Différences entre les versions de « Émission Libre à vous ! du 13 décembre 2022 »

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Lyon, comme la métropole du Grand Lyon, ont récemment voté des délibérations pour formaliser des politiques publiques en faveur du logiciel libre. Nous allons en parler avec nos invités pour essayer de comprendre quelles sont ces politiques publiques, comment elles peuvent s’articuler, comprendre comment elles sont mises en œuvre concrètement, qu’il s’agisse de politiques d’achats, de conduite du changement ou encore de sobriété numérique.
 
Lyon, comme la métropole du Grand Lyon, ont récemment voté des délibérations pour formaliser des politiques publiques en faveur du logiciel libre. Nous allons en parler avec nos invités pour essayer de comprendre quelles sont ces politiques publiques, comment elles peuvent s’articuler, comprendre comment elles sont mises en œuvre concrètement, qu’il s’agisse de politiques d’achats, de conduite du changement ou encore de sobriété numérique.
  
Pour en discuter, Émeline Baume vice-présidente de la métropole de Lyon. Votre mandat porte sur économie, emploi, commerce, numérique et communs publics. Bertrand Maes, vous êtes conseiller municipal à la ville de Lyon et votre mandat porte sur l’administration générale, l’informatique et la politique du numérique.
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Pour en discuter, Émeline Baume vice-présidente de la métropole de Lyon. Votre mandat porte sur l'économie, l'emploi, le commerce, le numérique et les communs publics. Bertrand Maes, vous êtes conseiller municipal à la ville de Lyon et votre mandat porte sur l’administration générale, l’informatique et la politique du numérique.
  
 
Bonjour à vous deux. Merci d’avoir d’avoir accepté de prendre ce temps pour échanger avec nous.<br/>
 
Bonjour à vous deux. Merci d’avoir d’avoir accepté de prendre ce temps pour échanger avec nous.<br/>
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<b>Émeline Baume : </b>D’accord. Déjà merci de nous avoir proposé d’intervenir ensemble, c’est très agréable.<br/>
 
<b>Émeline Baume : </b>D’accord. Déjà merci de nous avoir proposé d’intervenir ensemble, c’est très agréable.<br/>
 
À titre personnel, j’ai un rapport très distancié avec l’outil numérique, j’ai la chance d’avoir cette délégation numérique en n’étant absolument pas usagère fan de tous ces outils numériques. C’est important de le poser là parce que ça explique beaucoup de choses. J’ai aisément pu expliquer à mes collègues élus qui partageaient, pour le coup, une posture politique autour de la souveraineté, autour de nos données et aussi, finalement, une compréhension de ces usages du numérique, de cheminer vers des pratiques sobres et revenir, pour faire simple, à l’essentiel : utiliser dans le bon sens l’outil numérique et le bon. Ça m’a été aisé de discuter avec l’ensemble de l’équipe qui gère le système d’information de la métropole de Lyon.<br/>
 
À titre personnel, j’ai un rapport très distancié avec l’outil numérique, j’ai la chance d’avoir cette délégation numérique en n’étant absolument pas usagère fan de tous ces outils numériques. C’est important de le poser là parce que ça explique beaucoup de choses. J’ai aisément pu expliquer à mes collègues élus qui partageaient, pour le coup, une posture politique autour de la souveraineté, autour de nos données et aussi, finalement, une compréhension de ces usages du numérique, de cheminer vers des pratiques sobres et revenir, pour faire simple, à l’essentiel : utiliser dans le bon sens l’outil numérique et le bon. Ça m’a été aisé de discuter avec l’ensemble de l’équipe qui gère le système d’information de la métropole de Lyon.<br/>
Il faut avoir en tête que la métropole de Lyon ce sont 9600 agents plus des équipements et un service pour l’ensemble des 83 collèges du territoire. On n’est pas une petite organisation qui, à titre militant, peut faire le choix, en un an, deux ans – je caricature – de changer de pratiques et de système. Il y a, comme vous l’avez indiqué très concrètement dans votre introduction, une conduite du changement à accompagner, donc un argumentaire politique à développer, une forme d’acceptabilité aussi à aller rechercher auprès des hommes et des femmes qui font le service public au quotidien sur la métropole de Lyon, donc une posture bien différente.
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Il faut avoir en tête que la métropole de Lyon ce sont 9.600 agents plus des équipements et un service pour l’ensemble des 83 collèges du territoire. On n’est pas une petite organisation qui, à titre militant, peut faire le choix, en un an, deux ans – je caricature – de changer de pratiques et de système. Il y a, comme vous l’avez indiqué très concrètement dans votre introduction, une conduite du changement à accompagner, donc un argumentaire politique à développer, une forme d’acceptabilité aussi à aller rechercher auprès des hommes et des femmes qui font le service public au quotidien sur la métropole de Lyon, donc une posture bien différente.
  
 
<b>Étienne Gonnu : </b>En fait, moi-même je ne suis pas technicien, je trouve ça intéressant sans développer. On aime dire à l’April que le logiciel libre n’est pas seulement un enjeu, une question pour les informaticiens et les informaticiennes, mais qu’il concerne absolument tout le monde.<br/>
 
<b>Étienne Gonnu : </b>En fait, moi-même je ne suis pas technicien, je trouve ça intéressant sans développer. On aime dire à l’April que le logiciel libre n’est pas seulement un enjeu, une question pour les informaticiens et les informaticiennes, mais qu’il concerne absolument tout le monde.<br/>
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Finalement, à titre personnel, dans l’usage des outils j’ai un peu un usage lambda, je ne pense pas être très utilisateur par rapport à d’autres. En tout cas, j’ai une approche du numérique essentiellement politique et pas tant technique.  
 
Finalement, à titre personnel, dans l’usage des outils j’ai un peu un usage lambda, je ne pense pas être très utilisateur par rapport à d’autres. En tout cas, j’ai une approche du numérique essentiellement politique et pas tant technique.  
  
<b>Étienne Gonnu : </b>Très bien. C’est ce qui nous intéresse aujourd’hui. Je suis heureux de vous entendre utiliser le terme « logiciel privateur » ; je pense que les personnes qui nous écoutent souvent sont familières de ce terme. Je vais juste rappeler, puisque vous m’en donnez l’opportunité, que dans le langage courant on entend souvent parler de logiciel propriétaire, qui est un dérivé du terme anglais. Nous préférons le terme privateur puisqu’on considère que ces logiciels nous privent de nos libertés fondamentales, ils nous privent de droits. Ce n’est pas un néologisme, c’est, en fait, un terme ancien qui existe dans la langue française.  
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<b>Étienne Gonnu : </b>Très bien. C’est ce qui nous intéresse aujourd’hui. Je suis heureux de vous entendre utiliser le terme « logiciel privateur » ; je pense que les personnes qui nous écoutent souvent sont familières de ce terme. Je vais juste rappeler, puisque vous m’en donnez l’opportunité, que dans le langage courant on entend souvent parler de « logiciel propriétaire », qui est un dérivé du terme anglais. Nous préférons le terme « privateur » puisqu’on considère que ces logiciels nous privent de nos libertés fondamentales, ils nous privent de droits. Ce n’est pas un néologisme, c’est, en fait, un terme ancien qui existe dans la langue française.  
  
 
Je pense que la plupart de nos auditeurs et auditrices se représentent assez bien ce qu’est une ville et le rôle d’un conseil municipal, peut-être qu’on y reviendra, mais c’est sans doute un peu moins le cas pour une métropole, pour une collectivité comme la métropole du Grand Lyon. Comment fonctionne-t-elle ? Quelles sont ses compétences ? Comment ses membres sont-ils élus ? Et comment cela s’articule-t-il avec les municipalités, notamment celle de Lyon. Je ne vous invite pas à nous faire un long exposé et d’en faire le cœur de notre sujet, mais je pense que ça peut aider à mieux comprendre, pour la suite de notre échange, comment vos deux collectivités territoriales, peuvent notamment mener des politiques publiques, j’imagine concertées, en faveur du logiciel libre.
 
Je pense que la plupart de nos auditeurs et auditrices se représentent assez bien ce qu’est une ville et le rôle d’un conseil municipal, peut-être qu’on y reviendra, mais c’est sans doute un peu moins le cas pour une métropole, pour une collectivité comme la métropole du Grand Lyon. Comment fonctionne-t-elle ? Quelles sont ses compétences ? Comment ses membres sont-ils élus ? Et comment cela s’articule-t-il avec les municipalités, notamment celle de Lyon. Je ne vous invite pas à nous faire un long exposé et d’en faire le cœur de notre sujet, mais je pense que ça peut aider à mieux comprendre, pour la suite de notre échange, comment vos deux collectivités territoriales, peuvent notamment mener des politiques publiques, j’imagine concertées, en faveur du logiciel libre.

Version du 14 décembre 2022 à 15:58


Titre : Émission Libre à vous ! du 13 décembre 2022

Intervenant·e·s : Isabelle Carrère - Émeline Baume - Bertrand Maes Lorette Costy - Laurent Costy - Étienne Gonnu - Thierry Holleville, à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 13 décembre 2022

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page des références de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription - Ève OK

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Les politiques logiciels libres de Lyon et de la métropole du grand Lyon : c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique d’Antanak sur les réseaux RéFIS et un hommage mérité au Fediverse et à Eugen Rochko, développeur de Mastodon, ça sera la crhonique de Laurent et Lorette Costy. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.

Nous sommes mardi 13 décembre 2022. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, Thierry Holleville. Salut, Thierry.

Thierry Holleville : Bonjour à tous !

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak sur le réseau RéFIS, Réemploi francilien et informatique solidaire = rediffusion de l'émission du 22 novembre Ève OK

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : « Que libérer d'autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Le sujet du jour porte sur le réseau RéFIS, une rediffusion de la chronique du 29 novembre suite à un contretemps de l’invité du jour. On se retrouve dans 12 minutes environ, en direct sur Cause Commune.

« Que libérer d'autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l'association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées et mises en acte et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes.
Le sujet du jour c’est le réseau RéFIS et je passe la parole à Isabelle Carrère. Bonjour, Isa.

Isabelle Carrère : Bonjour Fred. Merci beaucoup.
On a déjà parlé du réseau RéFIS, je crois, dans plusieurs chroniques d’Antanak, dans cette émission à laquelle nous sommes vraiment définitivement heureux de participer.
Le RéFIS est un réseau de reconditionneurs en Île-de-France, parce qu’on ne peut pas s’occuper de tout le territoire national. L’idée était de se mettre ensemble, à plusieurs, pour pouvoir, à la fois, faire des partages d’expériences, de pratiques, et aussi se soutenir sur les besoins de matériels que nous pourrions avoir les uns/les unes et les autres. Et je suis très contente parce qu’aujourd’hui Selda était d’accord pour participer à cette chronique avec moi et est au téléphone avec nous. Bonjour Selda.

Selda Besnier : Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Ça va bien ?

Selda Besnier : Oui, merci.

Isabelle Carrère : C’est super. Je te laisse présenter un petit peu la structure dont tu es la présidente et qui fait partie, comme Antanak, du réseau RéFIS.

Selda Besnier : Je suis Selda Besnier, présidente de l’EVS Necker Falguière. L’EVS c’est « Espace de Vie Sociale » qui est une politique de la CAF ; il y en a une quarantaine dans tout Paris. Ce sont des minis centres sociaux, un peu comme les maisons de quartier. Nous sommes là pour accompagner les habitants en leur proposant du soutien scolaire, des ateliers cuisine, des ateliers jardinage, des sorties et, bien sûr aussi, à mettre en place les projets qu’ils ont envie de réaliser et le numérique, également, qui pose certains problèmes, notamment pour les seniors. Nous faisons partie du dispositif de la Ville de Paris, « Seniors connectés », pour aider dans nos ateliers, au cas par cas, les seniors en difficulté. On fait aussi le Pass numérique qui est un essai pilotage pour accompagner numériquement les personnes en RSA dans leurs démarches administratives.

Isabelle Carrère : C’est aussi là-dessus que nous nous sommes effectivement rencontrées, retrouvées, parce que plusieurs des structures du RéFIS sont en accompagnement, en soutien, chacune avec sa façon et ses choix, à la fois politiques et de mise en œuvre. Ce sont effectivement des sujets sur lesquels nous sommes tous amenés à beaucoup réfléchir : que se passe-t-il dans la société ? Quels sont tous ceux qui sont exclus petit à petit, ou en continu, des actes administratifs et même des éléments culturels ou autres, de l’ensemble du numérique au sens large dans la société ? Et, du coup, il y a le matériel.

Selda Besnier : Il y a le matériel. J’ai oublié de signaler que nous sommes la seule structure dans le 15e à faire aussi une formation pour le logiciel libre, parce que c’est moins onéreux pour notre public, nos usagers. Donc nous récupérons des ordinateurs, grâce aussi au réseau RéFIS qui nous en procure et je tiens ici à le remercier, nous les reconditionnons et après nous les donnons, plutôt nous les prêtons, à des personnes qui sont en difficulté. Quand elles ont trouvé du travail ou une position plus stable financièrement, elles nous rapportent l’ordinateur qu’on avait reconditionné et prêté, pour ceci nous signons donc une charte, et nous récupérons ainsi les ordinateurs pour encore les redistribuer à d’autres qui sont dans le besoin.

Isabelle Carrère : Vous êtes uniquement sur le prêt ? Vous ne faites pas du don ?

Selda Besnier : C’est en fait un prêt à longue durée.

Isabelle Carrère : C’est ça. Si les gens ne les rapportent pas, c’est qu’ils en ont encore besoin, donc ils le conservent. Tu dis prêt, mais en fait ! D’accord. On aime beaucoup, à Antanak, la notion de droit d’usage, j’imagine que c’est un peu ça dont vous parlez aussi.

Selda Besnier : Oui, tout à fait.

Isabelle Carrère : Donc continuer à considérer à la fois les logiciels, les systèmes d’exploitation libres, mais aussi le matériel, comme des biens communs qui peuvent être fournis à des personnes au fur à mesure de leurs besoins et puis ça tourne.

Selda Besnier : Tout à fait.

Isabelle Carrère : Et je crois que vous faites aussi des formations.

Selda Besnier : On fait de la formation les mercredis matin pour le logiciel libre. En général c’est un atelier en trois fois, mais si on constate que la personne n’est pas au point et ne maîtrise pas assez, on en ajoute d’autres jusqu’à une maîtrise du logiciel. Et, bien évidemment, on reste toujours en contact s’il y a des difficultés qui peuvent se présenter dans le futur.

Isabelle Carrère : Aurais-tu une idée du nombre de personnes que touchent les activités de l’EVS ? C’est compliqué ?

Selda Besnier : Ce n’est pas compliqué, je n’ai pas les chiffres, mais en ce qui concerne, par exemple, les seniors connectés, nous avons eu cette année entre 90 et 120 personnes qui changent, sans compter les sollicitations en dehors des vendredis et mercredis.

Isabelle Carrère : Oui, c’est ça, les demandes spontanées, sporadiques, des personnes. OK, ça marche. À Antanak, sur à peu près les mêmes activités, nous sommes majoritairement des personnes qui agissons bénévolement, à part les écrivains numériques publics. De votre côté, à EVS, par contre, il y a des financements CAF et il y a des salaires.

Selda Besnier : Il n’y a pas de salaires, pas du tout, et toutes nos prestations pour nos usagers sont gratuites. On tient beaucoup à cela.

Isabelle Carrère : Du coup, c’est simplement une subvention de la CAF et d’autres structures ?

Selda Besnier : Nous sommes subventionnés par la CAF et la Ville de Paris.

Isabelle Carrère : Et la ville aussi, d’accord. Et ça suffit à faire tout fonctionner, le loyer et le matériel, les choses ?

Selda Besnier : Il y a quelques difficultés ! Mais bon !, quand on croit en ce qu’on fait, on arrive à les à les aplanir.

Isabelle Carrère : Donc il n’y a pas de salaires. C’est un choix du dispositif ou c’est parce que les centres sociaux ou l’équivalent, le centre social dont tu parlais, c’est ce que ça signifie. C’est une obligation ou c’est un choix de votre part ?

Selda Besnier : C’est un choix de notre conseil d’administration.

Isabelle Carrère : D’accord. Pour autant, vous arrivez à ce qu’il y ait suffisamment de personnes pour assurer l’ensemble des opérations.

Selda Besnier : Oui. Nous sommes une petite douzaine de bénévoles pour les différentes activités énumérées en introduction. Pour tout ce qui est numérique, ça tourne autour d’un noyau du trois à quatre personnes.

Isabelle Carrère : Super. C’est pour ça que ce réseau est vraiment intéressant. Toi tu es dans le 15e, nous nous sommes dans le 18e, il y a d’autres structures qu’on va, j’espère, arriver à inviter aussi dans cette chronique. On avait invité Brice, du Garage numérique, qui lui est dans le 20e. Je pense que c’est intéressant qu’on puisse faire comme ça du partage d’expérience, et puis qu’on signale aussi aux gens ce qu’il y a, peut-être, plus près de chez eux. À Antanak, on voit beaucoup de gens venir de très loin dont on dit « mais enfin, voyons, tu pourrais aller un peu ailleurs plutôt que jusque dans le 18e ! »
Tu voulais ajouter quelque chose, Selda, ou tu as dit l’essentiel ?

Selda Besnier : Je vous remercie de m’avoir invitée. Je suis tout à fait, comment dire, dans la philosophie de L’union fait la force. C’est fabuleux de se retrouver plusieurs structures sur le même socle commun.

Isabelle Carrère : Oui. C’est bien qu’on ait effectivement réussi à trouver, comme tu le dis, un socle minimaliste, parce que sur les grandes lignes, on est vraiment tous en phase : sur la question du réemploi, de la réparabilité, et puis, pour la majorité d’entre nous, sur les logiciels et systèmes d’exploitation libres. Ce n’est pas complètement le cas de toutes les structures, mais nobody’s perfect, en tout cas nous sommes sur la même ligne.
Merci beaucoup et à très bientôt, parce qu’on a prévu de se voir, on a une réunion le 30 novembre, donc on va se voir pour de vrai très bientôt. Merci beaucoup.

Selda Besnier : Avec plaisir. Merci beaucoup, merci à toi Isabelle. Au revoir.

Isabelle Carrère : Au revoir.

Frédéric Couchet : Eh bien merci Selda et merci Isabelle.

C’était la chronique d’Antanak « Que libérer d’autre que du logiciel ». Le réseau dont on parle c’est le RéFIS, Réemploi francilien et informatique solidaire, dont on aura l’occasion de reparler bientôt qui n’a pas encore de site web, j’ai posé la question. Dès qu’il aura un site web, on vous préviendra.
Belle journée à toi, Isa, et au mois prochain pour la prochaine chronique.

Isabelle Carrère : Merci beaucoup. Absolument, au mois prochain.

[Virgule sonore]

Les politiques publiques en faveur du logiciel libre de Lyon et de la métropole du Grand Lyon

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur les politiques de la ville de Lyon et de la métropole du Grand Lyon menées en faveur du logiciel libre. Un sujet enregistré en avance, dans les conditions du direct, le jeudi 8 décembre, pour des questions de disponibilité de nos invités.
Je vous propose donc d’écouter cet échange.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Dans Libre à vous !, nous aimons mettre en valeur les collectivités qui œuvrent pour les libertés informatiques et mettent en place des politiques publiques en faveur du logiciel libre. C’est donc avec un grand plaisir que je reçois aujourd’hui Émeline Baume et Bertrand Maes, respectivement élus de la métropole du Grand Lyon et de la ville de Lyon. Deux niveaux de collectivités qui s’imbriquent, comme leur nom l’indique, et qui couvrent un large territoire, une population importante.

Lyon, comme la métropole du Grand Lyon, ont récemment voté des délibérations pour formaliser des politiques publiques en faveur du logiciel libre. Nous allons en parler avec nos invités pour essayer de comprendre quelles sont ces politiques publiques, comment elles peuvent s’articuler, comprendre comment elles sont mises en œuvre concrètement, qu’il s’agisse de politiques d’achats, de conduite du changement ou encore de sobriété numérique.

Pour en discuter, Émeline Baume vice-présidente de la métropole de Lyon. Votre mandat porte sur l'économie, l'emploi, le commerce, le numérique et les communs publics. Bertrand Maes, vous êtes conseiller municipal à la ville de Lyon et votre mandat porte sur l’administration générale, l’informatique et la politique du numérique.

Bonjour à vous deux. Merci d’avoir d’avoir accepté de prendre ce temps pour échanger avec nous.
Tout d’abord, est-ce que vous souhaitez compléter la présentation très formelle que j’ai faite de vous respectivement, avec une question sous-jacente pour vous deux : quel est votre rapport à l’informatique, qu’il soit technique ou politique ? Émeline Baume, si vous souhaitez commercer.

Émeline Baume : D’accord. Déjà merci de nous avoir proposé d’intervenir ensemble, c’est très agréable.
À titre personnel, j’ai un rapport très distancié avec l’outil numérique, j’ai la chance d’avoir cette délégation numérique en n’étant absolument pas usagère fan de tous ces outils numériques. C’est important de le poser là parce que ça explique beaucoup de choses. J’ai aisément pu expliquer à mes collègues élus qui partageaient, pour le coup, une posture politique autour de la souveraineté, autour de nos données et aussi, finalement, une compréhension de ces usages du numérique, de cheminer vers des pratiques sobres et revenir, pour faire simple, à l’essentiel : utiliser dans le bon sens l’outil numérique et le bon. Ça m’a été aisé de discuter avec l’ensemble de l’équipe qui gère le système d’information de la métropole de Lyon.
Il faut avoir en tête que la métropole de Lyon ce sont 9.600 agents plus des équipements et un service pour l’ensemble des 83 collèges du territoire. On n’est pas une petite organisation qui, à titre militant, peut faire le choix, en un an, deux ans – je caricature – de changer de pratiques et de système. Il y a, comme vous l’avez indiqué très concrètement dans votre introduction, une conduite du changement à accompagner, donc un argumentaire politique à développer, une forme d’acceptabilité aussi à aller rechercher auprès des hommes et des femmes qui font le service public au quotidien sur la métropole de Lyon, donc une posture bien différente.

Étienne Gonnu : En fait, moi-même je ne suis pas technicien, je trouve ça intéressant sans développer. On aime dire à l’April que le logiciel libre n’est pas seulement un enjeu, une question pour les informaticiens et les informaticiennes, mais qu’il concerne absolument tout le monde.
Bertrand Maes. même question.

Bertrand Maes : D’une certaine façon, un petit peu même réponse. C’est-à-dire qu’avant de prendre mon mandat je n’avais pas du tout passé dans l’informatique ou le numérique. C’est vraiment le fait d’avoir pris la délégation au numérique qui m’a incité à me plonger dans toutes les problématiques qui y sont liées. Je dis parfois, en plaisantant, que, d’une certaine façon, j’ai l’impression d’avoir ouvert les portes de l’enfer en me penchant sur toutes les problématiques liées au numérique, qu’elles soient environnementales ou les sujets dont va discuter aujourd’hui autour du logiciel libre ou au contraire privateur.

Finalement, à titre personnel, dans l’usage des outils j’ai un peu un usage lambda, je ne pense pas être très utilisateur par rapport à d’autres. En tout cas, j’ai une approche du numérique essentiellement politique et pas tant technique.

Étienne Gonnu : Très bien. C’est ce qui nous intéresse aujourd’hui. Je suis heureux de vous entendre utiliser le terme « logiciel privateur » ; je pense que les personnes qui nous écoutent souvent sont familières de ce terme. Je vais juste rappeler, puisque vous m’en donnez l’opportunité, que dans le langage courant on entend souvent parler de « logiciel propriétaire », qui est un dérivé du terme anglais. Nous préférons le terme « privateur » puisqu’on considère que ces logiciels nous privent de nos libertés fondamentales, ils nous privent de droits. Ce n’est pas un néologisme, c’est, en fait, un terme ancien qui existe dans la langue française.

Je pense que la plupart de nos auditeurs et auditrices se représentent assez bien ce qu’est une ville et le rôle d’un conseil municipal, peut-être qu’on y reviendra, mais c’est sans doute un peu moins le cas pour une métropole, pour une collectivité comme la métropole du Grand Lyon. Comment fonctionne-t-elle ? Quelles sont ses compétences ? Comment ses membres sont-ils élus ? Et comment cela s’articule-t-il avec les municipalités, notamment celle de Lyon. Je ne vous invite pas à nous faire un long exposé et d’en faire le cœur de notre sujet, mais je pense que ça peut aider à mieux comprendre, pour la suite de notre échange, comment vos deux collectivités territoriales, peuvent notamment mener des politiques publiques, j’imagine concertées, en faveur du logiciel libre.

Émeline Baume : La métropole de Lyon est une collectivité assez jeune. Elle est née le premier janvier 2015, donc c’est normal que les personnes qui nous écoutent ne sachent pas exactement ce que trafique la métropole de Lyon.
La métropole de Lyon c’est la connexion avec le département. En général, le département est connu parce qu’il porte les compétences sociales d’avant la naissance jusqu’à la mort – la protection maternelle et infantile, l’aide sociale à l’enfance, l’accompagnement des personnes en situation de handicap, mais aussi l’accompagnement du vieillissement, pour faire très simple. Un volant relie d’autres compétences de la métropole à tout ce qui est l’accompagnement des personnes qui sont suivies au titre du revenu des solidarités actives. Après, on est comme une communauté urbaine, il y a d’autres communautés en France, Dunkerque, Nantes, etc., et les communautés urbaines portent les compétences urbaines du quotidien, donc la voirie, l’eau potable, l’assainissement, la collecte des déchets entre autres, mais pas que. Et puis, au milieu on retrouve des choses lourdes du type urbanisme, donc la destination des fonciers et de l’immobilier, et le développement économique. Donc c’est l’accompagnement à toutes les organisations sociaux-économiques, et puis j’ai oublié, mais je l’ai dit tout à l’heure, la compétence de l’accompagnement des collèges. Une ville accompagne les écoles maternelles et élémentaires, un département accompagne les collèges, les régions accompagnent les lycées, pour faire simple.
Tout ça fait 9600 agents, un énorme système d’information avec, du coup, des entrées très diverses : un sujet ??? et unique de politiques sociales et, en même temps, de l’accompagnement à la transition écolo sur la rénovation des copropriétés, la rénovation pour les bailleurs sociaux et en même temps des choses très pratico-pratiques du quotidien, la prime ???, la distribution de composteurs et plein d’autres éléments et ça recouvre comme vous l’avez dit dans votre introduction, un territoire qui compte 59 communes et à peu près un million et 400 000 habitants.

Étienne Gonnu : D’accord. Vous êtes élue dans le corps politique.

Émeline Baume : Élue au suffrage universel direct depuis juin 2020 ; c’était la première fois. Au moment des élections municipales, les habitants et habitantes du territoire de la métropole de Lyon étaient invités à voter deux fois, une première fois pour leur commune, Saint-Priest, Brou, Rillieux-la-Pape, etc. Lyon c’est particulier puisque c’est aussi par arrondissements, et, une deuxième fois, en tant qu’habitants d’une circonscription métropolitaine. Pour donner un exemple, moi je dépends de la circonscription métropolitaine qui regroupe trois arrondissements de Lyon. Donc c’était la première fois. Je ne suis pas certaine que l’ensemble des habitantes et habitants aient un, bien identifié. Ils ont voté deux fois souvent parce qu’on les y a invités une fois qu’ils étaient dans le bureau de vote et deux, je ne suis pas certaine que plus de la moitié des habitantes et habitants voient au quotidien ce qu’est la métropole de Lyon en termes de service public.

Étienne Gonnu : Comme vous avez dit c’est une collectivité jeune. Vous êtes donc élue sur liste, comme un conseil municipal.

Émeline Baume : On est élu sur liste, comme Bertrand, comme à la ville de Lyon, modulo la loi PLM [Paris Lyon Marseille].

Étienne Gonnu : Bertand Maes, justement, est-ce que vous souhaitez compéter avec votre regard d’élu d’un conseil municipal que j’ai d’ailleurs présenté comme une évidence, mais ça ne l’est peut-être pas tant que ça ? En quelques mots comment fonctionne un conseil municipal et dans quel contexte vote-t-il des délibérations par exemple ?

Bertrand Maes : Lyon est effectivement une ville à arrondissements, ce qui apporte une petite particularité de la même façon qu’à Marseille et Paris. Il y a des conseillers d’arrondissements et un certain nombre d’élus qui siègent au conseil d’arrondissement siègent également au conseil municipal.

Comment cela fonctionne-t-il politiquement ? On a un maire qui est entouré d’un exécutif composé d’adjoints et d’adjointes qui soumettent au conseil municipal, à intervalles de temps réguliers, à peu près sept ou huit fois par an, des délibérations. C’est une instance délibérante un petit peu classique : les délibérations sont adoptées ou refusées lors de votes en conseil municipal.

Étienne Gonnu : Entendu. Je pense que c’est bon de poser cette question.
J’imagine qu’informellement, au minimum, vous avez des interactions entre les élus de ces deux collectivités. Est-ce qu’il y a des moments formels, est-ce qu’il y a eu une organisation au moment de la création de la métropole du Grand Lyon ? Est-ce qu’il y a des interactions politiques prévues, des instances prévues pour les échanges politiques entre les deux niveaux ?

Émeline Baume : Il y a une instance hyper-formelle, dans la loi, qui s’appelle le CTM, le Conseil territorial métropolitain, au sein duquel le président de la métropole et le maire de Lyon – le maire de Lyon ayant fait le choix d’y associer l’ensemble des maires d’arrondissements – échangent, en gros, sur des sujets structurants de la métropole et de comment ça se met en place ou comment ça va se mettre en place normalement sur la ville de Lyon. Et on a un pacte de cohérence, c'est-à-dire que la ville de Lyon a travaillé avec l’exécutif métropolitain les éléments qu’ils souhaitaient partager en termes d’investissement avec de l’investissement métropole de Lyon ; en gros, c’est tout simplement un pacte d’accord financier.
Ça c’est ce qui est dans la loi.

Après il y a, délégation par délégation, dit autrement sujet par sujet, à la bonne volonté des vice-présidentes/vice-présidents côté métropole et des adjointes/adjoints côté ville, des coopérations qui se nouent soit par intérêt commun parce qu’on est des instances en commun soit parce qu’on sait qu’ensemble on ira plus vite ou ce sera peut-être plus simple. C’est ce qui nous arrive, entre autres, sur le sujet de l’espace numérique de travail des agents. Nous nous sommes mis à trois, avec un troisième organe qui s’appelle le SITIV, qui est syndicat intercommunal sur des sujets informatiques et numériques, qui regroupe deux communes de la métropole et d’autres communes pour aller ensemble chercher de l’investissement public, donc auprès de l’État, auprès de France Relance, pour porter, entre autres, certaines ingénieries de projet, je vais le dire comme ça, pour la transformation de notre environnement numérique du travail. On part du principe qu’en mutualisant l’ingénierie de projet on s’évitera chacun des dépenses et peut-être aussi, mais ça on ne le saura qu’après – peut-être que Bertrand est plus au courant que moi – des bourdes en réfléchissant ensemble et services numériques, informatiques et DP???[27 min 48] adjoints et usagers. Peut-être qu’on s’évitera des bourdes magistrales que d’autres organisations publiques ont pu faire par le passé.

Étienne Gonnu : On parle de mutualisation. C’est vrai que c’est un sujet essentiel, on va d’ailleurs y revenir.
Vous parliez du SITIV. Le SITIV est un syndicat qui a été récompensé d’un label niveau 5 au label Territoire Numérique Libre, qui est le niveau maximal de ce label. Je vais également saluer Lyon qui a obtenu à nouveau un label 4, qui est aussi un très bon niveau, qui récompense des engagements en faveur du logiciel libre. Je salue le SITIV, vous le mentionnez, qui est exemplaire en termes d’utilisation et notamment de contribution au logiciel libre.
Souhaitez-vous compléter Monsieur Maes ?

Bertrand Maes : Simplement un petit mot concernant les systèmes d’information. Je crois qu’il y a quelques années, disons une vingtaine d’années, les systèmes d’information de la ville et de la métropole étaient mutualisés. Pour des raisons que j’ignore ça s’est séparé il y a quelques années, donc nos DSI respectives ont pris des chemins différents. Il faut savoir qu’il y a une particularité à la ville de Lyon : notre DSI ne possède pas de compétences de développement en interne. Tout ce qui est développement est externalisé, sous-traité, tandis qu’il me semble bien qu’à la métropole il y a de la production en interne.

Émeline Baume : Oui. À la métropole on a du développement.

Étienne Gonnu : J’ai prévu de vous interroger plus spécifiquement dans la deuxième partie de l’émission sur ces questions, qui sont très importantes en fait, pas qu’il y ait une meilleure solution que l’autre, mais justement pour montrer la diversité des approches.

On a pris du temps, mais je trouve que c’est toujours intéressant de voir dans quel contexte politique et institutionnel peuvent être développées des politiques pour le logiciel libre et c’est aussi dans ce cadre-là qu’on doit évoluer quand on fait du plaidoyer politique. Jaime bien passer du temps là-dessus, je pense que ça va éclairer la suite de nos échanges. Bref !

Pour attaquer maintenant le cœur de notre sujet, j’ai d’abord envie de vous poser une question politique générale, d’ailleurs pas forcément en tant que représentant et représentante de vos collectivités respectives, mais, plus largement, en tant qu’élus et je vous imagine, à priori quand même, comme personnes porteuses de convictions et de l’intérêt général : pour vous, pourquoi une collectivité territoriale doit-elle s’engager pour le logiciel libre ? Pourquoi, selon vous, cela répond-il justement à un enjeu d’intérêt général. ? En quelques mots pour vous quelle est cette idée forte ? Monsieur Maes, allez-y.

Bertrand Maes : Pour moi, c’est peut-être un peu compliqué de donner une réponse générique. En tout cas, ce dont je me rends compte, c’est que selon le type de logiciel, le type d’application dont on parle, les raisons qui poussent à s’engager dans le logiciel libre peuvent un petit peu différer. Néanmoins, je vois quand même quelques grands intérêts : d’un part, une logique de transparence, donc de confiance vis-à-vis des citoyens et des citoyennes, à savoir que le logiciel libre c’est effectivement le seul type de logiciel qui permet d’être certain de ce que fait effectivement le logiciel et de s’assurer qu’il n’y a pas des fonctionnalités malveillantes cachées, ceci d’autant plus à l’heure du passage massif vers le cloud, qui concerne vraiment tout type de service, y compris les services publics dématérialisés.

Donc une logique de transparence, de confiance, quelque part, également, de protection des données.

Pour les collectivités, ça peut offrir la possibilité de mutualisation de solutions logicielles.
On pourra rentrer dans le détail après, c’est quand même un peu plus compliqué que ça, éventuellement des économies de prix également.
Et puis par ces possibilités de mutualisation notamment, pour moi ça permet d’assurer une forme de souveraineté du service public, c’est-à-dire de garder des développements publics. Il faut bien avoir conscience que lorsqu’on dématérialise un service public, les collectivités ont souvent recours à des acteurs recours à des acteurs privés, éventuellement à des logiciels propriétaires, privateurs, ce qui, de mon point de vue, constitue une privatisation du service public.

Voilà, je dirais, les trois grands intérêts de mon point de vue.

Étienne Gonnu : Super. Est-ce que vous souhaitez compléter Madame Baume ?

Émeline Baume : Je complète juste sur un élément qui était sous-jacent dans le propos de Bertrand, auquel j’adhère à 600 %. Il y a effectivement le sujet de l’économie de prix ; pareil, nous serons en capacité, Bertrand et moi, de l’affirmer dans deux ans, peut-être un petit plus tôt.
Un élément tout simple, c’est aussi notre capacité à l’effet d’entraînement. Là on va accompagner au changement des hommes et des femmes, des agents qui ont certaines habitudes, habitudes qu’ils ont dupliquées chez eux et dans leur environnement social, personnel, et je trouve qu’on a une responsabilité, en tant qu’élus justement, à proposer d’autres voies, d’autres trajectoires, y compris dans le quotidien, pour participer à la souveraineté, à la protection des données, etc. Ce qui revient vers moi ce sont plutôt les éléments négatifs, mais je ne doute pas que parmi les 9600 agents, dans trois/quatre/cinq/six ans au moins un tiers auront partagé avec leur environnement personnel aussi bien la pratique, en gros, du logiciel libre, mais aussi la posture, en fait le pourquoi, l’argumentaire. C’est important de le dire : on a une sacrée capacité, un sacré effet d’entraînement. Et idem, mais peut-être qu’on en parlera plus tard, lorsqu’on valide nos achats publics, qui est un autre énorme effet levier transformationnel dans les organisations de notre territoire.

Étienne Gonnu : Super. Très clair. Merci beaucoup.

Comme je l’indiquais en introduction, la métropole du Grand Lyon et la ville de Lyon ont récemment voté des délibérations en faveur du logiciel libre, si je ne me trompe pas le Grand Lyon en septembre 2021 sur la transformation de l’environnement numérique de travail des agents de la métropole et la ville de Lyon en juillet 2022 et cela fait suite à d’autres délibérations également sur l’espace numérique de l’agent 2022/2026, donc à priori des périmètres similaires. D’ailleurs quand on lit les textes, notamment au niveau des objectifs, on imagine bien qu’il y a une forme de coordination, en tout cas dans l’élaboration de ces délibérations, de ces politiques. Si je ne me trompe pas, dans les deux cas il y a aussi un constat similaire d’une forte dépendance à certains logiciels privateurs, en particulier à ceux de Microsoft, pour ne pas le citer, mais c’est cité dans cette délibération.
Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment respectivement et, du coup conjointement j’imagine, ces délibérations ont été élaborées ? Émeline Baume, puisque vous parliez juste avant, si vous voulez continuer.

Émeline Baume : Un petit peu d’histoire. On a commencé le mandat, on a pris nos responsabilités en juillet 2020 et, assez rapidement, moi côté numérique. Je sais que vous portez des plaidoyers à chaque fois au moment des campagnes, ce n’est pas inutile et il est important que les gens qui nous écoutent entendent leur intérêt. On a été aidés puisque l’équipe en responsabilité de gauche et écologiste avait mis dans son programme, avait pris des engagements, avait signé, je ne sais pas si c’était un pacte je ne m’en souviens pas.

Étienne Gonnu : Je vais me permettre. Le maire de Lyon qui était alors tête de liste pour les municipales de 2022 avait effectivement signé ce qu’on appelle Le Pacte du Logiciel Libre de l’April par lequel il s’engage à mener une politique en faveur du logiciel libre.

Émeline Baume : Ça paraît simple à dire comme ça. D’abord, un, en tant que candidates et candidats on n’oublie pas ce type d’engagement ; j’étais candidate, ce n’est pas la première fois, donc je savais sur quelle ligne on était sur ce sujet-là. Donc quand on est arrivés en responsabilité, assez naturellement le directeur des services numériques et du système d’information m’a posé la question ; l’entrée de la discussion a été autour du renouvellement des licences Microsoft et tout de suite j’ai dit « attendez, dans notre programme nous avions cette transformation, aller vers les logiciels libres, donc comment peut-on se mettre en mouvement ? Comment voyez-vous les choses ? » Il nous a fallu un peu de temps parce que le Grand Lyon, puisqu’avant ça s’appelait le Grand Lyon, sort de plusieurs mandats plutôt tournés vers la privatisation, du coup pas évident ! En tout cas quelques mois de discussion, on va dire ça comme ça, entre les équipes et moi pour arriver à une délibération. Je le dis aussi, c’est le deuxième élément à part le Pacte, c'est qu’on a été élus côté métropole au bon moment, c’est-à-dire que je savais que courant 2022 et surtout en 2023, il y aurait des gros renouvellements des licences Microsoft à porter et je me doutais que le coût serait un frein. Du coup c’est comme ça qu’on a commencé à travailler en disant « combien ça coûte ? » On a porté trois scénarios en discussion au sein de l’exécutif : un scénario de continuité Microsoft ; un scénario éditeurs français sans accompagnement au changement et un scénario tout libre avec un fort accompagnement au changement, donc des pas de temps différents aussi. Au regard de l’expérience de Nantes et du ministère de la Transition écologique, c’étaient les deux expériences qui étaient revenues vers nous, accepter de dire que si on va vers du Libre, on se donne du temps, on ne rachète pas de licences Microsoft, mais on se donne du temps.

Donc trois scénarios pour arriver finalement à un scénario pour l’espace numérique de travail et recours aux éditeurs français pour certaines fonctions urbaines du quotidien, je pense en particulier à l’eau potable, je le dis ici puisqu’on passe en régie publique de l’eau au premier janvier 2023 et, pour l’instant, le système d’information de la régie publique de l’eau, qui est à part de celui de la métropole, c’est peut-être un peu trop technique ce que je dis, sera porté sur de l’éditeur français.

Étienne Gonnu : Entendu.

Bertand Maes si vous souhaitez compléter et nous laisser entendre comment cela s’est articulé, parce que j’imagine que vous avez fait ça en intelligence et pas chacun et chacune de son côté surtout quand on voit que les périmètres de délibération sont similaires. 

Bertrand Maes : Tout à fait. Déjà je confirme ce que le dit Émeline. Le fait d’inscrire ça nos programmes électoraux facilite, quelque part le travail pour la suite, y compris pour la conviction au sein de nos propres exécutifs. Il faut bien avoir en tête que tous les sujets qui tournent du logiciel, etc., y compris dans les milieux politisés et dans les nôtres en l’occurrence écologistes, ça reste assez confidentiel, perçu comme assez technique. Et puis, sur tous les sujets numériques d’une façon générale, il y a assez peu de remises en question. Donc les choses comme le Pacte pour la Transition, le Pacte du Logiciel Libre, etc., sont effectivement de réelles aides, y compris pour l’argumentaire derrière.

À la ville de Lyon on partait d’assez loin. Si vous faites des petites recherches sur Internet, vous pourrez trouver l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, qui pose avec Bill Gates il y a quelques années. Autant dire qu’on est essentiellement aujourd’hui sur un environnement Microsoft donc le sujet Microsoft s’est assez rapidement posé puisque, de la même façon qu’à la métropole, un certain nombre de licences arrivent à échéance les unes après les autres.

De mon point de vue, un élément assez important nous incite à sortir rapidement du système Microsoft, c’est le passage au cloud, encore une fois, donc le passage à Microsoft 365 qui pose un sérieux sujet de souveraineté pour une administration publique, avec toutes les problématiques de droit américain, droit extraterritorial américain, CLOUD Act, etc., qui font que si demain nos données sont gérées par des systèmes Microsoft 365 sur le cloud, on ne peut plus en assurer la souveraineté et la protection.

Étienne Gonnu : On peut même dire qu’il y a eu des décisions, des avis notamment de la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui nous indiquent que, pour plein de raisons légales que vous avez évoquées, le recours à ces outils en ligne d’entreprises américaines, qu’il s’agisse de Microsoft, de Google ou d’autres, serait contraire au droit en vigueur sur les données personnelles. Il y a, en plus, une forme d’obligation légale, à priori, à s’en passer.

Bertrand Maes : Tout à fait. Qui là encore nous aide d’une certaine façon. Je trouve parfois qu’au niveau étatique il pourrait y avoir des incitations plus fortes à passer ??? [40 min ], àen proposer.

Émeline Baume : Oui. Ce qui est quand même étrange. Là nous sommes deux collectivités avec quand même, même s’il n’y a pas de développeurs côté vile de Lyon, une capacité d’ingénierie, une capacité à prendre du recul. Si vous pensez à toutes les intercommunalités de France, ne serait-ce que les départements qui gèrent des données personnelles avec le RSA, les départements ruraux qui ont peu de recul, je trouve que l’accompagnement de l’État en tant que garant, justement, des libertés fondamentales et tout, est minime ! Je suis extrêmement étonnée qu’avec l’arrivée du cloud on ne soit pas plus, à minima, interpellés ! Ça m’étonne !

Étienne Gonnu : Bertrand Maes.

Bertrand Maes : Je partage complètement. Et sur le sujet Microsoft, de mon point de vue, il y a d’autres motifs qui devraient inciter la puissance publique à s’en éloigner. Je voyais qu’en 2019 Microsoft avait dû payer 350 millions d’euros à l’État français, à Bercy, pour des raisons d’évasion fiscale. Donc je trouve assez gênant que nous, qui représentons la puissance publique, filions tant à Microsoft aujourd’hui. Et puis nous sommes des exécutifs écologistes et, de mon point de vue, Microsoft, en tant que moteur de l’obsolescence des machines par l’obsolescence des systèmes d’exploitation, etc., on va dire que, quelque part, a une grosse responsabilité sur l’impact environnemental du numérique aujourd’hui. Ce qui est une raison de plus, pour nous, de nous engager sur une sortie de ces systèmes-là.

Étienne Gonnu : ???[41 min 38]. Je ne vous ai pas poussé à prendre ces positions que j’aime bien, que je partage volontiers.

Je vois que le temps file et j’aimerais qu’on puisse aller un peu plus au cœur de comment, concrètement, vous œuvrez pour le Libre, notamment au sein de vos systèmes d’information, auprès de vos habitants et habitantes des territoires que vous représentez. On imagine bien que c’est le scénario logiciel libre qui a été retenu. Est-ce que ça a été un arbitrage politique difficile ? Avez-vous vraiment dû pousser au sein de vos exécutifs respectifs ? Est-ce que ça a été facilement repris ? C’était dans le programme politique, vous l’avez dit. On ne l’a pas dit, mais je pense qu’on a tourné autour de la question, je voulais souligner que vous êtes, chacun chacune, issus de la même formation politique, Europe Écologie Les Verts, j’imagine que ça facilite le travail.

Bertrand Maes : Pas tout à fait !

Étienne Gonnu : Très bien. Il faut préciser.

Bertrand Maes : Moi je suis d’une petite formation écologiste qui s’appelle Génération écologie, mais on travaille effectivement ensemble dans nos exécutifs et on défend plutôt les mêmes objectifs.

Étienne Gonnu : Merci de la précision.
Du coup, est-ce que ça a été acté assez facilement ou est-ce qu’il y a eu quand même des arbitrages à gagner pour en arriver à ce vote ?

Émeline Baume : À la métropole de Lyon, il y a vraiment, comme dans n’importe quelle organisation et encore plus dans une grosse organisation, c’est pour ça que j’ai pris soin de dire qu’il y a 9600 agents, ça a été présenté aux organisations syndicales. Il y a vraiment eu un moment de questionnement et d’inquiétude de la part de ma collègue qui est en charge des ressources humaines et de ses équipes.

Étienne Gonnu : D’accord. Donc plutôt côté agents que politiques. Après la pause musicale on va revenir sur l’accompagnement au changement. Je pense que c’est le cœur de la guerre. Et côté politique ?

Émeline Baume : Côté politique, comme le disait Bertrand, en fait c’était inscrit dans notre programme, donc à la métropole on est sur le même périmètre qu’à la ville de Lyon. Tous les collègues n’étaient pas à fond, comme l’indiquait Bertrand, parce que ce n’est pas non plus un sujet au cœur sauf on est dans les mouvements écologistes ; quand on est dans d’autres mouvements de gauche ce n’est pas un sujet au cœur, voire, pire, ce n’est pas un sujet tout court.

En fait il y a eu un pari, il y a celles et ceux, comme Bertrand et moi, qui défendaient des questions de transparence, de souveraineté et d’efficacité du service public et il y a celles et ceux qui ne sont que sur l’efficacité du service public, c’est-à-dire qu’on ne dépense pas, pas de renouvellements de licences Microsoft, mais aussi un gros questionnement sur les usages.
À titre personnel, je sais que dans un an, dans deux ans, dans trois ans, je repasserai à la moulinette de l’exécutif et s’il y a des difficultés, il y aura à argumenter.

Étienne Gonnu : D’accord. Cette distinction est importante et çaa revient d’ailleurs à ce que vous disiez : vous n’êtes pas technicienne et, justement, ce ne sont pas que des questions techniques, ce sont des questions politiques et ce n’est pas toujours quelque chose qui est facile à faire entendre.

Je vous propose de faire une pause musicale avant d’attaquer, justement, ce que vous mettez en œuvre plus concrètement dans vos collectivités. Nous allons écouter La ville par ZinKaRo. On se retrouve dans deux minutes 42. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : La ville par ZinKaRo. Voix off : Cause Commune, 93.1. Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter La ville par ZinKaRo, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Deuxième partie=MO

Chronique « À coeur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy intitulé « Merci Eugen Rochko et Vive le Fédiverse »=MO

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre = Ève OK

Étienne Gonnu : Comme vous l’entendez au jingle, nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par ces quelques annonces.

Alors, comme je vous l’annonçais un peu plus tôt, nous proposons un questionnaire pour connaître l’auditorat de Libre à vous. Vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous. Elles nous permettront d’évaluer l’impact de notre émission et de mieux vous connaître et, de votre côté, ce questionnaire est une occasion pour nous faire des retours. Répondre à ce questionnaire ne vous prendra pas plus de cinq minutes : rendez-vous sur libreavous.org. pour le retrouver.

Si vous êtes en Île-de-France ce vendredi 16 décembre, n’hésitez pas à faire un tour dans le 14e arrondissement : l’April organise son apéro mensuel dans son local. Tout le monde est le bienvenu. Dans une période de progression importante du Covid, le port du masque sera recommandé pour permettre à tout le monde de participer le plus sereinement possible. Rendez-vous vendredi 16 décembre à 19 h.

Si vous êtes du côté de Montpellier, ce même vendredi 16 décembre à 19h30, projection du film Lol, logiciel libre : une affaire sérieuse au cinéma Utopia à Montpellier, suivie d’un débat en présence de François Pellegrini, vice-président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Cause commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois, à partir de 19h, dans ses locaux de Paris, 22 rue Dimey, dans le 18e arrondissement. Une réunion d’équipe ouverte au public, avec apéro participatif à la clé. La prochaine soirée rencontre aura lieu le 6 janvier 2023.

Je vous invite à consulter le site de l’agenda du libre, agendadulibre.org pour retrouver des événements en lien avec les logiciels libres ou la culture du Libre près de chez vous.

Thierry va vérifier : est-ce qu’on est bon sur le lancement du timing du générique ? Peut-être que oui, c’est moi qui m’embrouille. Sinon, on pourra relancer, vérifie sur le séquencier.

Désolé si je t’embrouille pour rien. En tout cas, voilà, ça ne change pas le fait que notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Isabelle Carrère, Bertrand Maes, Émeline Baume, Lorette et Laurent Costy. Aux manettes de la régie aujourd’hui, Thierry Holleville. Un énorme merci à mes collègues Frédéric Couchet et Isabella Vanni pour leur aide dans la préparation de cette émission. Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman qui a traité le fichier du sujet long aujourd’hui, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio. Merci à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujets.

Vous retrouverez sur notre site web libreavous.org toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours, pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact@libreavous.org

Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio : pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46, je répète 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faire connaître également la radio Cause Commune, « la voix des possibles ».

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 20 décembre 2022 à 15 h 30, la dernière de l’année d’ailleurs, et notre sujet principal portera sur les enjeux de diversité, de mixité, de recrutement et de logiciel libre.

Nous vous souhaitons de passer une très bonne fin de journée. On se retrouve en direct mardi 20 décembre 2022 et d’ici là, portez vous bien !