Buns. On se retrouve dans deux minutes trente. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Jack​-​O​-​Lanterns par Just Buns.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Jack​-​O​-​Lanterns par Just Buns, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Illustration du concept de « low-tech » par LOW←TECH MAGAZINE avec Marie Verdeil, designer chez LOW←TECH MAGAZINE (site web économe en énergie) et Killian Kemps cofondateur de l’hébergeur RésiLien et développeur Web aux CEMÉA

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va être l’illustration du concept de low-tech pat LOW←TECH MAGAZINE.
Pour ce sujet principal, je passe la parole à Laurent Costy chargé de mission Éducation et Communs numériques aux CEMÉA et vice-président de l’April.

Laurent Costy : Bonjour Fred. Merci.
Nous allons effectivement parler de low-tech. Je vais faire une très courte introduction et présenter nos deux intervenants.
Donc Wikipédia, je trouve que c’est toujours une bonne entrée pour commencer et évidemment dans l’émission on va creuser un peu la définition, parce que là j’ai vraiment pris le chapô de la définition : « La ou les low-tech, littéralement basses technologies, désignent une catégorie de techniques durables, simples, appropriables et résilientes. » Au cours de cette émission nous allons approfondir cete définition et voir comment une logique low-tech peut se décliner.
Pendant la majeure partie du temps de l’émission, nous allons échanger avec Marie Verdeil, venue spécialement de Bruxelles pour parler de LOW←TECH MAGAZINE, un site que j’ai découvert récemment, que j’ai trouvé assez extraordinaire, elle va vous en parler, vous allez voir, c’est assez étonnant.
Killian Kemps nous rejoindra pour une dizaine de minutes, après la pause médiane, pour parler du chaton RésiLien qui, comme d’autres chatons, se pose des questions énergétiques. Il nous décrira la démarche qui est employée à RésiLien.
Marie, je vais te passer la parole, je vais te laisser te présenter, tout simplement, et expliquer comment tu es arrivée à LOW←TECH MAGAZINE.

Marie Verdeil : Bonjour. Merci de m’avoir invitée.
Je m’appelle Marie Verdeil. Je suis diplômée d’une école de design aux Pays-Bas qui s’appelle la Design Academy Eindhoven et j’ai rencontré LOW←TECH MAGAZINE parce que j’ai fait un stage là-bas dans le cadre de mes études. Je pense que c’était une rencontre qui m’a un peu soulagée, parce que je pense que j’ai beaucoup d’éco-anxiété en général ; découvrir des personnes qui ont une pratique sincère et, on va dire, pas trop green washée par rapport à ce qu’on rencontre dans le design, en tout cas, pour moi, ce que fait LOW←TECH MAGAZINE est une pratique design, ça a été un moment où je me suis dit « ah ». En fait, on y fait des choses avec des façons d’agir qui me parlent, dans lesquelles je peux m’investir et m’engager, alors que l’idée d’aller faire un stage à ce moment-là, aller dans un studio de design, aller designer des logos, ça ne me plaisait pas du tout.

Laurent Costy : Tu as donc trouvé ta structure, quelque part, en rencontrant LOW←TECH MAGAZINE. Comment s’est faite cette rencontre avec LOW←TECH MAGAZINE ? Ils cherchaient des personnes ? Comment ça s’est fait ?

Marie Verdeil : Il faut dire qu’à la base LOW←TECH MAGAZINE c’est surtout une personne, un journaliste qui s’appelle Kris De Decker, il est flamand, donc belge d’origine et il habite à Barcelone, ce qui fait beaucoup de liens avec le site dont on va parler plus tard. En fait, il collabore beaucoup avec des personnes, il a collaboré notamment avec une personne qui est aussi designer et un artiste pour faire le site solaire de LOW←TECH MAGAZINE et aussi avec d’autres gens au fur et à mesure de son parcours.
Je l’ai contacté en lui disant « j’aime bien ce qui se passe, ce site solaire m’intéresse parce que je fais aussi du design, entre autres du web design. En ce moment je construis une cabane – ce qui était vrai, j’avais un projet un peu social de cabane à ce moment-là. Peut-être que tu connais des gens, sinon on peut parler et on verra ». C‘est comme ça que c’est arrivé. Et, du coup, ça fait un an et demi qu’on travaille ensemble, au début je suis allée là-bas, etc., maintenant on est aussi à distance. Je travaille sur des questions de design. Quand j’étais là-bas on a construit un vélo générateur.

Laurent Costy : On en parlera. Il y a un article extraordinaire sur le site.
En introduction, j’ai donné une définition vraiment extrêmement simpliste du low-tech. Quelle est la manière de voir du LOW←TECH MAGAZINE. Qu’est-ce qui le différencie justement de ces très nombreux sites qui font green washing, qui surfent sur la vague ? Comment incarnez-vous la question low-tech à LOW←TECH MAGAZINE ?

Marie Verdeil : C’est une question très intéressante. Je dirais qu’on est assez en désaccord avec cette définition française. Je pense qu’il y a vraiment une définition française qui est différente et je me demande si elle est liée, on va dire, à la transition de langage.
C’est vrai que l’idée de définir les low-tech comme une série de technologies bien claires, dire que celles-ci sont durables et résilientes, que d’autres ne le sont pas, je trouve que c’est très limité et en plus, on arrive très vite à des contradictions. Qu’est-ce que ça veut dire ? Par exemple, le four solaire est une technologie low-tech, mais on ne peut pas penser un monde dans lequel tout le monde aura des fours solaires, de toute façon comment fait-on l’hiver ? Je trouve que c'est penser à ça comme une sorte de mode de vie, avec des technologies bien claires qui vont faire exister ce mode de vie, par exemple l’idée d’un four solaire ou tout ce qui est marmite norvégienne, je trouve que c’est très individualisé. Chacun a une sorte de vision individualiste de sa maison qui va être « low-tech », entre guillemets, et on arrive vite à des limites.
On prend souvent cet exemple : on peut le dire que le dumphone, le téléphone à clapet, le Nokia 33.9, je ne sais plus comment il s’appelle, c’est le low-tech de l’iPhone.
Je pense qu’il faut avoir une pensée de la low-tech plutôt comme un exercice, une approche critique de la technologie et du progrès technologique. Je pense que c’est un terme relatif. Pour moi, c’est plus un prisme de pensée, un exercice critique du progrès et de ce qu’il nous apporte « vraiment », entre guillemets, plutôt qu’une sorte de solution. Si on parle de low-tech comme de solutions on va dire durables, résilientes, on est aussi dans une sorte de techno-solutionnisme, du coup ça ne sera pas la voiture Tesla, la fusée ou la fusion nucléaire qui vont nous sauver, mais ça va être le four solaire et l’éolienne. Je crois qu’on est vraiment dans une même logique dans laquelle on va se confronter aux même limites que ce mode de pensée induit.

Laurent Costy : Je pense que c’est important de souligner ça. C’est ce qui m’avait intéressé dans les lectures.
Il y a un article sur les colibris qui ne suffiront pas, je n’ai pas le titre exact, je le remettrai dans la page des références, justement cette question de l’individuel. Notre société est évidemment faite pour qu’on se concentre sur ses actions, qu’on se focalise sur ses actions, qu’on nous rende coupable des actions qu’on ne ferait pas sur les questions écologiques, alors qu’en fait c’est beaucoup plus systémique, il faut regarder ça de manière beaucoup plus globale et je pense que c’est une question que vous soulevez systématiquement, c'est justement le cas de le dire.

Marie Verdeil : Tout à fait. Je ne sais pas le titre en anglais, je pense qu’en anglais c’est différent.

Laurent Costy : On va demander au chat de nous aider. J’avais noté dans le pad le titre en français. Ça va déjà nous aider : « Nous n’y arrêterons pas seuls : l’illusion du colibri », c’était le titre en français. J’avais pris une citation dans l’article, ça va éclairer mon propos ; il sera peut-être plus clair en lisant le texte : « Insister sur la responsabilité individuelle est typique du néolibéralisme et permet souvent de faire taire une critique systémique des configurations politiques, économiques et technologiques. ». C'est une phrase qui est forte parce qu’elle montre bien toutes les problématiques qu’on a quand on parle de technologie avec les techno-béats, techno-solutionnistes qui profitent de cette logique-là.

Marie Verdeil : Tout à fait. Je pense qu’il faut tout à fait dépasser ce mode de pensée. Une question qu’on se pose beaucoup en ce moment : comment arriver à mettre aussi en place, même à travers, on va dire, de solutions, d’objets ou de projets qui vont peut-être ces messages de low-tech, des solutions très concrètes d’énergie ou de cuisson, des choses de la vie de tous les jours, mettre aussi en avant des choses qui permettent de dépasser l’individualité, donc plutôt comment penser à la fête, à la convivialité. Essayer aussi de dépasser l’idée que low-tech c’est forcément moins bien high-tech, que ça veut dire qu’on vient renoncer à beaucoup de choses et qu’en fait, finalement, l’idée de la décroissance c’est l’idée de retourner en arrière, c’est l’idée de redevenir des hommes de Cro-Magnon et où tout cela s’arrête-t-il ? Je pense qu’il faut arriver à se dire, à avoir un peu constamment cette façon de penser et se dire : est-ce que ça va vraiment nous rendre moins heureux de renoncer à certaines choses et de renoncer surtout à l’idée de confort. Pour moi c’est un mot très fort et très capitaliste qu’il faut arriver à défaire, qui est très difficile à défaire.
On se pose des questions. En ce moment on a fait des expérimentations pour utiliser des panneaux solaires avec une énergie directe, donc sans batterie : on n’aura pas l’énergie à travers la batterie et, en plus, une batterie ce n’est pas chimiquement propre. Du coup, utiliser directement ça pour aller alimenter, par exemple, des tourne-disques, pour faire de la musique, faire des choses comme ça ; essayer un peu de penser. On peut dire que ça ne sert à rien parce que ça ne va pas faire cuire ton pain, en même temps je pense que c'est plus l’idée de se rassembler autour de ces choses, de ces idées de solutions, pour que ça ne soit pas pour survivre tout seul chez soi, mais l’idée de se dire que ce qui a vraiment de la valeur c’est la convivialité, le fait de faire ensemble et peut-être de retrouver cette manière de faire ensemble à travers, on va dire, ces solutions plus low-tech.

Laurent Costy : Finalement, on lutte aussi contre la rupture sociale. Du coup, on recrée du commun. L’article sur le vélo, l’article justement sur cet appartement qu’on va essayer d’alimenter sans passer les 220/EDF, sans passer par les batteries, tout cela oblige à réfléchir, à se confronter, à penser de nouvelles choses. Je trouve que c’est extrêmement intéressant. On requestionne. Du coup, tu peux peut-être aussi nous parler aussi de LOW←TECH MAGAZINE, pourquoi il est né et un peu de ses objectifs. Par rapport, justement, à se réapproprier un peu toutes ces techniques, arrêter de penser que tout est magique et si ça ne marche pas il faut renvoyer ça à un constructeur. Il y a aussi tout cela dans LOW←TECH MAGAZINE. Peut-être peux-tu nous dire comment s’est créé LOW←TECH MAGAZINE, quels sont les objectifs, finalement, de ce site ?

Marie Verdeil : Je peux en parler un petit peu, après ce n’est pas moi qui l’est fondé. C’est un magazine qui a été fondé en 2007. À la base c’était et c’est toujours un magazine en ligne, à la base c’était un blog et maintenant il y a aussi une version papier.
Je pense que ce qui était intéressant, ce qui intéressait Kris, c’était d’avoir un média pour pouvoir être critique et un petit peu sceptique par rapport aux évolutions et, on va dire, au discours très important et le plus présent de techno-solutionnisme. Je pense que ce qui l’intéresse beaucoup c’est de faire des recherches historiques, notamment faire la recherche historique des technologies qui ont été un peu oubliées et de s’approprier certains savoirs, certaines façons de penser, qui vont permettre d’avoir une critique du techno-solutiononisme différente et aussi montrer qu’il y a un certain oubli historique, un révisionnisme qui a lieu pour nous assurer que oui ce qu’on a c’est vraiment le progrès le plus pointu, qu’on est dans la réalité crue.

Laurent Costy : Quand on lit l’article sur Cove, qui a été un inventeur du début du 20e, siècle, qui avait trouvé un peu par hasard, ce qui est souvent le cas, une autre technologie pour les panneaux solaires. On voit bien tout ce qui peut se passer et, finalement, qu’il y a des dominations de grandes entreprises parce que fondamentalement la question reste poser dans l’article de savoir s’il n’a pas été volontairement écarté, alors que sa techno était extrêmement intéressante et, à priori, un peu moins polluante que les panneaux solaires de maintenant. Encore une fois, cet article est extrêmement éclairant, il questionne historiquement les questions de low-technologie. À l’époque, évidemment, ce n’était pas de la low-technologie, tu disais tout à l’heure que c’était relatif et là ça le montre aussi. Cet article illustre bien cette logique-là de technologies qui peuvent soit émerger soit finalement être étouffées parce qu’il y a des intérêts économiques, des intérêts politiques, etc. Je recommande aussi la lecture de cet article-là. Faites attention, on se dit « tiens, j’ai cinq minutes, je vais lire l’article » et au bout d’une demi-heure on est encore en train de lire tellement c’est passionnant historiquement, techniquement, il y a pas mal de recherche.
Donc LOW←TECH MAGAZINE sur des questions, des recherches historiques, on va dire, techniques historiques. Qu’y avait-il comme autre objectif à la question de LOW←TECH MAGAZINE ?

Marie Verdeil : Écoute, je ne sais pas trop !

Laurent Costy : On en a un petit peu parlé dans la préparation, dans l’échange qu’on avait eu, il y avait la vision systémique, sociétale, individuelle, on en a un peu parlé ; ça fait partie des choses qui doivent être pointées, en tout cas qu’on retrouve dans la lecture de plusieurs articles. La vulgarisation scientifique : peut-être que tu peux parler de l’article auquel tu as beaucoup contribué sur le vélo générateur. Moi qui fais un tout petit peu de technique, mais, franchement, je ne me considère pas technicien, j’ai trouvé extraordinaire toute la documentation et la possibilité qu’on peut être pris par la main pour faire son propre vélo. Il faut certes un peu de connaissances de base, mais on ne retrouve pas une formalisation aussi avancée sur beaucoup de sites. Vas-y, raconte-nous un peu l’histoire du vélo.

Marie Verdeil : Je pense que c’est vraiment intéressant comme angle de vue.
On a décidé de construire un vélo, on ne l’a pas construit le vélo, on a utilisé un vélo d’appartement, d’exercice, vintage, qui a encore une roue, ça s’appelle un volant donc une roue lourde qu’on vient activer et c’est ça qui va nous permettre de faire de l’exercice, ce n’est pas un vélo électronique. On a utilisé ça pour en faire un vélo générateur. Pour faire une image, on a ajouté, en gros, une grosse dynamo, donc un moteur : quand on pédale, on active la roue, qui active la petite roue, qui fait tourner le moteur, du coup on produit de l’énergie.
Après la question a été un, d’utiliser cette énergie, le tester, l’utiliser sur des appareils domestiques et de faire plusieurs circuits qui vont alimenter différemment, et deux, vraiment essayer de documenter au maximum ce processus et d’essayer de comprendre : en plus de le faire, que nous apprenait-il sur notre façon d’utiliser l’énergie et comment pouvait-on transmettre ce savoir ? Utiliser ça non pas pour transmettre le savoir pour faire ce vélo générateur, mais essayer de transmettre plutôt un savoir très empirique de ce que nous avions appris alors que nous sommes pas du tout scientifiques à la base, ni lui ni moi, autour de ça. Les conclusions sont là, comme j’ai dit, empiriques.

Laurent Costy : En fait c’est la démarche qui nous importe. Ce qui est extrêmement intéressant quand on lit c’est toute la démarche essais/erreurs. Là, on se trouve dans la démarche scientifique, ça me touche particulièrement. Ça montre bien que la technique c’est ça aussi, maintenant nous sommes des utilisateurs passifs d’ordinateurs ; ça ne marche pas, on envoie potentiellement un mail à quelqu’un qui est à l’autre bout de la planète. La technique ce n’est pas ça. Il faut se confronter à la technique pour, justement, pouvoir apprendre, pour pouvoir s’améliorer, comprendre et essayer de la réparer, la faire évoluer.
J’ai trouvé cet article-là particulièrement intéressant aussi. Maintenant on peut recommander à chacun de fabriquer son propre vélo pour regarder Netflix, pour alimenter la télé. Ce qui m’a beaucoup étonné c’est qu’on était capable de faire tourner une machine à laver avec ce vélo en termes de puissance, en termes de représentation.

Marie Verdeil : On n’a pas testé pour une machine à laver. Je pense qu’il faudrait le faire, dans ce cas-là, avec de l’énergie mécanique, ne pas utiliser l’électricité entre les deux. Des gens l’ont fait, notamment dans les Pyrénées, ils ont construit des machines à laver à vélo.
L’idée n’est pas de dire aux gens, encore une fois, de construire un vélo. L’idée n’est pas d’aller dans l’individualité, chacun va construire son petit vélo chez soi. C’est plus de penser ce que veut dire faire sa propre énergie, qu’est-ce qu’il est possible d’alimenter ou pas et, du coup, qu’est-ce que ça voudrait dire. Si on pense vraiment à réduire considérablement l’énergie qu’on utilise, ça veut dire qu’est-ce que qu’on peut alimenter avec sa propre énergie et qu’est-ce qu’on ne peut pas. Du coup, est-ce que a pourrait être une façon de penser à ce qu’on est capable d’alimenter comme étant la limite de ce qu’on peut consommer ?
Par exemple, ce qui est intéressant : un téléphone c’est très facile, on peut même mettre dix téléphones, après un frigo ça devient difficile, ou alors une bouilloire. C’est très intéressant on prend souvent cet exemple, Priscille l’a fait. On avait une petite bouilloire à 12 volts, une petite bouilloire qu’ils ont dans les camions par exemple, et on avait mis l’équivalent d’une tasse thé dedans pour essayer de la faire arriver à 60 degrés, une température de thé. Ça prend 30 minutes d’effort vraiment très intense, c’est comme une grosse côte, du coup, à la fin on a très chaud et plus du tout envie de boire du thé.
D’ailleurs en français cet article s’appelle « Construire un vélo générateur pour la chaleur et l'électricité » : on produit de l’électricité, on produit aussi de la chaleur parce qu’on fait beaucoup d’efforts. C’est aussi une autre façon de penser.

Encore une fois, pour moi ce sont des outils, l’idée de low-tech en général ce sont des outils pour arriver à penser de façon critique et à penser à se poser des questions : qu’est-ce qu ça veut vraiment dire réduire, comment on le fait et comment on le fait de façon qui ne soit pas dans la contrainte et dans la souffrance de se dire « on est en train de renoncer à plein de choses ». Pour moi c’est aussi un outil de médiation.
Le vélo est né à Barcelone. On l’a apporté dans une sorte de fab lab, de workplace qu’il y a à Barcelone. On a joué de la guitare électrique avec, plein de gens l’ont essayé. Je pense que ce sont aussi des façons de comprendre l’électricité. Moi j’ai compris l’électricité à ce moment-là, j’ai compris la différence entre les volts et les ampères, parce que vraiment tu rajoutes des ampères et tu descends dans les jambes parce que ça devient de plus en plus dur à pédaler. Je pense qu’il n’y a pas un cours de physique qui va te l’apprendre de cette manière-là. C’est ce qui est vraiment incroyable et c’est pareil avec le logiciel libre. La force c’est aussi se dire qu’on met la main à la pâte. La technique, c’est aussi quelque chose qu’il faut vraiment avoir expérimenté.

Laurent Costy : À t’écouter, je prends aussi conscience que dans cette démarche-là on prend conscience, justement, des échelles, des échelles d’énergie potentielle pour faire telle ou telle chose. Ça me fait penser aussi aux problématiques qu’on peut avoir dans le numérique quand on essaye de faire comprendre aux gens ce que représente la donnée, ce que représente la consommation d’énergie. On n’arrête pas de nous dire de vider nos boites mails, vous allez économiser beaucoup d’énergie, etc. Alors que maintenant on le sait, ce n’était pas forcément le cas avant, on sait que c’est bien plus important de prolonger son appareil électrique. Ce type de démarche-là permet aussi justement de savoir quelles opérations vont prendre beaucoup d’énergie, moins d’énergie, on touche les choses. C’est ce que tu dis : finalement on touche les choses et on les appréhende beaucoup mieux que si on les lit sur papier ; entre la théorie et la pratique, on s’approprie un peu mieux les choses.

Marie Verdeil : C’est ça. J’aime bien le site LOW←TECH MAGAZINE et ce qui m’a directement parlé, c’est vraiment à la base un journaliste d’ailleurs qui écrivait, qui faisait de la revue, il me semble, de tout ce qui est veille technologique pour des magazines, vraiment une revue de high-tech, du coup il a cette approche de la technologie où il comprend beaucoup de choses et, en même temps, il n’a pas du tout une compréhension scientifique ou technique. Du coup il garde, et je trouve que c’est vachement intéressant, un petit peu de naïveté, ne pas essayer de tout comprendre pour arriver à encore être le lien entre les personnes qui ne comprennent pas du tout, qui sont très loin de ça, et les discours scientifiques. Sinon on a aussi un problème d’articulation de ces problèmes qui peuvent paraître très vite abstraits : parler d’énergie, de puissance, qu’est-ce que ça veut dire ?, ce n’est pas forcément évident. Je pense toujours à ma grand-mère qui était professeur de physique qui essayait de m’expliquer la différence entre la puissance et l’énergie et je n’ai pas compris ! Je pense qu’il faut vraiment essayer de s’approprier ces choses-là par le faire.

Laurent Costy : C’est vrai qu’il y a des gens qui ont été vaccinés par les cours de physique. Marie-Odile nous dit, dans le chat, que toutes ces questions-là faisaient partie du programme des cours de Technologie en 6e et que c’est en train d’être supprimé, c’est bien dommage. Il y avait quand même cette question des travaux pratiques où on est censé appréhender ça. Des souvenirs que j’en ai c’est vrai que ça restait quand même très cadré, de plus en plus pauvre, et ça ne permettait pas d’expérimenter, de faire des essais/erreurs. Le fil des travaux pratiques était finalement très cadré, on ne sortait pas d’un chemin qui était tracé. C’est là que c’était peut-être un peu compliqué. Votre démarche est finalement complètement ouverte : à un moment donné vous dites quelle est cette problématique ? On va travailler sur ce sujet-là, on isole le problème, on avance et puis on résout ce problème-là et après on passe à un autre. On décompose en petits problèmes pour pouvoir les réassembler ensuite. C’est chouette de pouvoir dérouler cette démarche-là. Quand on voit le résultat de l’article, je trouve que c’est extrêmement intéressant.

Marie Verdeil : Je pense que c’est une approche pragmatique, on va dire, de thèmes qui parlent à beaucoup de gens. C’est vraiment essayer d’avoir une approche très large, qui va être systémique, qui va penser plein d’éléments, par exemple l’énergie, l’électricité, ??? [37 min 45] de l’électricité, tout ça mais avec des angles d’approche petits. Je pense que c’est vraiment hyper-nécessaire et je pense que dans le design c’est aussi une façon de faire ça : on a une approche pragmatique par les objets ou d'ailleurs d’autres choses, mais qui, après, permet d’aborder des thèmes plus larges, sans les rendre complètement lointains.

Laurent Costy : La technique est politique, on l’avait dû l’échanger dans le pad, je pense que c’est primordial, c’est clair que ça fait partie des éléments importants.
Du coup on va rejoindre petit être un sujet qui me semble important dans l’émission : comment vois-tu la convergence entre logiciel libre et low-tech ? LOW←TECH MAGAZINE la voit comment ? Il y a un article, qu’on va signaler, qui parle d’une personne qui garde son ordinateur le plus longtemps possible ; je vous invite à le lire, ce sont des choses qu’on connaît déjà à l’April. Là aussi c’est très descriptif, ça explique toute la démarche et pourquoi il en est arrivé à cette conclusion, ce qui n’était pas le cas au départ, il n’était pas forcément parti pour ça.

Marie Verdeil : Oui. Je pense que le logiciel libre est déjà assez présent dans le travail-même de LOW←TECH MAGAZINE. Krys, utilise GNU/Linux depuis très longtemps, il est sur GNU/Linux, il a de vieux ordinateurs. Il explique très bien dans cet article pourquoi pour lui et pour plein de gens c’est mieux. Je parle qu’il parle vraiment très bien de la question de, on va dire, compatibilité et rétro-comptabilité, c’est-à-dire qu’on va avoir des logiciels libres qui vont fonctionner sur des vieilles machines.
On a un site vraiment très simple, on l’a construit HTML, qui fonctionne sur de très vieilles machines. Il m’a donné un ThinkPad de 2006, je crois, il n’y a pas de souci avec le site, en plus il est très léger. Il y a cette idée-là dans le mode de travail.
Après, il y a déjà un peu ce côté, cette approche critique de la technologie évidemment, l’idée de communs, de mise en commun. On essaie aussi de partager notre savoir. C’est compliqué parce que, de toute façon la licence ce tout sur ce qui est les idées, par exemple sur le vélo générateur on a mis en ligne les plans et tout ce qu’on a trouvé. Je pense qu’on espère que ça va aussi créer des discussions, si les gens le font ils vont répéter ça, ça serait intéressant qu’on en discute.
Comme tu le dis, il y a aussi la dimension politique. Comme je l’ai dit avant, je pense que les low-tech ça ne doit pas s’arrêter à une sorte de mode de vie et je trouve que c’est un peu en train d’être comme ça en France, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de choses qui sont sur comment on va acheter ce mode de vie low-tech, c’est-à-dire acheter un vélo cargo ou quelque chose comme ça. Il y a cette idée-là et je pense qu’il faut vraiment la dépasser pour penser que ce n’est pas que ça, que c’est vraiment aussi quelque chose de politique. À la fin c’est de la critique de notre société pour ne pas se laisser, on va dire, capitaliser ; il ne faut pas laisser les gens capitaliser sur cette idée.

Laurent Costy : On est d’accord. Le logiciel libre est aussi quelque chose d’extrêmement politique, l’April est bien placée pour le savoir.
Je vais repasser la parole à Fred.

Frédéric Couchet : L’occasion de faire une petite pause musicale. Nous allons écouter Sur la terre par Sucrepop. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Sur la terre par Sucrepop.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d'écouter Sur la terre par Sucrepop disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Deuxième partie