Émission Libre à vous ! diffusée mardi 28 juin 2022 sur radio Cause Commune

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 28 juin 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Marie-Odile Morandi - Laure-Élise Déniel - Samuel Le Goff - Luc - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie.

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 28 juin 2022

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Références concernant l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Les élections législatives ont eu lieu il y a quelques jours et le parti du président de la République ne dispose pas de la majorité absolue. Cette situation génère de nombreux commentaires qui, pour beaucoup, montrent une méconnaissance du mécanisme du travail parlementaire. Avec notre invité du jour nous allons essayer de vous éclairer sur le travail parlementaire à l’Assemblée et au Sénat, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme, en début d’émission, la chronique de Marie-Odile Morandi intitulée « Logiciel libre et communs numériques » et, en fin d’émission, la chronique de Luc « Sept ans, l’âge de raison ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire tout retour ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 28 juin 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Il a une grande responsabilité, celle de vous rendre les propos, les sons propres et agréables à écouter. À la réalisation de l’émission c’est mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred, je ferai de mon mieux.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l’April, intitulée logiciel libre et communs numériques

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi. Marie-Odile est animatrice du groupe Transcriptions de l’April et administratrice de l’association. Elle a rédigé la chronique qui est mise en voix par Laure-Élise Déniel, bénévole à l’April. Le thème du jour : Logiciel libre et communs numériques.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Le thème du sujet principal de l’émission Libre à vous ! du mardi 17 mai était Les communs numériques.
Claire Brossaud, sociologue, facilitatrice des communs, et Sébastien Broca, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, auteur de l’ouvrage Utopie du logiciel libre paru en novembre 2013, étaient les invités de Laurent Costy et d’Étienne Gonnu.
Pour cette dernière chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de la saison 5 de votre émission préférée, auditeurs et auditrices, nous avons choisi de rappeler certains éléments de cette transcription pour vous encourager à la lire ou, si vous l’avez déjà fait, à la relire, l’intitulant « Logiciel libre et communs numériques ».

Laurent Costy, vice-président de l’April et animateur ponctuel de l’émission, rappelle que la notion de communs, qui a ressurgi depuis les années 2000, n’est pas toujours simple à appréhender au-delà de la seule question du numérique.
Des précisions sont apportées par Claire Brossaud.
Les biens, en économie, sont des ensembles non exclusifs de ressources qui peuvent être partagés, mais ces ressources peuvent s’épuiser.
Les biens publics sont les ressources comme l’air, l’eau, la terre, qui, elles aussi, ne sont pas appropriables. Bien entendu, référence est faite plusieurs fois à Elinor Ostrom, chercheuse américaine, prix Nobel d’économie en 2009. Pour elle, les communs peuvent être utilisés par tous, mais les ressources en jeu s’épuisent.
Concernant les communs de la connaissance et du numérique, la situation est différente : le savoir, la connaissance sont des ressources qui s’amplifient et se développent quand on les utilise.

Pour qu’il y ait commun, il faut traditionnellement trois piliers : une ressource, une communauté et des règles d’accès et de partage de cette ressource.
La ressource peut être matérielle – une terre, un habitat, une rivière – ou immatérielle, intangible – les communs de la connaissance, les communs informationnels, les communs culturels.
Des humains formant une communauté gèrent ensemble, en commun, cette ressource, qui risque de s’épuiser, afin de la faire perdurer. Des règles d’usage, une gouvernance collective est mise en place par cette communauté qui est en relation avec son écosystème.
Le statut de commun d’une ressource dépend toujours d’une décision humaine, de la décision d’une personne ou d’un collectif de considérer ce bien comme un commun, d’en faire une ressource partagée. C’est valable pour les biens matériels ou physiques et pour les biens informationnels.

Au début des années 80 l’information et la connaissance ont été de plus en plus privatisées, soumises à des droits exclusifs de copyright aux États-Unis, empêchant, par exemple, les pratiques communautaires de partage des développeurs qui coproduisaient les logiciels. Le mouvement du logiciel libre est créé en 1983 et 1984 par Richard Stallman. C’est un des premiers mouvements à réagir à cette enclosure et à mettre en place une véritable alternative contre les restrictions posées par la propriété intellectuelle pour permettre l’accès ouvert et le partage des ressources informationnelles. Richard Stallman défend le droit fondamental des utilisateurs à accéder au code source, il crée les licences libres dont la première, la GNU GPL, va octroyer des libertés.
Les quatre libertés – exécution, copie, modification et redistribution aussi bien de la version originale que de celle qui est modifiée – sont au cœur du logiciel libre qui joue un rôle précurseur. D’autres mouvements suivront dont le dénominateur commun est le fait de résister aux excès de la propriété intellectuelle afin de s’opposer au mouvement de privatisation de l’information : création des licences Creative Commons, promotion du libre accès aux publications scientifiques mais aussi défense des semences paysannes contre les variétés hybrides.

Peut-on qualifier les logiciels libres de communs numériques selon la définition des communs ?, demande Laurent Costy.
Si ce projet de logiciel libre est mené par une seule personne, s’il n’y a pas de communauté, pas de gouvernance démocratique, la réponse est non, affirme Sébastien Broca. Cependant, de nombreux projets de logiciel libre ont un fonctionnement communautaire, auto-organisé, qui répond à la définition des communs. Donc les logiciels libres sont souvent des communs, mais il peut y avoir des logiciels libres qui ne respectent pas vraiment les critères de définition des communs.

L’ouverture des codes sources a permis de créer des œuvres de manière itérative etcollaborative. Wikipédia, encyclopédie mondiale de la connaissance, naît au début des années 2000 ; OpenStreetMap, base libre de données géographiques, le système d’exploitation libre GNU/Linux, les logiciels libres comme Firefox, les œuvres sous Creative Commons, sont des communs numériques qu’on trouve sur Internet, créés grâce à la contribution de milliers de personnes, qui permettent à ces ressources de croître et non de se réduire.
La connaissance, une idée, des biens informationnels ne courent pas le risque de s’épuiser lorsqu’on les consomme, on peut les partager à l’infini, mais on peut quand même les privatiser, on peut faire du logiciel propriétaire ! La présence d’une licence libre ne fait pas forcément d’un logiciel un commun ; un logiciel libre peut être entièrement géré par une entreprise privée, sans communauté.

Pour Sébastien Broca, la différence entre Libre et open source est philosophique, c’est une différence d’approche, de positionnement. Le logiciel libre est un mouvement social qui met au premier plan une exigence éthique. L’open source va se promouvoir avec des arguments un peu plus pragmatiques, expliquant que les logiciels sont meilleurs, qu’ils permettent des méthodes de développement ouvertes efficaces, des économies d’argent pour les entreprises. Il remarque qu’un nouveau clivage s’est mis en place depuis quelques années avec, d’un côté, le logiciel libre canal historique et ses quatre libertés et, de l’autre, une position moins rigoriste sur ces droits fondamentaux. Apparaissent ainsi des licences qui vont avoir un objectif plutôt économique de réciprocité : demande de participation au développement du code source du logiciel et, à défaut, demande de versement d’une somme d’argent.

Plus récemment une nouvelle génération arrive qui porte des combats, des valeurs ou des exigences qui n’étaient peut-être pas assez été prises en compte par la génération précédente, notamment celle des pères fondateurs du logiciel libre. Les thématiques concernant en particulier les inégalités de genre ont acquis de l’importance, ont questionné et fait réfléchir un certain nombre de communautés qui se sont aperçues de l’homogénéité sociale qui régnait, de la domination écrasante des hommes assez technophiles, blancs, favorisés socialement, accusant parfois des comportements machistes ou misogynes. Des questions de gouvernance démocratique se posent : comment s’auto-organiser, comment faire pour mener un projet communautaire respectueux. Le mouvement des communs a ainsi pu ouvrir le monde du Libre à des thèmes qui provenaient de mondes sociaux assez différents, permettant une gouvernance plus collective au sein de certains projets de logiciel libre.

Le logiciel libre est essentiel dans le fonctionnement d’Internet, 90 % des serveurs tournent avec GNU/Linux. On a constaté une forme de récupération ou d’intégration du Libre par les GAFAM dont le monopole ne s’est, semble-t-il, pas affaibli, aussi qu’une forme d’appropriation par l’industrie qu’on pourrait dire culturelle. Les éléments de langage, le vocabulaire de la communauté – collaboration, ouverture, partage – ont été repris, peut-être de manière hypocrite, par les grands acteurs du numérique.
Parce qu’il y a des enjeux de souveraineté des données par rapport à ces GAFAM, mais aussi des enjeux d’innovation collaborative, on constate une appropriation assez récente des communs numériques par certaines institutions avec volonté de les favoriser. On peut citer l’Agence nationale de la cohésion des territoires ainsi que l’IGN, l’Institut géographique national, qui ont choisi d’utiliser désormais OpenStreetMap.

Au cours du temps, diverses transcriptions concernant ces sujets ont été publiées. Le site Libre à lire ! met à disposition un moteur de recherche qui permet aux personnes intéressées, par exemple en insérant le terme « communs », de les retrouver. Une attention particulière peut être réservée à la transcription d’une conférence donnée en 2019 par Lionel Maurel, bibliothécaire, juriste, expert du droit d’auteur et des licences, intitulée « Faire atterrir les Communs numériques », c’est-à-dire sur un sol terrestre. Les communs de la connaissance ont une dimension matérielle et les communs matériels sont aussi des communs de la connaissance.
Lionel Maurel cite l’exemple d’une bibliothèque : les idées sont dans les livres qui sont des objets, eux-mêmes sont dans une bibliothèque qui est l’infrastructure. Sébastien Broca prend l’exemple du fablab, « le laboratoire de fabrication », qui a une dimension matérielle, qui existe dans le tissu urbain, dont l’activité est fondée sur beaucoup de communs numériques particulièrement au niveau logiciel. Il est donc difficile de séparer ces éléments qui forment un agencement.

Le Libre ne concerne pas seulement les informaticiens ou les hackers, il s’inscrit dans un projet politique plus vaste, plus global, véritable alternative, nous explique Claire Brossaud, à la mondialisation néolibérale telle qu’elle a été conduite depuis quelques décennies. Le logiciel libre n’a pas vraiment eu besoin des communs pour exister, pour progresser. Il a réussi à maintenir l’ouverture de certaines ressources informationnelles et nous pouvons dire que c’est un réel succès.
Certes, on s’est aussi aperçu que l’informatique, même quand elle est libre, peut être critiquée, remise en cause par sa participation à une numérisation du monde qui a un effet positif mais aussi des effets néfastes, notamment du point de vue écologique.

Les communs se généralisent, ce sont des modèles d’organisation sociale qui sont de plus en plus efficients dans la société. Les acteurs des communs se disent à l’interface public/privé de manière à créer une troisième voie afin d’avoir la main sur la gestion et l’allocation des ressources à l’échelle de petites communautés mais aussi à l’échelle de grandes communautés quand il s’agit des communs de la connaissance.

Depuis les années 2020 on voit s’institutionnaliser la notion de communs dans divers domaines, à fortiori dans le numérique. Les changements à accomplir en matière écologique, en matière sociale, sont considérables et les communs portent une vraie alternative. Pour Claire Brossaud, il est nécessaire d’articuler le développement des communs avec le soutien des acteurs publics et de l’État, cependant sans que les communs y perdent leur spécificité. C’est une question majeure, voire le défi des prochaines années sans oublier, comme nous le rappelle Lionel Maurel, l’imbrication des communs numériques à la technostructure physique, c’est-à-dire leur aspect matériel.

Puissent les transcriptions que nous vous suggérons de relire – vous trouverez bien entendu les liens sur la page des références de l’émission – permettre d’aider à la compréhension des communs en évitant les simplifications qui entraînent quelquefois des déformations. Certes, « tout cela est bien compliqué », mais fort intéressant, voire passionnant par son actualité.

Permettez-nous, chères auditrices et auditeurs, de nous congédier en vous souhaitant d’excellentes et reposantes vacances d’été.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter la chronique de Marie-Odile Morandi mise en voix par Laure-Élise Déniel. Le thème du jour c’était « Logiciel libre et communs numériques ». Vous pourrez retrouver les transcriptions en référence sur le site libreavous.org. Le site dédié aux transcriptions est librealire.org où vous avez près de 900 transcriptions. Si vous voulez passer un été studieux en lisant, vous pouvez vous connecter sur librealire.org et retrouver toutes les transcriptions.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause nous parlerons du travail parlementaire avec notre invité Samuel Le Goff. En attendant nous allons écouter Outrain par Lumpini. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Outrain par Lumpini.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Outrain par Lumpini, disponible sous licence libre Creative Commons CC By SA 3.0. Si vous souhaitez en savoir plus sur Lumpini, je vous renvoie à l’interview de Thibaut Dallery faire par mon collègue Étienne Gonnu la semaine dernière. Vous pouvez l’écouter sur libreavous.org/148. Si vous nous écoutez en direct le podcast n’est pas encore disponible, mais si vous nous écoutez en podcast, au moment où vous m’entendrez le podcast de cette émission sera disponible. Lumpini dans l’émission 148, donc libreavous.org/148.
On va passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Le travail parlementaire, avec Samuel Le Goff, ancien collaborateur parlementaire, puis journaliste en charge du suivi du Parlement, désormais consultant en stratégie et communication chez CommStrat

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre