Émission Libre à vous ! diffusée mardi 23 avril 2024 sur radio Cause Commune

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 23 avril 2024 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Jean-Christophe Becquet - Romain Debailleul - Pascal Beel - Rrrrrose Azerty - Joseph Garcia - Frédéric Couchet - Élise à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 23 avril 2024

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le cœur en joie que nous vous retrouvons après deux semaines de pause suite à des travaux dans le studio de Cause Commune. Bienvenue dans votre rendez-vous quasi hebdomadaire qui vous propose une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Les travaux au studio nous permettent notamment d’avoir une nouvelle table en bois côté plateau, c’est-à-dire du côté de l’animation de l’émission et des personnes invitées, et également une nouvelle configuration côté régie. La radio va mettre en ligne quelques photos dans quelques jours ou semaines, mais elles ne peuvent pas montrer toute la qualité du travail, il faut le voir en visu. Pour cela, n’hésitez pas à venir lors de la prochaine soirée mensuelle radio ouverte, vendredi 3 mai 2024, à partir de 19 heures 30, au studio, au 22 rue Bernard Dimey à Paris 18e.

Passons au programme de l’émission du jour.
Retour d’expérience logiciels libres au lycée Carnot de Bruay-Labuissière avec Romain Debailleur et Pascal Beel, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme, en début d’émission, la chronique de Jean-Christophe Becquet sur Vhélio, un véhicule électrique solaire libre et, en fin d’émission, l’interview de la musicienne Rrrrrose Azerty par Joseph Garcia.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire tout retour ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 23 avril 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, Élise. Bonjour Élise.

Élise : Bonjour Fred. Bonjour tout le monde.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet – Vhélio, un véhicule électrique solaire libre

Frédéric Couchet : Texte

Retour d’expérience Logiciels libres au lycée Carnot avec Romain Debailleul et Pascal Beel

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter, aujourd’hui, sur le retour d’expérience logiciels libres au lycée Carnot de Bruay-Labuissière, dans le Pas-de-Calais, avec Romain Debailleul et Pascal Beel, tous les deux professeurs NSI, Numérique et sciences informatiques, et de mathématiques. Ils se sont connectés vu le bruit que j’entends. Est-ce que vous nous entendez ?

Romain Debailleul : On t’entend très bien.

Frédéric Couchet : Vous avez changé quelque chose par rapport à tout à l’heure parce que, là, on a un super bourdonnement dans l’oreille, mais bon va faire avec.

Romain Debailleul : On a débranché un truc.

Frédéric Couchet : C’est mieux, ne touchez plus à rien. Merci.

Romain Debailleul : C’est mieux. J’ai trouvé, c’était mon téléphone.

Frédéric Couchet : Heureusement que vous n’êtes pas des utilisateurs et utilisatrices qui disent « je n’ai touchè à rien », entre le test et la production.
En tout cas, les personnes qui nous écoutent, n’hésitez pas à participer à notre conversation. Vous pouvez nous rejoindre sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, ou encore directement sur le site libreavous.org, org il y a une ??? [12 min 45] de « chat » qui s’affiche.
On va donc parler de logiciels libres au lycée de Bruay-Labuissière, dans le Pas-de-Calais, un petit retour d’expérience d’un projet absolument formidable. Je précise que Romain Debailleul et Pascal Beel sont tous les deux dans leur salle de cours dont on va parler. On va commencer par une petite question de présentation personnelle rapide. On va commencer par Romain.

Romain Debailleul : Bonjour moi je m’appelle Romain Debailleul. Je suis professeur au lycée Carnot de Bruay-Labuissière, tu l’as dit. Je suis professeur de mathématiques et de NSI. NSI, c’est la nouvelle spécialité informatique du bac général.

Frédéric Couchet : Pascal.

Pascal Beel : Bonjour aux auditrices et aux auditeurs de Libre à vous ! . J’enseigne aussi la nouvelle spécialité NSI dans le bac général et j’interviens aussi dans le bac technologique STI2D, dans la spécialité Sin, systèmes d’information et numérique.

Frédéric Couchet : D’accord. NSI, c’est Numérique et sciences informatiques.
Après la présentation personnelle rapide, on va présenter aussi le contexte. Lycée Carnot de Bruay-Labuissière, dans le Pas-de-Calais, ça ne dit pas forcément grand-chose en termes de nombre d’élèves, nombre de professeurs, nombre d’ordinateurs. Est-ce que l’un de vous deux veut nous présenter rapidement ce lycée Carnot ?

Romain Debailleul : Je vais m’y coller. Le lycée Carnot est un gros lycée du bassin. On a plus de 1600 élèves, on a entre 1600 et 1700 élèves, 150 profs, donc un établissement qui est vraiment prégnant sur le secteur. On a toutes les sections, du professionnel jusqu’au bac général, en passant par le technologique. On a aussi des BTS. On peut dire qu’on a vraiment une grande représentativité au niveau des sections d’enseignement.
Au niveau de la population, je ne sais pas si je peux enchaîner, on est dans un bassin où la population est assez mixée. En termes d’éducation, on parle d’IPS, je ne vais peut-être pas faire des choses trop techniques, IPS, c’est l’Indice de position sociale, c’est ce qui indique que si les familles sont en difficulté financière ou pas. On a un IPS qui est assez bas, la population est mixée, mais c’est vrai qu’on a quand même un paquet de familles en difficulté financière, on ne peut pas le dire autrement. Historiquement, c’est une région minière.

Frédéric Couchet : Tout à fait. OK. Je vais juste préciser parce que tout à l’heure, dans l’introduction, Pascal a parlé de STI2D, c’est donc le bac Sciences et technologies de l’industrie du développement durable, Marie-Odile posait la question sur le salon web. D’ailleurs je salue les personnes qui sont sur le salon web, n’hésitez pas à poser des questions ou à faire des remarques, je les relaierai.
Donc 1600 élèves. Combien de professeurs ? 170 profs c’est ça ? Et au niveau ordinateurs, combien avez-vous d’ordinateurs ?

Pascal Beel : On a un parc machines d’environ 800 ordinateurs qui sont connectés au réseau. On a deux salles qui sont dédiées purement à l’informatique et qui sont accessibles à tous les enseignants, sur réservation, donc deux salles qui fonctionnent uniquement sous Windows, et nous avons ouvert la troisième salle qui, elle, est entièrement sous logiciel libre et accessible aussi à l’ensemble de la communauté éducative du lycée.

Frédéric Couchet : On va y revenir. Juste une petite question : 800 PC, ordinateurs, pour 1600 élèves et 170 profs, j’ai du mal à imaginer : est-ce que c’est beaucoup d’ordinateurs ? Est-ce que c’est peu par rapport à, on va dire, une moyenne.

Romain Debailleul : Nous sommes assez bien dotés au niveau informatique, on a une dotation qui est intéressante, mais il faut savoir qu’en fait la passerelle technique a besoin de plus de machines. Il y a peut-être plus de machines au niveau des bacs technologiques qu’au niveau des bacs généraux.

Frédéric Couchet : Oui. D’accord. Là, on voit un peu plus la présentation de ce lycée et des personnes qui y sont. Avant de commencer à faire un peu le retour d’expérience et la question sur le début de l’expérience, en tout cas du projet logiciels libres au lycée Carnot, vous, à titre individuel, depuis quand utilisez-vous, soit à titre personnel soit à titre professionnel, des logiciels libres ? Quand avez-vous commencé ? Romain.

Romain Debailleul : En ce qui me concerne, j’ai 48 ans, je viens un peu de la scène alternative Atari et Miga quand j’étais plus jeune, donc j’ai toujours connu un petit peu l’alternative aux modèles Apple et Microsoft. Je ne connaissais Microsoft que dans les établissements scolaires. Et, on va dire, dès que les logiciels libres, surtout via le système d’exploitation Linux, sont arrivés je m’y suis collé, donc fin des années 90, et je n’utilise que ça, vraiment : il n’y a plus de Windows dans la maison ; j’y ai mis tout le monde ma femme, ma mère, ma belle-mère, tout le monde y a eu droit.

Frédéric Couchet : OK ! Et de ton côté, Pascal ?

Pascal Beel : En ce qui me concerne, c’est un peu différent puisque, comme tout élève et enseignant, j’ai été biberonné à Windows toute ma carrière. En fait, je suis venu au logiciel libre par l’intermédiaire des nano-calculateurs de type Raspberry Pi.

Frédéric Couchet : Ce sont des tout petit ordinateurs pour parler aux gens.

Pascal Beel : Ce sont des ordinateurs qui ont un format à peu près carte de crédit et ça fait une dizaine d’années. Comme le système d’exploitation qui tourne sur ces nano-calculateurs est un dérivé de Debian, je suis venu au logiciel libre par l’intermédiaire des projets que j’ai développés.

Frédéric Couchet : Debian est un système d’exploitation libre, on en a déjà parlé dans l’émission. N’hésitez pas allez sur libreavous.org ou sur causecommune.fm et cherchez « Debian » pour en savoir plus.
Je précise que vous avez des petits messages personnels qui arrivent sur le salon web, je vais les relayer. Il y a notamment quelqu’un dont le pseudo est hfoutry, je ne sais pas si c’est un prénom ou un nom, qui dit « si Romain peut faire un petit coucou à la nouvelle association Les Ordis du Cœur, un réemploi d’ordis avec logiciels libres à destination des plus démunis et accompagnement aux usages », je crois qu’on a prévu d’en parler à un moment ou un autre dans l’émission.

Romain Debailleul : Oui. On a tissé des liens avec le milieu associatif du secteur. En l’occurrence, c’est Henri Foutry qui vient de créer une association, il fait la même chose que ce qu’on fait au lycée, mais il le fait dans le cadre d’une association : il récupère donc ces machines, j’imagine qu’on en parlera tout à l’heure. Il est dans le milieu associatif, il n’est pas enseignant, il a une formidable association et un investissement un peu sans faille, comme le nôtre.

Frédéric Couchet : D’accord. Pour les personnes qui écoutent régulièrement l’émission ça doit assez proche de ce que fait Antanak, qui sont nos voisins et voisines au 18 rue Bernard Dimey, qui récupèrent des ordinateurs et les réinstallent avec du logiciel libre et les mettent à disposition d’un public défavorisé.

Pascal Beel : C’est complètement ça.

Frédéric Couchet : On en parlera tout à l’heure.
Merci déjà pour cette présentation et, encore une fois, les personnes qui êtes sur le salon web, si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas, je pourrai les relayer.
On va commencer par la première « grande partie », entre guillemets, les débuts du projet avec plusieurs questions : quand est-ce que ça a commencé, pourquoi, comment, pour qui ? Je vais commencer par lire l’objectif que j’ai lu sur le site sur lequel vous référencez, vous documentez vos pratiques, parce que, non seulement, vous avez des pratiques logiciels libres, mais, en plus, vous les documentez. Le site, c’est maths-code.fr. Je lis : « Aider et inclure tous les élèves par un numérique citoyen, durable et responsable. » Donc question : quand ce projet a-t-il commencé et quel était l’objectif ? Que vous mettez-vous derrière cette phrase que je viens de lire, notamment « numérique citoyen, durable et responsable » ?

Pascal Beel : L’origine du projet. Le jeudi 19 mars 2020, quand on nous a annoncé le confinement strict, du jour au lendemain nous devions continuer notre progression pédagogique de manière distancielle avec tous nos élèves, donc Romain et moi. Depuis que je travaille en STI2D et que j’ai développé mes projets avec les nano-calculateurs, j’en achète tous les ans. J’avais donc un tas d’ordinateurs à disposition. On a convoqué tous les élèves qu’on avait en responsabilité pour leur fournir au moins le matériel pour pouvoir travailler. Le jeudi et le vendredi, les deux derniers jours juste avant qu’on ferme, on a donc donné à tous nos élèves une Raspberry, un clavier, une souris. À côté de ça, on avait le site maths-code.fr sur lequel il y avait nos cours et puis un chat. Ils avaient donc à disposition aussi bien la partie matérielle que la partie logicielle et ça nous a effectivement donné un certain « confort », entre guillemets bien sûr, pour continuer cette progression pédagogique de manière distancielle avec nos élèves. On s’est bien rendu compte, rapidement, que dans d’autres sections les élèves n’avaient qu’un téléphone pour travailler et c’était compliqué de pouvoir travailler, au moins correctement.

Frédéric Couchet : Je suppose que, comme dans beaucoup de familles, il y avait relativement peu d’ordinateurs ou un ordinateur par famille, donc, quand il y a plusieurs personnes dans une famille, par définition c’est compliqué. L’idée, si je comprends bien, enfin je suppose, c’était aussi de ne pas laisser finalement la main à tous les services qui se sont développés à ce moment-là, les services privateurs, tels que Zoom et autres, et d’offrir aux élèves une alternative respectueuse des données personnelles, c’est ça ?

Pascal Beel : Oui, c’est ça, complètement.

Frédéric Couchet : Finalement ce projet est très récent, parce que nous sommes en 2024. Quand on va voir tout à l’heure l’état des lieux, où vous en êtes aujourd’hui, c’est vraiment très court vu tout ce que vous avez fait. En fait, comment avez-vous commencé ? Déjà, êtes-vous partis d’un existant, au lycée ou pas ? Ou il n’y avait vraiment pas du tout d’existant logiciels libres au lycée ?

Romain Debailleul : On faisait un petit peu comme tout le monde, je dirais, peut-être un petit peu plus, mais, quand on est enseignant, on a tous une idée sur le logiciel libre, j’y reviendrai, ce n’est pas toujours connu, mais on trouve toujours des enseignants qui utilisent des logiciels libres mais chacun dans son coin, de façon isolée. On faisait un petit peu ça, on présentait de ce qui existait et c’est vrai que ces Raspberry qu’on a donnés ou les ordinateurs reconditionnés, ça a été un levier formidable : les élèves ils pouvaient installer les logiciels, il n’y avait pas de contraintes de coûts, il n’y avait pas de contraintes de licence. Ils nous envoyaient un petit message : « Monsieur, ce logiciel-là n’est pas installé. – Installe-le, tu ne vas pas avoir de difficultés. Tu utilises le logiciel qu’on t’a montré, tu tapes le nom, hop ! le logiciel est installé. » On a vraiment trouvé que c’était un levier formidable à l’époque et on s’est rendu compte qu’on ne pouvait pas laisser les choses comme ça. On a un levier extraordinaire, en éducation, que sont ces logiciels libres, puis, en fait, chacun travaille de façon séparée, dans son coin, ce n’est pas connu et surtout, parfois, c’est même tourné en dérision. On a quand même des gens qui nous disent « ce que vous faites, ça ne marche pas ! ».
On a donc eu deux objectifs quand on est parti là-dessus : bien sûr aider, inclure les élèves, c’est en ça que c’est inclusif et, après, acculturer l’ensemble de la communauté éducative à tout ça parce que l’idée c’était de ne pas laisser ça isolé.

Frédéric Couchet : Comment vos collègues ont-ils réagi ? À l’époque du Covid, tout le monde a un peu improvisé en fait, il faut être clair, autant dans les familles que chez les profs ! Par rapport cette démarche que vous avez eue comment vos collègues, les profs, ont-ils réagi ?

Romain Debailleul : À l’instant t du Covid on a eu diverses réactions : une dizaine de collègues nous a immédiatement suivis, mais nous sommes un lycée de 150 professeurs, et, pour les autres, chacun est parti un petit peu avec sa solution, il y a eu du Zoom, il y a eu du Discord, il y a même eu du Facebook. Donc, à l’instant t, on peut dire que nous avons été suivis en partie, mais c’étaient des gens qui étaient peut-être déjà acculturés à ça. Les autres ont eu peur, tout simplement, ils dramatisaient vraiment les logiciels qu’ils ne connaissent pas.

Frédéric Couchet : D’accord. Encore une fois, il n’est pas du tout question de critiquer ce qui a pu être fait à l’époque, parce que tout le monde a fait en fonction des moyens disponibles.
Tout à l’heure, vous avez parlé de l’informatique. Est-ce que déjà, à l’époque, dans la salle informatique, il y avait des ordinateurs avec du logiciel libre ou, à l’époque, ça n’existait pas encore ?

Pascal Beel : Non. On avait deux salles d’informatique entièrement sous Windows, avec des ordinateurs qui devenaient, qui deviennent de plus en plus lents dans leur utilisation : il y a plein d’utilisateurs, il y a plein de profils sur tous ces postes et, franchement, c’est un peu compliqué.

Romain Debailleul : Ce qu’on peut déplorer dans ce qui se passe, d’ailleurs ça nous a souvent été dit, on peut faire du logiciel libre sous OS propriétaire, même si moi j’ai toujours une petite phrase là-dessus : acculturer au logiciel libre sous OS propriétaire, c’est un peu comme faire une cure de désintox dans le camping-car de Breaking Bad. Je pense que l’OS propriétaire finit toujours par ramener les gens vers ses logiciels, en ce sens-là ce n’est pas une bonne idée. On peut faire du logiciel libre. Mais les masters qui arrivent au lycée, c’est-à-dire les images des systèmes Windows qui arrivent au lycée, en tout cas pour notre région, n’étaient pas prêts, à ce moment-là, pour présenter convenablement les logiciels libres, c’était même parfois contre-productif : à titre d’exemple Firefox était livré avec, non configuré pour le proxy, c’est-à-dire l’ordinateur qui filtre les échanges avec l’extérieur, donc il ne fonctionnait pas ! C’était même contre-productif parce que les gens disaient « tu as vu, Firefox ne fonctionne pas ! Je veux aller sur Internet ça ne marche pas ! ». C’était vraiment une situation un petit peu catastrophique !

Frédéric Couchet : Une question. Je ne sais pas comment ça marche exactement dans votre lycée, mais il y a souvent un accompagnement technique, pour un lycée ça peut être la région ou un service institutionnel. Au niveau technique, comment êtes-vous aidés et par qui ? Comment les services techniques ont-ils réagi ? Ces services ont-ils été un peu frileux par rapport à l’utilisation de logiciels libres, pour des questions peut-être de compatibilité avec des outils privateurs ? Comment êtes-vous aidés en termes techniques et comment ces services ont-ils réagi à ce moment-là ?

Romain Debailleul : On a démarré parce qu’on a peur du shadow IT, on a fait de l’informatique dans l’ombre, sans prévenir. J’ai formaté des Windows qu’il y avait dans la salle informatique et j’ai installé du Linux partout et je sais que des collègues le font dans leur établissement. La toute première fois, on a eu un non formel, c’est-à-dire « vous ne faites pas ça ! »

Frédéric Couchet : C’était le sens de ma question. J’imagine bien que la première réaction doit effectivement être « continuez comme on faisait avant et, surtout, ne changez pas ! »

Pascal Beel : C’est ça. On ne change pas les pratiques qui fonctionnent.

Romain Debailleul : Qui fonctionnent ou qui fonctionnent à moitié. En tout cas, ils ont l’impression qu’elles fonctionnent. La première des choses, on en parlera après, c’est déjà d’avoir le soutient sa direction.

Frédéric Couchet : On peut en parler tout de suite, on est au début du projet, donc au niveau du confinement. Qui gère le service informatique ? La région ?

Romain Debailleul : Il faut savoir que chaque établissement a un référent au niveau de la collectivité : les écoles primaires ce sont les mairies, les collèges c’est le département et les lycées ce sont les régions et là il y a DSI, un directeur des systèmes d’information, qui chapeaute un petit peu la façon dont on doit utiliser logiciel et c’est un vrai frein parce qu’on a de moins en moins la main là-dessus.

Pascal Beel : Ce sont qui gèrent les infrastructures.

Frédéric Couchet : Oui, tout à fait. Ma femme est enseignante et, effectivement, elle ne peut pas faire grand-chose au niveau informatique, parce que, justement, c’est la DSI qui décide de tout !
Si je comprends bien, au démarrage du projet la direction des systèmes d’information était plus que frileuse ou, plutôt, elle vous a dit non. Mais quelle a été la réaction de la direction, au niveau de la personne qui est responsable du lycée ? Quelle a été la réaction du rectorat ?

Romain Debailleul : Pour être exacts, nous n’avons pas eu un non formel de la DSI, parce que nous avons d’abord parlè à notre chef d’établissement qui n’a pas souhaité donner suite. C’était d’abord le chef d’établissement, la DSI ça a été beaucoup plus long. On a envoyé des mails pendant longtemps, on a essayé de les contacter, ça a été très long de pouvoir les toucher.

Frédéric Couchet : D’accord. Comment le chef d’établissement a-t-il réagi ?

Romain Debailleul : Le chef d’établissement était très frileux parce qu’il avait peur qu’il y ait un problème parce qu’il ne connaissait pas. Le problème est là, il ne connaissait pas. C’était même encore plus compliqué que ça. Il a convoqué notre agent informatique et, à deux, ils en ont conclu que ce n’était pas une bonne idée, sans même nous en parler. On peut pas aller au-delà de la hiérarchie et c’est très compliqué, ça sera un des premiers conseils qu’on va donner : embarquez en expliquant bien et en mettant en avant les avantages de ce projet si vous voulez avancer. En premier lieu, il faut convaincre la direction de l’établissement.

Frédéric Couchet : Justement, pour être sûr de comprendre, parce que je ne suis pas tout à fait sûr. Donc la direction était frileuse, mais vous vous êtes quand même lancés. Est-ce que vous vous êtes lancés en prévenant la direction et en disant « on va assumer les risques, s’il y a des problèmes on va faire le support » ou est-ce que vous vous êtes lancés, vous avez fait ce que vous expliquiez tout à l’heure, c’est-à-dire vraiment l’installation sans prévenir personne et en espérant que ça marche ?

Romain Debailleul : Pascal le faisait déjà un peu avec ses Raspberry. Il y avait déjà des Raspberry qui étaient intégrés au réseau de l’établissement, donc nous ne nous sommes pas trop posé de questions. De toute façon, ce sont des montées et descentes d’images sur les machines ; la machine ne fonctionne plus, on redescend l’image Windows ! Pour dire les choses simplement, ça se fait par un appui sur F12, l’image est redescendue au bout de cinq minutes.

Frédéric Couchet : Précise ce que tu appelles « image » pour les gens qui nous écoutent.

Romain Debailleul : L’image, c’est le système d’exploitation qui est qui est enregistré sur un serveur. On réinstalle ce système d’exploitation quand on appuie sur F12, ici, dans notre lycée, quand on fait une redescente sur les PC du lycée. C’est vraiment le système d’exploitation tel qu’il est stocké.

Frédéric Couchet : OK, d’accord.
On a parlé de la réaction de la DSI, la direction des systèmes d’information, mais comment ont réagi les élèves et les familles quand vous leur avez parlé de ce projet, quand vous avez commencé à les équiper en nano-ordinateurs ?

Pascal Beel : L’équipement en nano-ordinateurs, ça a été durant la période de confinement. Suite à cette expérience, on a développé ce projet NIRD pour essayer de l’étendre non seulement à notre communauté éducative mais, plus généralement, maintenant on est en train de ramifier vers d’autres établissements.

Romain Debailleul : Les familles et les élèves étaient convaincus. On a eu un retour hyper positif de ce qui s’est passé là, il faut le dire. Ils ont été convaincus et ils se sont dit « ah bon ! C’est ça Linux, c’est ça les logiciels libres ! Franchement pourquoi ne nous en a-t-on pas parlé avant ? On a des logiciels qui sont comme ça et on n’est pas au courant ! ». Ils nous ont clairement dit qu’il y avait un problème !

Frédéric Couchet : Avant de continuer, je vais préciser. Pascal vient d’employer le l’acronyme NIRD, Numérique Inclusif Responsable et Durable, c’est un peu le nom de code de votre projet, c’est ça ?

Pascal Beel : C’est ça, avec un petit jeu de mots tu l’as compris.

Frédéric Couchet : Oui. Voilà pourquoi je voulais expliquer. J’étais effectivement un peu surpris de la prononciation, mais, maintenant, je comprends la prononciation.
Donc, les élèves étaient ravis. Tout à l’heure, je ne sais plus si c’était Romain ou Pascal qui parlait d’acculturation, donc au-delà de l’usage. Est-ce que, dès le départ, vous avez commencé à les acculturer sur ce qu’est le logiciel libre, ce qu’est le partage de connaissances, etc. ? Ou en êtes-vous restés, au début, uniquement à l’usage ?

Pascal Beel : En ce qui me concerne, c’était plutôt le côté développement durable par lequel j’ai initié mes élèves. Utiliser des nano-calculateurs, c’est très peu énergivore ; financièrement ce sont des ordinateurs à bas coût. Eben Upton, qui est à l’origine de ce projet Raspberry PI, qui est enseignant en informatique à Cambridge, nous a donné un outil qui, aujourd’hui, nous permet de développer des projets avec des calculateurs relativement puissants sous logiciel libre, donc sans aucune contrainte de logiciel ou de matériel.

Romain Debailleul : On parle d’acculturation et d’usages, mais, en fait, l’acculturation ne peut venir que d’usages. On a fait de l’usage et l’acculturation est passée par là. Il ne faut pas être dogmatique ; c’est un vrai problème. On rencontre parfois, dans le logiciel libre, des gens qui sont qui font des injonctions « c’est bien, utilise ça, c’est ce qu’il y a de mieux ! ». Eh bien non, ça ne fonctionne pas, surtout avec des élèves. Il faut mettre en avant les avantages et puis faire essayer, y compris avec nos collègues, parce que ça n’allait pas non plus sans nos collègues. On ne peut pas acculturer les élèves au logiciel libre si on n’embarque pas nos collègues profs avec nous. Dans ce sens, on a organisé plusieurs formations. Les collègues étaient ravis. Quand ils comprennent ce que c’est, surtout quand ils voient que ça fonctionne très bien, ils sont ravis et ce sont eux, maintenant, qui nous aident et qui en parlent. L’acculturation est vraiment venue par l’usage.

Frédéric Couchet : Je rebondis sur ce que tu viens de dire, sur la formation de tes collègues. Donc, dès le départ, votre stratégie a été d’expliquer à vos collègues ce qu’est le logiciel libre, les usages, et de leur faire des formations pratiques, c’est-à-dire à des outils vraiment dédiés par rapport à leurs besoins en tant que prof vis-à-vis des élèves. C’est ça ?

Romain Debailleul : Complètement. J’ai une collègue qui a eu une phrase magnifique. Elle est venue dans cette salle, avec Pascal nous sommes dans la salle avec 20 postes sous Linux, 100 % en logiciel libre. Elle nous a demandé, au bout de deux heures : « À quelle heure on démarre la formation, parce que là, ce qu’on fait, ce n’est pas très compliqué. Quand est-ce qu’on va apprendre plus de choses ? ». J’ai dit « ça y est, tu utilises ». En fait, l’information à donner c’est surtout de dédramatiser. Je pense qu’en 2024 il ne faut pas plus de compétences pour utiliser Linux que Windows et les collèges s’en sont bien aperçus.

Frédéric Couchet : On sait que les profs sont des personnes très occupées, ces formations c’était sur le temps de travail, c’était hors temps de travail ?

Romain Debailleul : Au lycée, quelques journées, au mois de juin, sont, on va dire, off. Entre deux jurys et deux épreuves de bac, on a quelques journées un peu off. D’habitude, on avait des réunions pédagogiques. On a profité de ces journées pour faire des réunions logiciel libre, des formations. Et on a réussi à faire inclure des formations officielles par la suite, maintenant, quand même, on a été intégré à la formation officielle.

Frédéric Couchet : OK. Donc maintenant, la direction, le rectorat, tout ça vous soutient ?

Pascal Beel : Nous sommes connus. La DRANE [Direction de Région Académique du Numérique pour l’Éducation] nous soutient.

Romain Debailleul : Franchement, on a fait un gros travail là-dessus, au niveau de la visibilité. Pour ce projet, j’ai coutume de dire que si on ne bouge pas on est mort ! Comme on est un peu alternatif, si on ne fait pas de bruit, on a un petit peu tendance à nous écarter. Ce n’est pas toujours volontaire, il n’y a pas d’actes de malveillance, mais c’est comme ça. Donc nous avons fait beaucoup de bruit. Nous sommes connus à tous les niveaux. On a rencontré notre communauté de communes, on a rencontré les parents d’élèves, on a rencontré une l’inspection, on a rencontré la DRANE, la Direction du numérique éducatif au niveau régional, et puis, assez rapidement on a pris contact avec le ministère. On a eu un bon petit coup de main de Bastien Guéry qui nous a aidé au lancement et qui nous a orienté vers Alexis Kauffmann qui soutient le projet à la DNE, puisqu’il est chargé de mission à la DNE.

Frédéric Couchet : Bastien Guéry est à la mission logiciels libres de la DINUM, la Direction interministérielle du numérique, et le poste officiel de Alexis Kauffmann, à la Direction du numérique éducatif, c’est chef de projet logiciels et ressources éducatives libres et mixité dans les filières du numérique. Ces deux personnes vous ont donc aidés.
Le démarrage, c’est donc le confinement. Quelles ont été ensuite les étapes que vous avez mis en place pour, comme tu le dis, faire du bruit, avancer et aussi montrer ? Quelles sont ensuite les étapes, les grosses étapes du projet ?

Romain Debailleul : Les deux premières années on a envoyé, au bas mot, 400 mails. On a vraiment tapé partout dans les collectivités, dont Bastien Guéry. Je ne connaissais pas Bastien, je l’avais peut-être entendu dans Libre à vous !.

Frédéric Couchet : Oui, il est déjà intervenu deux fois.

Romain Debailleul : Merci Libre à vous ! On a matché avec un député de Vendée, en l’occurrence le député Philippe Latombe qui nous a répondu, je ne m’y attendais pas. Sa collaboratrice, Catherine, que je remercierai jamais assez, nous a recontactés. Nous sommes allés à Lille avec notre chef, qui nous soutenait, et on a rencontré monsieur Latombe. Notre proviseur suivant nous a soutenus à 200 %, c’est là où l’affaire a été lancée, là c’était parti, et notre proviseur actuel à 300 %, là on est vraiment sur le tremplin.
Pour terminer, Philippe Latombe nous a vraiment ouvert des portes, il nous a donné un peu son réseautage et son carnet d’adresses. Il nous a présenté monsieur Frédéric Motte, un élu régional ici. C’est vrai que ça devient un peu politique, mais ça a été indispensable dans notre démarche.

Frédéric Couchet : Donc, là, ce sont des démarches pour faire connaître le projet.

Romain Debailleul : Y compris au niveau politique

Frédéric Couchet : C’est pour un soutien politique, mais je suppose que c’est aussi pour essaimer et inspirer d’autres structures dans d’autres régions ?

Pascal Beel : Complètement. Notre but, c’est vraiment de faire de notre établissement un exemple innovant.

Frédéric Couchet : OK. On va faire une pause musicale. Je vous avais dit que le temps passe très vite et on reviendra sur le sujet de l’évolution pratique de ce que vous avez fait dans le projet juste après. On va donc faire une pause musicale de trois minutes.
Nous allons écouter Extrêmement PD de toi par Rrrrrose Azerty. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Extrêmement PD de toi par Rrrrrose Azerty.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour au studio. Nous venons d’écouter Extrêmement PD de toi par Rrrrrose Azerty, disponible sous licence libre Creative Commons CC By 3.0. Rrrrrose Azerty sera tout à l’heure dans le studio pour une courte interview.

[Jingle]

Deuxième partie 42’00

Frédéric Couchet : Nous allons continuer notre discussion concernant le retour d’expérience logiciels libres au lycée Carnot de Bruay-Labuissière, dans le Pas-de-Calais, avec nos deux invités, professeurs au lycée, Romain Debailleul et Pascal Beel.
Si vous nous écoutez et que vous voulez intervenir pour une question, une remarque, n’hésitez pas à nous rejoindre sur le salon web dédié l’émission, soit sur le site causecommune, fm, bouton « chat », salon #libreavous, soit sur le site libreavous.org.
Juste avant la pause on parlait du soutien politique, des nombreux courriels envoyés par Romain et Pascal pour obtenir un soutien. On parlait de l’évolution de ce projet qui avait donc commencé au niveau du confinement, le 19 mars 2020. On parlait également du fait que vous soyez dans une salle équipée 100 % en logiciels libres. J’ai envie de vous demander à partir de quand a commencé l’installation de cette salle équipée 100 % en logiciels libres, comment ça s’est fait et où vous en êtes aujourd’hui, pour quels usages ? Beaucoup de questions.

Pascal Beel : Oui. On va peut-être repréciser un petit peu le contexte dans lequel on fonctionne. Au lycée, on a un serveur Kartz qui est géré par la IRIS TECHNOLOGIES et on a pu intégrer, sur ce serveur, nos postes Linux. Ils sont donc complètement intégrés au réseau pédagogique. C’est-à-dire qu’un élève qui se connecte sur un poste Windows ou sur notre poste Linux, c’est exactement la même démarche pour lui. Il retrouve l’environnement de travail qu’il a habituellement.
La région envisage de changer les serveurs des lycées pour passer sur des serveurs qui sont, entre guillemets, « full Windows », ce qui va poser quelques problèmes pour intégrer nos machines sur ce serveur. Le DSI de la région y travaille, on attend une solution pérenne pour pouvoir intégrer ces machines comme elles le sont actuellement, avec le serveur Kwartz, mais on n’aura pas de solution pour nos nano-calculateurs, on nous l’a tout de suite dit : pas de solution pour intégrer ces nano-calculateurs dans cette structure. On cherche des solutions autres, passer par des box à côté, mais ça sous-entend d’autres problèmes dans le filtrage des élèves sur le réseau, etc.

Frédéric Couchet : Romain.

Romain Debailleul : Ce qu’il faut comprendre dans ce que dit Pascal, c’est qu’on est limité par la technique. Ce serveur autorise, ou pas, la connexion des clients, c’est-à-dire les PC Linux ou Windows, et là, on est en train de nous couper l’herbe sous le pied si on n’a pas de solution. Maintenant, on ne peut pas imaginer des postes Linux qui ne soient pas dans les mêmes conditions que les autres. On veut toujours que les postes Linux/logiciels libres aient au moins le même niveau de qualité et d’usage que les autres postes, parce que, sinon, on va retomber dans cette idée de dire que les logiciels libres c’est moins bien. Il faut vraiment qu’on donne le même niveau de service, c’est le sens de la remarque ; on doit continuer à fournir ce même niveau de service.
Au niveau des usages, quand on a démarré, on nous disait que ce n’était pas viable de faire ce qu’on fait maintenant depuis quatre ans. On a sous-titré projet « La preuve par l’usage », on peut dire qu’on a fait la preuve par l’usage !
Si on vous dit que, maintenant, on ne peut pas travailler entièrement sous logiciel libre en établissement scolaire du second degré, ce n’est pas vrai ! Référez-vous à notre documentation ! On a prouvé que ça marche bien. On a fait passer les épreuves de bac. Tu me demandais les usages : l’année dernière, on a fait passer les épreuves de bac sur nos clients Linux. Les collègues viennent et ils utilisent les postes. Au départ, les premières années, on le disait, mais on ne le dit même plus aux élèves : ils arrivent dans la salle Linux, même les secondes qui débarquent dans le lycée, nos collègues s’inscrivent et c’est une grande victoire, parce que, maintenant, on n’en parle même plus. C’est intégré dans le fonctionnement du lycée. Au début, on disait « il y a la salle Linux, je vais peut-être y aller ! ». Maintenant les collègues y viennent avec plaisir parce qu’on leur offre des petites choses en plus, on a des ballons ergonomiques, des choses comme ça, on essaye de faire que la salle soit plus intéressante.

Frédéric Couchet : Quand tu parles d’épreuves du bac, ce sont quelles épreuves du bac précisément ?

Romain Debailleul : Nos élèves de NSI doivent passer une épreuve de programmation.

Frédéric Couchet : En Python, si je me souviens bien.

Romain Debailleul : C’est ça, c’est du Python. Ils ont donc passé cette épreuve de programmation. Il y a besoin de Python, il y a besoin d’un lecteur PDF, des choses assez simples. Au niveau de l’Éducation nationale, on ne demande pas des choses extraordinaires pour passer les examens ! Il n’y a pas besoin de choses vraiment importantes sur les machines.
Donc une grande victoire sur l’usage ! On peut dire que la preuve est faite et terminée. Nous sommes vraiment très contents là-dessus, je pense que ce point du projet est terminé et on aimerait bien que ça serve de référence. Par exemple, nous nous sommes beaucoup servis, comme référence, de Nicolas Vivant à Échirolles ou François Élie qui a bien travaillé à Angoulême au niveau du logiciel libre. On voudrait que notre documentation serve au même titre que ces deux personnes-là.

Frédéric Couchet : D’accord. Pour donner une idée un peu concrète, qu’avez-vous installé sur ces ordinateurs, en fait ? Avez-vous installé une distribution GNU/Linux particulière ? Quels logiciels avez-vous installés ?

Romain Debailleul : On a mis une Mint, une dérivée d’Ubuntu, parce qu’elle trouve toujours tous les pilotes tout de suite. Elle a un menu en bas à gauche quand même pas trop loin de la présentation classique de Windows, pour ne pas trop dépayser les gens non plus, c’est important. Après, on a installé plusieurs dizaines de logiciels dessus. Je peux en donner quelques-uns.
Évidemment, on préconise Firefox. Il n’y a plus que Firefox sur les postes élèves, même si, je tiens à le préciser, on présente toujours les deux types de solutions. On présente des logiciels propriétaires et des logiciels libres, on n’est pas dogmatiques là-dessus, je pense surtout qu’il ne faut pas l’être.

Pascal Beel : On ne peut pas complètement intégrer la totalité des PC, on ne pourrait pas. Dans des sections de techniciens supérieurs, on utilise certains logiciels propriétaires, spécifiques, qui n’ont pas d’équivalent en Linux.

Frédéric Couchet : Donc vous utilisez les logiciels libres que les gens connaissent le plus c’est-à-dire, donc Firefox, LibreOffice pour la bureautique.

Romain Debailleul : Oui. Notre interpréteur est en Python, c’est Libre.

Frédéric Couchet : Utilisez-vous des outils pour faire de la retouche d’images ?

Romain Debailleul : On utilise OpenShot, Kdenlive parce que nous sommes amenés à faire des vidéos. On utilise GeoGebra, un logiciel de mathématiques, Filius pour faire du réseau, Anki pour gérer des cartes mémoire. On a Audacity, on a Xournal pour les PDF, on a Speechnotes qui est extraordinaire comme logiciel de translation vocale. On a Gimp. Je ne vais pas tous les citer parce que, en fait, c’est blindé.

Frédéric Couchet : OK. D’accord. Donc, aujourd’hui, la salle dans laquelle vous êtes actuellement, ce sont combien d’ordinateurs en fait ?

Romain Debailleul : On a une vingtaine de PC qui sont 100 % en logiciels libres et Pascal a une salle hybride Windows/ Linux de son côté.

Frédéric Couchet : Parce qu’il a expliqué que, pour des besoins en techno, des logiciels très spécifiques ne fonctionnent que sur Windows ou Mac, je suppose.

Pascal Beel : J’utilise une seule application propriétaire, pour faire un peu d’algorithmique, qui s’appelle Flowcode, sinon j’ai deux postes, un poste Windows classique avec un poste fixe et j’ai aussi une Pi 400 qui est une des dernières cartes Raspberry qui est sortie, en fait c’est un clavier/ordinateur. Ça a la forme d’un clavier et, en fait, la carte mère est dedans, avec tous les pilotes.

Romain Debailleul : En fait, tu as du GNU/Linux sur tous les postes.

Frédéric Couchet : D’accord. Là on parle de logiciels. Est-ce que vous avez essayé de sensibiliser les élèves aussi à d’autres types de ressources libres, par exemple à l’usage de Wikipédia, OpenStreetMap, ou pas du tout ?

Romain Debailleul : Si, complètement. On essaye de ne faire que ça. D’ailleurs, y compris les cours. Sur notre site, il n’y a pas que la documentation du projet NIRD, il y a aussi tous nos cours qu’on a déposés en ressources éducatives libres.
On a une vraie chance avec la NSI, cette nouvelle matière, où on met quand même en avant le côté ressources éducatives libres et logiciels libres. Il faut savoir que c’est au programme de première d’utiliser un système d’exploitation libre. Ça a aussi un levier, un levier pédagogique celui-là, pour intégrer du logiciel libre au lycée. C’est vraiment au programme. Je crois que c’est la première fois que ça arrive : utiliser un système d’exploitation libre.

Frédéric Couchet : Ce qui n’empêche que mal d’élèves qui passent leur test Python sur un environnement totalement privateur.

Romain Debailleul : À cause des problèmes de serveur qu’on a évoqués. On ne peut pas jeter la pierre aux collègues.

Frédéric Couchet : Non, bien sûr. En l’occurrence, certains élèves m’en ont parlé.
D’ailleurs, avez-vous une explication sur ce changement de volonté au niveau de la région par rapport à ce serveur ? Je précise que Kwartz s’écrit avec un « K », si je me souviens bien. Savez-vous pourquoi les services de la région veulent changer ?

Romain Debailleul : On n’a pas vraiment d’explication. Le DSI est venu. Notre chef et nous l’avons reçu avec des gens de la région qui ont été très aimables. Ils nous ont dit « nous sommes pour l’utilisation des logiciels libres ; la région Hauts-de-France est à 100 % pour l’utilisation des logiciels libres ». On veut juste, maintenant, que ce soit suivi d’actes et qu’on puisse conserver nos clients, mais on n’a pas d’explication claire : Kwartz est trop lent, on nous a dit que c’est lent, que ça ne fait plus l’affaire, on n’a pas d’explication claire. Je veux quand même rajouter que le ministère développe un serveur pédagogique qui s’appelle EOLE qui est complètement libre et qu’on pourrait utiliser gratuitement. C’est maintenu, c’est sécurisé, c’est pérenne dans le temps, pourquoi ne pas utiliser EOLE dans toutes les régions ? Je jette un peu un pavé dans la mare. On a une solution, on a quelque chose qui est gratuit, qui marche bien, qui est maintenu, pourquoi ne pas l’utiliser ? En plus, ça autorise les clients Linux et Windows en un clic, avec un script shell.
Là aussi, on a quand même dû se battre avec Kwartz. Nous avons programmé ce script shell pour intégrer les clients Linux, on s’est amusé, on a fait un peu technique. Je dis toujours « de façon anecdotique, on a aussi des élèves ! », je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire ! O passe beaucoup de temps à faire des mails, des choses comme ça, mais on doit s’occuper aussi de nos élèves parce que c’est notre première mission.

Frédéric Couchet : Oui. À un moment, votre métier c’est effectivement d’être devant les élèves.

Romain Debailleul : On aimerait un peu plus de ce niveau-là, c’est pas notre rôle de gérer le système d’information.

Frédéric Couchet : Tout à fait. Pascal.

Pascal Beel : Ce qui reste incompréhensible, c’est que EOLE est une solution maintenue par le ministère, mais les régions restent décisionnaires, ce sont elles qui s’occupent de l’infrastructure, qui choisissent donc le serveur à mettre dans les établissements.

Romain Debailleul : Des régions ont fait le choix d’EOLE. Par exemple en Occitani,, si je ne dis pas de bêtises, ils sont sous EOLE.

Frédéric Couchet : Je retiens de ce pavé dans la mare que la région Hauts-de-France, présidée par Xavier Bertrand, fait un choix différent. Ce sont mes propos, ne vous inquiétez pas, je les assume parfaitement. Là on parle de la région, mais suite au Covid, le ministère de l’Éducation nationale a commencé à développer, en tout cas a utilisé des logiciels pour proposer une offre de service qui s’appelle apps.education.fr.

Romain Debailleul : Bien sûr !

Frédéric Couchet : En fait, plein de profs n’ont jamais entendu parler de ça, je peux vous le dire. Je suppose que vous utilisez certains de ces services dans le cadre de vos usages.

Romain Debailleul : On a fait une formation pour nos collègues là-dessus.
Je veux juste revenir sur notre président de région, monsieur Bertrand, qu’on remercie. Monsieur Motte et monsieur Bertrand nous ont soutenus à 200 %. Monsieur Bertrand nous a fait un courrier signé de sa main où il autorise l’expérimentation. Je veux quand même que ce soit clair. Mais le président de région n’a pas la main sur tout. Le DSI et les gens responsables ont aussi été à notre écoute, maintenant on attend juste la suite, il faut qu’on soit clairs là-dessus. Pour revenir à apps, oui on utilise apps. D’ailleurs tu le retrouveras sur maths-code, on a détaillé. Apps.education, c’est extraordinaire. Il n’y a plus de raisons d’utiliser des services de GAFAM quand on est prof. Je vois encore des adresses Gmail qui passent, du Zoom, du Team, c’est aberrant ! On a une ressource extraordinaire au niveau de apps.ducation, ça marche vraiment très bien !

Frédéric Couchet : Comme je le disais, le problème c’est que 95 % des profs, peut-être, ne connaissent pas. Je précise que je connais pas mal de profs de mon entourage et, franchement, la communication ! Vous n’êtes pas responsables, mais la communication auprès des enseignants de l’existence de apps.education.fr est très faible, c’est effectivement bien dommage !
Le temps passe super vite. Avant de parler un petit peu de ce que vous avez appris, des conseils ou des suggestions que vous pourriez donner, tout à l’heure, en introduction de l’émission, une personne a parlé des Ordis du cœur, donc du reconditionnement. Dans le cadre de votre projet, j’ai vu qu’il y avait une sorte de cercle vertueux des élèves vers les élèves, qui est donc le reconditionnement de machines récupérées. Pourriez-vous expliquer un petit peu ce fonctionnement ?

Pascal Beel : C’est une des ramifications du projet NIRD. On a récupéré des ordinateurs qui étaient, en gros, destinés à la benne, au début un peu par l’intermédiaire du bouche-à-bouche avec les parents d’élèves. Je pense qu’on va passer à la vitesse supérieure et activer le RSE avec des entreprises pour récupérer des flux d’ordinateurs, que ce soit des portables ou des fixes.
Ce club informatique était installé, dans un premier temps, ici au fond de notre salle, et il a permis, bien sûr, d’acculturer un petit peu nos élèves à cette pratique du reconditionnement. Les machines qu’on reçoit sont démontées, nettoyées, elles sont remises un petit peu à jour, on met souvent un peu de mémoire, bien sûr on change le disque dur pour mettre un disque dur électronique, un SSD, pour retrouver une machine sur laquelle on peut installer une distribution Linux adaptée à la performance de l’ordinateur et on retrouve un ordinateur complètement fonctionnel alors qu’il était destiné à la benne.

Frédéric Couchet : Qui fait ça ?

Romain Debailleul : Les élèves, que les élèves. Ce sont vraiment les élèves. Il y a aussi un volet pédagogique à ce club, il y a vraiment un côté solidaire puisque les PC portables repartent chez nos familles en difficulté qui ne peuvent pas s’équiper. Par exemple, on a un élève en NSI qui nous a dit « j’ai pris la spécialité informatique, mais je ne pourrai pas m’acheter un ordinateur, c’est hors de question, même 150 ou 200 euros, ce ne sera pas possible ». On équipe les familles en difficulté avec les PC portables et on équipe les écoles primaires qui ne peuvent pas s’équiper. C’est vrai qu’on a une déferlante de demandes pour les PC fixes. On utilise PrimTux, une distribution Linux adaptée, créée par un professeur des écoles, Stéphane Deudon. D’ailleurs PrimTux est aussi soutenue par Alexis Kauffmann à la DNE.

Frédéric Couchet : Je crois que les gens qui développent PrimTux sont dans l’Oise, si je me souviens. On a déjà parlé de cette distribution dans l’émission.
Finalement, ce qui se fait au lycée a aussi un effet positif vers le collège et les écoles primaires, notamment en termes de dotation de matériel informatique.

Romain Debailleul : Complètement et on a le double effet des logiciels libres. Non seulement on a des logiciels qui émancipent, un va acculturer nos élèves à l’alternative. Ils vont pouvoir installer sans contraintes de coûts et de licences des logiciels chez eux, mais, en plus, Linux est plus léger que Windows. Rien que le fait d’installer un Linux ça fait repartir des machines qui étaient vraiment vouées à la benne. En plus, on met un peu de RAM, on met un SSD, tout est d’occasion. Ce sont des dotations qu’on a eues. Pas nous, je tiens vraiment à préciser que ce sont les élèves et c’est ça qui est important.
On a donc ce double effet qui fait que les machines repartent cinq, six, sept, dix ans en école primaire ou dans les familles. Cette partie du projet est plus facile à expliquer au grand public. Quand on démarre comme ça, acculturer le grand public au logiciel libre, c’est compliqué. Là, on équipe les familles en difficulté, les écoles primaires, avec des logiciels qui émancipent et qui vont permettre de faire progresser les gens en informatique, ça se vend tout seul ! C’est là-dessus qu’on a pris un peu de vitesse, cette partie du projet a grandi rapidement parce que c’est consensuel et ça se vend bien, d’ailleurs surtout niveau des collectivités.

Frédéric Couchet : Ça leur évite aussi de faire de la dotation en informatique.

Romain Debailleul : On n’a pas une capacité industrielle. On s’est pris un petit tacle, il n’y a pas longtemps. Je me suis pris un petit tacle sur Mastodon. On me disait « vous remplissez des missions de service public avec des élèves ! ». On ne remplit une mission de service public. On met les choses en avant. Cette année on a sorti entre 20 et 25 PC portables pour notre lycée ; donc 1600 élèves, 25 portables, c’est très bien mais ce n’est pas non plus extraordinaire au niveau du nombre. On est quand même équipé quatre écoles primaires.

Pascal Beel : Et puis c’est c’est quand même très enrichissant. Un élève qui a reconditionné une machine et qui la donne à un de ses camarades qui n’en a pas, pour lui, c’est une expérience.

Romain Debailleul : Les moments de remise des PC, c’est toujours un grand moment. On a mis des photos. On prend des photos juste les mains de remise de PC. Elles sont sur le site, si vous voulez les voir sur maths-code. On se dit qu’on n’a pas tout raté et c’est vraiment impossible de réaliser ce projet sans les logiciels libres. C’est clair ! Si on n’a pas ça, on est mort, on n’aurait même pas commencé ! Trouver des licences Windows ! De toute façon, les Windows qui font tourner ces machines-là ne sont plus mises à jour !

Frédéric Couchet : Exactement !
On va passer à la dernière partie de l’émission, un petit peu sur ce que vous avez appris et, aussi les suggestions que vous pourriez avoir à faire à des collègues. Déjà, quelle leçon tirez-vous actuellement de cette démarche qui a donc commencé en 2020 ?

Romain Debailleul : On en tire que du positif et on n’y voit vraiment que des avantages. Il y a ce côté solidaire, éthique qui est fait avec les élèves.

Pascal Beel : Et durable.

Romain Debailleul : Il y a aussi le côté développement durable. On n’y voit vraiment que des avantages. Je ne vois vraiment pas où on peut trouver une faille dans ce projet, donc on coche toutes les cases. C’est simple, on coche toutes les cases avec ça. On voudrait que les autres établissements s’y mettent. On a fait des formations auprès des établissements du bassin pour que tout le monde s’y mette.
Le premier point c’est qu’on a trouvé que des points positifs, je ne peux pas le dire autrement.

Frédéric Couchet : Tout à l’heure tu parlais de la formation des profs, tu disais que le soutien de la direction c’est le principal, le point de départ au démarrage. Quels conseils donnez-vous à vos collègues profs ou à d’autres personnes qui voudraient initier le même mouvement, que ce soit dans votre région ou ailleurs ?

Pascal Beel : Qu’ils voient leur direction, qu’ils en parlent.

Romain Debailleul : Ne pas hésiter à nous présenter, j’allais dire un peu comme carte de visite, montrer que ça fonctionne.

Pascal Beel : Et qu’ils ne seront pas seuls.

Romain Debailleul : Ne pas démarrer seuls, voir sa direction en présentant les avantages, ne pas être dogmatiques. On a parfois des militants du logiciel libre qui disent « il faut faire ça et pas autrement ». Nous-mêmes, nous nous sommes fait tacler par certains militants. Par exemple sur maths-code, je n’avais pas remarqué que j’ai utilisé une api Google pour mes fontes, je ne l’avais pas vu ! Je me suis pris des missiles, mais on ne peut pas être comme ça si on veut que ça fonctionne !

Frédéric Couchet : Je vais dire pourquoi je rigole. En fait, je suis client d’un fournisseur d’électricité qui s’appelle Enercoop et sur leur site gestion de clientèle, ils avaient exactement la même chose, sauf que je suis un gentil geek. Je leur ai signalé le problème en leur expliquant pourquoi c’est un problème et en leur fournissant aussi deux solutions techniques différentes. Effectivement, on ne peut pas être à 100 % parfait.

Romain Debailleul : Ne pas viser le 100 % parfait, c’est un très bon conseil que tu donnes. Y aller modestement.

Frédéric Couchet : Tout à fait. Par rapport à ce que vous dites, aujourd’hui les distributions logiciels libres sont parfaitement utilisables par le grand public. Il y a 15/20 ans ce n’était pas le cas !

Romain Debailleul : Tu as raison de le souligner. Il y a des gens qui sont encore sur les images d’il y a 20 ans, y compris des collègues du technique chez nous. Un collègue m’a dit « la ligne de commande, ça va bien cinq minutes ! ». Je lui ai dit « mets à base de données à jour, s’il te plaît ! »

Frédéric Couchet : Vas-y Pascal.

Pascal Beel : C’est clair ! Ce ne sont pas les élèves. On acculture les élèves très facilement.

Romain Debailleul : C’est très facile. C’est un point en conclusion : les élèves nous ont bluffés. Ils sont surpris, mais une fois qu’on a dédramatisé, ils s’emparent du système avec une facilité !

Frédéric Couchet : C’est vrai que l’image de la ligne de commande – la ligne de commande c’est soit en vert soit en blanc sur un écran noir – reste encore beaucoup dans l’imaginaire des gens et c’est assez marrant. Je ne sais pas pourquoi les gens pensent encore, aujourd’hui, que pour utiliser un système d’exploitation libre il faut forcément utiliser une ligne de commande, qu’il n’y a pas d’interface graphique, etc., alors qu’en fait depuis longtemps ça existe.


Romain Debailleul : Exactement ! On n’a pas de réponse non plus !

Frédéric Couchet : Je suppose que vous êtes régulièrement contactés pour des conseils, pour des interventions.

Romain Debailleul : Honnêtement, on est sur les rotules !

Frédéric Couchet : C’est le sens de ma question en fait.

Romain Debailleul : Notre chef a été sympa, elle nous a mis une référente innovation pédagogique qui s’occupe maintenant d’une part de l’administratif parce qu’on ne peut plus se permettre de répondre à tous les mails, etc., surtout depuis le JDLÉ. On a participé à la Journée du Libre Éducatif initiée par la DNE, c’est Alexis Kauffmann, encore Alexis, on te remercie Alexis.

Frédéric Couchet : Je vais préciser. J’aime beaucoup Alexis Kauffmann, mais ce n’est quand même pas le seul, il initie beaucoup de choses, mais il y a d’autres personnes à la Direction du numérique éducatif. La Journée du Libre Éducatif eu lieu à Créteil. J’ai suivi en ligne, il y avait vraiment des présentations magnifiques, dont certaines faites par des élèves. Je crois que les vidéos seront en ligne à un moment ou à un autre.

Romain Debailleul : Justement, nos élèves ont présenté le projet.
Il n’y a pas qu’Alexis. Pardon à tous les autres. Je suis obligé de résumer les choses !

Frédéric Couchet : Bien sûr. Donc, lors de cette journée, vous avez eu des échanges avec des collègues, c’est ça ? Vous leur avez expliqué que vous êtes sur les rotules et qu’il faut que d’autres personnes prennent la suite, c’est ça ?

Pascal Beel : Oui. On a déjà participé aux deux premières journées. La première année c’était à Lyon et on a présenté le projet dans la salle de presse, pendant une heure.

Romain Debailleul : À la fin présentation, Cyrille Caillard, le conseil numérique de monsieur Blanquer à l’époque, est venu nous voir. Ce qu’on veut dire par là, c’est qu’on s’est fait connaître : là Thierry Noisette, que j’aime beaucoup comme journaliste, nous a fait un article sur ZDNET. C’est bien. On commence à être connus. Pourquoi veut-on être connus ? Pour que le projet soit un exemple inspirant pour les autres.

Pascal Beel : On veut des ramifications.

Frédéric Couchet : Comme vous êtes déjà sur les rotules, vous allez vous griller et c’est quand même important de prendre soin de soi, sachant déjà que le métier d’enseignant est l’un des métiers les plus compliqués.

Pascal Beel : On ne doit pas le négliger. C’est notre premier métier.

Frédéric Couchet : Exactement. Donc, ce que vous souhaitez, si j’ai bien compris, c’est à la fois de pérenniser le projet en interne mais aussi qu’il essaime ailleurs. Le fait que vous publiez sur votre site toute votre documentation, vos scripts, etc., ça permet aux gens de se l’approprier de façon individuelle, sans forcément avoir à vous solliciter.

Romain Debailleul : C’est ça. De toute façon, dans les autres établissements, on a besoin d’un référent. On a fait des tutos y compris des vidéos. Il faut vraiment aller voir le site.

Frédéric Couchet : OK. En tout cas, c’est passionnant et il faut effectivement aller voir le site.
Je vais finir par la question traditionnelle, finale, de l’émission : pour conclure, en deux minutes chacun, quels éléments souhaitez-vous que les gens retiennent de votre intervention ? Qui commence ?

Romain Debailleul : Ce que je voudrais qu’on retienne c’est que la preuve par l’usage a été faite. C’est faisable, il n’y a que des avantages et on coche toutes les cases : éthique, solidaire, durable, pédagogique. Utiliser un logiciel libre en éducation c’est une vraie solution qui doit être mise à côté des logiciels propriétaires. Il faut présenter les deux. En l’état actuel, on présente à 95 % les solutions propriétaires et ça nous pose problème. C’est de notre devoir d’éduquer les élèves à cette alternative.

Frédéric Couchet : Merci Romain. Pascal.

Pascal Beel : Ça a été comme une évidence. Le confinement strict a certainement été l’élément déclencheur.
Dans notre monde, on ne peut pas, aujourd’hui, ignorer cette alternative aux GAMAM [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft].
Acculturer les jeunes à la diversité numérique, qu’ils deviennent acteurs de leur environnement numérique, c’est là notre devoir. Il en va de notre responsabilité en tant qu’enseignant.v L’école doit être un lieu d’émancipation. Donnons à notre jeunesse les bonnes cartes pour évoluer en pleine connaissance dans ce monde numérique.

Frédéric Couchet : Merci Pascal. Merci à vous deux pour ce superbe échange. Vous avez des félicitations. Sur le salon web on vous dit « ne soyez pas modestes, vous êtes formidables ». Je m’associe à ces messages, notamment de Marie-Odile et de Étienne qui dit « chouette échange ».
C’était Romain Debailleul et Pascal Beel du lycée Carnot de Bruay-Labuissière, tous les deux professeurs dans ce lycée. Le site sur lequel on peut retrouver tout ce que vous faites c’est maths-code.fr.
Pour finir, je précise juste aux personnes qui s’intéressent à Python, un langage de programmation dont on a parlé tout à l’heure, que vendredi soir, à Paris, à l’April, on a le plaisir d’accueillir une réunion de l’association francophone de Python, en présence d’un des auteurs de Python qui a fait un livre Programmer en Python. C’est vendredi 26 avril à partir de 19 heures. Pour avoir les informations, les adresses et tout, vous allez sur april.org et vous êtes évidemment les bienvenus, que vous connaissiez ou pas Python.
Merci Romain, merci Pascal. Je vous souhaite une belle fin de journée et à bientôt.

Romain Debailleul : Merci à vous.

Pascal Beel : Merci à vous.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous poursuivrons avec l’interview de la musicienne Rrrrrose azerty par Joseph Garcia, on verra si j’ai bien prononcé, je ne sais pas, parce qu’il y a un certain nombre d’ »r ». Nous allons écouter une de ses compositions, donc Dispo Disco par Rrrrrose Azerty. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Dispo Disco par Rrrrrose Azerty.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Dispo Disco par Rrrrrose Azerty. Nous parlerons de la licence après, dans le cadre de l’interview, j’ai posé la question à Joseph, il m’a dit que vous alliez en parler.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Interview de Rrrrrose Azerty par Joseph Garcia

Frédéric Couchet :