Différences entre les versions de « Émission Libre à vous ! diffusée mardi 26 avril 2022 sur radio Cause Commune »

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<b>Voix off : </b><em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Bonjour à toutes. Bonjour à tous.<br/>
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Nous recevons aujourd’hui Simon Popy, membre du CESER Occitanie et président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon. Ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Également au programme « Une goutte de rhum pour un océan de données » et en fin d’émission Luk nous enseignera une incantation aussi utile aux professionnels de l’informatique qu’aux passionnés de jeux de rôle, TGCM.
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Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de <em>Libre à vous !</em>, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.<br/>
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Je suis Étienne Gonnu, changé de mission affaires publiques pour l’April.
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Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
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Nous sommes mardi 26 avril, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
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À la réalisation de l’émission, ma talentueuse Isabella. Salut Isa.
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<b>Isabella Vanni : </b>Salut Étienne et bonne émission.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Nous vous souhaitons une excellente écoute.
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==Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy, intitulée : « Une goutte de rhum pour un océan de données »==
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<b>Étienne Gonnu : </b>Nous allons commencer avec la chronique de Laurent et Lorette Costy « À cœur vaillant, la voie est libre » en direct de leur cuisine.
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<b>Lorette Costy : </b>Tiens Paparobase, je profite de te croiser dans la cuisine pour t’informer que je me suis permis d’emprunter un ouvrage qui m’avait tapé dans l’œil dans ta chambre.
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<b>Laurent Costy : </b>Un ouvrage ? Sur la table de nuit ?
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<b>Lorette Costy : </b>Oui, sur la table de nuit. Il y en avait un qui dépassait du matelas mais ça me semblait moins intéressant pour la chronique !
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<b>Laurent Costy : </b>Je ne sais pas pourquoi mais mon copain Zen oublie systématiquement ses magazines chez moi. Je vais le tancer sévèrement la prochaine fois pour ça. Du coup, le livre, c’est <em>L’enfer numérique</em> de Guillaume Pitron ? Tu l’as lu ? Je trouve qu’l n’y a pas beaucoup d’images. Je préfère <em>Rahan, fils des âges farouches</em>.
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<b>Lorette Costy : </b>Et bien justement, détrompe-toi !, j’y ai trouvé une image incroyable pour appréhender la quantité de données brassées par les êtres humains sur cette planète, planète qui doit assumer chaque jour la matérialité pesante de l’informatique en nuage et en réseau. Je vais te raconter si tu veux.
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<b>Laurent Costy : </b>Ouiiiii ! ça va m’éviter de lire le livre. Je prends ! Je pourrai une nouvelle fois usurper pour la chronique. Attends, je prends mon doudou, un petit verre de rhum et tu peux y aller !
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<b>Lorette Costy : </b>OK. Faisons l’exercice de pensée que l’octet, multiplet de 8 bits pour mémoire, représente une goutte d’eau. Tu me suis jusque-là ?
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<b>Laurent Costy : </b>Jusqu’à « faisons », ça allait à peu près. À partir du mot « exercice » et « pensée », j’ai décroché. Mais vas-y, continue.
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<b>Lorette Costy : </b>Pour mieux comprendre, tu peux considérer une goutte de rhum plutôt qu’une goutte d’eau !
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<b>Laurent Costy : </b>Ben voilà, c’est tout de suite plus clair ! Un octet équivaut à une goutte de rhum.
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<b>Lorette Costy : </b>Parfait. Prenons alors un court e-mail genre « Bonjour papa, comment tu vas ? ». Il pèse autour de 1 000 octets et correspond approximativement à 100 ml, autrement dit un demi verre.
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<b>Laurent Costy : </b>Un demi verre de rhum c’est limite, mais ça se boit. La modération étant de mise, je subodore que la suite de l’analogie ne va pas permettre de tout boire au fur et à mesure.
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<b>Lorette Costy : </b>Tu subodores bien Papapotam. Si tu recommences cette opération 1 000 fois, tu as, sur la table, 1 000 verres de rhum à moitié pleins. Et, avec notre analogie, ça représente un mégaoctet c’est-à-dire l’équivalent d’une minute de fichier audio au format OGG.
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<b>Laurent Costy : </b>Fais attention quand même ! Tu es parfois un peu trop dans ton monde libriste et tu oublies d’expliquer aux personnes qui ne connaissent pas que OGG est un format de fichier audio nativement libre, alternatif et plus performant que le format mp3.
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<b>Lorette Costy : </b>Tout le monde sait ça Paparobase, tu n’es plus à la page !
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<b>Laurent Costy : </b>HTML !
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<b>Lorette Costy : </b>Mais arrête de m’interrompre, c’est déjà assez difficile comme ça père lipopette ! On continue. Donc, un mégaoctet représente 100 litres de rhum.
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<b>Laurent Costy : </b>Ça prend de la place ! Ça va être compliqué que ces 100 bouteilles de rhum, à ranger dans le placard !
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<b>Lorette Costy : </b>Rhum arrangé si tu veux, mais plus question de tout boire d’un coup. Et puis, tu n’as encore rien vu. L’étape d’après, c’est l’équivalent d’une grosse citerne de récupération des eaux de pluie remplie de rhum, soit 100 000 litres. C’est le gigaoctet et c’est comme une vidéo de deux heures !
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<b>Laurent Costy : </b>Je vais de ce pas calculer le nombre nécessaire de citrons verts pour les ti-punchs correspondants. Je dirais environ 500 000 si on considère qu’il en faut un demi pour dix centilitres.
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<b>Lorette Costy : </b>20/20 pour toi, mais, je continue à filer l’analogie éthylique. Six millions de livres, soit pratiquement la moitié du catalogue de Bibliothèque nationale de France, représentent 1 000 gigaoctets que l’on appelle le téraoctet. Ça correspond à 100 millions de litres de rhum soit environ 27 piscines olympiques !
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<b>Laurent Costy : </b>Waouh ! Des piscines de rhum ! Tu sais faire rêver les gens toi ! Regarde, j’ai fait une recherche rapide et j’ai trouvé une tranche de citron vert gonflable en forme de fauteuil. Il ne me reste plus qu’à trouver des cigares en chocolat, des lunettes de soleil et me voilà le roi du nouvel or noir : la donnée !
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<b>Lorette Costy : </b>Attends, ce n’est pas fini. Tu vas pouvoir acheter un yacht, d’autant que des oligarques russes font des promos en ce moment !<br/>
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Après le téraoctet, passons au pétaoctet soit, mille fois plus encore une fois. Là, c’est 100 millions de mètres cubes et l’équivalent de deux milliards de photos numériques de qualité moyenne. Je t’avais dit que tu faisais trop de selfies pendant tes vacances !
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<b>Laurent Costy : </b>Oui, je suis en mode selfie, mais je n’arrive pas à le désactiver ! Je retourne l’appareil pour prendre des photos ! Donc, 100 millions de mètres cubes, c’est 58 fois le volume du Grand Canal de Venise. Parfait pour mon yacht !
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<b>Lorette Costy : </b>Allez, plus que trois unités à considérer après ça. Il y a d’abord l’exaoctet. Il faut savoir que cinq exaoctets correspondent à la quantité de données accumulées sur le réseau jusqu’à l’année 2003 qui se trouve être, d’ailleurs, l’année de naissance d’une vraie génie, ta fille préférée.
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<b>Laurent Costy : </b>Pas le choix 1 Je n’en ai pas d’autre !
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<b>Lorette Costy : </b>Et ces cinq exaoctets ça fait 100 km<sup>3</sup> soit 11 km<sup>3</sup> de plus que le volume du lac Léman.
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<b>Laurent Costy : </b>Oh là, là !, ça commence à me soûler cette mise en abysse de gouttes de rhum !
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<b>Lorette Costy : </b>Mais voilà déjà le zettaoctet, soit, un million de milliards de livres numérisés. C’est le golfe de Californie.
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<b>Laurent Costy : </b>Tu sais comment on dit « or », le métal précieux, en latin ? On dit <em>aurum</em>.
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<b>Lorette Costy : </b>Je conclus, car je sens que les vapeurs d’alcool t’empêchent de te concentrer. Pour l’instant on en reste au yottaoctet. Soit 1 000 zettaoctets. C’est 100 millions de km<sup>3</sup> soit 1/3 de l’océan Indien occupé par du rhum.
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<b>Laurent Costy : </b>Je suis baba… <em>aurum</em> !
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<b>Lorette Costy : </b>Tout à l’heure, je t’ai dit que cinq exaoctets avaient été accumulés en 2003. Il faut savoir qu’en 2010, le cumul est passé à deux zettaoctets. Si on en croit les prévisions, on sera à 2142 zettaoctets en 2035 !
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<b>Laurent Costy : </b>Comme j’ai quand même retenu la table de conversion, malgré mon tiers d’océan Indien de rhum dans le sang – je te fais grâce du lac Léman et de tout le reste puisque ça devient négligeable pour un coma éthylique –, ça fera plus de deux yottaoctets ! D’ailleurs, je te recommande l’acronyme PEZY pour Peta, Exa, Zetta, Yotta. Il permet de retenir plus facilement les unités au-delà du Tera !
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<b>Lorette Costy : </b>D’accord Pezy-Papa. Mais c’est quand même incommensurable de telles quantités de données malgré cette belle analogie filée et toutes ces unités adaptées !
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<b>Laurent Costy : </b>Comme disent les chimistes, techniquement, l’alcool est une solution. On se demande si on ne ferait pas mieux d’adopter cette solution quand on voit les conséquences énergétiques, environnementales, matérielles et géopolitiques d’une telle accumulation et d’un tel accroissement de données. 3,8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde seraient dues au numérique et, en France, 6 % de l’énergie serait consommée pour les usages numériques.
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<b>Lorette Costy : </b>Et avec les perspectives de développement de l’Internet des objets, comme les WC connectés dont on a déjà parlé toi et moi, de l’intelligence artificielle, de la qualité des vidéos, ou même de la voiture autonome qui promet, selon les plus euphoriques, jusqu’à un gigaoctet de données par seconde, on voit bien que la perspective de 2 142 zettaoctets cumulés en 2035 est un horizon crédible.
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<b>Laurent Costy : </b>Et tu imagines, en plus, quand les voitures connectées embarqueront des toilettes connectées ! Dans cette perspective, on prépare les techniques comme la 5G ou les câbles de fibre optique sous-marins pour absorber cette explosion du trafic. On développe les usages, donc on a besoin de développer les tuyaux pour anticiper. Et comme on met en place de nouveaux tuyaux, on ouvre la voie à des usages qui débitent toujours plus de data comme les chutes d’Iguazú après un orage !
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<b>Lorette Costy : </b>Comment faire pour limiter les effets néfastes de cette augmentation de création et de stockage de données ? On n’arrête pas de me dire que je dois vider ma boîte mail, mais ça me semble un peu tarte à la crème à la vanille ce truc. À quoi ça sert d’éviter de remplir un demi verre de rhum quand 4,7 millions de vidéos sont visionnées chaque minute sur Internet et que ça remplit des centaines de citernes de rhum ?
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<b>Laurent Costy : </b>Pas simple de répondre à ta question. J’aurais tendance à dire que si tu peux agir, agis ! Mais sois lucide sur les effets et sur les mesures qui sont plus efficaces que d’autres. Priorise en conséquence tes actions car souvent, dans tous les calculs d’énergie consommée, la fabrication de l’appareil est purement et simplement oubliée.
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<b>Lorette Costy : </b>On se demande parfois si ce n’est pas volontaire de parler en priorité de boîte mail à vider. Ça évite d’aborder l’épineuse question du matériel trop souvent renouvelé et de tous les efforts qui sont faits en marketing et en publicité pour faire acheter à gogo !
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<b>Laurent Costy : </b>Exactement. Quand on sait que certaines évaluations ont montré que, pour l’envoi d’un mail, 70 % environ de l’émission de carbone est dû à l’amortissement de la fabrication de l’ordinateur qui sert à écrire ce mail, que 23 % pourcent sont affectés à l’ordinateur qui sert à le lire et qu’enfin, il est estimé que seul 1 % de l’émission de carbone est à attribuer au transport et au stockage du mail, ça remet en perspective les priorités que l’on doit se donner.
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<b>Lorette Costy : </b>Garder le plus longtemps possible ses appareils, les faire réparer plutôt que les changer et acheter du matériel reconditionné, sont donc des mesures très importantes pour limiter l’énergie consommée.
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<b>Laurent Costy : </b>Longtemps, l’argument d’une consommation énergétique moindre était mis en avant avec l’achat d’un nouvel appareil. C’est désormais terminé ! On sait définitivement que fabriquer un nouvel appareil sera toujours bien plus énergivore et avide de ressources. Donc non seulement il faut prolonger la vie des appareils mais, en plus, il faut systématiquement contredire les marketeux qui utilisent cet argument pour faire racheter de nouveaux appareils.
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<b>Lorette Costy : </b>Et en plus, un des moyens de faire durer un ordinateur plus longtemps, c’est de lui installer un système d’exploitation GNU/Linux adapté à sa configuration. J’ai bon ?
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<b>Laurent Costy : </b>Ma fille, on fera de toi quelqu’un de bien, je n’en doute pas un seul instant. Et là, un peu de rhum m’attend et ce n’est pas parce qu’on en a beaucoup parlé que je ne sais pas le consommer avec modération. Je te poutoute et te souhaite longue vie ainsi qu’à tes appareils ma fille !
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<b>Lorette Costy : </b>Longue vie aussi aux tiens ! Bises Pezy-Papa !
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<b>Étienne Gonnu : </b>C’était la chronique « À cœur vaillant la voie est libre » joliment intitulée « Une goutte de rhum pour un océan de données » et exceptionnellement réalisée en direct depuis le studio.<br/>
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Merci à Lorette et merci à Laurent pour cette chronique d’utilité publique à écouter sans modération et on se dit au mois prochain pour une nouvelle chronique
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<b>Laurent Costy : </b>Au mois prochain. Merci.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Toi, Laurent, tu restes avec nous car après la pause les manettes du sujet long de l’émission.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Avant ça nous allons écouter <em>K For Kool</em> par Kuromaru. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>K For Kool</em> par Kuromaru.
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<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Nous venons d’écouter <em>K For Kool</em> par Kuromaru disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, un artiste dont je vous invite à retrouver une présentation sur le superbe site auboutdufil.com.
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<b>Étienne Gonnu : </b>Passons maintenant à notre sujet suivant.
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==Échange avec Simon Popy, membre de la commission du conseil économique, social et environnemental régional CESER Occitanie « Aménagement du Territoire – Politiques environnementales et énergétiques Transport – Infrastructures – Numérique – Logement », président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon==
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<b>Étienne Gonnu : </b>Comme je vous l’annonçais

Version du 27 avril 2022 à 12:54


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 26 avril 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Lorette Costy - Laurent Costy - Simon Popy - Luk - Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 26 avril 2022

Durée : 1 h 30 min

[ Podcast provisoire]

Références concernant l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Nous recevons aujourd’hui Simon Popy, membre du CESER Occitanie et président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon. Ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Également au programme « Une goutte de rhum pour un océan de données » et en fin d’émission Luk nous enseignera une incantation aussi utile aux professionnels de l’informatique qu’aux passionnés de jeux de rôle, TGCM.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, changé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 26 avril, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, ma talentueuse Isabella. Salut Isa.

Isabella Vanni : Salut Étienne et bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

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Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy, intitulée : « Une goutte de rhum pour un océan de données »

Étienne Gonnu : Nous allons commencer avec la chronique de Laurent et Lorette Costy « À cœur vaillant, la voie est libre » en direct de leur cuisine.

Lorette Costy : Tiens Paparobase, je profite de te croiser dans la cuisine pour t’informer que je me suis permis d’emprunter un ouvrage qui m’avait tapé dans l’œil dans ta chambre.

Laurent Costy : Un ouvrage ? Sur la table de nuit ?

Lorette Costy : Oui, sur la table de nuit. Il y en avait un qui dépassait du matelas mais ça me semblait moins intéressant pour la chronique !

Laurent Costy : Je ne sais pas pourquoi mais mon copain Zen oublie systématiquement ses magazines chez moi. Je vais le tancer sévèrement la prochaine fois pour ça. Du coup, le livre, c’est L’enfer numérique de Guillaume Pitron ? Tu l’as lu ? Je trouve qu’l n’y a pas beaucoup d’images. Je préfère Rahan, fils des âges farouches.

Lorette Costy : Et bien justement, détrompe-toi !, j’y ai trouvé une image incroyable pour appréhender la quantité de données brassées par les êtres humains sur cette planète, planète qui doit assumer chaque jour la matérialité pesante de l’informatique en nuage et en réseau. Je vais te raconter si tu veux.

Laurent Costy : Ouiiiii ! ça va m’éviter de lire le livre. Je prends ! Je pourrai une nouvelle fois usurper pour la chronique. Attends, je prends mon doudou, un petit verre de rhum et tu peux y aller !

Lorette Costy : OK. Faisons l’exercice de pensée que l’octet, multiplet de 8 bits pour mémoire, représente une goutte d’eau. Tu me suis jusque-là ?

Laurent Costy : Jusqu’à « faisons », ça allait à peu près. À partir du mot « exercice » et « pensée », j’ai décroché. Mais vas-y, continue.

Lorette Costy : Pour mieux comprendre, tu peux considérer une goutte de rhum plutôt qu’une goutte d’eau !

Laurent Costy : Ben voilà, c’est tout de suite plus clair ! Un octet équivaut à une goutte de rhum.

Lorette Costy : Parfait. Prenons alors un court e-mail genre « Bonjour papa, comment tu vas ? ». Il pèse autour de 1 000 octets et correspond approximativement à 100 ml, autrement dit un demi verre.

Laurent Costy : Un demi verre de rhum c’est limite, mais ça se boit. La modération étant de mise, je subodore que la suite de l’analogie ne va pas permettre de tout boire au fur et à mesure.

Lorette Costy : Tu subodores bien Papapotam. Si tu recommences cette opération 1 000 fois, tu as, sur la table, 1 000 verres de rhum à moitié pleins. Et, avec notre analogie, ça représente un mégaoctet c’est-à-dire l’équivalent d’une minute de fichier audio au format OGG.

Laurent Costy : Fais attention quand même ! Tu es parfois un peu trop dans ton monde libriste et tu oublies d’expliquer aux personnes qui ne connaissent pas que OGG est un format de fichier audio nativement libre, alternatif et plus performant que le format mp3.

Lorette Costy : Tout le monde sait ça Paparobase, tu n’es plus à la page !

Laurent Costy : HTML !

Lorette Costy : Mais arrête de m’interrompre, c’est déjà assez difficile comme ça père lipopette ! On continue. Donc, un mégaoctet représente 100 litres de rhum.

Laurent Costy : Ça prend de la place ! Ça va être compliqué que ces 100 bouteilles de rhum, à ranger dans le placard !

Lorette Costy : Rhum arrangé si tu veux, mais plus question de tout boire d’un coup. Et puis, tu n’as encore rien vu. L’étape d’après, c’est l’équivalent d’une grosse citerne de récupération des eaux de pluie remplie de rhum, soit 100 000 litres. C’est le gigaoctet et c’est comme une vidéo de deux heures !

Laurent Costy : Je vais de ce pas calculer le nombre nécessaire de citrons verts pour les ti-punchs correspondants. Je dirais environ 500 000 si on considère qu’il en faut un demi pour dix centilitres.

Lorette Costy : 20/20 pour toi, mais, je continue à filer l’analogie éthylique. Six millions de livres, soit pratiquement la moitié du catalogue de Bibliothèque nationale de France, représentent 1 000 gigaoctets que l’on appelle le téraoctet. Ça correspond à 100 millions de litres de rhum soit environ 27 piscines olympiques !

Laurent Costy : Waouh ! Des piscines de rhum ! Tu sais faire rêver les gens toi ! Regarde, j’ai fait une recherche rapide et j’ai trouvé une tranche de citron vert gonflable en forme de fauteuil. Il ne me reste plus qu’à trouver des cigares en chocolat, des lunettes de soleil et me voilà le roi du nouvel or noir : la donnée !

Lorette Costy : Attends, ce n’est pas fini. Tu vas pouvoir acheter un yacht, d’autant que des oligarques russes font des promos en ce moment !
Après le téraoctet, passons au pétaoctet soit, mille fois plus encore une fois. Là, c’est 100 millions de mètres cubes et l’équivalent de deux milliards de photos numériques de qualité moyenne. Je t’avais dit que tu faisais trop de selfies pendant tes vacances !

Laurent Costy : Oui, je suis en mode selfie, mais je n’arrive pas à le désactiver ! Je retourne l’appareil pour prendre des photos ! Donc, 100 millions de mètres cubes, c’est 58 fois le volume du Grand Canal de Venise. Parfait pour mon yacht !

Lorette Costy : Allez, plus que trois unités à considérer après ça. Il y a d’abord l’exaoctet. Il faut savoir que cinq exaoctets correspondent à la quantité de données accumulées sur le réseau jusqu’à l’année 2003 qui se trouve être, d’ailleurs, l’année de naissance d’une vraie génie, ta fille préférée.

Laurent Costy : Pas le choix 1 Je n’en ai pas d’autre !

Lorette Costy : Et ces cinq exaoctets ça fait 100 km3 soit 11 km3 de plus que le volume du lac Léman.

Laurent Costy : Oh là, là !, ça commence à me soûler cette mise en abysse de gouttes de rhum !

Lorette Costy : Mais voilà déjà le zettaoctet, soit, un million de milliards de livres numérisés. C’est le golfe de Californie.

Laurent Costy : Tu sais comment on dit « or », le métal précieux, en latin ? On dit aurum.

Lorette Costy : Je conclus, car je sens que les vapeurs d’alcool t’empêchent de te concentrer. Pour l’instant on en reste au yottaoctet. Soit 1 000 zettaoctets. C’est 100 millions de km3 soit 1/3 de l’océan Indien occupé par du rhum.

Laurent Costy : Je suis baba… aurum !

Lorette Costy : Tout à l’heure, je t’ai dit que cinq exaoctets avaient été accumulés en 2003. Il faut savoir qu’en 2010, le cumul est passé à deux zettaoctets. Si on en croit les prévisions, on sera à 2142 zettaoctets en 2035 !

Laurent Costy : Comme j’ai quand même retenu la table de conversion, malgré mon tiers d’océan Indien de rhum dans le sang – je te fais grâce du lac Léman et de tout le reste puisque ça devient négligeable pour un coma éthylique –, ça fera plus de deux yottaoctets ! D’ailleurs, je te recommande l’acronyme PEZY pour Peta, Exa, Zetta, Yotta. Il permet de retenir plus facilement les unités au-delà du Tera !

Lorette Costy : D’accord Pezy-Papa. Mais c’est quand même incommensurable de telles quantités de données malgré cette belle analogie filée et toutes ces unités adaptées !

Laurent Costy : Comme disent les chimistes, techniquement, l’alcool est une solution. On se demande si on ne ferait pas mieux d’adopter cette solution quand on voit les conséquences énergétiques, environnementales, matérielles et géopolitiques d’une telle accumulation et d’un tel accroissement de données. 3,8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde seraient dues au numérique et, en France, 6 % de l’énergie serait consommée pour les usages numériques.

Lorette Costy : Et avec les perspectives de développement de l’Internet des objets, comme les WC connectés dont on a déjà parlé toi et moi, de l’intelligence artificielle, de la qualité des vidéos, ou même de la voiture autonome qui promet, selon les plus euphoriques, jusqu’à un gigaoctet de données par seconde, on voit bien que la perspective de 2 142 zettaoctets cumulés en 2035 est un horizon crédible.

Laurent Costy : Et tu imagines, en plus, quand les voitures connectées embarqueront des toilettes connectées ! Dans cette perspective, on prépare les techniques comme la 5G ou les câbles de fibre optique sous-marins pour absorber cette explosion du trafic. On développe les usages, donc on a besoin de développer les tuyaux pour anticiper. Et comme on met en place de nouveaux tuyaux, on ouvre la voie à des usages qui débitent toujours plus de data comme les chutes d’Iguazú après un orage !

Lorette Costy : Comment faire pour limiter les effets néfastes de cette augmentation de création et de stockage de données ? On n’arrête pas de me dire que je dois vider ma boîte mail, mais ça me semble un peu tarte à la crème à la vanille ce truc. À quoi ça sert d’éviter de remplir un demi verre de rhum quand 4,7 millions de vidéos sont visionnées chaque minute sur Internet et que ça remplit des centaines de citernes de rhum ?

Laurent Costy : Pas simple de répondre à ta question. J’aurais tendance à dire que si tu peux agir, agis ! Mais sois lucide sur les effets et sur les mesures qui sont plus efficaces que d’autres. Priorise en conséquence tes actions car souvent, dans tous les calculs d’énergie consommée, la fabrication de l’appareil est purement et simplement oubliée.

Lorette Costy : On se demande parfois si ce n’est pas volontaire de parler en priorité de boîte mail à vider. Ça évite d’aborder l’épineuse question du matériel trop souvent renouvelé et de tous les efforts qui sont faits en marketing et en publicité pour faire acheter à gogo !

Laurent Costy : Exactement. Quand on sait que certaines évaluations ont montré que, pour l’envoi d’un mail, 70 % environ de l’émission de carbone est dû à l’amortissement de la fabrication de l’ordinateur qui sert à écrire ce mail, que 23 % pourcent sont affectés à l’ordinateur qui sert à le lire et qu’enfin, il est estimé que seul 1 % de l’émission de carbone est à attribuer au transport et au stockage du mail, ça remet en perspective les priorités que l’on doit se donner.

Lorette Costy : Garder le plus longtemps possible ses appareils, les faire réparer plutôt que les changer et acheter du matériel reconditionné, sont donc des mesures très importantes pour limiter l’énergie consommée.

Laurent Costy : Longtemps, l’argument d’une consommation énergétique moindre était mis en avant avec l’achat d’un nouvel appareil. C’est désormais terminé ! On sait définitivement que fabriquer un nouvel appareil sera toujours bien plus énergivore et avide de ressources. Donc non seulement il faut prolonger la vie des appareils mais, en plus, il faut systématiquement contredire les marketeux qui utilisent cet argument pour faire racheter de nouveaux appareils.

Lorette Costy : Et en plus, un des moyens de faire durer un ordinateur plus longtemps, c’est de lui installer un système d’exploitation GNU/Linux adapté à sa configuration. J’ai bon ?

Laurent Costy : Ma fille, on fera de toi quelqu’un de bien, je n’en doute pas un seul instant. Et là, un peu de rhum m’attend et ce n’est pas parce qu’on en a beaucoup parlé que je ne sais pas le consommer avec modération. Je te poutoute et te souhaite longue vie ainsi qu’à tes appareils ma fille !

Lorette Costy : Longue vie aussi aux tiens ! Bises Pezy-Papa !

Étienne Gonnu : C’était la chronique « À cœur vaillant la voie est libre » joliment intitulée « Une goutte de rhum pour un océan de données » et exceptionnellement réalisée en direct depuis le studio.
Merci à Lorette et merci à Laurent pour cette chronique d’utilité publique à écouter sans modération et on se dit au mois prochain pour une nouvelle chronique

Laurent Costy : Au mois prochain. Merci.

Étienne Gonnu : Toi, Laurent, tu restes avec nous car après la pause les manettes du sujet long de l’émission.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Avant ça nous allons écouter K For Kool par Kuromaru. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : K For Kool par Kuromaru.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter K For Kool par Kuromaru disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, un artiste dont je vous invite à retrouver une présentation sur le superbe site auboutdufil.com.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Passons maintenant à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Échange avec Simon Popy, membre de la commission du conseil économique, social et environnemental régional CESER Occitanie « Aménagement du Territoire – Politiques environnementales et énergétiques Transport – Infrastructures – Numérique – Logement », président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon

Étienne Gonnu : Comme je vous l’annonçais