Émission Libre à vous ! diffusée mardi 21 juin 2022 sur radio Cause Commune

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 21 juin 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Noémie Bergez - Thibaut Dallery - Corentin - Minda Lacy - Laure-Élise Déniel - Lorette Costy - Laurent Costy -Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 21 juin 2022

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Références concernant l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, aujourd’hui c’est le solstice d’été. Qui dit été, dit fête de la musique et chez Libre à vous ! c’est la fête de la musique libre. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir trois artistes qui diffusent leur musique sous licence libre. Également au programme « La musique et le droit » dans la chronique « In code we trust » de Noémie Bergez et, en fin d’émission, les Costy nous chanterons un petit « Popop imap Pou ! » dans leur chronique « À cœur vaillant la voie est libre ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 21 juin, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission ma collègue Isabella. Salut Isa.

Isabella Vanni : Salut Étienne. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « In code we trust » de Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune, sur le thème de la musique et du droit

Étienne Gonnu : Pour commencer cette émission placée sous le signe de la musique, Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune, nous propose une chronique sur le thème de la musique et du droit, c’est la chronique « In code we trust ».
Bonjour Noémie. Est-ce que tu es bien avec nous ?

Noémie Bergez : Bonjour Étienne. Bonjour à toutes et à tous.

Étienne Gonnu : Nous t’écoutons.

Noémie Bergez : Merci Étienne.
La chronique de ce jour est consacrée à la musique et au droit, en d’autres termes le droit de la musique.

Les règles applicables à la création musicale et à l’exploitation de cette création vont se retrouver dans le Code de la propriété intellectuelle. On y trouve des dispositions communes avec les autres créations et des dispositions spécifiques.

En France, il faut savoir que la musique est appréhendée sur le plan juridique d’une part par le droit d’auteur, qui correspond au droit qu’ont les auteurs, et, d’autre part, aux droits voisins qui n‘ont rien à voir avec le domaine immobilier, mais qui sont bien les voisins des auteurs, ce sont notamment les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes, les producteurs de vidéogrammes, les entreprises de communication audiovisuelle.

Dans le Code de la propriété intellectuelle on ne retrouve pas le terme « musique » à proprement parler. À l’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle, on découvre que sont considérées comme œuvres de l’esprit notamment les œuvres drammatico-musicales, à savoir les opéras qui sont des œuvres littéraires et musicales, mais également les compositions musicales avec ou sans paroles, donc la musique instrumentale ou la musique chantée.
Comme pour les autres œuvres protégées, je rappelle que les compositions musicales, pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, doivent être originales. Là on a trois parties d’une composition musicale qui peuvent être protégées : la mélodie, c’est-à-dire l’air, le thème, d’autre part l’harmonie, les accords des sons, leur enchevêtrement, la combinaison des sons qui sont perçus par l’oreille et enfin les rythmes, les mesures, les cadences qui peuvent aussi être protégées.
Dans l’analyse de l’originalité on voit toujours ressortir en place prépondérante la mélodie qui est la plus évidente à caractériser. Ce sont toujours les juges qui reconnaissent l’originalité d’une œuvre lorsqu’elle est remise en cause dans le cadre d’un contentieux ; je renvoie pour cela à la chronique que nous avions préparée sur l’originalité des œuvres. Il faut savoir que parfois certains juges ne vont pas appliquer l’originalité de la même manière pour les compositions musicales et, pour déterminer si l’œuvre est originale, ils vont se fonder sur l’absence d’antériorité, le critère de la nouveauté qui normalement n’est pas appliqué en droit d’auteur, mais on le retrouve souvent dans les décisions de justice qui concernent la musique.
C’est vrai que la musique est extrêmement large. On part du classique, aujourd’hui nous avons les musiques électroniques. C’est un domaine dans lequel on retrouve aussi beaucoup d’œuvres dérivées qui sont des adaptations d’œuvres préexistantes. Leur définition juridique est prévue à l’article L112-3 du Code de la propriété intellectuelle qui protège les œuvres dérivées de la même manière que les œuvres préexistantes.

Je vous rappelle que la protection par le droit d’auteur permet de bénéficier de droits patrimoniaux donc permet à l’auteur de pouvoir exploiter son œuvre, mais aussi de droits moraux pour protéger l’œuvre. Les droits moraux sont attachés à la personne de l’auteur.
À côté des auteurs nous avons aussi d’autres acteurs de la musique qui bénéficient, comme je disais tout à l’heure, de droits voisins, à savoir les producteurs de phonogrammes qui sont définis, dans le Code de la propriété intellectuelle, comme « les personnes physiques ou morales qui sont à l’initiative et à la responsabilité de la première fixation d’une séquence de sons ». On peut aussi trouver dans le droit de la musique les artistes-interprètes qui vont interpréter une œuvre musicale et, enfin, il y a un acteur dont on entend assez souvent parler, ce sont les sociétés de gestion collective qui ont en charge de collecter les droits d’exploitation et de les reverser aux auteurs. On en parle beaucoup parce que, évidemment, l’activité même des sociétés de gestion collective a été, de temps à autre, remise en question et elle l’a été récemment, dans le domaine de la musique libre.
Il n’existe pas de définition légale de la musique libre de droit, on peut considérer que c’est un auteur qui va décider d’autoriser les tiers à exploiter son œuvre dans les conditions d’une licence libre. Ce qui est compliqué pour cet auteur c’est qu’il va être confronté au poids des sociétés de gestion collective auxquelles il ne va pas forcément adhérer. On a eu un cas de jurisprudence récent qui concernait la plateforme Jamendo et plus spécifiquement la société Saint Maclou. Vous allez me demander que fait la société Saint Maclou spécialisée dans la décoration des sols, murs et fenêtres dans un sujet sur la musique sous licence libre ?
La société Saint Maclou avait signé, en 2009, un contrat avec l’éditeur de la plateforme Jamendo pour pouvoir diffuser de la musique libre de droit dans ses boutiques. Deux sociétés de gestion collective ont poursuivi la société Saint Maclou pour lui réclamer le paiement d’une rémunération équitable. La rémunération équitable est prévue par l’article L214-1 du Code de la propriété intellectuelle et prévoit que l’utilisation de phonogrammes publiés à des fins de commerce ouvre droit à une rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs. Sur ce fondement, les sociétés de gestion collective reprochaient à la société Saint Maclou de ne pas avoir reversé de rémunération équitable, ce qui était évidemment contesté par la société Saint Maclou mais également par les éditeurs de la plateforme Jamendo.
Devant la cour d’appel de Paris, il a été fait droit aux demandes des sociétés de gestion collective puisque la cour d’appel a considéré que les musiques qui étaient diffusées dans les magasins devaient être soumises à une rémunération équitable même si leurs auteurs n’étaient pas adhérents des sociétés de gestion collective. La société Saint Maclou s’est retrouvée condamner à payer 120 000 euros au titre de cette rémunération. Un pourvoi a été formé devant la cour de cassation. La cour de cassation s’est prononcée le 11 décembre 2019 et a confirmé l’arrêt de la cour d’appel considérant que la rémunération aurait dû être versée aux sociétés de gestion collective, tout en relevant que les auteurs pouvaient se rapprocher des sociétés de gestion collective pour toucher leur part de rémunération équitable ce qui paraît, en réalité, vraiment totalement improbable.
Cet arrêt a été beaucoup commenté et critiqué, C’est vrai que sa motivation empêche véritablement les artistes d’émerger, d’exploiter leur musique comme ils le souhaitent. C’est vrai que ça reste quand même une restriction importante à la liberté, d’autant qu’on reproche aussi à ces sociétés de gestion collective, de temps à autre, des frais de gestion, une façon de gérer les fonds de manière un peu opaque. Cet arrêt aurait pu être rendu de manière différente, on s’attendait à quelque chose de différent, ça a été confirmé, malheureusement.
C’est un contentieux qu’on voit de temps en temps ressurgir. Pour l’instant ça n’évolue pas trop, mais on espère peut-être qu’à l’avenir les choses vont évoluer. On sait que le monde de la musique est en pleine mutation. On a les plateformes NFT, je rappelle qu’on avait fait une chronique sur les Non fungible tokens, on sait qu’il va y avoir encore des évolutions dans le domaine de la musique. On espère qu’un jour le tournant va se faire de manière peut-être plus équilibrée pour tous ces acteurs. Le domaine de la musique est un domaine dans lequel les contentieux sont très variés, on peut avoir des sujets sur la rémunération des artistes, on peut avoir des sujets sur le contenu de la pochette d’un disque, on peut avoir, plus récemment et à regret, des fermetures de salles de spectacle au moment du covid, tout ça fait vraiment partie de la construction du droit de la musique. On peut avoir, malheureusement, des litiges. Il y a des difficultés qui peuvent intervenir. Tout cela ne nous empêchera pas de nous amuser. Je souhaite à tout le monde une très bonne fête de la musique.

Étienne Gonnu : Merci beaucoup Noémie. À toi de même, un bel été, une bonne fête de la musique.
Merci pour ton analyse, pour ces réflexions effectivement très intéressantes, notamment juste avant d’échanger avec des artistes qui diffusent justement leur musique sous licence libre.
Un grand merci à toi Noémie et une belle fête de la musique.

Noémie Bergez : Merci Étienne.

Étienne Gonnu : Puisque Noémie a beaucoup parlé des sociétés de gestion, je vais en profiter, je vais me permettre de rajouter une petite couche à la liste de leurs qualités que Noémie a beaucoup citées. L’April agit beaucoup au niveau de l’action institutionnelle, auprès des décideurs publics, des parlementaires. Il y a un an maintenant, lors d’une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France qui a touché un petit peu au pré-carré de ces sociétés de gestion de droits puisqu’elle concernait le réemploi de biens reconditionnés, ça touchait à ce qui s’appelle la copie privée qui est une manière, pour elles, de se financer. Dans le cadre de ces débats des députés ont parlé, se sont exprimés publiquement en pleine Assemblée, ce qui est rarissime, pour signaler la pression mise, voire les menaces exprimées par certains représentants de ces sociétés de gestion. Je me suis permis de rappeler cette considération.
Je vous propose maintenant de faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Pour cette première pause musicale, puisque c’est la fête de la musique libre, j’ai voulu partager à nouveau avec vous un de mes morceaux préférés de la Playlist de Libre à vous !, un morceau que j’ai découvert justement en cherchant des musiques libres. Nous allons écouter Arcane par CloudKicker. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Arcane par CloudKicker.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Arcane par CloudKicker, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution ; les licences libres protègent les droits des utilisateurs, des « écouteurs et des écoutrices », inventons des mots, pourquoi pas ! Cette licence permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, le nom, la source du fichier original, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Puisque nous parlons de fête de la musique libre, j’en profite pour rappeler que toutes nos pauses musicales sont sous licences libres qui permettent leur partage le plus libre et le plus large possible à nos proches, de les télécharger parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux, comme justement cette licence Creative Commons Attribution ainsi que la Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA, ou encore la licence Art Libre.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons passer à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

La Fête de la musique

Étienne Gonnu : Pour cette émission spéciale fête de la musique libre nous avons voulu donner la parole à des artistes qui publient leurs musiques sous licence libre, des musiques que nous avons diffusées dans Libre à vous !. Nous entendrons Corentin des Gueules Noires qui interviendra en direct par téléphone, Minda Lacy, une artiste américaine dont nous avons enregistré et traduit l’interview. Avant cela je vous propose d’écouter Thibaut Dallery, du projet musical Lumpini, interview que nous avons également pré-enregistrée faute de disponibilité ce jour. On écoute cet échange et on se retrouve juste après toujours sur Cause commune, la voix des possibles.

Interview de Thibaut Dallery, à l’initiative du projet musical Lumpini

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : J’ai le plaisir de recevoir Thibaut Dallery, aujourd’hui avec moi pour cette émission spéciale sur la musique libre, sur la musique, en ce 21 juin. Thibaut, bonjour.

Thibaut Dallery : Bonjour. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Est-ce que vous pourriez déjà vous présenter, s’il vous plaît ?

Thibaut Dallery : Je m’appelle Thibaut Dallery, j’ai 30 ans, je viens parler de mon projet qui s’appelle Lumpini. C’est un projet de composition que j’ai réalisé ces dernières années. L’idée c’était de finaliser puis d’enregistrer plusieurs compositions que j’avais écrites depuis longtemps, certaines depuis 10/15 ans quand j’étais au lycée. J’ai eu l’inspiration, l’idée d’enfin les finaliser et ça a donné ce projet Lumpini.

Étienne Gonnu : Super. Il y a une ou deux semaines, je crois, nous avons diffusé un de vos morceaux puisque l’album Lumpini est sous licence libre, on y reviendra plus tard. Vous êtes musicien ? Vous êtes musicien professionnel ? C’est une passion que vous avez depuis longtemps ?

Thibaut Dallery : Ce n’est pas mon métier. Je suis professeur des écoles. C’est une passion que j’ai, j’ai commencé à 13 ans et elle ne m’a pas lâché. C’est une passion super importante que j’essaie de poursuivre.

Étienne Gonnu : De quoi jouez-vous comme instrument ?

Thibaut Dallery : Je joue principalement de la guitare, c’est surtout ça que je joue sur ce projet avec aussi un petit peu de basse et de clavier. L’idée, sur ce projet-là, c’était surtout, pour moi, de jouer de la guitare et, pour tout ce que j’ai du mal à jouer comme instrument, il y a aussi de la batterie, du saxophone, un peu de flûte, des parties de basse et de clavier compliquées, eh bien j’ai demandé aux copains qui font ça beaucoup mieux que moi.

Étienne Gonnu : Du coup, si je comprends bien ce que vous dites, c’est un projet entre amis.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. J’avais aussi joué dans plusieurs groupes avant. L’idée, là, c’était vraiment de prendre mes compositions, de faire tous les arrangements et de donner un matériel déjà bien ficelé aux musiciens.

Étienne Gonnu : Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur l’histoire, sur la genèse de ce projet ? Comment vous l’avez construit ? Vous nous dites que vous l’avez construit sur plusieurs années. Je crois que vous avez fait un album et c’est le résultat de ce projet, pour le moment, si je ne me trompe pas, vous pourrez me corriger bien sûr.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. Comme je disais l’idée c’était de finaliser des compositions que j’avais depuis longtemps. Ce qui m’a un peu donné le déclic c’est que j’ai eu l’occasion de vivre en Thaïlande et j’ai rencontré là-bas un musicien qui était très fort pour faire ça, arriver avec des compositions, trouver des musiciens, les jouer, les enregistrer, tout ça en quelques mois. Je me rendais que j’avais des morceaux qui traînaient depuis longtemps. En rentrant j’ai acheté le matos pour enregistrer et ça m’a donné l’inspiration pour essayer d’aller jusqu’au bout de ce projet. D’ailleurs il y a une référence à la Thaïlande dans le nom du projet puisqu’il s’appelle Lumpini. Lumpini c’est un parc à Bangkok, c’est aussi la forêt dans laquelle est né Bouddha suivant la légende, c’est aussi stade de boxe thaïlandaise. Ça m’amusait d’avoir ce mot qui a plein de connotations et qui fait référence à la Thaïlande comme nom du projet.

Étienne Gonnu : J’ai pris énormément de plaisir à écouter tout l’album, pas seulement le morceau qu’on a déjà diffusé, Elevating. Je trouve la qualité remarquable, on dirait vraiment que ça a été enregistré dans des conditions professionnelles. Est-ce que c’est le cas ? Y a-t-il eu des « difficultés », entre guillemets, que vous avez dû surmonter dans la réalisation de ce projet ? Est-ce que ça s’est passé relativement facilement ?

Thibaut Dallery : Déjà merci, ça fait plaisir d’entendre ça. On n’a pas fait ça dans un studio pro, ça a été vraiment chacun chez soi avec son matériel, une carte son et un logiciel, un séquenceur pour pouvoir mettre ensemble ensuite tous les morceaux. Après il y a quand même eu un long travail de mix et de mastering, ce sont les deux étapes une fois que tout a été enregistré et je pense que c’est ça qui a permis d’améliorer et de faire vraiment prendre un peu de niveau au rendu sonore. Ça a été assez long mais ça a permis de bien avancer avec des enregistrements de base finalement assez simples et assez modestes.

Étienne Gonnu : Je pense que ce n’est pas toujours facile de qualifier un style sur une musique parce que ça enferme peut-être, si vous deviez décrire ce qu’est la musique Lumpini, comment la qualifierez-vous ?

Thibaut Dallery : En effet ce n’est pas facile. Déjà c’est de la musique instrumentale et je pense, peut-être, que ce qui est au centre, ce qui est important pour moi c’est d’avoir la liberté instrumentale qu’on retrouve par exemple dans le jazz avec beaucoup d’improvisations. Je pense qu’il y a aussi l’énergie du rock, parce que c’était pas mal cette musique que j’écoutais aussi à l’époque où j’ai composé la plupart de ces morceaux. Il y a aussi, parfois, un peu des couleurs orientales et puis tout un travail sur la progression de l’énergie, par exemple celle qu’on peut retrouver dans du rock progressif ou du post-rock. Donc il y a un petit peu de tout ça et peut-être encore d’autres choses, je ne sais pas.

Étienne Gonnu : En tout cas, la manière dont vous avez décrit fait écho à ce que j’ai pu ressentir en écoutant la musique. J’aime écouter de la musique, comme beaucoup de gens, je n’ai pas du tout une oreille professionnelle, experte, mais c’est vrai que j’aime bien, quand j’écoute de la musique, retrouver un petit grain de folie. C’est un peu ce que j’ai ressenti en écoutant Lumpini. Est-ce que ça vous parle quand je vous dis ça ?

Thibaut Dallery : Oui ! Ça me parle. C’était un peu l’idée aussi. Le morceau qu’on va écouter est peut-être le moins aventureux, on peut dire ça. Il y a des morceaux pour lesquels c’est assez expérimental. Du coup je vous invite, si le petit aperçu qu’on va avoir là vous plaît, à écouter aussi les cinq autres titres. L’idée c’était aussi de prendre un peu des risques avec la musique et de voir où ça peut nous amener.

Étienne Gonnu : De la manière dont vous l’avez décrit j’ai l’impression que, pour vous, le but c’était de vous faire plaisir.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. Comme je disais ce n’est pas mon métier donc je n’ai pas d’impératif. J’ai vraiment la chance de pouvoir faire la musique comme je l’entends et aussi avec des amis qui suivent. C’était vraiment pour le plaisir et voir un petit peu ce que ça pouvait donner en poussant ce processus d’enregistrement jusqu’au bout.

Étienne Gonnu : Vous avez dit qu’on va écouter, après notre échange, le morceau Elevating. Nous invitons bien sûr toutes les personnes qui nous écoutent à découvrir tout l’album, il y a cinq morceaux. On mettra le lien sur la page de l’émission pour que les personnes puissent le retrouver facilement. Peut-être pouvez-vous nous parler un peu plus précisément, vous avez déjà commencé à le faire, de ce qu’est ce morceau Elevating, comment vous l’avez construit ?

Thibaut Dallery : C’est le morceau qui laisse le plus de place à la guitare. Il commence par une introduction avec des harmoniques de guitare, ensuite un thème un petit peu plus rythmé, une mélodie un peu plus rythmée. Ça évolue ensuite vers une deuxième partie un peu plus rock, un peu plus lourde. L’idée c’était aussi d’utiliser la guitare pour avoir des sons qui nous enveloppent, qui viennent un peu de tous les côtés et qui deviennent de plus en plus denses. Ensuite ça se résout sur une partie plus calme vers la fin. Voilà.

Étienne Gonnu : Nous allons écouter ça juste après l’échange. J’aurais quand même une dernière question pour vous. Dans Libre à vous ! nous diffusons exclusivement des musiques sous licence libre et c’est parce que vous avez placé votre musique sous licence libre que nous avons eu le plaisir de la diffuser. Quelle place prend ce choix ? Est-ce que ça s’est fait juste comme ça parce que ce n’était pas le but de faire de l’argent ? Est-ce qu’il y a vraiment eu une conviction derrière sur la libre diffusion de votre musique ? Quelle était votre démarche ?

Thibaut Dallery : Je ne suis pas un spécialiste des licences libres, mais c’était quand même important pour moi que ce soit en diffusion libre. Il y a aussi dessus, quand même, une réflexion sur la propriété en général et encore plus dans l’art. Je trouve que quand on fait de la musique on est vraiment influencé par tout un tas de choses et c’est assez difficile de dire « ça c’est ma musique et ça m’appartient », je ne vois pas les choses comme ça, donc ça reflétait ça. Je pense que dans le jazz il y a cette tradition de reprendre des morceaux, de reprendre des standards et chaque groupe, chaque artiste en fait sa version, du coup c’est un peu s’inscrire là-dedans. Je serais très content si des gens veulent reprendre ces morceaux et faire quelque chose à partir de ce matériel, avec grand plaisir. C’était aussi cette idée-là.

Étienne Gonnu : C’est amusant. La manière dont vous décrivez cela est vraiment, je pense, dans l’idée de l’éthique du logiciel libre. Je pense notamment à cette idée de récupérer ce qui a pu être développé ailleurs, de construire ensemble, qu'il n’y a pas une propriété exclusive. Qu’elle soit créative ou technologique la progression est incrémentale, etc. Je trouve finalement très amusant et intéressant le pont entre la création musicale et le logiciel. Ça en dit beaucoup sur la connaissance en général.
Un grand merci pour ce temps d’échange, Thibaut. Nous allons écouter le morceau Elevating. Je vous souhaite une excellente journée.

Thibaut Dallery : Merci beaucoup à vous pour la diffusion et pour cet échange. Très bonne journée également. Merci.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Comme nous l’évoquions en fin d’interview, nous allons écouter Elevating par Lumpini. On se retrouve dans environ cinq minutes. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Elevating par Lumpini.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Elevating par Lumpini, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Merci encore à Thibaut Dallery de nous avoir consacré du temps et nous vous encourageons vivement à écouter tout l’album.

[Jingle]

Interview de Corentin, du groupe Les Gueules Noires

Étienne Gonnu : Pour notre deuxième interview j’ai normalement le plaisir d’avoir avec moi au téléphone Corentin des Gueules Noires. Bonjour Corentin.

Corentin : Bonjour Étienne. Merci pour l’invitation.

Étienne Gonnu : Merci de prendre ce temps pour échanger avec nous. Je vais commencer de manière très classique, est-ce que vous pourriez vous présenter s’il vous plaît ?

Corentin : Bien sûr. Je m’appelle Corentin, j’ai 29 ans, je suis saxophoniste dans le groupe Les Gueules Noires. Les Gueules Noires est un groupe du Nord de la France qui existe depuis maintenant 10 ans. Nous sommes avant tout une bande de jeunes amis qui se sont, pour la plupart, rencontrés au lycée, qui avons appris la musique dans des écoles de musique où certains ont eu la chance de faire quelques petites années en conservatoire. On s’amusait bien, on faisait des soirées ensemble, on écrivait un peu de musique. C’est un peu un projet amateur pour se faire plaisir et pour faire plaisir aux copains.

Étienne Gonnu : Groupe qui est toujours actif ?

Corentin : Qui est toujours actif. C’est de plus en plus dur, c’est vrai qu’en grandissant, avec l’âge, on a tous des parcours professionnels un peu différents, des familles, mais on essaye de garder le projet quand même en vie et de pouvoir se revoir de temps en temps.

Étienne Gonnu : D’accord. Musicalement comment définiriez-vous le style des Gueules Noires ? Je sais que ce n’est pas forcément une question facile.

Corentin : Nous nous sommes longtemps revendiqués du ska. Pour les gens qui ne connaissent pas très bien c’est une sorte d’ancêtre du reggae, c’était une musique un peu festive pour danser en Jamaïque, qui s’est ensuite exportée en Angleterre dans les années 70, fin des années 70/début des années 80, avec des groupes comme Madness ou The Specials et ensuite ça s’est réparti un peu partout dans le monde.
C’était l’idée d’avoir une musique un peu festive, un peu cuivrée, avec un côté rock, qui tire un peu sur le punk de temps en temps. En France on appelle souvent ça plutôt du rock alternatif dans son ensemble. Ça mélange pas mal de styles.

Étienne Gonnu : Vous pourrez me corriger si je me trompe, mais j’ai quand même l’impression que le ska, le punk, sont des musiques souvent assez politiques. J’ai l’impression que c’est aussi le cas des Gueules Noires quand on écoute les paroles.

Corentin : En effet. On a toujours été plutôt ancrés à gauche, on vient de là. Nous étions une bande d’amis toujours un peu en manif, nous aimions beaucoup parler politique, nous avions tous des engagements un peu différents, ça faisait des soirées avec des conversations un peu animées. Nous aimions bien jouer dans des soirées pour des causes ou des choses comme ça, essayer de faire passer un message et, en même temps, passer un bon moment. C’était un peu cette idée-là.

Étienne Gonnu : Donc la joie dans la lutte !

Corentin : C’est un peu ça. C’est une ambiguïté qu’on retrouve un peu dans la musique, un côté un peu festif, un peu triste et un peu revendicatif, on passe un peu par toutes les palettes des émotions.

Étienne Gonnu : J’imagine bien que le nom, « Les Gueules Noires », n’est pas complètement anodin.

Corentin : Voilà ! Ça faisait référence aux mineurs du Nord de la France qui travaillaient dans les mines de charbon, qu’on appelait « les gueules noires ». On a trouvé rigolo de reprendre ce nom comme une forme d’hommage et une forme de message.

Étienne Gonnu : Puisqu’on parle souvent de politique, le choix de mettre sous licence libre est plutôt, de notre point de vue, quelque chose de politique. Est-ce que c’est le cas ? Pourquoi avez-vous placé votre musique sous licence libre ?

Corentin : En fait ça a été un peu une sorte de rébellion anti-Sacem et anti-sociétés de gestion de droits. Nous avons été assez embêtés, on va dire, en tant que musiciens amateurs. Dans toutes les salles de concert où nous allions, on nous demandait de signer des déclarations de Sacem alors que nous n’étions pas membres de la Sacem et nous ne voulions pas l’être. On s’est renseigné, quand même, on a regardé comment fonctionne la Sacem, on a vu les contrats, on a vu des clauses qui ne nous plaisaient pas trop, c’était 200 euros l’inscription par membre, vu qu’on est six musiciens amateurs, ça fait déjà très cher, c'est de l’argent un perdu qu’on ne récupérera jamais ! Dans le contrat il y a aussi le fait que quand on adhère à la Sacem il y a des clauses de confidentialité qui empêchent de critiquer ce que fait la Sacem, c’est pour ça que vous n’entendrez pas beaucoup les musiciens se plaindre de la Sacem, souvent ils n’ont pas le droit, c’est dans leur contrat. On n’avait pas trop envie de signer à ça. Nous sommes aussi la génération qui a grandi dans les années 2000, à l’époque on a beaucoup téléchargé illégalement de la musique pour des lecteurs MP3, gravé des CD, et on avait aussi envie que notre musique puisse se diffuser à travers le monde. Les licences libres nous ont aussi un peu permis ça. On a vu que notre musique se retrouvait sur des blogs de musique mexicaine de gens qu’on n’avait jamais vu, jamais entendu. C’est aussi ça l‘avantage de la musique libre, il n’y a pas beaucoup de musiciens qui en font, du coup ça se diffuse très rapidement et très largement, il n’y a pas de restrictions.

Étienne Gonnu : C’est comme ça que vous vous êtes retrouvé à passer sur radio Cause Commune et aussi à faire cette interview !

Corentin : Exactement !

Étienne Gonnu : Du coup, de ce que je comprends, vous faites beaucoup de concerts, vous avez aussi enregistré en studio, vous faites les deux. Avez-vous une préférence ?

Corentin : On avait enregistré un premier album en studio. Pour le dernier petit album de quatre titres qu’on a sorti, on a voulu se lancer le défi de faire un enregistrement en live. Du coup c’est un peu plus brut, on va dire, on voulait essayer de retrouver l’énergie des concerts. On a enregistré ça dans un théâtre d’ailleurs juste avant le confinement. On avait un théâtre, des micros et on s’est dit « on va essayer d’enregistrer ça avec presque pas de retouches au final, pour voir ce que ça donne ». C’était un peu une expérience.

Étienne Gonnu : D’accord. Ça me fait penser un peu à cet esprit ska que vous avez décrit tout à l’heure.

Corentin : C’est ça.

Étienne Gonnu : Une question d’un auditeur de Libre à vous ! que je vais relayer. Il disait aimer demander aux musiciens pourquoi ils avaient choisi leur instrument. Je trouve que c’est effectivement une assez chouette question. Pourquoi avez-vous choisi de jouer du saxophone ?

Corentin : Ah ! C’est une bonne question. À la base, quand j’étais petit, j’avais commencé par apprendre l’orgue. J’ai commencé la musique très jeune, j’avais à six ans, et, avec cette réflexion pas très évoluée d’un enfant de six ans, j’ai voulu arrêter l’orgue parce que je trouvais qu’on ne faisait pas assez de rock 'n' roll. Du coup j’ai regardé les autres instruments. J’ai changé, je suis arrivé dans une école de musique dans un petit village, j’ai découvert un peu les cuivres, l’harmonie, et je me suis dit « le saxophone ». Il faut voir que le Nord de la France est un endroit où il y a beaucoup d’orchestres, beaucoup d’harmonies, donc on est bercé par ces instruments-là et je pense que ça a joué un peu inconsciemment sur mon choix de prendre le saxophone comme instrument.

Étienne Gonnu : Cool. Autre question. J’ai l’impression que vous jouez peut-être un petit peu moins souvent parce que vous disiez, justement, que la vie fait que, mais vous jouez surtout, vous avez joué surtout dans le Nord, partout en France, peut-être aussi en Belgique ?

Corentin : C’est ça. On joue beaucoup dans le Nord de la France et en Belgique. On a eu l’occasion, il y a quelques années, de faire un petit festival en Angleterre où on a pu rencontrer un peu toutes nos idoles. C’est vrai que les difficultés d’organisation font que c’est beaucoup plus facile, pour nous, de rester dans le Nord de la France. Après, nous sommes ouverts aux propositions !

Étienne Gonnu : Si des gens nous écoutent et qu’ils ont envie de vous contacter, en passant par votre page Bandcamp j’imagine que c’est possible, c’est comme ça que je vous ai contactés, donc je sais que c’est possible et, en plus, vous avez répondu très vite. Vraiment, si vous avez envie de prendre contact, je vous encourage à le faire effectivement.
Je vais relayer une autre question d’un autre auditeur qui constate que dans le mouvement punk l’utilisation des licences libres n’est pas vraiment pas très courante, aussi bien en musique qu’en graphisme. Vous avez fait le choix de la licence libre. Est-ce que c’est quelque chose que vous constatez ? Avez-vous une explication, ou pas du tout ?

Corentin : Je pense que c’est surtout une méconnaissance. On entend beaucoup se plaindre de la Sacem la plupart des musiciens qui sont un peu dans le punk et dans les musiques alternatives. Je crois que c’est juste une méconnaissance du sujet, les licences libres ne sont pas très connues des musiciens. Je sais qu’il y a un musicien punk qui utilise beaucoup les licences libres, qu’on aime bien, qui s’appelle Prince Ringard. Je pense que c’est surtout un manque de connaissance par le milieu de la musique, ça se faisait un petit peu dans les années 2000, c’est vrai que ça s’est un peu perdu. Je pense que c’est aussi lié au fait que les nouveaux usages et l’arrivée du rap, les nouvelles plateformes internets ont réussi à ???, c’est beaucoup plus facile d’adhérer à la Sacem aujourd’hui ou de mettre de la musique sur des plateformes que ce qu’était quand on a commencé, donc il y a une certaine prise en compte. D’une certaine manière les râleurs comme nous ont dû un peu jouer sur la Sacem qui a sûrement dû changer ses façons de faire et essayer de simplifier, de s’adapter aux demandes des nouveaux musiciens.

Étienne Gonnu : Nous allons diffuser, après notre échange, un morceau de votre choix, vous avez choisi de nous proposer d’écouter L’Usine. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce morceau ?

Corentin : À la base la musique avait été écrite en 2013/2014. On a voulu la reprendre vers 2016, dans mes souvenirs. C’était un peu le moment où on parlait des conflits. Un de nos musiciens est originaire de Saint-Saulve, dans le Nord, et il y avait le conflit de l’usine ArcelorMittal. Nous avons été un peu inspirés par ces évènements, par ce qu’on voyait, par ce qu’on lisait.

Étienne Gonnu : Nous allons écouter ça juste après. Vous avez parlé, il me semble, de Prince Ringard, parce que le son a un peu sauté, c’était lui l’artiste ?

Corentin : Oui, c’est ça. Prince Ringard.

Étienne Gonnu : On a diffusé un de ses morceaux et c’est effectivement génial. Je remettrai le lien sur la page de l’émission pour inviter les personnes à écouter. Il a vraiment une voix extraordinaire.
Merci beaucoup Corentin. Je vous souhaite vraiment le meilleur notamment dans vos projets musicaux. Une bonne fin de journée et une bonne fête de la musique.

Corentin : Merci et bonne fête de la musique. À bientôt.

Étienne Gonnu : Vous allez jouer aujourd’hui ?

Corentin : Non. Aujourd’hui on écoute les autres musiciens.

Étienne Gonnu : D’accord. C’est bien aussi, ça marche. Bonne fin de journée.

Corentin : Bonne fin de journée.

Étienne Gonnu : Un grand merci à Corentin de s’être rendu disponible pour cette interview. Nous allons donc écouter, comme nous l’avons mentionné, L’Usine par Les Gueules Noires. On se retrouve dans environ cinq minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : L’Usine par Les Gueules Noires.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter L’Usine par Les Gueules Noires, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Encore un grand merci à Corentin de nous avoir donné ce temps. Une musique qui donne envie de danser et de lutter.

[Jingle]

Interview de l’artiste Minda Lacy

Étienne Gonnu : Pour notre dernière interview de cette émission fête de la musique libre, j’ai eu le grand plaisir d’échanger avec Minda Lacy, une artiste que nous aimons vraiment beaucoup à Libre à vous ! et dont nous avons déjà diffusé plusieurs morceaux. Pour des raisons évidentes de distance et de besoin de traduction, nous avons préenregistré le sujet la semaine dernière. Laure-Élise Déniel, que je remercie chaudement, a prêté sa voix pour enregistrer une version française. Je rappelle que Laure-Élise Déniel prête déjà sa vox aux jingles de Libre à vous !. Je vous propose donc d’écouter Minda Lacy. On se retrouve dans environ 15 minutes.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Bonjour Minda Lacy. Je précise que nous enregistrons cette interview parce que vous vivez sur la côte Ouest américaine où il est neuf heures plus tôt qu’en France.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : C'est vrai, il est 9 heures 52 du matin et je me suis réveillée il n'y a pas longtemps. Ce sont des fuseaux horaires très différents.

Étienne Gonnu : C’est un plaisir de vous recevoir pour cette émission spéciale fête de la musique, car nous avons diffusés plusieurs de vos morceaux, nous sommes vraiment de grands fans de votre musique. Pourriez-vous déjà vous présenter, s’il vous plaît ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Oui ! C'est toujours une drôle de question : présentez-vous, tout votre être, en quelques mots !
En ce qui concerne ma musique, j'ai écrit des chansons presque toute ma vie. Je joue de la guitare depuis que je suis enfant, j'ai toujours aimé jouer avec les mots et penser à des choses. Pour écrire mes chansons je pense que je puise beaucoup dans cette idée de comprendre les choses, comme des questionnements philosophiques, des questions personnelles, des questions sur les relations avec ses amis. J'ai indéniablement une préoccupation pour des choses comme le temps, la mort, les insectes, mais pas d'une manière sombre ou triste, c'est plutôt une préoccupation joyeuse, avec un cœur léger ; c'est une sorte d'endroit curieux ; je pense que l'écriture de mes chansons, ma musique, puisent leur source dans une exploration curieuse. Quand j'ai demandé à une de mes bonnes amies, Brooklyn, de décrire ma musique, elle a eu la meilleure explication, et je l'utilise souvent. Elle a dit : « C’est comme du folk lyrique, avec un fond vaguement morbide et psychédélique, et une douceur toute en légèreté qui rappelle une douce brise qui soufflerait dans la fourrure du ventre d'un chinchilla ».

Étienne Gonnu : Vous jouez de la guitare, vous écrivez des chansons. On peut dire que vous êtes vraiment une artiste complète.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Oui. La guitare est mon premier instrument et c’est clairement celui avec lequel je suis la plus à l'aise. Je pense que l'énergie créative vient indéniablement de la composition musicale qu'elle permet.
Je suis aussi clairement en train de grandir en tant que musicienne. C'est comme un chemin constant où j'apprends tout ce que je peux apprendre.
Si la guitare est mon instrument de prédilection, j'explore aussi le piano, le ukulélé. J'ai récemment acquis un synthétiseur, un ami m'en a vendu un pas cher. Je m'amuse aussi un peu avec l'accordéon. J'essaye d'intégrer davantage d'instruments, mais la guitare est vraiment l'instrument avec lequel je suis le plus à l'aise et c'est celui avec lequel c'est le plus facile d'enclencher le processus d'écriture de chansons. En fait, le ukulélé est un instrument très facile à jouer, j'encourage tout le monde à jouer du ukulélé, on peut y arriver en quelques semaines à peine et après on a un outil pour commencer à écrire des chansons. La guitare et le ukulélé sont vraiment de bonnes bases pour le processus d'écriture de chansons.

Étienne Gonnu : Avez-vous des influences musicales particulières, qui vous tiennent à cœur ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Quand on me pose cette question, c'est intéressant parce que j'ai le sentiment que je n’ai jamais essayé de ressembler à un autre musicien, même si, bien sûr, il y en a beaucoup que j'aime. J'ai le sentiment que la musique en général, pas juste la mienne, a une place très importante pour moi, je la ressens à un niveau viscéral.
Certains artistes me touchent, m'amènent dans cet état d'esprit créatif, mais la manière dont je traduis cette énergie créative est très différente de la manière dont ils le font.
Certaines de mes influences, certains de mes musiciens préférés, ah, là, là, il y en a tellement ! Parfois, quand je me pose cette question, j'ai l'impression d'oublier absolument tous les musiciens que je n'ai jamais écoutés. J'aime beaucoup Tom Waits, Andrew Bird's Bowl of fire, ce qu'il a fait avec son groupe Bowl of fire. J'aime aussi beaucoup Pink Floyd, tous les classiques du rock, Led Zeppelin, Queen. Il y a beaucoup de musiciens locaux ou de musiciens avec qui je suis amie qui m'ont beaucoup influencée et je veux toujours les saluer. Il y a une telle culture musicale, toute cette musique si riche qui vient de personnes autres que celles dont on entend toujours parler ! Je pense qu'un de mes groupes préférés de tous les temps s'appelle Run On Sentence, qui est local, de Portland et de Silver City. J'ai grandi à Silver City alors c'est comme s'il était un local des deux endroits où j'ai vécu. Il faut écouter Run On Sentence, vraiment ! Sa musique me permet indéniablement d'atteindre un état d'esprit créatif. J'aime beaucoup Lhasa de Sela. Voyons voir ! Il y en a tellement que je pourrais juste continuer sans m'arrêter, je ne fais que lister celles et ceux qui me viennent à l'esprit là maintenant.

Étienne Gonnu : Vous jouez plutôt en solo, je crois que vous jouez aussi dans des groupes. Vous avez plusieurs projets musicaux.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Oui. J'ai effectivement plusieurs projets musicaux. Je joue en solo, c'est ce que vous pouvez trouver sous le nom de Minda Lacy. Je joue aussi dans mon groupe Bitches in the Beehive. Je joue des morceaux de Minda Lacy avec le groupe et je joue aussi des morceaux de Bitches in the Beehive juste en tant que Minda Lacy. Je ressens certaines chansons comme étant clairement les miennes, d'autres comme étant clairement celles du groupe.
Récemment j'ai commencé un nouveau projet. J'anime une émission de radio sur une radio locale à Portland, qui s'appelle Shady Pines Radio. C'est une webradio, d’ailleurs tout le monde, en France, devrait y jeter une oreille, c'est plein DJ qui font des trucs bizarres. J'interviewe des musiciens, juste des interviews un peu improvisées où je pose des questions que l'on ne pose pas habituellement. J'avais reçu un invité, Luke Anthony, qui joue très bien de l'harmonica, il en joue d'une manière très spécifique comme peu de personnes jouent. Je l'ai reçu pour une interview et nous avons connecté à un niveau musical. Ces derniers mois nous avons écrit plein de chansons ensemble, nous avons réfléchi à un nouveau nom de groupe, nous avons fait des brainstormings pour trouver un nom de groupe, on n'a toujours pas trouvé de nom, mais je pense qu'on va faire des choses très cool avec ce projet.
Pour le moment donc trois projets.
Sur Bandcamp j'ai aussi publié un autre projet sous le nom Just Buns, des amis et moi qui faisions un jam, juste des amis qui avions eu l'opportunité d'enregistrer quelque chose, avec le même gars qui avait enregistré mes albums Owl Faces et Worms. Nous sommes allés au studio, nous avons accroché un microphone au milieu de la pièce et nous avons juste joué, sans vraiment nous entraîner, mais je pense que le résultat est vraiment très bon. C'était juste un truc unique, des amis qui jament ensemble et trouvent un nom sur le moment.
Voilà pour mes projets musicaux.

Étienne Gonnu : Vous jouez plutôt en live, vous jouez plutôt en enregistrement ? Avez-vous une préférence entre les deux ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : J'aime bien jouer en live Je joue en live à Portland et aux alentours avec mes deux projets, Bitches in the Beehive et mon projet solo. Je dois probablement jouer au moins une fois par mois dans des endroits très différents. J'ai fait des tours Do it yourself à travers l'État de l’Oregon, je contactais des lieux de spectacle, je montais dans mon van et je partais. C'était très amusant !
J'aime aussi beaucoup le processus d'enregistrement. Je suis en train d'enregistrer un nouvel album, qui, je pense, sera vraiment un bon album, sous mon projet solo, Minda Lacy, qui sortira en février. Tout le processus d'enregistrement est vraiment amusant, parce qu'on peut revenir, tatillonner, bidouiller des trucs, et se dire « hum, je me demande si du synthétiseur ce serait bien ici, ou du piano ». Jouer en live et en studio ce sont deux expériences très différences et j'aime les deux.

Étienne Gonnu : Une question assez classique : est-ce que vous tirez un revenu de votre musique ? Est-ce même un objectif ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : J’ai vraiment beaucoup réfléchi à cette question. Oui, c'est le but. Je gagne de l'argent avec ma musique. J'ai un compte Patreon, auquel les personnes peuvent s'abonner pour un dollar par mois ou plus si elles le souhaitent. J'y publie des chansons avant de les publier ailleurs ou des chansons que je ne publierai peut-être jamais et aussi des sortes de flânerie créative.
J'ai eu plusieurs Patreon au fil des ans et, clairement, c'est loin d'être au niveau d'un salaire mais ça fait partie de mes revenus en tant que musicienne. En tant que groupe on ne gagne pas vraiment d'argent, car tout ce qu'on gagne est partagé entre les membres ou alors c'est réinjecté dans des projets du groupe. En faisant des tournées en solo, tu peux arriver à te faire beaucoup d'argent, mais il faut que ce mode de vie te convienne.
Au final, je pense que mes réflexions vont plus loin que ça, dans le sens que, en tant qu'artiste, de tout type, on veut trouver une manière de passer son temps à faire ce qu'on aime et réaliser ce dont on pense être fait pour, mais le revers de la médaille, parfois, fait que faire de ce qu'on aime son travail enlève le plaisir qu'on y prend. C'est un exercice d'équilibriste. Pour avoir le temps de le faire tu ne peux pas passer du temps à faire d'autres choses, mais tu ne veux pas non plus que cet endroit sacré, magnifique et joyeux d'écriture musicale devienne quelque chose de capitaliste et dénué d'âme. Il faut trouver des compromis, à trouver un équilibre.
Je ne gagne pas ma vie avec ma musique, mais je gagne de l'argent avec. J'ai plusieurs petits boulots alimentaires qui me permettent de continuer en attendant. Je pense qu'au final je devrais trouver une manière de faire en sorte que ça marche, à condition que je n'y perde pas mon âme.

Étienne Gonnu : Nous avons trouvé et diffusé votre musique parce qu’elle était sous licence libre, plus précisément Creative Commons By SA. Quel est votre rapport avec ces licences libres ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : En tant que musicienne je suis doué pour faire de la musique, mais j'ai toujours été assez mauvaise avec la technologie, je ne comprends pas grand-chose à tous les détails et à tout ce qui se passe derrière.
Quand vous m'avez contactée pour cette interview et que vous m'avez expliqué le principe des Creative Commons, je me suis dit : « Ah, des termes que je ne comprends pas, mais je suis contente de pouvoir faire une interview et que ma musique soit accessible ! ». Après en avoir appris un peu plus à ce propos, j'imagine que la personne qui a mis les albums en ligne les a publiés sous licence libres, et j'en suis très contente, car je veux que ma musique soit accessible. Par contre, mon album Bitches in the Beehive ne l'est pas et je voudrais aller changer ça.
Après en avoir appris plus, je suis d'accord avec les principes et je veux publier ma musique de cette manière. Je découvre seulement tout cela, ce n'était pas vraiment un choix conscient, je suis contente qu'il ait été fait par la personne qui l'a fait car me voilà en train de faire cette interview avec vous !

Étienne Gonnu : C’est aussi un intérêt pour nous. Nous sommes vraiment ravis de pouvoir propager un petit peu cette idée de la libre circulation de la musique, qu’elle puisse prospérer comme ça.br/> Une dernière question parce que nous allons diffuser, après cette interview, une de vos chansons Lemony. Est-ce que vous pourriez nous parler justement de cette chanson ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Cette chanson c'est vraiment du n'importe quoi, loufoque, mais il y a un peu plus de profondeur qu'il n'y paraît. Il m'arrive souvent de créer une mélodie très cool à la guitare et d'avoir du mal à écrire des paroles pour aller avec, alors je fais un truc, je me contente de faire du remplissage. J'ai la mélodie en tête et, pour ne pas m'embrouiller avec les mots, je remplis la mélodie avec n'importe quoi. Donc, sans raison particulière, je remplissais la mélodie avec le mot lemony, et après avec tous les mots qui venaient rythmiquement avec, qui rimaient à peu près avec lemony. C'était comme un petit moment d'inspiration où tout semble s'aligner et cette espèce d'étrange flot absurde et cohérent a créé la chanson.
Ce qui est amusant c'est que je réfléchis souvent beaucoup aux paroles et je pense que c'est un des aspects les plus importants de ma musique. Les gens sont touchés par mes paroles et réfléchissent sur ces choses assez profondes et philosophiques. Lemony est souvent la chanson que les gens préfèrent, enfin !, Lemony est souvent une des chansons que les gens préfèrent, parce qu'elle est si bête ! C'est une chanson un peu bête et je l'aime. En fait, c'est tout ce que j'ai à dire à son sujet.

Étienne Gonnu : Je pense qu’on a aussi besoin, un petit peu, de cette bêtise pour rendre la vie plus agréable.
Un grand merci Minda Lacy. C’était vraiment un très grand plaisir d’échanger avec vous.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Merci beaucoup de m'avoir reçue. C'est toujours très flatteur de recevoir un e-mail inattendu, venant d'un pays étranger, qui te dit : « On diffuse ta musique, viens faire une interview ». Ça n'arrive pas très souvent et ça me fait clairement me sentir appréciée. Vous appréciez ma musique et je vous apprécie pour ça.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : De retour en direct sur Cause Commune.
Merci encore à Laure-Élise Déniel d’avoir prêté sa voix pour enregistrer la version française. Merci bien sûr à Minda Lacy. La version originale sera disponible sous peu sur le site de Libre à vous ! si vous voulez entendre la VO, comme on dit, la version originale.
Comme évoqué en fin d’interview nous allons écouter Lemony par Minda Lacy. On se retrouve dans environ deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Lemony par Minda Lacy.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Lemony par Minda Lacy, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, une mélodie qui m’évoque l’été et ça tombe bien, nous sommes le 21 juin, jour de la musique libre sur Libre à vous !. Je vais préciser que la version que nous venons d’écouter est une version que Minda Lacy a enregistrée en solo. Il existe aussi une version enregistrée avec son groupe, Bitches in the Beehive, qui est différente et très sympa aussi, que je vous invite à découvrir même si elle n’est pas encore sous licence libre.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonu de l’April. Nous allons passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy intitulée « Popop imap Pou ! »

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre ». Certains trouvent ça chaud la question des adresses mail mais Laurent et Lorette Costy vont nous aider à y voir plus clair. Une chronique enregistrée il y a quelques jours, « Popop imap Pou ! ».

[Virgule sonore]

Laurent Costy : Hello fille de tes parents et fille préférée de ton père ! Toujours besoin d’une adresse mail adaptée à tes besoins ?, qui respecte ta vie privée et qui t’émancipe des GAFAM et autres prédateurs du Web ?

Lorette Costy : Oui, et j’ai avancé de mon côté, te sachant très occupé en cette fin d’année à ne pas passer de partiels.

Laurent Costy : Tu n’as que partiellement raison car, par ciel et terre, j’y suis passé. Mais dis-moi tout, tu as trouvé la perle rare qui remplacera ton adresse mail intrusive actuelle ?

Lorette Costy : J’ai passé beaucoup de temps à chercher et, conclusion, je n’ai pas pu réviser comme je l’aurais souhaité. Du coup, j’ai eu une très mauvaise note en marketing.

Laurent Costy : Étant donné ce que tu sais déjà sur cette matière en acceptant jovialement de participer à cette chronique, je me dis que si tu avais retranscrit la teneur de nos échanges habituels, la note eut été pire encore. Donc, je te félicite pour cette mauvaise note en marketing. Je suis fier de toi ! Mais passons à ton inventaire !

Lorette Costy : Merci papa, toi au moins tu sais faire preuve de soutien !
Donc, j’avais retenu, dans ma short list orange, les services de mail sécurisés et respectueux des utilisatrices et utilisateurs suivant : il y avait Proton Mail, Infomaniak, Mailo, Zoho Mail, Tutanota et Fastmail.

Laurent Costy : Je connais bien les deux premiers et j’ai entendu parler de Mailo et Tutanota.

Lorette Costy : J’ai écarté Fastmail directement parce que le site est en anglais. Ça ne me pose pas de problème en soi mais ça m’évitera d’avoir à te traduire des pages si tu t’inquiétais pour ma vie privée. Et ça ressemble vachement à un service qui vise prioritairement des anglophones, même si la page Wikipédia précise qu’ils ont des serveurs à New York et aux Pays-Bas.

Laurent Costy : Ils disent aussi que « Des êtres humains […] peuvent être contactés en cas de problème ». Là c’est respect ! D’ailleurs, je l’affirme ici haut et fort, réinvestir dans l’humain pour le Web 3.0, c’est carrément visionnaire ! Il reste donc cinq prétendants susceptibles d’honorer la lourde tâche d’acheminer tes correspondances épistoléro-courrielesques pour les semaines, mois et années à venir !

Lorette Costy : Tu veux dire transporter mes mails en fait. Du coup, oui, il y a Proton Mail, Infomaniak, Mailo, Zoho Mail et Tutanota.

Laurent Costy : Tu as évalué tes besoins avant de choisir ? Tu sais combien de mails tu envoies et tu reçois sur une période ? La quantité de données que cela représente ? Pour ma part, à titre indicatif, ayant commencé ma carrière professionnelle avec le mail alors en plein essor fin des années 90 et surtout, rechignant comme personne quand il s’agit de changer mes habitudes, j’utilise beaucoup le mail.

Lorette Costy : Oui, c’est très caractéristique de ta génération cet amour du mail dans lequel glisser un gif est aussi relou que de faire enfiler une chaussette à un alligator !

Laurent Costy : C’est de Monsieur De Comptoir cette expression ? C’était quoi son prénom d’ailleurs ? Bref, sur les cinq premiers mois de l’année, j’ai compté 1129 mails pros envoyés et 625 persos ou liés à mes implications associatives. Comme j’ai des collègues et des amis, j’ai reçu, comme demandes ou plutôt comme relances, 1966 mails pros et 1328 mails persos ou associatifs.

Lorette Costy : C’était Brave son prénom. Brave de Comptoir. Ça fait beaucoup de mails tout ça. Il ne doit plus te rester beaucoup de temps pour vraiment travailler. Soyons clairs, mon besoin est bien moins grand. D’ailleurs, tu comptes les spams ?

Laurent Costy : Non, bien sûr, ils sont majoritairement filtrés par mon fournisseur d’accès ou par Thunderbird pour lequel j’ai activé les fonctionnalités anti-spam. En passant, tu sais de quand date le premier spam, qui l’a émis et dans quelle circonstance ?

Lorette Costy : Figure-toi que j’ai fouillé les sources que tu compiles laborieusement à chaque chronique donc oui, je sais répondre à ta question et je regagne un roudoudou. Le site arobase.org est une vraie mine d’informations sur le sujet. Il n’aura pas fallu plus de sept ans après l’invention du courrier électronique pour qu’apparaisse le premier spam.

Laurent Costy : Qui date donc du 3 mai 1978. Ce jour-là, sur le réseau Arpanet, l’ancêtre d’Internet, Gary Thuerk, qu’il soit maudit jusqu’à la 42ᵉ génération, commercial de la société DEC [Digital Equipment Corporation], invitait par e-mail 393 personnes à découvrir sa nouvelle machine.

Lorette Costy : Je ne crois pas qu’il s’agissait de toilettes connectées, mais, le plus truculent dans tout ça, toujours sur arobase.org, c’est que l’on découvre que Bill Gates, alors patron de Microsoft, sûr de son pouvoir, de sa force et des capacités de programmation de ‘Crosoft, avait annoncé la fin du spam avant fin 2006.

Laurent Costy : Hey Bill, qu’est-ce que tu glandes ? On est en 2022, il y a plus de 100 000 milliards de pourriels envoyés chaque jour ! On t’attend toujours ! Ceci étant, à sa décharge, la complexité technique explique certainement la non résolution du problème.

Lorette Costy : Pour avancer sur ma sélection, j’ai lu que Proton Mail n’offrait pas de support POP3 et que le protocole qu’ils recommandent est l’IMAP, c’est grave docteur Courrielleur ?

Laurent Costy : J’en cause souvent avec mon prédécesseur Pascal Gascoin, mais je suis obligé de reconnaître, ici, publiquement, devant les zeta-auditeurs, qu’il a majoritairement raison quand il préconise plutôt l’IMAP devant le POP.

Lorette Costy : Oh, là, là !, il doit y avoir des arguments vraiment lourds pour que tu reconnaisses ta défaite !

Laurent Costy : Commençons par le début, veux-tu, plutôt que de dire des âneries plus grosses que ton nez au milieu de la figure géométrique de la quadrature du cercle. Tiens, en passant, la Quadrature du Net fait une compagne contre la Technopolice, tu devrais aller voir et signer.

Lorette Costy : Ton habile tentative de diversion est ratée : défaite, défaite, défaite et encore défaite ! Mais j’irai quand même voir la campagne. Ce n’est pas drôle ces sujets-là, il faut comprendre et soutenir !

Laurent Costy : Bon. Commençons par rappeler ce que veulent dire respectivement POP et IMAP. Pour le POP, c’est l’acronyme de Post Office Protocol, littéralement « protocole de bureau de poste ». C’est le plus ancien des deux protocoles. La 1ʳᵉ version date de 1984 et le POP3, la montée de version la plus récente, reste encore utilisée depuis 1988.

Lorette Costy : Ne me dis pas que cette opération transite sur un réseau TCP/IP et qu’il utilise le protocole de transfert TCP via le port 110. Ce protocole est même défini par la RFC 1939 !

Laurent Costy : C’est exactement ça et cette précision c’est surtout pour Stéphane Bortzmeyer qui relit la chronique. Je crains que si on ne parle que de toilettes connectées il finisse par s’ennuyer. En passant, pour mémoire, les RFC [Requests for Comments] sont des documents numérotés décrivant les aspects et spécifications techniques d'Internet entre autres. C’est primordial pour que tout le monde se comprenne !

Lorette Costy : Effectivement, ça me semble plus important que nos dérives scatos mais néanmoins logiques, parfois, et surtout très intéressantes !
Et pour l’IMAP qui, si j’ai bien compris, est l’acronyme d’Internet Message Access Protocol soit « protocole d’accès à Internet pour la messagerie » ? Qu’en est-il donc ?

Laurent Costy : RFC 9051 pour la version 4 révision 2. Et bim ! Deux RFC mentionnées dans une chronique ! On frise, non pas l’écran mais le record !

Lorette Costy : Je me demandais d’où venait ma compétence lèche-bottes +10 dans ma fiche perso Maintenant, je sais. Sinon, je dois choisir quoi moi ? POP ou IMAP du coup ?

Laurent Costy : Comme tu me sembles plus jeune que moi, j’aurais tendance à penser que tes usages vont plutôt nécessiter une configuration via le protocole IMAP. Je m’explique. Le protocole POP est adapté lorsque les connexions à Internet ne sont pas continues. Quand tu te connectes, il appelle les messages qui attendent sur le serveur. Ils sont intégralement chargés sur ta machine locale. Tu peux choisir d’en laisser une copie un temps sur le serveur, mais, quoi qu’il en soit, le résultat est une sorte de désynchronisation : si tu te connectes avec une autre machine, tu vas appeler une nouvelle fois les messages qui sont sur le serveur si tu les y as laissé ou rien s’ils ont été simplement aspirés.

Lorette Costy : OK ! Si je comprends bien, ce protocole est adapté lorsque l’on traite ses mails avec une seule machine ! Au début de l’ère numérique, il n’y avait pas de surenchère à utiliser un ordinateur, une tablette 8 pouces, une tablette 11 pouces, un téléphone portable, un téléphone fixe, un ordinateur, une tablette 8 pouces, une tablette 11 pouces, un téléphone portable, un téléphone fixe, ce qui a l’avantage, ou l’inconvénient, c’est selon, de laisser plus de traces comportementales lorsque l’on est connecté en continu.

Laurent Costy : Tu n’as pas lu deux fois la même phrase ?

Lorette Costy : Non, non !

Laurent Costy : L’autre avantage, ou inconvénient, c’est selon, c’est que les messages étaient stockés sur ta machine locale. Certes, il fallait penser à sauvegarder mais ça évitait, pour celles et ceux qui ne font pas attention, de laisser indéfiniment des messages sur un serveur lointain et de squatter inutilement des espaces de stockage.

Lorette Costy : OK ! Et IMAP du coup ?

Laurent Costy : C’est le serveur lointain qui stocke et gère les messages. Quel que soit l’appareil avec lequel tu te connectes, ce sera un miroir de ce qui se trouve sur le serveur. Toute action faite à un endroit est répercutée symétriquement et instantanément à un autre endroit. La synchronisation est constante. Le protocole IMAP nécessite une connexion la plus continue possible si on veut gérer, de manière fluide, ses mails.

Lorette Costy : Bon, OK, on avance. Comme je consulte mes mails à la fois sur mon téléphone portable et sur mon ordinateur, je vais opter pour l’IMAP. Reste à choisir un fournisseur d’accès éthique et respectueux de moi !

Laurent Costy : Du coup, peut-être que le service offert par ma Brique Internet, que Neutrinet propose et qui tourne sous YunoHost, pourrait finalement suffire. Dans ton interface Gmail, dans une phase de transition, tu peux choisir de rediriger cette adresse mail maudite vers une adresse que je peux te créer sur le serveur de mail sur la Brique.

Lorette Costy : Tu me garantis que je ne vais pas perdre de mails ? C’est quand même un peu risqué !

Laurent Costy : Non, je ne peux évidemment rien te garantir. J’ai fait la même chose pour moi et je ne pense pas avoir perdu de mails importants même si je ne peux pas en être sûr, évidemment. Je mets à jour très régulièrement le serveur, c’est le minimum, et puis dans un premier temps, pour les mails importants, donne-toi une sécurité. Par exemple, si tu attends un message sensible qui n’arrive pas, recontacte la personne par SMS ou par tout autre moyen convenu avec elle.

Lorette Costy : Oh ! Ce n’est quand même pas hyper-rassurant ! Mais bon !, Je veux bien poursuivre ma démarche de libération.
En tous cas, avec toutes ces questions, j’appréhende mieux tout ce qui se joue avec l’envoi d’un mail, ça c’est sûr. D’autant que l’on n’a pas parlé du mail dans le cadre professionnel ou de l’éducation, là aussi, il y aurait vraiment des trucs à dire sur les serveurs de mails ! Truc de foufou. Bon, j’attends les informations techniques pour découvrir l’intérieur de ma nouvelle boîte mail et je te poutoute, docteur Courrielleur !

Laurent Costy : Guette ta boîte mail, il y aura plein de bisous dedans. À bientôt !

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter la chronique « À cœur vaillant la voie est libre », de Laurent et Lorette Costy, sobrement intitulée « Popop imap Pou ! ». Laurent et Lorette que nous devrions normalement retrouver dès la rentrée, en septembre 2022, pour la prochaine saison de Libre à vous !

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Vendredi 1er juillet nous organisons une réunion ouverte au public pour faire le bilan de cette saison 5 de Libre à vous ! et préparer la saison 6. Oui, car la semaine prochaine ce sera la dernière émission de la saison et ça fait donc cinq ans, cinq ans de Libre à vous !, beaucoup de belles émissions réalisées. Cette réunion aura lieu à distance, via le logiciel libre BigBlueButton, le vendredi 1er juillet de 10 heures 30 à midi. Venez nombreux et nombreuses. Occasion pour nous d’avoir vos retours en direct. Si vous avez des suggestions à nous faire, nous sommes vraiment preneurs de ces retours et pour vous entendre, tout simplement. Toutes les informations, comme d’habitude, sur la page de l’émission sur libreavous.org.
Je vous rappelle aussi que l’été il faut chaud, des tee-shirts c’est toujours mieux. Nous vendons encore des tee-shirts Libre à vous ! sur la plateforme En Vente Libre.
Puisque c’est la fête de la musique, nous allons parler aussi de nos amis de Ziklibrenbib, un site qui référence des créations musicales, notamment des créations musicales sous licence libre dont nous nous inspirons régulièrement pour vous proposer des pauses musicales. Ziklibrenbib a organisé l’élection du meilleur morceau musical de l’année 2022, en tout cas c’est l’édition 2022 de cette élection et ils ont sélectionné 11 morceaux. Même si tous ces morceaux ne sont pas sous licence libre, certains et certaines ont fait le choix, par exemple, de restreindre les usages commerciaux, nous vous encourageons quand même à aller découvrir ces très belles sélections musicales. Nous félicitons la lauréate, Carsie Blanton, ainsi que Lumpini dont un des morceaux fait partie de cette très belle sélection.
Pour les législatives 2022, L’April avait lancé à nouveau sa campagne du Pacte du logiciel libre qui permet d’une part aux candidats et aux candidates de s’engager à promouvoir et défendre le logiciel libre et globalement les libertés informatiques si il ou elle sont élus. C’est aussi l’occasion, plus localement, pour des libristes de faire un pont, de faire un lien avec les décideurs publics pour devenir, quelque part, des référents du logiciel libre auprès des élus. 15 signataires de ce pacte ont été élus à l’Assemblée dimanche dernier, donc félicitations à eux et à elles.
Laurent et Lorette Costy évoquaient la campagne organisée par nos amis de La Quadrature du Net contre la Technopolice. L’association a notamment lancé, ce qu’évoquaient Laurent et Lorette, un projet de plainte collective notamment pour lutter contre la surveillance. Un projet que vous pouvez aller soutenir, auquel vous pouvez participer. Depuis dimanche on voit d’autant plus l’importance de s’organiser collectivement pour défendre nos libertés.
Dans une émission – je n’ai pas noté le numéro, peut-être qu’on m’aidera, sinon ce sera facile à retrouver car sur le site libreavous.org il y a aussi une fonction de recherche textuelle – nous avions reçu le concepteur du jeu Gao&Blaze. La version F-Droid de ce jeu d’enquête narrative pour sensibiliser aux enjeux de la protection des données personnelles est désormais disponible. C‘était le sujet principal de l’émission Libre à vous ! du 8 mars 2022. Un jeu très utile pour mieux comprendre les enjeux, un jeu assez riche. Je vais préciser que F-Droid est un magasin d’applications libres justement pour Android.
Puisqu’on parle de jeux, si vous êtes amateur de jeux mais cette fois de jeux de guerre et de stratégie sur ordinateur, sachez que les équipes de concepteurs du jeu sous licence libre 0 A.D: Empires Ascendant seront présentes à Tours les 1, 2 et 3 juillet, dans le cadre du Japan Tours festival. Occasion de rencontrer les concepteurs d’un jeu libre.
Vous retrouverez tous les évènements en lien avec le Libre ainsi que les associations qui défendent et promeuvent le logiciel libre près de chez vous sur agendadulibre.org.

Vous entendez notre générique. Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Noémie Bergez, Thibaut Dallery pour Lumpini, Corentin des Gueules Noires, Minda Lacy, Laure-Élise Déniel, Laurent et Lorette Costy.
Aux manettes de la régie, qui a effectivement beaucoup à faire, Isabella Vanni.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, tous et toutes bénévoles à l’April, ainsi qu’Olivier Grieco le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact@libreavous.org. Comme je vous le disais, vendredi 1er juillet, à 10 heures 30, vous pourrez nous retrouver à distance pour échanger directement avec nous et nous faire part de ces points en direct.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine et dernière émission de la saison aura lieu en direct mardi 28 juin 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur le travail parlementaire, sujet d’actualité donc ! Il s’agira de montrer l’envers du décor donc le travail en commission, les groupes politiques – question importante –, les relations avec la société civile et aussi de parler de la question de l’acculturation des parlementaires aux enjeux des libertés informatiques.

Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée, de passer un bel été et de passer une belle fête de la musique. On se retrouve mardi 28 juin et d’ici là, portez-vous bien !

Générique de fin d'émission : WeSoftware Heritage Tone par Realaze.