Différences entre les versions de « Émission Libre à vous ! du 20 septembre 2022 »

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<b>Voix off : </b><em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
 
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<b>Étienne Cornu :</b> Bonjour à toutes, bonjour à tous. Être libriste et responsable des systèmes d'information d'une association : c'est le sujet principal de l'émission du jour. Avec également au programme « Pop-up et fenêtres modales », et « De la couleur de nos cerveaux ». Nous allons parler de tout cela dans l'émission du jour.
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Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous, l'émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l'April, l'association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Cornu, chargé de mission Affaires publiques pour l'April. Le site web de l'émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l'émission du jour, avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N'hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.
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Nous sommes mardi 20 septembre, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou en podcast.
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À la réalisation de l'émission, il est aussi à l'aise derrière un potard que derrière un micro, mon collègue Frédéric Couchet.
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<b>Frédéric Couchet</b> Merci, bonne émission à vous.
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<b>Étienne Cornu : </b>Premier sujet, mais surtout première chronique de notre nouvelle recrue qui rejoint l'équipe pour cette sixième saison de Libre à vous.
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Gribouilleur, scribouillard, docteur en informatique, généraliste conventionné secteur 42 et framasoftien de longue date, Gee est un auteur touche-à-tout qui s'est fait connaître comme dessinateur des blogs BD de Geektionnaire ou Grise Bouille, mais qui écrit également de la musique, des romans et des chroniques audio.
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C'est un grand plaisir d'accueillir Gee au sein de l'équipe et ici dans les studios de la radio pour sa première. Alors Gee : au fil de tes chroniques, tu vas nous exposer ton humeur du jour, des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par la dernière lubie anti-internet de notre classe politique. Tu vas partager ce qui t'énerve, ce qui t'interroge, te surprend, enthousiaste, toujours avec humour, nous dis-tu. L'occasion peut-être, derrière toutes ces boutades, de faire un peu d'éducation populaire au numérique.
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Et je crois qu'aujourd'hui, tu voudrais nous parler de pop-up et de fenêtre modale, un sujet au potentiel comique évident.
  
  

Version du 21 septembre 2022 à 17:44


Titre : Émission Libre à vous ! du 20 septembre 2022

Intervenant·e·s : Gee - Zatalyz - François Audirac - Mathieu Bossaert - Laurent Costy - Marie-Odile Morandi - Laure-Élise Déniel - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 20 septembre 2022

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page des références de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.


Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.


Étienne Cornu : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Être libriste et responsable des systèmes d'information d'une association : c'est le sujet principal de l'émission du jour. Avec également au programme « Pop-up et fenêtres modales », et « De la couleur de nos cerveaux ». Nous allons parler de tout cela dans l'émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous, l'émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l'April, l'association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Cornu, chargé de mission Affaires publiques pour l'April. Le site web de l'émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l'émission du jour, avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N'hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.

Nous sommes mardi 20 septembre, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou en podcast.

À la réalisation de l'émission, il est aussi à l'aise derrière un potard que derrière un micro, mon collègue Frédéric Couchet.

Frédéric Couchet Merci, bonne émission à vous.

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Étienne Cornu : Premier sujet, mais surtout première chronique de notre nouvelle recrue qui rejoint l'équipe pour cette sixième saison de Libre à vous.

Gribouilleur, scribouillard, docteur en informatique, généraliste conventionné secteur 42 et framasoftien de longue date, Gee est un auteur touche-à-tout qui s'est fait connaître comme dessinateur des blogs BD de Geektionnaire ou Grise Bouille, mais qui écrit également de la musique, des romans et des chroniques audio.

C'est un grand plaisir d'accueillir Gee au sein de l'équipe et ici dans les studios de la radio pour sa première. Alors Gee : au fil de tes chroniques, tu vas nous exposer ton humeur du jour, des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par la dernière lubie anti-internet de notre classe politique. Tu vas partager ce qui t'énerve, ce qui t'interroge, te surprend, enthousiaste, toujours avec humour, nous dis-tu. L'occasion peut-être, derrière toutes ces boutades, de faire un peu d'éducation populaire au numérique. Et je crois qu'aujourd'hui, tu voudrais nous parler de pop-up et de fenêtre modale, un sujet au potentiel comique évident.




Frédéric Couchet :Merci. Bonne émission à vous.

Étienne Gonnu :Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

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Chronique « Les humeurs de Gee » intitulée « Pop-ups et fenêtres modales »

Étienne Gonnu : Premier sujet, mais surtout première chronique de notre nouvel recrue qui rejoint l’équipe pour cette sixième saison de Libre à vous !. Gribouilleur, scribouilleur, docteur en informatique, généraliste conventionné secteur 42 et Framasoftien de longue, Gee est un auteur touche à tout comme dessinateur de blogs, de BD, de geektionnaire, et de Grise-Bouille, qui écrit également de la musique , des romans et des chroniques radio. C’est un grand plaisir d’accueillir Gee au sein de l’équipe et ici, dans le studio de la radio, pour sa première.
Gee, au fil de tes chroniques, tu vas nous exposer ton humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-internet de notre classe politique. Tu vas partager ce qui t’énerve, ce qui t’interroge, te surprend, t’enthousiasme, toujours avec humour nous dis-tu. L’occasion, peut-être, derrière toutes ces boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.

Je crois qu’aujourd’hui tu voudrais nous parler de pop-ups et de fenêtres modales , un sujet au potentiel comique évident.

Gee : Exactement.

Salut à toi, public de Libre à vous!. Pour cette première chronique, j'ai décidé de te parler de pop-ups, d'overlays et de fenêtres modales sur le web. Pour les néophytes, en gros, ce sont tous les petits trucs qu'on nous colle devant nos sites web, en général sans qu'on ait rien demandé.

Je suis pas à proprement parler un vieux de la vieille, mais j'ai quand même découvert le Web au moment où il commençait à se démocratiser en France, aux alentours de l'an 2000. À cette époque, on subissait souvent une salle bestiole aujourd'hui heureusement disparue : la pop-up. Je sais, je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans, etc. etc.

Donc, pour les moins de 20 ans, je précise, la pop-up était une petite fenêtre qui s'ouvrait en plus de la fenêtre du navigateur quand tu cliquais sur certains liens, en général, avec de la pub dedans. C'était assez désagréable, on passait son temps à fermer des fenêtres intempestives et on a assez vite inventé des bloqueurs de pop-ups pour faire ça automatiquement.

Sauf que bien sûr, ça a marqué le début de la course à l'armement entre pubards et anti pubs. Très vite, les pubs ont été intégrées aux pages web, parfois dans des proportions un poil exagérées. La palme dans le genre revenait sans doute à Lycos – oui, je sais, ça nous rajeunit pas – Lycos, donc, qui, après avoir racheté les pages persos Multimania en janvier 2001, les a méthodiquement pourries avec tellement de pubs superposées qu'on finissait par chercher les trois pixels de contenu qui dépassaient derrière les quinze surcouches de pubs. Et de la pub de qualité hein, du GIF animé strass et paillettes, voire de la bonne vieille animation Flash bien lourdingue comme on n'en fait plus. Ce qui n'est sans doute pas plus mal. Mais, comme un juste retour de karma, Lycos a depuis fini dans la vaste poubelle du Web, non sans avoir également flingué Caramail auparavant, mais c'est une autre histoire.

Bref ! La pub intégrée aux pages n'a, en revanche, pas vraiment disparu, bien au contraire. Les pubards ont juste compris qu'il valait mieux éviter de la mettre au-dessus du contenu, tu me diras, c'est déjà ça ! De notre côté, on a bien sûr adopté en masse des bloqueurs de pubs comme uBlock Origin, et puis les sites ont intégré des détecteurs de bloqueurs pour nous envoyer des messages culpabilisants, etc.

Ceci étant dit, ce serait assez injuste de résumer les overlays et les fenêtres modales, ces petites surcouches qui s'affichent sur une page web, à la pub. Eh non ! Car les webmasters rivalisent d'inventivité quand il s'agit d'enquiquiner les gens qui visitent leurs sites web.

Par exemple, il y a quelques années de ça, j'avais reçu un mail d'une agence de com lambda qui voulait me vendre sa technologie révolutionnaire. Je t'en lis un extrait : « Savez-vous que 70 % des visiteurs qui quittent un site ne reviendront jamais ? Notre technologie vous permet de capter les adresses mails des visiteurs sortants. Grâce à notre algorithme, nous analysons le comportement du visiteur pour détecter quand il va partir, et nous collectons alors son adresse mail pour le faire revenir. » Ça par exemple, mais ça a l'air génial !

Bon, en fait, si je fais une traduction faux-cul-français, en gros, leur truc, ça attend que ton curseur se rapproche du haut de la page, là où y'a la croix pour fermer l'onglet, et ça t'affiche alors une fenêtre modale d'inscription à la newsletter.

Waouh. Bon, alors déjà, me présenter comme révolutionnaire une techno que je peux probablement coder après un tuto de 20 minutes sur JavaScript, c'est un peu gonflé. Mais en plus, sérieusement, est-ce qu'il y a une seule personne dans le monde que ça n'emmerde pas profondément, ce genre de truc ?

Je veux dire, de deux choses l'une : soit j'allais effectivement fermer l'onglet, et sincèrement, un truc comme ça qui me saute à la tête comme un Pokémon dans les hautes herbes, ça risque pas de me faire changer d'avis ! Soit j'allais juste cliquer sur un autre onglet, où j'avais juste bougé ma souris vers le haut, comme ça, sans raison, eh bien me faire agresser par votre fenêtre moisie, ça risque au contraire de me donner envie de fermer la page et de ne plus jamais y foutre les pieds. Je serais curieux de connaître le nombre de personnes qui laissent effectivement leur adresse mail en voyant ce genre de fenêtre leur sauter à la tronche. Une vraie adresse mail, hein, pas zizi@yopmail.com, non ! Combien ne sont pas tout simplement saoulés par ces incessantes demandes d'inscription à la newsletter ? Bon, le mail de l'agence de com ne le précisait pas, donc je n'en sais rien, mais je devine assez bien.

Allez, je me calme, et j'aborde un dernier overlay qui a une certaine tendance à agace, le foutu bandeau de consentement aux cookies. Tu sais, celui où t'as le choix entre « accepter » et « accepter quand même » ? Ou alors tu peux appuyer sur la croix, ce qui veut dire accepter aussi. Tu vas me dire « oui, mais là les sites n'y sont pour rien, c'est la réglementation, le RGPD, tout ça, tout ça, la folie administrative, on nous met des bâtons dans les roues, de toute façon on n'aime pas les entrepreneurs dans ce pays, et puis remets-moi un canon, Roger ! »

Non ! Le fameux bandeau RGPD n’est pas obligatoire. En fait, ce n'est obligatoire que si le site vous piste, avec des petits cookies et des petits traceurs. Mais ça, les sites web sont pas obligés de le faire ! Par exemple, prenons un site web au hasard, tiens !, celui de l'April, c’est le hasard. Sur le site de l'April, aucun bandeau d'acceptation des cookies ! Pareil pour le site de l'émission Libre à vous!, d'ailleurs. Pareil si je vais sur les sites de Framasoft, de La Quadrature du Net ou de Wikipédia ! Donc si les fameux sites qui nous collent des overlays de trois pieds de long pour nous demander si on consent à se faire espionner voulaient vraiment arrêter d'emmerder les gens, ce serait simple : arrêtez de nous pister ! Mais bon !, c'est comme pour les pop-ups de pub, on va pas se faire trop d'illusions. On n'a pas fini de devoir développer des bloqueurs pour toutes les saletés que les entreprises du web essaient de nous refourguer. Et franchement, on assume.

Voilà, j'espère que cette première chronique vous a plu, et moi je vous retrouve très bientôt pour une nouvelle humeur. Salut

Étienne Gonnu : Salut Gee. Après cette superbe chronique, nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après cette pause musicale, nous parlerons avec Laurent Costy et ses invités qui sont responsables de systèmes d’information d’une association et qui sont également libristes.
Avant cela nous allons écouter Dawn par Somatoast . On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Dawn par Somatoast .

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : De retour sur Cause Commune, la voix des possibles. Vous venez d’écouter Dawn par Somatoast , disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Passons maintenant à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Être la personne responsable des systèmes d’information et libriste, bénévole ou salariée, dans une association

Étienne Gonnu : Salut Laurent. Nos auditrices et auditeurs fidèles te connaissent




Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Night par Kosmorider, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution CC By, une découverte de nos amis de auboutdufil.com.

[Jingle]

Deuxième partie

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l’April, intitulée « De la couleur de nos cerveaux »

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » proposées par Marie-Odile Morandi et lue par Laure-Élise Déniel. Un épisode préenregistré intitulé « De la couleur de nos cerveaux ». On se retrouve dans environ dix minutes sur Cause commune.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Bonjour à toutes et bonjour à tous.

Un thème récurrent et dont l’importance s’est accrue ces derniers mois concerne la place des jeunes filles et des femmes dans les études scientifiques, en particulier en informatique, ainsi que dans les métiers correspondants.
De nombreuses conférences et tables rondes sur ce sujet ont été transcrites par notre groupe Transcriptions. La liste est à votre disposition sur la page des références de l’émission d’aujourd’hui, sur le site libreavous.org.
Pour cette chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de septembre 2022, il nous a semblé important de mettre le focus sur ce problème afin de partager les réflexions et remarques des intervenants et intervenantes, en particulier celles d’Isabelle Collet, et les solutions que l’on peut mettre en œuvre. Isabelle Collet est une informaticienne de formation, enseignante-chercheuse, professeure en sciences de l’éducation à l’université de Genève. Elle s’adresse aux questions de genre et aux discriminations des femmes dans l’informatique et dans les sciences.

Le constat est amer. Actuellement en Occident – Europe et États-Unis – et parce qu’on inclut tous les métiers de support – administration, documentation et communication –, on compte 25 à 30 % de femmes dans le numérique. Si on se restreint à la dimension vraiment technique on est plutôt aux alentours 15 % et plus la partie considérée est en pointe moins il y a de femmes, par exemple 12 % dans l’intelligence artificielle. Bref ! Pas beaucoup de femmes dans le numérique, même dans la filière du Libre alors que la communauté se dit ouverte, avec des valeurs et une volonté politique !

Et pourtant ! Au 19e siècle, le premier programme informatique sur un ordinateur mécanique a été réalisé par une femme, Ada Lovelace ; le premier compilateur, ce qui permet de traduire le code écrit en langage de programmation en langage compréhensible par la machine, a été conçu par Grace Hopper ; et sous la direction de Margaret Hamilton ce sont des femmes qui ont écrit le programme Apollo en 1969.

Que se passe-t-il durant les années 70/80 ?
La programmation acquiert ses lettres de noblesse. On commence à se dire que programmer demande de la logique, que cela est proche des mathématiques avec à la clef des métiers conduisant à des responsabilités. L’informatique change de statut. Elle offre des emplois prestigieux, de bons salaires, de belles carrières. Des filières s’ouvrent dans les universités de sciences dites dures, là où les hommes sont déjà, les sciences dites molles étant destinées aux femmes – c’est la division socio-sexuée des savoirs. La valeur sociale de ces métiers augmente, ils se masculinisent. Simultanément les micro-ordinateurs arrivent dans les foyers. Les garçons en sont équipés en premier comme chaque fois qu’un nouvel objet technologique fait son apparition. Pour l’ensemble de la société se crée l’image de celui qu‘on appelle aujourd’hui le geek, le stéréotype de l’informaticien. Le micro-ordinateur arrive aussi en entreprise. Dans l’imaginaire des adultes qui entourent ces adolescents, parents et enseignants, se crée une représentation de fausse continuité entre le micro-ordinateur installé dans les familles, souvent pour jouer, et le micro-ordinateur installé dans l’entreprise, pour travailler. La voie de ces jeunes hommes est tracée, ils font des études d’informatique, obtiennent des diplômes et sont embauchés. La proportion de femmes dans ces études et ces emplois chute considérablement. Une espèce de spirale négative se crée, c’est-à-dire que moins on y trouve de femmes plus on imagine qu’il est normal qu’elles ne soient pas là ! Et pourtant, on parle bien de la même programmation !
Les filles ont des doutes, un sentiment d’illégitimité s’installe avec perte de confiance en soi et en son efficacité. Leur comportement pourrait s’apparenter à de l’autocensure alors que c’est une censure sociale qu’elles subissent, c’est le poids des normes et des stéréotypes qu’elles supportent depuis l’enfance, continuellement. Ce n’est pas une fatalité biologique ! Il n’y a pas des sciences pour les filles et des sciences pour les garçons ! Hommes et femmes ont évidemment des capacités cognitives identiques, mais dès l’enfance on socialise garçons et filles à des destins différents. Pour Isabelle Collet, ces stéréotypes permettent de prolonger un ordre social. Il est temps de mettre en discussion cette construction bien ancrée et cela veut dire lever la censure sociale, changer le système ; et ce n’est pas simple !

Il est banal de dire que le numérique prend une place de plus en plus importante dans la vie d’aujourd’hui, dans celle de demain. Mais peut-on tranquillement s’accommoder du fait que ce numérique est imaginé, conçu, paramétré, maintenu par une population à peu près homogène, composée à 85 % d’hommes blancs ? Peut-on se satisfaire d’une situation dans laquelle il n’y a que 15 % de femmes qui participent à inventer le monde de demain ? Se diriger vers une société numérique inclusive demande plus de mixité dans les systèmes qui la préparent. Des solutions sont proposées, certaines ayant déjà été mises en œuvre avec succès, c’est-à-dire une augmentation du nombre de jeunes femmes inscrites dans ces filières :

  • mettre les élèves très tôt au contact de l’informatique dans des salles neutres, sans posters qui représentent souvent des modèles masculins ;
  • changer le discours qui est tenu aux filles dans les écoles et promouvoir une image plus inclusive de l’informatique : elles sont à leur place dans ce type d’études au même titre que les garçons ;
  • proposer des exercices et projets autres que des problèmes de mathématiques pour casser le biais informatique = mathématiques et insister sur le fait que si on n’aime pas les jeux, en particulier les jeux vidéos, on peut tout à fait réussir des études d’informatique et devenir informaticienne ;
  • lors de la rédaction des bulletins, enseignants et enseignantes doivent bannir les formules « élève studieuse et laborieuse » pour les filles et « garçon brillant mais ne travaille pas assez » pour les garçons ;
  • ne pas hésiter à mettre des quotas à l’entrée de ce genre d’études dans le supérieur. Les filles rencontrent tellement d’obstacles sur le parcours précédant leur choix d’orientation du fait du poids des normes et des stéréotypes qu’il s’agit d’un juste retour, d’un rattrapage. On obtient alors, avec plus de filles qui ont été sélectionnées en amont, une meilleure promotion ;
  • composer des groupes de travail vraiment mixtes, 50/50, ou uniquement féminins, afin de ne pas abandonner une fille seule au sein d’un groupe de garçons ;
  • organiser des groupes d’échange composés uniquement de femmes ;
  • organiser du mentorat pour accompagner spécifiquement les femmes ;
  • inviter des femmes rôle modèles en les choisissant proches du public auquel elles devront s’adresser ;
  • établir des codes de conduite de façon à rendre les ambiances de travail inclusives, faisant de la mixité une force ;
  • et la liste n’est pas exhaustive !

Les idées ne manquent pas mais sans réelle politique au sein des établissements scolaires, sans politique institutionnelle volontaire, les progrès resteront insuffisants.

Le constat amène à une certaine mobilisation de la part des pouvoirs publics et, non des moindres. En France, la nomination de Alexis Kauffmann, en septembre 2021, à la Direction du numérique pour l’éducation au sein du ministère de l’Éducation nationale avec une double casquette, chef de projet logiciels et ressources éducatives libres mais surtout mixité dans les filières du numérique.

Les choix d’orientation qui se font au lycée se répercutent évidemment dans l’enseignement supérieur et ensuite sur le marché du travail, mais il est difficile, pour les lycéennes, de faire des choix libres et autonomes. Le ministère de l’Éducation a créé un label Égalité filles-garçons. Différents critères sont listés : l’établissement, dans sa politique globale, est-il inclusif avec pratique de l’égalité ? A-t-il réussi à faire remonter certains pourcentages dans les filières trop déséquilibrées ? Lutte-t-il contre les stéréotypes de genre avec accès pour toutes et tous à une orientation moins genrée ?

La famille a aussi son rôle à jouer, en particulier dans l’éducation de ses filles. Isabelle Collet nous dévoile son enfance avec sa sœur et son père, père à qui le fait d’avoir des filles n’a jamais posé le moindre le souci, qui leur donné le goût des sciences et a appris à programmer à Isabelle. D’ailleurs Marion Monnet, chercheuse post-doctorante à l’Institut national d’études démographiques, la transcription de l’une de ses conférences est à votre disposition, nous explique que dans les familles où il n’y a que des filles les pères passent du temps à partager les contenus scientifiques avec elles, alors que dans les familles où il y a des enfants des deux genres, ce temps est plutôt réservé aux garçons.

Le monde du Libre n’est pas exempt de situations délétères. Tous n’ont pas pris acte, là non plus, des discriminations faites aux femmes et des inégalités. Peut-être en avions-nous trop attendu ! L’April s’intéresse énormément à ce sujet de la mixité dans les filières du numérique, diverses émissions Libre à vous ! récentes ont été consacrées à ce sujet.

La société se numérise, tous les secteurs d’activité se numérisent et doivent le faire pour l’ensemble de nos communautés, car la vie est mixte. Garçons et filles, tous et toutes nous devons comprendre que la transition numérique en cours ne peut mener à une société inclusive, fonctionnelle et émancipatrice si elle est préparée uniquement par une partie de la population. Ce n’est pas tant que les filles ont besoin d’aller en informatique c’est que l’informatique a besoin d’elles si elle veut être performante.

Nous vous encourageons à lire, ou relire, ces transcriptions en gardant à l’esprit que la biologie ne joue aucun rôle, n’a rien à voir dans cette affaire, qu’il n’y a pas de cerveaux roses et de cerveaux bleus, expression chère à Isabelle Collet.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » proposée par Marie-Odile Morandi et lue par Laure-Élise Déniel, un épisode préenregistré intitulé « De la couleur de nos cerveaux ». C’est une très belle chronique, je vais en profiter pour dire bravo et merci à Marie-Odile pour son excellent esprit de synthèse de différentes interventions qu’elle a pu transcrire. Bravo et merci également à Laure-Élise Déniel qui lui donne énormément de profondeur avec sa voix.

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques menues annonces. par quelques annonces.

[Virgule musicale]

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