Émancipation médiatique selon Framasoft - Pouhiou - RTS

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Titre : Lʹémancipation médiatique selon Framasoft

Intervenants : Pouhiou Noénaute - Thierry Fischer

Lieu : Émission Médialogues - RTS

Date : avril 2018

Durée : 18 min 45

Écouter ou télécharger le podcast

Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Description

Les multiples scandales liés à l'exploitation abusive des données personnelles commercialisées par les géants numériques d'Internet incitent de plus en plus 'usagers à opter pour des logiciels libres. L'association française Framasoft développe maintenant un système de partage de vidéos sans traçages des visiteurs et sans capitalisation des productions individuelles. Avec Pouhiou Noénaute, vidéaste et porte-parole de Framasoft.

Transcription

Thierry Fischer : Vous êtes sur La 1ère. Vous écoutez Médialogues.

Une communauté de bénévoles souhaite proposer une alternative à YouTube, la plateforme américaine à but lucratif siphonne démesurément les vidéos mises en ligne gratuitement pas les usagers. En somme, eh bien oui, en somme, il faut que ça change. Pouhiou Noénaute, bonjour.

Pouhiou : Bonjour.

Thierry Fischer : Pouhiou Noénaute, merci d’accorder votre disponibilité à Médialogues depuis les studios de Radio France à Toulouse. Vous êtes chargé de communication de ce projet dont on va décrire les contours et puis aussi l’un des artisans de cette nouvelle proposition. Nombreux, c’est vrai, sont celles et ceux qui souhaitent une alternative aux gants américains du numérique, pas seulement concernant YouTube, mais concernant les moteurs de recherche, les plateformes d’échange, réseaux sociaux, etc. Vous allez, bien sûr, nous expliquer tout ce projet. Mais tout d’abord on va commercer peut-être par le début. YouTube, ça ne vous convient pas ?

Pouhiou : Non. Et pourtant j’ai pu l’utiliser dans ma vie, comme tout le monde j’imagine. Mais non, ça ne me convient pas parce que YouTube, en fait, centralise à la fois les contenus créés par les personnes, mais, du coup aussi, centralise nos attentions, parce que comme on trouve de tout sur YouTube, du cours vidéo de tricot à la vidéo de chatons, eh bien on va forcément aller là et, pendant ce temps que nos attentions sont captées par Google, eh bien toutes nos données personnelles, c’est-à-dire les traces de notre intimité sont notées par Google et revendues à des publicitaires. Et c’est un modèle qui ne me convient pas personnellement.

Thierry Fischer : Alors ce nouveau projet, qu’on va décrire là dans une minute, est inscrit dans une démarche générale de votre association qui s’appelle Framasoft. Vous nous expliquez un petit peu la philosophie de cette intention-là et de cette organisation ?

Pouhiou : En fait, Framasoft, notre philosophie ça a toujours été d’apporter des outils concrets pour que les personnes comme vous et moi puissent avoir plus de libertés numériques dans leur vie. Ça, ça a été pendant des années, on a fait un annuaire de logiciels libres, une maison d’édition de romans ou de manuels libres, sous licence libre.

Depuis trois ans, enfin entre 2014 et 2017, nous avons eu une campagne qui s’appelait Dégooglisons Internet pour éduquer les personnes aux dangers de la centralisation des données personnelles, pour proposer des alternatives. Nous avons plus de 32 services en ligne qui sont des alternatives aux outils les plus communs qu’on utilise dans notre vie numérique. Je peux penser à Doodle, WeTransfer, je ne sais pas, Google Docs, Google Agenda, des choses comme. Et enfin, le but étant de décentraliser ; ce n’est pas de créer une nouvelle centralisation des données chez des Français qui se veulent éthiques, mais le but c’est que vous veniez chez nous, que vous testiez, et que ce soit une première marche vers votre indépendance numérique, vers l’hébergement de vos propres données.

Thierry Fischer : Et cette communauté, c’est une communauté de bénévoles. La caractéristique de ceux qui participent elle est éducative ?

Pouhiou : Oui. Nous sommes une association d’éducation populaire et c’est très important pour nous. L’idée c’est que le numérique, aujourd’hui, est devenu une partie essentielle de nos vies, de nos sociétés, voire de nos citoyennetés et, du coup, il nous semble important d’apporter des outils absolument concrets pour que des personnes puissent avoir une vie numérique saine. On parle souvent d’hygiène numérique parce que, eh bien, c’est quelque chose qui s’apprend comme on apprend l’hygiène quand on est enfant, en fait. Et le numérique étant hyper-récent dans nos sociétés, on n’a pas encore eu ces réflexes d’hygiène et donc il y a beaucoup de gens qui essayent d’y penser et d’apporter ces savoir-faire-là.

Thierry Fischer : Quand je dis que la démarche a, en quelque sorte, des racines éducatives, c’est parce qu’on pense aux jeunes, finalement. On leur a donné, le monde des adultes leur a donné une sorte de Ferrari numérique à mettre dans la poche, avec un accès direct à tout, à énormément de choses à travers le monde via le numérique. Il manque un maillon éducatif, finalement, à l’usage de ce nouveau monde.

Pouhiou : Tout à fait. Et les jeunes, mais pas que parce que, finalement, nous-mêmes adultes, ce numérique est arrivé extrêmement rapidement dans nos vies. Je veux dire, je suis né dans un monde sans Internet, sans téléphone sans fil, je ne parle même pas de téléphone mobile, téléphone sans fil, et j’ai vécu toute cette transition numérique-là qui est formidable, qui permet des choses incroyables : je peux découvrir des personnes que je n’aurais jamais découvertes autrement dans ma vie. Mais oui, il y a une notion d’éducation à faire. Or l’éducation pourrait être pontifiante. Quand on fait parfois des cours un peu académiques et tout ça, nous, notre but, ce n’est pas d’éduquer comme ça ; notre but c’est de dire «  regarde, voici un outil pratique, voici un outil concret numérique et, derrière cet outil, il y a des valeurs parce que cet outil fonctionne un peu comme ça ». Et, au final, on essaie comme ça d’apporter un peu plus de savoir aux personnes vraiment par la pratique.

Thierry Fischer : Et vous, Pouhiou, vous êtes précisément particulièrement impliqué, parce que, outre votre rôle dans cette association concernant la communication de ce que vous faites et la mise en place de ce futur projet, eh bien vous êtes un youtubeur, ce qu’on appelle un youtubeur mais vous n’aimez pas ce terme !

Pouhiou : Ah non ! Non ! S’il vous plaît, non ! Je préfère le terme vidéaste puisque j’ai créé des vidéos. J’ai cessé ma chaîne il y a un peu plus d’un an maintenant, mais j’avais une chaîne de vidéos sur YouTube qui avait plus de 40 000 abonnés. Et, en effet, le terme youtubeur, je ne sais pas, quelqu’un qui court on ne va pas dire que c’est un « nikeur » ou un « adidaseur », vous voyez ! Donc je ne sais pourquoi je mettrais un logo YouTube. YouTube, pour moi, c’était juste ou outil parce que je voulais faire passer un message à une certaine population, que je savais que cette population était enfermée chez YouTube et que c’était donc là que je devais publier mes vidéos.

Thierry Fischer : Donc prise de conscience, alternative, un nouveau projet se profile. De quoi s’agit-il concernant cette alternative YouTube, Pouhiou Noénaute ?

Pouhiou : C’est basé sur le logiciel PeerTube. L’idée c’était de dire il existe déjà des logiciels qui vous permettent de faire votre propre petit YouTube sur votre serveur si vous le désirez et si vous le savez le faire. Ça veut dire mettre toutes vos vidéos à un seul endroit et puis les gens viennent les chercher sur cet endroit sur Internet. Le problème c’est que c’est pensé de la même manière que YouTube, on centralise les vidéos au même endroit. Si vous n’avez pas un catalogue des vidéos assez grand, eh bien, du coup, les gens vont s’en foutre et ne pas aller sur votre site, simplement.

Thierry Fischer : Comme c’est le cas, par exemple, dans l’usage que l’on peut faire de Dailymotion, plateforme centralisatrice de vidéos, mais c’est français et visiblement ça ne séduit pas grand monde.

Pouhiou : On est bien d’accord. Oui. Ou alors Vimeo qui a un public mais qui est un public, là aussi, assez marginal par rapport à celui de Google. Donc en effet, il y a cette problématique-là de il faut avoir un grand catalogue de vidéos. Google, lui, est obligé de centraliser tout pour capter les données. Mais est-ce qu’on est obligé de faire comme lui ? Est-ce qu’on ne peut pas penser hors de ces sentiers battus. Et donc là, l’idée c’est que PeerTube permette de fédérer des hébergements vidéos. C’est-à-dire que les personnes qui le souhaitent pourront créer leur petit site de vidéos, qui ressemblera à une espèce de YouTube, mais en se fédérant c’est-à-dire que, par exemple, vous créez « RTS Tube », je crée « PouhiouTube », eh bien si je vous suis, vos vidéos apparaîtront sur mon site. Et ainsi cela permet, en se suivant les uns les autres, d’augmenter le catalogue et de répartir l’espace disque, parce que c’est ce qui coûte cher quand on héberge de la vidéo, la vidéo ça prend de la place sur des disques durs, eh bien ça répartit entre plusieurs personnes qui hébergent différemment. Voilà. Ça c’est ???

Thierry Fischer : Nos vidéos, en quelque sorte, si je suis un particulier, que je veux créer une fameuse chaîne dans votre système en somme, mes vidéos restent chez moi, mais connecté à l’intérieur d’un réseau, chacun pourra les consulter. Et c’est ça la grande différence.

Pouhiou : Exact. C’est ça la grande différence. C’est une des premières grandes différences. L’autre grande différence, c’est que si vous hébergez des vidéos votre plus grande chose à craindre, techniquement, c’est le succès. Si une de vos vidéos fait le buzz, ça veut dire que plein de personnes, en même temps, iront télécharger la vidéo depuis votre serveur – c’est comme ça que marche un streaming, c’est du téléchargement en fait –, si ça arrive, votre serveur a toutes les chances de tomber. Et là, il y a une deuxième technologie qui rentre en compte, je ne vais pas rentrer dans les détails, mais juste, ça permet que pendant que vous, spectateur, vous regardez la vidéo sur votre onglet et que moi aussi je le fais depuis Toulouse, eh bien nos ordinateurs s’échangent des bouts de fichiers. Et ça, ça permet de décharger comme ça les serveurs des hébergeurs vidéos. Et avec ces deux solutions techniques alliées, on peut rendre, finalement, la diffusion de vidéos accessible au plus grand nombre. Alors qu’avant il fallait avoir les moyens colossaux de Google Alphabet, une des premières capitalisations boursières au monde.

Thierry Fischer : Est-ce que votre organisation, donc dans cet esprit, va sélectionner la nature des vidéos ; j’imagine qu’une vidéo d’un petit chaton qui fait un saut périlleux ou une vidéo de ce que l’on appelle un tutorial musical de piano, de guitare ou autre, est-ce qu’il y a une sélection ? Une hiérarchisation et autre ?

Pouhiou : Justement, c’est ça tout l’intérêt, c’est que notre organisation ne sélectionnera les vidéos que pour notre site d’hébergement vidéos à nous. Vous, si vous créez votre site d’hébergement vidéos, vous sélectionnerez les vidéos que vous voulez accueillir ou pas, ou les autres hébergeurs dont vous voulez ajouter les vidéos à votre catalogue. Et c’est ça tout l’avantage. C’est, qu’en fait, vous allez avoir tous les pouvoirs que Google a sur YouTube et toutes les responsabilités aussi.

9’ 26

Thierry Fischer : En somme, ça veut dire qu’on peut mettre en ligne un peu tout et n’importe quoi ? Je caricature.