Différences entre les versions de « Émission Libre à vous ! diffusée mardi 12 avril 2022 sur radio Cause Commune »

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<b>Voix off : </b><em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
  
<b>Voix off : </b><em>Libre à vous !</em>, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Bonjour à toutes. Bonjour à tous.<br/>
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Ça ne vous aura pas échappé, on parle beaucoup d’élections en ce moment. On entend aussi souvent parler de vote électronique. Une bonne idée ?, pas si sûr. Ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Jean-Christophe Becquet sur Le bateau des humeurs et également, en début d’émission, la chronique d’Antanak sur la sobriété numérique.
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Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de <em>Libre à vous !</em>, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
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Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
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Nous sommes mardi 12 avril 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
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Derrière mon micro, je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.<br/>
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De l’autre côté de la vitre, elle va réaliser l’émission avec précision, c’est ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isa.
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<b> Isabella Vanni : </b>Bonjour. On va voir ça ! Bonne émission.
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<b>Frédéric Couchet : </b>On a confiance. Nous vous souhaitons une excellente écoute.
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==Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak sur la sobriété numérique==
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<b>Frédéric Couchet : </b>« Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées, mises en acte et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes.<br/>
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Bonjour Isabelle.
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<b>Isabelle Carrère : </b>Bonjour.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Le thème du jour, la sobriété numérique.
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<b>Isabelle Carrère : </b>Absolument. Merci Fred. Bonjour Isa.<br/>
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Je suis contente d’être ici avec vous, l’April, pour cette chronique du mois d’avril.<br/>
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On a déjà parlé ici de ce que le numérique, au sens large, avait ajouté dans la précarisation de personnes, de combien, dans plusieurs situations, il participait à l’isolement de celles-ci et était pour beaucoup une barrière, voire un empêchement, alors même qu’il était censé être un outil de liberté et d’émancipation. Mais l’émancipation ne vient pas avec l’accaparement par des multinationales pour leur seul profit, l’émancipation ne fait pas bon ménage avec l’accumulation des données personnelles et du commerce fait avec elles, l’émancipation, on le voit tous les jours, n’est pas non plus synonyme de déversement d’opinions qui en viennent à remplacer les idées, et la liberté elle-même on ne peut vraiment la véhiculer – liberté des savoirs, des pratiques, des échanges de pensées et d’idées – si elle se confronte en permanence à des surveillances de masse. Et bien sûr pas non plus si les gros acteurs du numérique, dans ce monde très américanisé, jouent avec leurs algorithmes — à moins d’ailleurs que ce ne soient maintenant les algorithmes qui se jouent d’eux !<br/>
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En tout cas la toute première des libertés, c’est évidemment ici qu’on peut le dire et le répéter et tant mieux !, devrait être, devrait pouvoir être encore d’utiliser, ou pas, telle ou telle partie du numérique, tel ou tel outil, tel ou tel logiciel, telle ou telle application.<br/>
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On a dit ici les entraves à un fonctionnement réellement respectueux des personnes et des collectifs, par exemple de ce côté-ci du monde, occidental : le service public démantelé depuis des décennies et les entraves à la liberté de faire continuent avec des objets tels que l’espace santé – on en a parlé, je crois le mois dernier – et les e-photos que je viens de découvrir ; je n’avais pas compris que c’est un machin qui devient petit à petit également obligatoire pour les pièces d’identité, pour les papiers de circulation des mineurs étrangers, etc. Ailleurs ce sont d’autres utilisations forcées qui sont à l’œuvre pour continuer d’exister, d’être reconnu·e , et aussi l’obligation, pour certains actes ou activités, d’utiliser des outils propriétaires.<br/>
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Toutes ces injonctions de toute nature, qu’elles soient administratives, juridiques ou sociales, dans les modes de relations qui sont promus un peu partout et encore plus avec la gestion de la crise dite sanitaire, est-ce que l’on n’est pas, en les acceptant, en train de participer à la construction d’un monde humain obligatoirement connecté ?
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Je vais arriver à mon sujet de la sobriété numérique.<br/>
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J’entends ici ou là, même d’ailleurs dans des discours de programmes de partis, on en parlait tout à l’heure, je pense qu’il y a quelques partis qui ont dit des choses sur le numérique, notamment La France insoumise, mais pas qu’elle. En tout cas ils proposaient que le numérique soit reconnu comme un bien commun, ils disaient un bien commun au même titre que l’eau, l’air, le logement, etc. Est-ce vraiment ça qu’on veut ? Est-ce qu’on veut vraiment que le numérique nous soit radicalement aussi nécessaire que de l’eau ? Qu’il devienne objet de toute la place ?<br/>
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Je voulais ici remettre en cause cette idée, l’interroger en tout cas. L’informatique, le numérique est-il un bien ? Est-ce que c’est un bien commun à partager réellement partout dans le monde de la même manière ? Donc que l’on devrait encore plus pousser à son utilisation ? Qu’on devrait augmenter toujours plus les fonctionnalités connectées pour pouvoir vivre ? Est-ce vraiment indispensable ?<br/>
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Je ne sais pas ce que vous en pensez, auditeurs et auditrices, notamment de l’émission <em>Libre à vous !</em> ici. Mais moi, plus j’y réfléchis plus je me dis que ce qui est indispensable serait au contraire une sobriété numérique. Pour moi, la question des biens communs est vraiment ailleurs !<br/>
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Qu’est-ce que serait une sobriété numérique ? Eh bien, par exemple :
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<li>de revenir sur la surconsommation – consommation de matériel mais aussi d’octets transportés ;</li>
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<li>de réfléchir sur la pollution induite par le numérique, à l’heure où tous et toutes se prévalent d’une soi-disant écologie ;</li>
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<li>de réformer les centres de stockages et d’hébergement qui sont désormais dans un gigantisme assez idiot finalement et qui participent à l’artificialisation des sols, y compris des sols marins ;</li>
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<li>de réfléchir à une éco-construction des matériels, de la pousser, la forcer, en boycottant tout appareil qui ne serait pas inventé et construit ainsi ;</li>
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<li>de se pencher sur la conformité des équipements informatiques, matériels et logiciels, avec les réels besoins ou utilités pour les gens. Encore une fois revenons à des choses réellement utiles et nécessaires ;</li>
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<li>et aussi de revisiter l’éducation au numérique, dans les écoles et même avant, même avant l’école.
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À ce sujet, je voulais vous parler – je ne sais pas, peut-être quelqu’un, quelqu’une, l’a déjà fait ici au sein de l’April, tant pis, pardon, je radoterai si c’est le cas, si je répète – d’un collectif qui s’est constitué en 2020, le collectif Attention – Antanak va d’ailleurs y adhérer – pour penser ensemble, agir contre la surexposition aux écrans et la captation organisée.<br/>
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Ce collectif propose que ce soit l’attention qui soit désormais considérée comme un bien, un bien commun, et qu’elle soit protégée, comme devaient l’être l’eau, l’air, le sol, le vivant, les vivants.<br/>
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Je ne sais pas si ça va marcher et si l’attention va être considérée par tout le monde comme un bien commun, en tout cas je trouve l’idée tout à fait intéressante. Au-delà de cette reconnaissance, du respect de l’attention dans tous les sens du terme, il faut comprendre l’attention comme arriver à se concentrer sur quelque chose, mais aussi l’attention qu’on porte à l’autre, à quelqu’un, pour de vrai, et pas juste en passant, entre deux clics, sur autre chose.<br/>
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Les structures membres du collectif ont émis des propositions répondant aux enjeux qu’elles ont identifiés comme majeurs : la dépendance aux écrans, bien sûr, qui est une figure du numérique mais surtout outil de captation du regard, captation des émotions, captation des relations. Cette dépendance, on le voit bien, on le sait, pose des soucis énormes, sanitaires, éducatifs, politiques, écologiques.<br/>
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Ce collectif a fait des propositions dans des axes de prévention. Il parle, par exemple, d’un 5-10-15 : pas d’écran avant 5 ans ; pas plus d’une heure par jour avant 10 ans et pas de smartphone avant 15 ans.<br/>
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Ils sont également sur des axes de protection tel que l’arrêt de la promulgation des tablettes et des écrans à l’école – si on revenait au livre !, ça existe, c’est un outil vachement bien ! Incluant également le fait que tout ceci ne peut pas être édicté quelque part par des technocrates influencés sans doute par les aspects financiers des lobbyismes patentés, sans discussion avec toutes les parties prenantes. Ce n’est pas possible que l’Éducation nationale puisse imposer de son côté, sans qu’on en discute tous et toutes, non seulement les parents, les jeunes, les enfants, les familles, les éducateurs, les éducatrices, les profs, etc., mais même nous autres, citoyens et citoyennes. On doit pouvoir retrouver un droit de regard, un droit de parole et un droit de pensée sur ces sujets plutôt que se voir juste imposer des trucs.<br/>
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Ils parlent aussi des axes de remise en cause du droit, le droit à la non-connexion que j’évoquais tout à l’heure, qu’il s’agisse des droits administratifs, mais aussi, pour les parents et les enseignants, avec les ENT et tous les autres gadgets ainsi mis en ligne. Et puis encore et encore des axes qui paraissent pourtant basiques en démocratie, que les choses soient discutées, débattues toujours collectivement et non pas imposées ou juste testées, parce que là, actuellement, ce qui est en train de se faire c’est ça : on teste pour voir si ça marche ou bien pour mesurer la résistance des individus là-dessus et s’il n’y en a pas trop, c’est bon, on y va !
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Nous étions sans doute une centaine de présents aux assises de ce collectif le 19 mars dernier, mais vous avez de la chance ! Baptiste Martin était présent à la technique pour la radio Cause Commune, moi j’étais dans la salle avec d’autres personnes de la radio. Lui était là aux manettes, il a pu faire une captation, sonore celle-là, des tables rondes et il s’est aussi occupé pour la post-production. Olivier [Grieco] a pu mettre en ligne les trois émissions dans la rubrique <em>Comme si vous y étiez</em>. Vous les trouverez toutes les trois, je vous recommande leur écoute et on pourrait ensuite, à un autre moment, reparler, dans cette chronique ou ailleurs, de ces idées et de la sobriété numérique aussi qui me tient, qui nous tient à cœur à Antanak.<br/>
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Merci.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Merci Isabelle. Je vais préciser que pour retrouver les podcasts de ces trois émissions, vous allez sur le site causecommune.fm dans la partie <em>Comme si vous y étiez</em>. Le site web du collectif Attention dont tu viens de parler est collectifattention.com. Au-delà de l’attention ça me fait penser aussi que c’est aujourd’hui le droit, à un moment, de ne rien faire, pas de ne faire rien, de ne rien faire, rêvasser, flâner dans sa tête, rêver. Aujourd’hui avec tous les écrans partout, toutes les sollicitations, on n’a plus cette possibilité-là. J’encourage toutes et tous à le faire.<br/>
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N’hésitez pas à écouter les podcasts des trois émissions, des captations audio qu’Isabelle a citées et si vous avez des réactions n’hésitez pas à nous contacter soit sur le salon web causecommune.fm, soit par les adresses de contact sur le site de la radio.<br/>
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Isabelle, je te remercie et je te souhaite une belle fin de journée.
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<b>Isabelle Carrère : </b>Merci. Bonne suite à vous.
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<b>Frédéric Couchet : </b>On va faire une pause musicale.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Après la pause musicale nous parlerons de vote électronique, ce sera la rediffusion d’un sujet long déjà diffusé en janvier 2022, mais l’actualité des élections fait que c’est encore pertinent.<br/>
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En attendant nous allons écouter un artiste malheureusement décédé il y a quelques années, que nous regrettons. Nous allons écouter <em>Women Thoughts</em> par Cyber SDF. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>Women Thoughts</em> par Cyber SDF.
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<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d’écouter <em>Women Thoughts</em> par le regretté Cyber SDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.<br/>
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Juste avant la pause musicale Isabelle Carrère nous parlait du collectif Attention et de trois podcasts à écouter. Je viens de rajouter les références sur le site de l’émission, sur libreavous.org/139. Vous pourrez retrouver les trois podcasts.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons passer au sujet suivant.
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==Les enjeux du vote électronique, avec Chantal Enguehard, enseignante-chercheuse en informatique à l’Université de Nantes et directrice de recherche à l’Observatoire du vote, et François Poulain, trésorier de l’April et artisan du logiciel libre chez Cliss XXI. Rediffusion d’un sujet diffusé initialement le 25 janvier 2022==
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur le vote électronique. C’est une rediffusion d’un sujet diffusé en janvier 2022, mais qui est toujours d’actualité. Le sujet était animé par mon collègue Étienne Gonnu. On se retrouve dans une heure.
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Version du 13 avril 2022 à 08:44


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 12 avril 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : - Jean-Christophe Becquet - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 12 avril 2022

Durée : 1 h 30 min

[URL Podcast]

[URL Références concernant l'émission]

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Ça ne vous aura pas échappé, on parle beaucoup d’élections en ce moment. On entend aussi souvent parler de vote électronique. Une bonne idée ?, pas si sûr. Ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Jean-Christophe Becquet sur Le bateau des humeurs et également, en début d’émission, la chronique d’Antanak sur la sobriété numérique.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 12 avril 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Derrière mon micro, je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
De l’autre côté de la vitre, elle va réaliser l’émission avec précision, c’est ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isa.

Isabella Vanni : Bonjour. On va voir ça ! Bonne émission.

Frédéric Couchet : On a confiance. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

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Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak sur la sobriété numérique

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées, mises en acte et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes.
Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Bonjour.

Frédéric Couchet : Le thème du jour, la sobriété numérique.

Isabelle Carrère : Absolument. Merci Fred. Bonjour Isa.
Je suis contente d’être ici avec vous, l’April, pour cette chronique du mois d’avril.
On a déjà parlé ici de ce que le numérique, au sens large, avait ajouté dans la précarisation de personnes, de combien, dans plusieurs situations, il participait à l’isolement de celles-ci et était pour beaucoup une barrière, voire un empêchement, alors même qu’il était censé être un outil de liberté et d’émancipation. Mais l’émancipation ne vient pas avec l’accaparement par des multinationales pour leur seul profit, l’émancipation ne fait pas bon ménage avec l’accumulation des données personnelles et du commerce fait avec elles, l’émancipation, on le voit tous les jours, n’est pas non plus synonyme de déversement d’opinions qui en viennent à remplacer les idées, et la liberté elle-même on ne peut vraiment la véhiculer – liberté des savoirs, des pratiques, des échanges de pensées et d’idées – si elle se confronte en permanence à des surveillances de masse. Et bien sûr pas non plus si les gros acteurs du numérique, dans ce monde très américanisé, jouent avec leurs algorithmes — à moins d’ailleurs que ce ne soient maintenant les algorithmes qui se jouent d’eux !
En tout cas la toute première des libertés, c’est évidemment ici qu’on peut le dire et le répéter et tant mieux !, devrait être, devrait pouvoir être encore d’utiliser, ou pas, telle ou telle partie du numérique, tel ou tel outil, tel ou tel logiciel, telle ou telle application.
On a dit ici les entraves à un fonctionnement réellement respectueux des personnes et des collectifs, par exemple de ce côté-ci du monde, occidental : le service public démantelé depuis des décennies et les entraves à la liberté de faire continuent avec des objets tels que l’espace santé – on en a parlé, je crois le mois dernier – et les e-photos que je viens de découvrir ; je n’avais pas compris que c’est un machin qui devient petit à petit également obligatoire pour les pièces d’identité, pour les papiers de circulation des mineurs étrangers, etc. Ailleurs ce sont d’autres utilisations forcées qui sont à l’œuvre pour continuer d’exister, d’être reconnu·e , et aussi l’obligation, pour certains actes ou activités, d’utiliser des outils propriétaires.
Toutes ces injonctions de toute nature, qu’elles soient administratives, juridiques ou sociales, dans les modes de relations qui sont promus un peu partout et encore plus avec la gestion de la crise dite sanitaire, est-ce que l’on n’est pas, en les acceptant, en train de participer à la construction d’un monde humain obligatoirement connecté ?

Je vais arriver à mon sujet de la sobriété numérique.
J’entends ici ou là, même d’ailleurs dans des discours de programmes de partis, on en parlait tout à l’heure, je pense qu’il y a quelques partis qui ont dit des choses sur le numérique, notamment La France insoumise, mais pas qu’elle. En tout cas ils proposaient que le numérique soit reconnu comme un bien commun, ils disaient un bien commun au même titre que l’eau, l’air, le logement, etc. Est-ce vraiment ça qu’on veut ? Est-ce qu’on veut vraiment que le numérique nous soit radicalement aussi nécessaire que de l’eau ? Qu’il devienne objet de toute la place ?
Je voulais ici remettre en cause cette idée, l’interroger en tout cas. L’informatique, le numérique est-il un bien ? Est-ce que c’est un bien commun à partager réellement partout dans le monde de la même manière ? Donc que l’on devrait encore plus pousser à son utilisation ? Qu’on devrait augmenter toujours plus les fonctionnalités connectées pour pouvoir vivre ? Est-ce vraiment indispensable ?
Je ne sais pas ce que vous en pensez, auditeurs et auditrices, notamment de l’émission Libre à vous ! ici. Mais moi, plus j’y réfléchis plus je me dis que ce qui est indispensable serait au contraire une sobriété numérique. Pour moi, la question des biens communs est vraiment ailleurs !
Qu’est-ce que serait une sobriété numérique ? Eh bien, par exemple :

  • de revenir sur la surconsommation – consommation de matériel mais aussi d’octets transportés ;
  • de réfléchir sur la pollution induite par le numérique, à l’heure où tous et toutes se prévalent d’une soi-disant écologie ;
  • de réformer les centres de stockages et d’hébergement qui sont désormais dans un gigantisme assez idiot finalement et qui participent à l’artificialisation des sols, y compris des sols marins ;
  • de réfléchir à une éco-construction des matériels, de la pousser, la forcer, en boycottant tout appareil qui ne serait pas inventé et construit ainsi ;
  • de se pencher sur la conformité des équipements informatiques, matériels et logiciels, avec les réels besoins ou utilités pour les gens. Encore une fois revenons à des choses réellement utiles et nécessaires ;
  • et aussi de revisiter l’éducation au numérique, dans les écoles et même avant, même avant l’école.

À ce sujet, je voulais vous parler – je ne sais pas, peut-être quelqu’un, quelqu’une, l’a déjà fait ici au sein de l’April, tant pis, pardon, je radoterai si c’est le cas, si je répète – d’un collectif qui s’est constitué en 2020, le collectif Attention – Antanak va d’ailleurs y adhérer – pour penser ensemble, agir contre la surexposition aux écrans et la captation organisée.
Ce collectif propose que ce soit l’attention qui soit désormais considérée comme un bien, un bien commun, et qu’elle soit protégée, comme devaient l’être l’eau, l’air, le sol, le vivant, les vivants.
Je ne sais pas si ça va marcher et si l’attention va être considérée par tout le monde comme un bien commun, en tout cas je trouve l’idée tout à fait intéressante. Au-delà de cette reconnaissance, du respect de l’attention dans tous les sens du terme, il faut comprendre l’attention comme arriver à se concentrer sur quelque chose, mais aussi l’attention qu’on porte à l’autre, à quelqu’un, pour de vrai, et pas juste en passant, entre deux clics, sur autre chose.
Les structures membres du collectif ont émis des propositions répondant aux enjeux qu’elles ont identifiés comme majeurs : la dépendance aux écrans, bien sûr, qui est une figure du numérique mais surtout outil de captation du regard, captation des émotions, captation des relations. Cette dépendance, on le voit bien, on le sait, pose des soucis énormes, sanitaires, éducatifs, politiques, écologiques.
Ce collectif a fait des propositions dans des axes de prévention. Il parle, par exemple, d’un 5-10-15 : pas d’écran avant 5 ans ; pas plus d’une heure par jour avant 10 ans et pas de smartphone avant 15 ans.
Ils sont également sur des axes de protection tel que l’arrêt de la promulgation des tablettes et des écrans à l’école – si on revenait au livre !, ça existe, c’est un outil vachement bien ! Incluant également le fait que tout ceci ne peut pas être édicté quelque part par des technocrates influencés sans doute par les aspects financiers des lobbyismes patentés, sans discussion avec toutes les parties prenantes. Ce n’est pas possible que l’Éducation nationale puisse imposer de son côté, sans qu’on en discute tous et toutes, non seulement les parents, les jeunes, les enfants, les familles, les éducateurs, les éducatrices, les profs, etc., mais même nous autres, citoyens et citoyennes. On doit pouvoir retrouver un droit de regard, un droit de parole et un droit de pensée sur ces sujets plutôt que se voir juste imposer des trucs.
Ils parlent aussi des axes de remise en cause du droit, le droit à la non-connexion que j’évoquais tout à l’heure, qu’il s’agisse des droits administratifs, mais aussi, pour les parents et les enseignants, avec les ENT et tous les autres gadgets ainsi mis en ligne. Et puis encore et encore des axes qui paraissent pourtant basiques en démocratie, que les choses soient discutées, débattues toujours collectivement et non pas imposées ou juste testées, parce que là, actuellement, ce qui est en train de se faire c’est ça : on teste pour voir si ça marche ou bien pour mesurer la résistance des individus là-dessus et s’il n’y en a pas trop, c’est bon, on y va !

Nous étions sans doute une centaine de présents aux assises de ce collectif le 19 mars dernier, mais vous avez de la chance ! Baptiste Martin était présent à la technique pour la radio Cause Commune, moi j’étais dans la salle avec d’autres personnes de la radio. Lui était là aux manettes, il a pu faire une captation, sonore celle-là, des tables rondes et il s’est aussi occupé pour la post-production. Olivier [Grieco] a pu mettre en ligne les trois émissions dans la rubrique Comme si vous y étiez. Vous les trouverez toutes les trois, je vous recommande leur écoute et on pourrait ensuite, à un autre moment, reparler, dans cette chronique ou ailleurs, de ces idées et de la sobriété numérique aussi qui me tient, qui nous tient à cœur à Antanak.
Merci.

Frédéric Couchet : Merci Isabelle. Je vais préciser que pour retrouver les podcasts de ces trois émissions, vous allez sur le site causecommune.fm dans la partie Comme si vous y étiez. Le site web du collectif Attention dont tu viens de parler est collectifattention.com. Au-delà de l’attention ça me fait penser aussi que c’est aujourd’hui le droit, à un moment, de ne rien faire, pas de ne faire rien, de ne rien faire, rêvasser, flâner dans sa tête, rêver. Aujourd’hui avec tous les écrans partout, toutes les sollicitations, on n’a plus cette possibilité-là. J’encourage toutes et tous à le faire.
N’hésitez pas à écouter les podcasts des trois émissions, des captations audio qu’Isabelle a citées et si vous avez des réactions n’hésitez pas à nous contacter soit sur le salon web causecommune.fm, soit par les adresses de contact sur le site de la radio.
Isabelle, je te remercie et je te souhaite une belle fin de journée.

Isabelle Carrère : Merci. Bonne suite à vous.

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons de vote électronique, ce sera la rediffusion d’un sujet long déjà diffusé en janvier 2022, mais l’actualité des élections fait que c’est encore pertinent.
En attendant nous allons écouter un artiste malheureusement décédé il y a quelques années, que nous regrettons. Nous allons écouter Women Thoughts par Cyber SDF. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Women Thoughts par Cyber SDF.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Women Thoughts par le regretté Cyber SDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.
Juste avant la pause musicale Isabelle Carrère nous parlait du collectif Attention et de trois podcasts à écouter. Je viens de rajouter les références sur le site de l’émission, sur libreavous.org/139. Vous pourrez retrouver les trois podcasts.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

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Les enjeux du vote électronique, avec Chantal Enguehard, enseignante-chercheuse en informatique à l’Université de Nantes et directrice de recherche à l’Observatoire du vote, et François Poulain, trésorier de l’April et artisan du logiciel libre chez Cliss XXI. Rediffusion d’un sujet diffusé initialement le 25 janvier 2022

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur le vote électronique. C’est une rediffusion d’un sujet diffusé en janvier 2022, mais qui est toujours d’actualité. Le sujet était animé par mon collègue Étienne Gonnu. On se retrouve dans une heure.

[Virgule sonore]