Émission Libre à vous ! du 18 janvier 2022 sur radio Cause Commune

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 11 janvier 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Vincent Calame - - - - - Véronique Bonnet - Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 18 janvier 2021

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE de l'émission

[Références concernant l'émission]

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La politique logiciel libre de la commune d’Échirolles, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avant cela Vincent Calame, dans sa chronique « Jouons collectif », reviendra sur le sujet long de l’émission Libre à vous ! numéro 116 qui portait sur les CEMEA et, en fin d’émission, Véronique Bonnet nous parlera de logiciel libre et d’éthique dans sa chronique « Partager est bon »..

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes le 18 janvier 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission mon collègue Frédéric Couchet, épaulé par Isabella Vanni. Salut Fred.

Frédéric Couchet : Salut à tous et à toutes. Et comme tu le dis, nous sommes en direct du studio et non pas en direct d’Ibiza ! Bonne émission à vous.

Étienne Gonnu : Tout à fait. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Jouons Collectif » de Vincent Calame – Retour sur l’émission 116, dont le sujet long était « CEMEA et logiciel libre »

Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « Jouons Collectif » de Vincent Calame.
Salut Vincent. De quoi souhaites-tu nous parler aujourd’hui ?

Vincent Calame : Comme tu l’as dit en introduction, j’aimerais revenir dans cette chronique sur une émission passée de Libre à vous !, plus exactement la n° 116 de Libre à vous du 29 septembre de l’année dernière. Son sujet principal portait sur les CEMEA et le logiciel libre avec, pour invités, Jean-Luc Cazaillon, qui était ancien directeur général, et Morgane Péroche, permanente, ainsi que Laurent Costy, qui est aussi chroniqueur à cette antenne et membre du CA de l’April mais également nouvellement arrivé aux CEMEA. D’ailleurs, Étienne, c’est toi qui étais à l’animation ce jour-là.

Étienne Gonnu : Oui, tout à fait. Une émission que j’avais pris beaucoup de plaisir à coanimer avec Laurent. Je garde le souvenir d’un échange très enrichissant, même à un niveau personnel en fait. J’en profite pour préciser que CEMEA veut dire, « Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active », c’est donc un mouvement d’éducation populaire. Du coup, je suis curieux de savoir ce que tu souhaites nous dire de cette émission.

Vincent Calame : Tout d’abord, on ne peut que se réjouir qu’une structure aussi importante – un peu moins de 400 salariés – et aussi ancienne – 1937, excusez du peu – investisse du temps, de l’énergie et aussi de l’argent dans le logiciel libre. Pour toutes les personnes – j’en suis du nombre – qui essaient de convaincre des structures associatives ou militantes à utiliser du logiciel libre, c’est un exemple précieux à mettre en avant pour montrer que ce n’est pas une question réservée à un petit cercle d’initiés à l’informatique.
Ensuite, tout au long de l’émission, les différentes interventions fourmillent de pistes de réflexion et de sources d’inspiration. J’invite d’ailleurs les personnes intervenantes à me remplacer le temps de quelques chroniques car, en matière de « Jouons collectif », elles ont beaucoup de choses à dire et ont une expérience beaucoup plus riche que la mienne. On sent notamment cette touche « éducation populaire » dans la question de l’appropriation du logiciel libre par des publics très variés. Bref, je ne peux que vous inciter à la réécouter ou lire la transcription faite par Marie-Odile si le sujet vous tient à cœur, comme moi.
J’aimerais revenir plus particulièrement sur un point qui m’a frappé à l’écoute, c’est l’importance, dans le processus d’appropriation de cette question du logiciel libre par les CEMEA, du fait que les CEMEA ont soutenu le développement d’un logiciel libre. Ce dernier s’appelle Zourit et c’est une plateforme qui rassemble plusieurs logiciels de travail collaboratif. Jean-Luc Cazaillon a une phrase éclairante, je cite : « Pour moi, déjà, c’était fort de pouvoir se dire qu’au lieu d’acheter quelque chose on allait soutenir un développement porté par une association et que nous aussi on a contribué, qu’on contribue aujourd’hui, dans l’approche collective, à faire progresser cet outil-là ».

Étienne Gonnu : Ce qu’il conclut d’ailleurs par « Et ça, c’est génial ! ».

Vincent Calame : Oui. Tout à fait. On voit que nous sommes dans un cas qui va bien au-delà d’une simple migration où on remplace un logiciel privateur par un logiciel libre. La migration vers des logiciels et des systèmes libres est évidemment très importante mais, au fond, elle ne fait pas toucher du doigt l’aventure qu’est le développement d’un logiciel libre. Cette aventure ce n’est pas juste écrire du code, c’est prendre en main, tester, documenter, transmettre le logiciel, en un mot le faire vivre et le rendre utile pour le public auquel il est destiné. On sent, c’est en tout cas mon impression à l’écoute, que le développement d’un logiciel porté par les CEMEA leur a permis de démythifier l’enjeu, de l’incarner dans un objet concret, de rendre ces questions tangibles. Et cet apprentissage a facilité l’appropriation des autres logiciels libres utilisés. J’enfonce une porte ouverte en rappelant que c’est en faisant qu’on apprend le mieux. C’est aussi en faisant qu’on comprend mieux la valeur des choses et le temps nécessaire à leur élaboration. Pour prendre une petite image agricole comme je les aime : « cultivez votre propre potager et vous vous rendrez compte que les fruits et légumes ne sont pas si chers que ça » oui, notamment car la terre est basse !
Morgane Péroche a une belle formule à propos de Zourit, je cite également : « Je souhaite que ça puisse perdurer dans le temps et que ça donne aussi envie à d’autres organisations de pouvoir créer par elles-mêmes leur propre progiciel, en tout cas de s’en donner les moyens. ». Je ne peux que souscrire à cette formule. Bien sûr, se lancer dans une telle aventure n’est pas simple et il ne faut pas non plus réinventer la roue juste pour avoir son truc à soi. Mais, déjà, par exemple, écrire une extension pour un logiciel libre existant, qui répond à un besoin interne, faire l’effort de rendre cette extension libre et utilisable par d’autres dans des contextes différents, c’est déjà une belle contribution et un bon moyen de comprendre les enjeux d’une informatique libre.

Étienne Gonnu : Belle formulation en effet et un enjeu essentiel que tu soulèves dans ta chronique et qui résume bien je trouve un point politique essentiel lorsqu’on pousse pour une priorité qu logiciel libre dans les administrations comme le fait l’April. On nous oppose parfois une sorte de fausse neutralité qu’il faudrait avoir entre logiciel libre et logiciel privateur qu’il ne faudrait comparer que sur une stricte base technique. Or justement non, une priorité au logiciel libre vise justement à sortir d’une posture purement consommatrice de logiciels pour rentrer dans une dynamique de contribution et de partage que tu as bien évoquée et qui est, en fait, beaucoup plus démocratique aussi.
En tout cas merci beaucoup Vincent pour cette super chronique et je te dis au mois prochain pour une nouvelle chronique.

Vincent Calame : Merci et merci à Marie-Odile pour la transcription. Quand on reprend une émission, on la réécoute, mais ensuite, quand on doit retrouver les passages c’est super d’avoir le texte à disposition.

Étienne Gonnu : Je vais te rejoindre et remercier Marie-Odile qui fait vraiment un travail inestimable avec ses transcriptions.
Merci Vincent. À bientôt.

Vincent Calame : Merci. À bientôt.
Nous allons faire à présent une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Je vous propose d’écouter une interprétation à la guitare électrique de L’été des Quatre saisons de Vivaldi réalisée par Daniel Bautista. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : L’été, Les quatre saisons de Vivaldi interprétation de Vivaldi réalisée par Daniel Bautista.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter une interprétation à la guitare électrique L’été des Quatre saisons réalisée par Daniel Bautista, disponible sous licence libre Creative Commnons Partage dans les mêmes conditions CC By SA, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, c’est-à-dire le nom, la source du fichier original, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.
Juste avant la pause musicale nous remerciions Marie-Odile pour son travail sur les transcriptions. Occasion de rappeler pourquoi ce travail de transcription est aussi important. Déjà parce qu’il permet effectivement de faire de la recherche, parce qu’il permet l’indexation, parce qu’il permet l’accessibilité. C’est pour ça que pour nous c’est aussi important de transcrire l’intégralité des émissions Libre à vous !. C’est une manière de contribuer à l’April. Si vous avez envie d’aider un petit peu, vous pouvez nous contacter et proposer votre aide, pour transcrire, pour relire, toute aide sera appréciée.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Passons à présent à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

La politique logiciel libre d’Échirolles, lauréat d’un label niveau 4 et meilleure première candidature à l’édition 2021 Territoire Numérique Libre

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur la politique logiciel libre d’Échirolles, une commune de 37 000 habitants environ de la banlieue grenobloise. N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causesommune.fm, bouton « chat ».
J’ai le plaisir de recevoir, via le logiciel libre d’audioconférence Mumble, Aurélien Farge qui est conseiller municipal délégué au développement du numérique à l’informatique et aux logiciels libres de la ville, ainsi que Nicolas Vivant directeur de la stratégie et de la culture numériques d’Échirolles.
Bonjour. Est-ce que vous êtes bien avec nous ?

Aurélien Farge : Bonjour. Oui.

Nicolas Vivant : Oui. Bonjour.

Étienne Gonnu : Je vous propose de commencer de manière très classique. Est-ce que vous pourriez vous présenter en quelques mots ainsi que la collectivité que vous représentez et pour laquelle vous travaillez respectivement. Aurélien Farge.

Aurélien Farge : Bonjour. Déjà merci de votre invitation pour cette émission.
Vous l’avez dit, la commune d’Échirolles est une commune qui est située au sud de l’agglomération grenobloise, une commune de 37 000 habitants, une commune de banlieue, certes, mais qui foisonne d’un dynamisme et d’une activité, c'est notamment le deuxième bassin d’emplois et le deuxième bassin économique de l’agglomération grenobloise et qui a également fort taux d’associations sur le territoire.
J’ai l’honneur d’être élu au développement du numérique à l’informatique et aux logiciels libres sur ce mandat, dans la majorité du maire actuel Renzo Sulli.

Étienne Gonnu : Très bien. Merci. Nicolas Vivant.

Nicolas Vivant : Bonjour. Je suis le directeur de la stratégie et de la culture numériques de la ville d’Échirolles depuis le 1er février. Auparavant j’étais le directeur des systèmes d’information de la ville de Fontaine également dans l’agglomération grenobloise.
Une de mes premières missions a été la rédaction d’un schéma directeur numériquet comme un fil conducteur pour la durée du mandat pour ce qui concerne le numérique dans la ville.

Étienne Gonnu : On va revenir sur ce schéma directeur.
Vous avez dit 1er février, 1er févier 2021, du coup, effectivement, vous êtes arrivé récemment. Pour nos auditeurs et auditrices fidèles, vous avez mentionné votre ancien poste de DSI à Fontaine. Vous nous aviez déjà fait le plaisir d’intervenir dans Libre à vous ! en janvier 2020, on mettra, bien sûr, le lien en référence.
Avant qu’on rentre dans le dur de notre sujet, il y a une question que j’aime bien poser aux personnes qui interviennent dans Libre à vous ! : en une ou deux minutes chacun, qu’est-ce que le logiciel libre pour vous ? Comment définiriez-vous ce qu’est le logiciel libre ? Nicolas Vivant.

Nicolas Vivant : Le logiciel libre pour moi qui suis plutôt, du coup, du côté technique de cette affaire, c’est avant tout quelque chose qui marche et quelque chose que je n’ai pas toujours connu, que j’ai découvert justement en arrivant à la ville de Fontaine. Je dois avouer que ça a été une surprise pour moi de me rendre compte que le logiciel libre, que je connaissais quand même sur la partie serveurs, infrastructures – ça fait très longtemps que les logiciels libres sont utilisés sur la partie infrastructure des services informatiques –, là j’ai découvert qu’en fait, y compris au niveau de l’interface utilisateur, il existait des outils, il existait des systèmes d’exploitation, il existait tout un tas de logiciels qui présentent des avantages que n’ont pas les logiciels propriétaires. Il y a évidemment l’avantage de la gratuité qui est, pour une collectivité territoriale, quelque chose d’important. Il ne faut pas oublier que les collectivités sont des centres de coût, nous ne sommes pas des entreprises privées, évidemment nous ne faisons pas de bénéfices, donc chaque coût évité est une opportunité de mettre en place un nouveau service sans impacter les gens au portefeuille. C’est évidemment un avantage et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai toujours un peu de mal avec la phrase « le logiciel libre n’est pas gratuit », je crois que c’est quelque chose qu’il faut aussi revendiquer, en tout cas pour ce qui concerne les collectivités. Mais surtout je me suis rendu compte que ça fonctionnait très bien et qu’il y avait une dimension que j’avais complètement sous-estimée avant d’arriver à Fontaine qui est l’interopérabilité et la possibilité d’interfacer les différents logiciels, de les faire fonctionner sur n’importe quelle plateforme, bref ! En fait, j’ai découvert un univers de liberté et d’autonomie. C’est-à-dire que j’ai réalisé qu’on pouvait assez facilement faire monter en compétences une équipe qui se retrouvait, du coup, à faire vraiment de l’informatique et pas de la gestion de contrats ou de la gestion de sous-traitants. C’est évidemment un plaisir partagé avec l’équipe quand on se retrouve à travailler sur des problématiques dont on a le sentiment qu’elles sont à la fois innovantes et utiles.
Pour moi le logiciel libre a été vraiment un univers. Ça a été, en même temps, une prise de conscience que s’il n’était pas plus massivement adopté, au-delà du fait qu’il n’y a ni publicité ni marketing autour du logiciel libre, c’est qu’il y a un changement culturel à opérer, c’est-à-dire qu’il faut que les gens prennent conscience des valeurs associées, mais surtout qu’ils prennent tout simplement conscience de l’existence des logiciels et de la façon dont on peut s’en emparer. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à réfléchir stratégie, comment on pouvait aider les gens à prendre conscience de ça. Pour moi le logiciel libre c’est cette richesse-là

Étienne Gonnu : Super. Merci beaucoup. Je pense que ça nous fait une très belle introduction, vous avez brossé plusieurs des sujets que nous pourrons aborder au cours de notre échange. Je vais quand même vous relancer un tout petit peu. Il me semble, de mémoire, vous allez pouvoir me corriger, quand on avait échangé sur votre action à Fontaine, que vous n’étiez pas forcément libriste quand vous êtes arrivé DSI à Fontaine et que c’est justement vraiment à cette occasion, dans le cadre de ce poste, que vous aviez pris conscience de ce que vous venez de développer, si mes souvenirs sont bons.

Nicolas Vivant : Oui, tout à fait. Je suis aussi arrivé à un moment où notamment les distributions GNU/Linux, les logiciels, arrivaient à un niveau de maturité qui faisait qu’on pouvait s’en emparer quand même très facilement, là où le Libre, auparavant, souffrait encore un peu de cette image, en gros, de truc réservé aux ingénieurs.

Étienne Gonnu : Entendu. OK. On en avait parlé plus longuement dans cette émission de janvier 2020, du coup j’invite les personnes que ça intéresse et vraiment tout le monde à écouter cet échange. Je garde le souvenir d’un échange très intéressant.
Aurélien Farge, même question : en quelques mots c’est quoi, pour vous, le logiciel libre ?

Aurélien Farge : Avec ma casquette d’élu je dirais que pour moi et pour nous, collectivité d’Échirolles, le logiciel libre ce sont d’abord des valeurs qui sont communes, des valeurs qui sont partagées. On place notamment les valeurs d’éthique et de liberté très en avant au niveau de la ville d’Échirolles. Vous savez que les collectivités territoriales sont très attachées à leur liberté d’administration et cette valeur de liberté est partagée avec le logiciel libre.
Notre objectif c’est la qualité du service qui est rendu aux usagers, Nicolas l’a dit, ce que nous avons ce sont des usagers et des usagères, pas des clients, et nous sommes là pour répondre aux besoins de notre population à travers le service public. Ce service public fait aujourd’hui face à des situations qui sont de plus en plus complexes. Échirolles est une ville qui a un vrai dynamisme, une ville populaire qui rencontre parfois des situations sociales qui sont complexes, donc on a besoin d’avoir un service public qui s’adapte. Les outils qui sont au service de ce service public, si je peux m’exprimer ainsi, ont aussi besoin de s’adapter aux besoins de notre population et c’est une possibilité qui est offerte par le logiciel libre.
Ensuite, je dirais que le choix du logiciel libre est aussi, pour nous, une opportunité parce que, en tant que majorité politique, on y reviendra peut-être un petit peu plus tard, on porte un programme pour lequel on a été élu, sur lequel il y a des valeurs qui sont fortes, la transition écologique notamment, les transitions démocratiques, et, une fois encore, le logiciel libre répond et est en capacité de venir en soutien de cette volonté que nous avons au niveau politique dans le programme pour lequel nous avons été élus. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix du logiciel libre sur notre commune, en tout cas nous avons soutenu ce choix depuis plusieurs années déjà.

Étienne Gonnu : Très bien. Merci beaucoup.
Du coup, à vos propos introductifs, on aura bien compris que ce n’est pas un hasard que nous vous ayons invités pour nous parler de l’engagement d’Échirolles pour le logiciel libre. Outre le parcours de Nicolas Vivant que nous avons mentionné, précisons qu’Échirolles a obtenu un label 4 sur 5 à l’édition 2021 du label Territoire Numérique Libre et la mention spéciale du jury pour son excellente première candidature, jury dont l’April est membre. J’ai représenté l’April dans ce jury, j’ai pu voir votre dossier, un excellent dossier de candidature, très fouillé, et de ce que j’ai pu voir c’est qu’effectivement cet engagement s’est particulièrement concrétisé en 2021 me semble-t-il. Du coup, pour commencer, j’aimerais voir avec vous le pourquoi de cet engagement, ce que vous avez commencé à développer et comment il s’est construit, d’ailleurs j’ai bien l’impression qu’il est encore en construction.
Échirolles semble être une municipalité assez stable politiquement. Wikipédia me permet de voir que le maire actuel a été réélu en avril 2020, mais qu’il occupe effectivement cette fonction depuis 1999. Je ne sais pas, Aurélien, si vous êtes un nouveau conseiller municipal, si vous étiez là dans les mandatures précédentes, j’aimerais savoir s’il y a eu un tournant en avril 2020 qui a fait qu’il y a eu une amplification vers le logiciel libre. Est-ce que c’est juste une concrétisation d’un travail antérieur, d’un engagement antérieur et là c’est un peu plus visible ? Qu’en est-il ? Et je vais juste peut-être, et je pense que ça va faire partie de la question, souligner que je trouve très intéressant l’intitulé de votre mandat parce que vous n’êtes pas juste conseiller municipal délégué au numérique, mais délégué au numérique, à l’informatique – déjà, en plus, il y a peut-être une distinction entre les deux, vous pourrez y revenir ou pas – et aux logiciels libres et je pense que ce n’est pas anodin que ce soit dedans. Qu’en est-il ? Est-ce que ça date d’avril 2020 ? Est-ce qu’il y a eu un changement ? Est-ce que c’est la continuité ? Pouvez-vous nous en dire plus s’il vous plaît ?

Aurélien Farge : Oui, bien sûr. Il se trouve que mon premier mandat a été le mandat 2014/2020. J’étais alors conseiller municipal délégué au développement du numérique. Effectivement, vous avez raison de le dire, sur ce premier mandat il n’y avait pas « informatique et logiciels libres ». Néanmoins on avait déjà, en 2014, signé en tant que collectivité la Charte du logiciel libre pour Échirolles, donc on s’engageait à faire la promotion, en tout cas à privilégier le choix des logiciels libres dès 2014. Du travail a déjà été fait pendant de mandat-là, un certain nombre de logiciels ont été installés, des logiciels ont été passés sur du Libre. Je sais que la téléphonie a été passée sur du Libre durant ce mandat-là par exemple. Un certain nombre de choses avaient été faites, néanmoins c’est vrai qu’à la fin du mandat 2014/2020 nous sommes arrivés à une réflexion selon laquelle il fallait qu’on ait une prise en considération beaucoup plus transversale. C’est la raison pour laquelle il y a eu, dans le nouveau mandat, cette distinction entre informatique et numérique. Je dirais que la création d’un poste de directeur de la stratégie numérique, c’est-à-dire un poste qui est en transversalité, n’est pas non plus anodine. Effectivement l’informatique c’est ce qui est sous la DSI, par contre le numérique concerne, finalement, un peu tous les champs d’action d’une collectivité territoriale. Ça concerne bien évidemment l’éducation, ça concerne l’administration générale, ça va concerner la jeunesse, ça va concerner l’action sociale, etc. Et c’est la prise en considération de cette transversalité qui nous fait d’abord modifier la délégation qui m’est attribuée par le maire en développement du numérique, informatique et logiciels libres et ensuite qui nous fait choisir d’avoir un poste de directeur de la stratégie numérique qui est occupé par Nicolas dont le rôle, en plus d’avoir un lien privilégié avec l’informatique et les équipes, bien évidemment, c’est de travailler en transversalité avec l’ensemble des services de la ville pour cette prise en considération du numérique.

Étienne Gonnu : Quand une collectivité décide de s’engager vers le Libre, on sait l’importance d’avoir une action conjointe et solidaire entre les instances élues et les agents opérationnels, pour dire les choses simplement. C’est clairement ce qui se produit à Échirolles.
Du coup, concrètement, comment s’est passé le recrutement de Nicolas Vivant ? Vous l’avez directement sollicité ? Vous avez ouvert un poste et, Nicolas Vivant, vous avez vu cette proposition et elle vous a intéressé ? Comment ça s’est présenté ? Comme on l’a dit, on pourra y revenir très rapidement, Nicolas Vivant était effectivement DSI à Fontaine où il a fait une migration, a opéré un vrai engagement pour le logiciel libre. C’est quelque chose qui était connu, Fontaine avait beaucoup communiqué là-dessus, Fontaine était une référence de migration réussie, donc Nicolas Vivant avait peut-être un peu cette aura-là, j’imagine que ça a pu jouer. Pour revenir à ma question, comment s’est passé ce recrutement ? L’un ou l’autre, je ne sais pas qui souhaite évoquer ce passif.

Aurélien Farge : Je peux répondre. C’est un recrutement qui s’est passé tout à fait classiquement dans la fonction publique, avec une ouverture de poste qui a été publiée, suivie d’un jury. Il se trouve que Nicolas a répondu à cet appel à candidature et correspondait finalement à ce que l’on souhaitait porter parce qu’il a su se positionner justement sur cette vision transversale du numérique qu’on attendait. C’était vraiment le premier point, parmi d’autres, qu’on attendait, cette capacité de porter une vision en transversalité, de savoir prendre un peu de hauteur sur le sujet pour pouvoir agir sur tous les leviers disponibles. Nous sommes très contents que Nicolas, qui est effectivement connu et reconnu, soit aujourd’hui dans notre collectivité. En tout cas ça a été une ouverture de poste et un recrutement assez classique par la collectivité.

Étienne Gonnu : D’accord. De votre côté, Nicolas Vivant, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans ce projet parce que, du coup, ce n’est plus le même métier, même si j’imagine qu’il y a des ponts entre DSI et directeur de la stratégie et de la culture numériques.

Nicolas Vivant : Ce que j’ai trouvé très intéressant dans ce poste, c'est justement qu’un travail avait été fait en transversalité au niveau des élus, une réflexion. Six ou sept élus, je ne sais plus exactement, mais un groupe numérique des élus s’était créé pour travailler spécifiquement sur cette problématique du numérique. Ça veut dire qu’il y a, depuis le début de ce mandat, un portage très fort de l’équipe des élus sur cette problématique-là.
Quand je quitte Fontaine, je quitte Fontaine après 12 ans parce que ça fait 12 ans et que j’ai envie de changer d’air, mais aussi parce que ce poste est une opportunité vraiment très intéressante et rejoint l’engagement qui est le mien sur la stratégie possible de déploiement des logiciels libres. Donc répondre à ce travail en transversalité qui avait été fait par les élus, avec un travail en transversalité réalisé par les services, ça me semblait être quelque chose d’efficace pour travailler sur du numérique libre de façon un peu innovante et d’y aller quoi ! Donc j’ai vraiment trouvé ça passionnant.
Quand je suis arrivé Aurélien Farge et les autres élus venaient de finaliser une feuille de route avec des orientations politiques, un document de six ou sept pages qui était parfaitement positionné, c’est-à-dire qui se positionnait vraiment en termes de valeurs, en termes de priorités au niveau politique. Donc ça a été agréable d’arriver comme ça dans un environnement avec des orientations déjà très bien définies et ça a facilité, évidemment, la déclinaison opérationnelle de ces orientations.

Étienne Gonnu : OK. Du coup vous devancez ma question suivante. Vous êtes arrivé en février 2020, je voulais avoir un petit peu quel état des lieux vous faisiez en 2020. Sur le projet politique vous aviez l’air tout à fait aligné, j’imagine que ça a pu vous inciter d’autant plus à chercher à obtenir ce poste. Du coup, techniquement, où en était la vile d’Échirolles d’un point de vue DSI par rapport au logiciel libre ? Et, par ailleurs, parce que c'est aussi vers ça que se tourne notre conversation, vous mentionnez le schéma directeur sur lequel vous avez pu travailler j’imagine dès votre arrivée, comment le schéma directeur s’est-il construit à partir de là ?

Nicolas Vivant : Le schéma directeur est la résultante de trois choses, de ces orientations politiques, cette feuille de route qui avait été formalisée par les élus, mais aussi par un travail qui avait été lancé en septembre 2020 et réalisé par un cabinet extérieur sur le numérique dans la ville et qui avait, là aussi, donné un certain nombre d’orientations possibles, qui avait soulevé un certain nombre de problématiques. Je pense notamment à la problématique de la fracture numérique en interne qui est quelque chose qui est rarement mis en avant dans ce genre d’étude. On connaît la problématique de la fracture numérique avec, en gros, 10 % d’illectronisme qu’on retrouve un peu partout, Échirolles n’échappait pas à ce constat. Mais il y avait, en plus, un travail fait en interne au niveau des agents et tout ça qui m’a paru très intéressant.
Donc le schéma directeur repose sur trois piliers : ces orientations politiques, ce rapport réalisé par un cabinet et puis un périmètre défini par la direction générale des services qui demandait de travailler aussi bien à destination des usagers, des habitants, des partenaires économiques, des partenaires associatifs et puis, évidemment, en interne.
Voilà mes trois piliers. Un périmètre très bien défini par la DG, des orientations politiques claires et un bilan du numérique dans la ville et c’est de ça que je suis parti pour réaliser ce travail qui a d’ailleurs été validé à l’unanimité des conseillers municipaux, début novembre en conseil municipal.

Étienne Gonnu : Très bien. Ce qu’est un schéma directeur peut nous paraître évident, ça ne l’est peut-être pas tant que ça. Est-ce qu’on peut détailler ce qu’est un schéma directeur, la place que ça occupe en termes de politique publique au niveau des collectivités ? Et, finalement, quelle est l’importance, pourquoi c’est important de formaliser une politique publique, notamment une politique publique tournée vers le logiciel libre, dans ce genre de document ? Aurélien Farge.

Aurélien Farge : Je peux donner quelques éléments. Un schéma directeur c’est en fait un plan d’action que l’on définit pour les prochaines années. Nicolas a déjà donné quelques éléments en disant qu’il y avait des orientations politiques qui sont fixées dedans. Il s’agit de grandes orientations, mais également un périmètre d’action qui a été défini. II s’agit, si vous voulez, à la fois d’allier des grands axes de travail sur lesquels on souhaite aller et des actions qui sont extrêmement concrètes.
Ce schéma directeur contient effectivement la question des logiciels libres et l’engagement que l’on a autour des logiciels libres, mais il est plus large que ça. Il prévoit également un plan d’action de lutte contre les fractures numériques, que ce soit à destination de nos habitants et habitantes ou que ce soit dans le cas des agents et agentes du service public qui peuvent la rencontrer parfois. Il prévoit également des actions à destination des associations, c’est le notamment cas d’un site web gratuit qui a été proposé récemment aux associations échirolloises à travers l’outil WordPress. Il prévoit des actions que l’on souhaite mener notamment dans le cadre de la transition énergétique avec la question de la sobriété énergétique des équipements que l’on utilise mais, plus largement, comment le numérique est en capacité d’accompagner ces transitions-là. Il prévoit aussi des actions – je ne vais pas toutes les faire, le document est assez conséquent – dans le cadre de la transition démocratique et du renforcement de la participation citoyenne locale que nous avons intitulée La Fabrique citoyenne sur Échirolles.
Donc c’est un document qui est très complet, qui part d’un état des lieux, d’orientations politiques, de grands axes de travail et qui décline sur plusieurs années l’orientation et le travail que l’on souhaite mener en matière de numérique, d’informatique, de logiciels libres sur tous ces sujets-là.
Je dirais que c’est extrêmement important. D’abord c’était pour nous un enjeu démocratique parce que le présenter en conseil municipal, et Nicolas a dit qu’il avait été effectivement voté à l’unanimité, ce dont on se réjouit bien évidemment. Le travail a d’abord été démocratique, c’est-à-dire que l’ensemble du travail que l’on va mener sur la thématique du numérique a été partagé publiquement avec l’ensemble des conseillers municipaux mais également à destination de la population, parce que tout conseil municipal est retransmis en direct à la ville d’Échirolles. Ensuite c’est un enjeu parce que ça permet finalement à tout le monde de savoir où on va. Du coup les services le connaissent, les agents et agentes savent quels sont les objectifs pour les prochaines années, les élus savent quels sont ces objectifs-là et ça permet aussi de rendre compte à la population en disant « on est partis de tel point et on est arrivés ici. Voilà ce qu’on avait décidé d’effectuer sur ce mandat et voilà où on en est aujourd’hui. »
Voilà un peu les éléments que je peux donner sur ce qu’est le schéma directeur du numérique à Échirolles, étant entendu que des schémas directeurs peuvent être faits sur d’autres sujets d’intervention des collectivités territoriales.

Étienne Gonnu : Super. Merci, c’était très clair.
Avant qu’on rentre justement un peu plus dans les détails de ce qui a pu être fait en interne, à destination aussi des usagers et des usagères, des habitantes et habitants d’Échirolles, je vous propose de faire une courte pause musicale.
Nous allons écouter Essaouira par Amine Maxwell. On se retrouve dans un peu moins de deux minutes. Je vous souhaite une très belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Essaouira par Amine Maxwell.

Voix off : Cause Commune, 93.1.